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26/05/2004 | FRANCE | N°02-17642

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 mai 2004, 02-17642


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'envisageant d'externaliser un certain nombre de services généraux relevant jusqu'alors des sociétés constituant l'unité économique et sociale EMAP, la société EMAP France a soumis son projet, pour information et consultation au comité d'entreprise de cette unité, qui s'est réuni et en a débattu les 26 juillet, 28 août, 11 septembre et 26 octobre 2001, en prenant connaissance de l'avis de l'expert mandaté à cette fin ; que, contestant la régularité de la procédu

re de consultation et soutenant en outre que les dispositions de l'article L. ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu qu'envisageant d'externaliser un certain nombre de services généraux relevant jusqu'alors des sociétés constituant l'unité économique et sociale EMAP, la société EMAP France a soumis son projet, pour information et consultation au comité d'entreprise de cette unité, qui s'est réuni et en a débattu les 26 juillet, 28 août, 11 septembre et 26 octobre 2001, en prenant connaissance de l'avis de l'expert mandaté à cette fin ; que, contestant la régularité de la procédure de consultation et soutenant en outre que les dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail n'étaient pas applicables aux vingt salariés qui devaient passer au service de la société Dalkia FM, pressentie pour gérer ces services, le comité d'entreprise, le comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et trois syndicats ont saisi le tribunal de grande instance pour que le transfert des salariés vers la société Dalkia soit suspendu ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 12 juin 2002) d'avoir dit que l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail était applicable et d'avoir, en conséquence, débouté le comité d'entreprise et les organisations syndicales de leurs demandes tendant à la mise en place d'un plan social et à l'annulation de l'opération de transfert des contrats de travail alors, selon le moyen :

1 / que selon l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, interprété au regard de la directive n° 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001, article 1.1-b, les contrats de travail sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de moyens en vue de la poursuite d'une activité économique, que celle-ci soit essentielle ou accessoire ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que seules des activités techniques et distinctes, exécutées auparavant par une même entreprise et pour le fonctionnement de celle-ci, ont été confiées à une autre société ; qu'il s'en déduit que ces activités ne constituaient pas un ensemble organisé poursuivant un objectif propre, dissociable du fonctionnement de l'entreprise prétendument cédante ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2 / que la cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, relever que les services généraux de la société EMAP France concernés exerçaient les activités de pilotage de site et management de prestations, maintenance des installations techniques, maintenance et entretien des bâtiments, accueil et standard téléphonique, traitement du courrier, manutention et petits déménagements, gestion de contrats de sous-traitance, et affirmer ensuite que ces activités diverses poursuivaient un objectif propre, soit la gestion et la maintenance des immeubles, et étaient détachables de l'objet social des sociétés de l'unité économique et sociale EMAP France qui est le journalisme ; que de ce chef, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que, dans leurs conclusions, les organisations représentatives du personnel et les organisations syndicales intéressées faisaient valoir que non seulement les activités en cause étaient hétérogènes, à ce point qu'au sein de la prétendue société cessionnaire, elles seraient gérées dans deux filières et intégrées dans des divisions opérationnelles différentes, mais encore que les services généraux n'avaient pas de comptabilité analytique ou budgétaire, ne disposaient pas d'actifs propres, de stocks ou d'éléments incorporels qui seraient transférés ; que la responsable des services généraux n'était pas transférée, qu'il s'agissait donc non du transfert d'une activité économique, mais de la sous-traitance d'activités ; qu'enfin, dans le projet soumis à consultation, l'ensemble des salariés continuera d'être affecté sur le site et d'obéir aux ordres du responsable administratif des services généraux de la société EMAP France qui, lui, n'était pas transféré, la société EMAP France continuant de payer les factures relatives aux services généraux, pouvant ainsi caractériser une opération de main-d'oeuvre ; que faute d'avoir pris en considération ces circonstances essentielles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail ;

Mais attendu que, sans se contredire et par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a relevé que, malgré la diversité de leurs missions, les services généraux des sociétés relevant de l'unité économique et sociale EMAP France disposaient d'une organisation propre encadrée par un responsable de l'ensemble des services et par trois responsables administratifs de site, dirigeant des équipes autonomes composées d'un personnel spécialisé, que les activités concernées poursuivaient un objectif propre, portant sur la gestion et la maintenance des immeubles et détachable de l'activité principale des sociétés composant l'unité économique et sociale, et que le transfert de ces activités à une entreprise extérieure s'accompagnait du transfert de tous les salariés qui y étaient affectés, des matériels et des contrats s'y rapportant ; qu'elle a pu déduire de ces constatations et énonciations le transfert d'une entité économique autonome, dont l'activité était poursuivie par le cessionnaire et, par voie de conséquence, le maintien de plein droit des contrats de travail des salariés relevant de ces services avec le nouvel employeur ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la procédure d'information-consultation du comité d'entreprise de l'unité économique et sociale EMAP France était achevée et d'avoir en conséquence débouté les organisations représentatives du personnel et les organisations syndicales intéressées de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1 / que lorsqu'une mesure concernant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise s'inscrit dans une procédure complexe comportant des décisions échelonnées, le comité d'entreprise doit être consulté à l'occasion de chacune d'elles ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de fait de l'arrêt attaqué que le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale EMAP France n'avait été convoqué, pour être informé et consulté sur le projet d'externalisation des services généraux de la société EMAP France qu'après que la société ait déjà confié à un cabinet extérieur le soin de rechercher des entreprises de "faciliy management", que celui-ci ait lancé un appel d'offres auquel avaient répondu plusieurs sociétés prestataires de tels services, dont notamment la société Dalkia, et après que la société EMAP France ait considéré que cette société présentait les meilleures garanties et ait envisagé de lui transférer son activité "services généraux" ; qu'il s'en déduit dès lors que le comité d'entreprise n'était consulté que dans la phase finale de ce projet d'externalisation, alors que ni le projet dans sa phase initiale, ni l'appel d'offres, ni les réponses à cet appel d'offres n'avaient été au préalable soumis au comité d'entreprise ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 431-5 et L. 432-1 du Code du travail ;

2 / que dans leurs conclusions d'appel, les organisations représentatives du personnel et les organisations syndicales faisaient valoir que la direction de la société avait finalement communiqué aux élus l'appel d'offres élaboré le 30 mai 2001 avec le cabinet Khephren, que cette pièce démontrait, à elle seule, que la décision d'externalisation était préalable à la consultation du comité d'entreprise sur le projet, consultation qui portait non pas sur le principe même de la décision, mais uniquement sur le transfert des salariés au mieux-disant de cet appel d'offres ; que, dès lors, en se bornant à affirmer qu'aucun élément du dossier ne permettait de dire que la décision d'externalisation avait été prise avant consultation du comité d'entreprise, sans examiner ce document précisément invoqué, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

3 / qu'il était encore souligné que les dispositions de l'article L. 432-2 du Code du travail n'avaient pas été respectées dès lors que le comité d'entreprise n'avait pas été consulté postérieurement à l'avis du CHSCT qui n'avait donc pu lui être transmis ; qu'en se bornant à relever que les procédures d'information-consultation avaient été menées parallèlement devant le comité d'entreprise et le CHSCT, ce dernier ayant été consulté sur les conséquences dudit projet en matière d'hygiène, sécurité et conditions de travail, et ayant pu donner son avis, la cour d'appel n'a, en réalité, pas répondu à ce chef précis des conclusions élevées devant elle et à privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a fait ressortir que la procédure d'information et de consultation avait été engagée avant que les conditions du projet d'externalisation des services ne soient définitivement arrêtées et avant toute mise en oeuvre de ce projet, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Attendu, ensuite, que, par motifs adoptés, la cour d'appel a répondu aux prétentions invoquées dans la troisième branche du moyen ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'employeur ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 02-17642
Date de la décision : 26/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (14e Chambre), 12 juin 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 mai. 2004, pourvoi n°02-17642


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CHAGNY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.17642
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