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31/01/2024 | FRANCE | N°52400118

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 janvier 2024, 52400118


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 31 janvier 2024








Cassation partielle




M. SOMMER, président






Arrêt n° 118 FS-B


Pourvoi n° E 21-25.273








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 JANVIER 2024


La société Derichebourg propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-25.273 contre l'arrêt rendu le 18 no...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 31 janvier 2024

Cassation partielle

M. SOMMER, président

Arrêt n° 118 FS-B

Pourvoi n° E 21-25.273

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 31 JANVIER 2024

La société Derichebourg propreté, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-25.273 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2021 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [P], domicilié [Adresse 1],

2°/ à la société Fandi, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée Fandi emballages,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grandemange, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Derichebourg propreté, de la SCP Poupet et Kacenelenbogen, avocat de M. [P], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Fandi, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 décembre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Grandemange, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 18 novembre 2021), M. [P], engagé par la société Derichebourg propreté à compter du 16 avril 2018, en qualité de manutentionnaire, était affecté sur le site de la plateforme logistique de La Poste située à [Localité 5], en exécution du contrat de prestations de services de chargement et déchargement de colis légers dit « vrac » conclu pour ce site avec la société Colis poste laquelle avait mis du matériel à la disposition de la société prestataire.

2. Par lettre du 18 août 2020, la société Colis poste a informé la société Derichebourg propreté que le contrat de prestation de services ne serait pas reconduit et qu'il viendrait à échéance le 19 octobre 2020.

3. La société Fandi emballages, aujourd'hui dénommée Fandi, qui s'était vue confier l'exploitation de la plateforme logistique à compter du 20 octobre 2020, ayant refusé de poursuivre le contrat de travail des quatorze salariés affectés à l'exécution de ce marché, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, statuant en référé, de diverses demandes formées contre les sociétés entrante et sortante.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'entreprise sortante fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est restée l'employeur du salarié après le 20 octobre 2020, en l'absence de transfert de son contrat de travail à la société Fandi emballages et de la condamner à rembourser à cette dernière à titre provisionnel les sommes versées au salarié dans le cadre de l'exécution de droit de l'ordonnance infirmée, au titre des salaires et charges patronales afférentes, alors « que constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre ; que l'existence d'un ensemble organisé suppose l'existence de moyens d'exploitation et d'un personnel spécialement affectés à l'activité mais pas nécessairement celle d'un personnel d'encadrement dédié ; que le transfert d'une entité économique s'opère quand des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'activité de gestion des chargements de véhicules en vrac sur le site de La Poste de [Localité 3] [Localité 5] avait été transférée de la société Derichebourg propreté à la société Fandi emballages et que ce transfert s'était accompagné d'un transfert indirect d'éléments corporels nécessaires à l'exploitation appartenant à la société La Poste ; que la société Derichebourg propreté soutenait que l'activité dite "vrac" transférée poursuivait un objectif propre, distinct de l'activité du client, et que l'autonomie de l'entité était établie tant par la différenciation de cette activité des autres activités du client en termes de locaux et d'horaires que par l'existence de moyens matériels et d'un personnel spécifiquement affecté et formé à cette activité, l'existence d'un personnel d'encadrement n'étant pas en soi une condition pour caractériser une entité autonome mais un simple indice ; qu'en se fondant, pour exclure l'existence d'une entité économique autonome, sur la seule absence de preuve de l'existence, au jour du transfert, d'un encadrement dédié à l'activité, au lieu de rechercher si les moyens d'exploitation utilisés par la société Derichebourg propreté et son personnel hors encadrement n'étaient pas spécialement affectés à l'activité transférée et ne poursuivaient pas un objectif propre, la cour d'appel a violé l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1224-1 du code du travail :

5. Selon ce texte, interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. Constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre.

6. Si la perte d'un marché n'entraîne pas, en elle-même, l'application de ce texte, il en va autrement lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome.

7. Pour dire que la société sortante était restée l'employeur du salarié, en l'absence de transfert de son contrat de travail à la société entrante, l'arrêt constate d'abord qu'il ressort des contrats de prestations logistiques signés avec la société La Poste et des cahiers des charges, qu'une activité économique a bien été transférée de la société Derichebourg propreté à la société Fandi emballages : il s'agit de l'activité de gestion des chargements de véhicules en vrac sur le site de La Poste de [Localité 3] [Localité 5], ce transfert s'étant accompagné d'un transfert indirect d'éléments corporels appartenant à la société La Poste.

8. Il retient ensuite, qu'il ne ressort pas, en revanche, des éléments du dossier la preuve de l'existence, au jour du transfert, d'un encadrement dédié à l'activité, alors que le contrat signé entre La Poste et la société Derichebourg propreté stipule que « le prestataire s'engage à assurer un encadrement et une surveillance efficaces » et que celle-ci reconnaît dans ses écritures que « cet encadrement était nécessaire à la bonne exécution de la prestation. »

9. Il relève encore que le tableau des quatorze salariés concernés par un transfert des contrats de travail au 20 octobre 2020, annexé par la société Derichebourg propreté à son courrier du 11 septembre 2020 adressé à la société entrante, comprend uniquement des ouvriers et aucun personnel identifié comme personnel d'encadrement et que le versement d'une prime de responsabilité à MM. [G] et [N], ouvriers manutentionnaires, ne suffit pas à démontrer que ces derniers s'étaient vus confier des fonctions d'encadrement ni qu'ils en avaient les compétences, alors, d'une part, que la société sortante ne verse aucune autre pièce aux débats de nature à établir la preuve de ces nouvelles attributions (avenants aux contrats de travail, fiches de poste ...), d'autre part, que la classification des salariés concernés (niveau « agents de service » - échelon 1) correspond à l'échelon le plus bas de la convention collective et exclut ainsi toute fonction d'encadrement et, enfin, qu'il est démontré que ces salariés percevaient déjà cette prime avant le départ du chef de site et de son adjoint, démontrant ainsi que cette gratification n'était pas justifiée par l'exercice de fonctions d'encadrement par intérim.

10. Il en déduit qu'en l'absence totale d'équipe d'encadrement et, partant, de moyens nécessaires à l'exploitation de l'entité transférée, il ne peut être considéré que cette dernière constituait un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre.
11. En statuant ainsi, alors que la circonstance que deux des salariés encadrant l'activité n'aient pas été repris par le nouvel entrepreneur ne suffisait pas à exclure l'existence d'un transfert d'une entité économique maintenant son identité, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail et qu'il résultait de ses constatations que la société entrante avait repris le marché de prestations logistiques confié à la société sortante et poursuivi, dans les mêmes locaux et avec les mêmes équipements, la même activité à laquelle étaient affectés quatorze salariés manutentionnaires, en sorte qu'il y avait transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Derichebourg propreté est restée l'employeur du salarié après le 20 octobre 2020 et l'a condamnée à rembourser à la société Fandi emballages à titre provisionnel les sommes versées au salarié dans le cadre de l'exécution de droit de l'ordonnance infirmée, au titre des salaires et charges patronales afférentes, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 18 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Fandi aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400118
Date de la décision : 31/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Entité économique - Caractérisation - Cas - Reprise du marché de prestation avec identité de locaux et d'équipements - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Entité économique - Caractérisation - Cas - Indifférence de l'absence de reprise de deux salariés cadres - Détermination - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Entité économique - Notion CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Entité économique - Caractérisation - Office du juge

Constitue, au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre. Encourt par conséquent la censure l'arrêt qui retient que la circonstance que deux des salariés encadrant l'activité n'aient pas été repris par le nouvel entrepreneur suffisait à exclure l'existence d'un transfert d'une entité économique maintenant son identité, alors qu'il résultait de ses constatations que la société entrante avait repris le marché de prestations logistiques confié à la société sortante et poursuivi, dans les mêmes locaux et avec les mêmes équipements, la même activité à laquelle étaient affectés quatorze salariés manutentionnaires, en sorte qu'il y avait transfert d'éléments corporels et incorporels significatifs nécessaires à l'exploitation


Références :

Article L. 1224-1 du code du travail, interprété à la lumière de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 18 novembre 2021

Sur d'autres illustrations d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à rapprocher : Soc., 26 février 2003, pourvoi n° 00-22026 (rejet) ;

Soc., 26 mai 2004, pourvoi n° 02-17642 (rejet) ;

Soc., 20 mars 2007, pourvoi n° 05-44268 (rejet) ;

Soc., 19 décembre 2007, pourvoi n° 06-18442 (rejet) ;

Soc., 17 juin 2009, pourvoi n° 08-42615, Bull. 2009, V, n° 151 (rejet) et les arrêts cités ;

Soc., 30 octobre 2013, pourvoi n° 12-60575 (rejet) ;

Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-44396 (rejet) ;

Soc., 21 octobre 2009, pourvoi n° 08-41673 (rejet). Sur l'appréciation in concreto de l'existence du transfert d'une entité économique autonome conservant son identité par la CJUE : CJUE, arrêt du 26 novembre 2015, Aira Pascual e.a., C-509/14 ;

CJUE, arrêt du 13 septembre 2017, Jouini e.a, C-458/05 ;

CJUE, arrêt du 19 octobre 2017, Securitas, C-200/16.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 jan. 2024, pourvoi n°52400118


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Poupet et Kacenelenbogen, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400118
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