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21/12/1999 | FRANCE | N°99-422

France | France, Conseil constitutionnel, 21 décembre 1999, 99-422


Le Conseil constitutionnel a été saisi, d'une part, le 3 décembre 1999, par MM. José ROSSI, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, MM. Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Dominique BAUDIS, François BAYROU, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Marie-Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Yves BUR, Hervé de CHARETTE, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Renaud DUTREIL, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Germain GENGENWIN, Gérard GRIGNON, Hubert GRIMAULT,

Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernad...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, d'une part, le 3 décembre 1999, par MM. José ROSSI, Jean-Louis DEBRÉ, Philippe DOUSTE-BLAZY, MM. Pierre-Christophe BAGUET, Jacques BARROT, Dominique BAUDIS, François BAYROU, Claude BIRRAUX, Emile BLESSIG, Mmes Marie-Thérèse BOISSEAU, Marie-Christine BOUTIN, MM. Loïc BOUVARD, Yves BUR, Hervé de CHARETTE, Charles de COURSON, Yves COUSSAIN, Marc-Philippe DAUBRESSE, Jean-Claude DECAGNY, Léonce DEPREZ, Renaud DONNEDIEU de VABRES, Renaud DUTREIL, Alain FERRY, Jean-Pierre FOUCHER, Claude GAILLARD, Germain GENGENWIN, Gérard GRIGNON, Hubert GRIMAULT, Pierre HÉRIAUD, Patrick HERR, Mmes Anne-Marie IDRAC, Bernadette ISAAC-SIBILLE, Christian KERT, Jacques LE NAY, François LÉOTARD, Maurice LEROY, Roger LESTAS, Maurice LIGOT, Christian MARTIN, Pierre MÉHAIGNERIE, Pierre MICAUX, Hervé MORIN, Jean-Marie MORISSET, Dominique PAILLÉ, Henri PLAGNOL, Jean-Luc PRÉEL, François ROCHEBLOINE, Rudy SALLES, André SANTINI, François SAUVADET, Michel VOISIN, Jean-Jacques WEBER et Pierre-André WILTZER, Mme Nicole AMELINE, MM. François d'AUBERT, Mme Sylvia BASSOT, MM. Jacques BLANC, Roland BLUM, Dominique BUSSEREAU, Pierre CARDO, Antoine CARRÉ, Pascal CLÉMENT, Georges COLOMBIER, Bernard DEFLESSELLES, Francis DELATTRE, Franck DHERSIN, Laurent DOMINATI, Dominique DORD, Charles EHRMANN, Nicolas FORISSIER, Gilbert GANTIER, Claude GATIGNOL, Claude GOASGUEN, François GOULARD, Pierre HELLIER, Michel HERBILLON, Aimé KERGUÉRIS, Marc LAFFINEUR, Jean-Claude LENOIR, Pierre LEQUILLER, Alain MADELIN, Jean-François MATTEI, Michel MEYLAN, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Paul PATRIARCHE, Bernard PERRUT, Jean PRORIOL, Jean RIGAUD, Jean ROATTA, Joël SARLOT, Jean-Pierre SOISSON, Guy TEISSIER, Gérard VOISIN, Jean-Claude ABRIOUX, Bernard ACCOYER, Mme Michèle ALLIOT-MARIE, MM. René ANDRÉ, André ANGOT, Philippe AUBERGER, Jean AUCLAIR, Gautier AUDINOT, Mmes Martine AURILLAC, Roselyne BACHELOT-NARQUIN, MM. Jean BARDET, François BAROIN, Christian BERGELIN, André BERTHOL, Léon BERTRAND, Jean-Yves BESSELAT, Jean BESSON, Franck BOROTRA, Bruno BOURG-BROC, Philipe BRIAND, Christian CABAL, Mme Nicole CATALA, MM. Richard CAZENAVE, Jean-Paul CHARIÉ, Jean-Marc CHAVANNE, François CORNUT-GENTILLE, Alain COUSIN, Jean-Michel COUVE, Charles COVA, Henri CUQ, Lucien DEGAUCHY, Arthur DEHAINE, Jean-Pierre DELALANDE, Patrick DELNATTE, Jean-Marie DEMANGE, Xavier DENIAU, Yves DENIAUD, Patrick DEVEDJIAN, Eric DOLIGÉ, Guy DRUT, Jean-Michel DUBERNARD, Jean-Pierre DUPONT, Christian ESTROSI, Jean-Claude ÉTIENNE, Jean FALALA, Jean-Michel FERRAND, François FILLON, Roland FRANCISCI, Yves FROMION, Robert GALLEY, Henri de GASTINES, Hervé GAYMARD, Jean-Pierre GIRAN, Michel GIRAUD, Jacques GODFRAIN, Louis GUÉDON, Jean-Claude GUIBAL, Lucien GUICHON, Gérard HAMEL, Michel HUNAULT, Michel INCHAUSPÉ, Christian JACOB, Didier JULIA, Alain JUPPÉ, Jacques KOSSOWSKI, Robert LAMY, Pierre LASBORDES, Thierry LAZARO, Pierre LELLOUCHE, Jean-Claude LEMOINE, Thierry MARIANI, Alain MARLEIX, Philippe MARTIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Jacques MASDEU-ARUS, Mme Jacqueline MATHIEU-OBADIA, MM. Gilbert MEYER, Charles MIOSSEC, Pierre MORANGE, Renaud MUSELIER, Jacques MYARD, Jean-Marc NUDANT, Robert PANDRAUD, Jacques PÉLISSARD, Etienne PINTE, Bernard PONS, Robert POUJADE, Didier QUENTIN, Jean-Bernard RAIMOND, André SCHNEIDER, Bernard SCHREINER, Frantz TAITTINGER, Jean TIBÉRI, Georges TRON, Anicet TURINAY, Jean UEBERSCHLAG, Léon VACHET, François VANNSON, Roland VUILLAUME, Jean-Luc WARSMANN, Mme Marie-Jo ZIMMERMANN et M. Patrick OLLIER, députés, et, d'autre part, le 9 décembre 1999, par MM. Henri de RAINCOURT, Charles Henri de COSSÉ-BRISSAC, François TRUCY, Jean-Paul ÉMIN, Ambroise DUPONT, Jean-Claude CARLE, Jean-François HUMBERT, Hubert FALCO, Jean CLOUET, Jacques DOMINATI, Marcel-Pierre CLÉACH, Philippe NACHBAR, Mme Janine BARDOU, MM. James BORDAS, Louis BOYER, Nicolas ABOUT, Jean-Léonce DUPONT, Mme Anne HEINIS, MM. Christian BONNET, Serge MATHIEU, Jean-Paul ÉMORINE, Roland du LUART, José BALARELLO, Jean BOYER, Joël BOURDIN, Jean PÉPIN, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Louis GRILLOT, Guy POIRIEUX, Henri REVOL, Michel PELCHAT, Charles REVET, Jean ARTHUIS, Denis BADRÉ, René BALLAYER, Michel BÉCOT, Claude BELOT, Maurice BLIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. André DULAIT, Yves FRÉVILLE, Francis GRIGNON, Pierre HÉRISSON, Claude HURIET, Henri LE BRETON, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Michel MERCIER, Philippe NOGRIX, Louis ALTHAPE, Jean BERNARD, Roger BESSE, Paul BLANC, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Michel CALDAGUES, Auguste CAZALET, Jean CHÉRIOUX, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Charles de CUTTOLI, Robert DEL PICCHIA, Christian DEMUYNCK, Charles DESCOURS, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Alain GÉRARD, Francis GIRAUD, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, André JOURDAIN, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Paul MASSON, Jean-Luc MIRAUX, Paul NATALI, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Henri de RICHEMONT, Josselin de ROHAN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, René TREGOUËT, Alain VASSELLE, Jean-Pierre VIAL, Serge VINÇON, Guy VISSAC, Jacques BIMBENET, Fernand DEMILLY, Jean-Marie RAUSCH, Raymond SOUCARET, André VALLET, Paul GIROD, Jean-Pierre FOURCADE et Lilian PAYET, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code des douanes ;

Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;

Vu les observations du Gouvernement enregistrées le 13 décembre 1999 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

- SUR LA PROCEDURE LEGISLATIVE :

1. Considérant que les requérants soutiennent que la loi déférée aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière ; qu'ils font valoir que, contrairement aux exigences de l'article 47-1 de la Constitution et de l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 22 juillet 1996 susvisée, le Sénat, saisi du projet de loi le 2 novembre 1999, ne s'est prononcé sur celui-ci que le 18 novembre, le texte ayant ainsi été transmis à l'Assemblée nationale, pour la deuxième lecture, avec un jour de retard ;

2. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 47-1 de la Constitution :

" Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique ;

Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45 " ;

3. Considérant qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale :

" L'Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Sénat doit se prononcer, en première lecture, dans un délai de quinze jours après avoir été saisi " ;

4. Considérant que la circonstance que le Sénat a disposé d'un jour de plus pour l'examen, en première lecture, du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne constitue pas une irrégularité de nature à vicier la procédure législative, dès lors que les délais d'examen du texte en deuxième lecture par les deux assemblées n'ont pas été affectés par le jour d'examen supplémentaire dont a bénéficié le Sénat ;

- SUR L'ARTICLE 5 :

5. Considérant que cet article insère, au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, un chapitre Ier quater intitulé : " Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " ; que ce nouveau chapitre comprend les articles L. 131-8 à L. 131-11 ; que l'article L. 131-8 crée le fonds précité, lequel est un établissement public administratif, et en définit la mission qui est de " compenser le coût, pour la sécurité sociale, des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale " ; que les articles L. 131-9 et L. 131-10 énumèrent, respectivement, les dépenses et les recettes de ce nouveau fonds ; que ces recettes comprennent une fraction du produit du droit de consommation sur les tabacs prévu à l'article 575 du code général des impôts, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés instituée par l'article 6 de la loi déférée, la taxe générale sur les activités polluantes prévue à l'article 266 sexies du code des douanes que modifie l'article 7 de la loi déférée, une fraction du produit du droit de consommation sur les alcools prévu à l'article 403 du code général des impôts, la contribution sur les heures supplémentaires prévue par la loi sur la réduction négociée du temps de travail -actuellement soumise à l'examen du Conseil constitutionnel- ainsi qu'une contribution de l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances ;

6. Considérant, en premier lieu, que les requérants font grief à l'article 5, ainsi qu'aux articles 6 et 7, d'être étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'ils soutiennent à cet égard que ces dispositions n'affectent pas l'équilibre financier des régimes obligatoires de base, mais sont destinées à " organiser, directement ou indirectement, une partie du financement de la réduction du temps de travail ou à compenser les charges qu'elle fera naître " ; qu'elles " se rattachent donc exclusivement à une mesure de politique de l'emploi et ne concernent pas les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale " ;

7. Considérant qu'aux termes du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale : " Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base... " ;

8. Considérant que le fonds créé par l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale a pour objet de compenser la baisse des cotisations patronales aux régimes de sécurité sociale résultant à la fois des allègements de cotisations réservés aux entreprises ayant conclu un accord collectif de réduction du temps de travail et des diminutions de charges sur les bas salaires ; que tant les dépenses de ce fonds, énumérées à l'article L. 131-9, que ses recettes, prévues à l'article L. 131-10, sont de nature à affecter de façon significative l'équilibre général des régimes obligatoires de base ; que les produits de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, instituée par l'article 6, et de la taxe générale sur les activités polluantes, dont l'article 7 aménage sensiblement le régime, ont vocation à abonder de façon substantielle ledit fonds ; que les dispositions de ces articles relatives à l'assiette et aux modalités de calcul et de recouvrement de ces impositions sont inséparables de l'article 5 qui institue le fonds ; que, par suite, les articles 4, 5 et 6 de la loi constituent les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble visant à répondre à un besoin de financement des régimes de base de sécurité sociale et sont au nombre des dispositions qui, en application du III de l'article L.O. 111-3 précité, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ;

9. Considérant, en second lieu, que les sénateurs requérants font également valoir que l'article 5 ne pouvait modifier, sans être contraire à l'article 18 de l'ordonnance susvisée portant loi organique relative aux lois de finances, l'affectation d'une partie du droit de consommation sur les alcools prévu à l'article 403 du code général des impôts, qui aurait dû, selon eux, figurer dans la loi de finances pour 2000 ;

10. Considérant que ce droit de consommation a été affecté par l'article 43 de la loi de finances pour 1994 au fonds de solidarité vieillesse prévu à l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale ; que, constituant une ressource d'un établissement public, il n'est pas soumis aux prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, lesquelles s'appliquent aux seules recettes de l'Etat ; que, dès lors, le grief doit être rejeté ;

- SUR L'ARTICLE 6 :

11. Considérant que cet article insère dans le code général des impôts deux articles 235 ter ZC et 1668 D ; que l'article 235 ter ZC prévoit que les redevables de l'impôt sur les sociétés ayant réalisé un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 50 millions de francs sont assujettis à une contribution sociale égale à 3,3 % de cet impôt pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2000 ; que l'article 1668 D prévoit les conditions de recouvrement de la nouvelle contribution ;

12. Considérant que les députés requérants soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant l'impôt ; qu'ils font valoir en particulier qu'il s'agit d'un " impôt sur l'impôt ", " extrêmement concentré puisque moins de 2 % des entreprises fourniront plus des trois-quarts de son rendement " et que ses " effets de seuil massifs " portent atteinte au principe posé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; que le mode d'imposition retenu ne prendrait pas en compte le type d'organisation et la structure juridique des entreprises, entraînant ainsi une " discrimination peu justifiable entre les sociétés selon le type d'organisation qu'elles ont choisi " ; qu'enfin, en instituant " ce prélèvement permanent sans limitation de durée ", le législateur aurait violé le principe d'autorisation annuelle de l'impôt ;

13. Considérant, en premier lieu, qu'aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle ne fait obstacle à ce que la loi fixe l'assiette d'un impôt par référence à un autre impôt ; qu'en l'espèce, les conditions d'assujettissement et le taux de la contribution contestée ne créent pas, entre les entreprises redevables, de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

14. Considérant, en deuxième lieu, que le premier alinéa du I de l'article 235 ter ZC prévoit un abattement annuel de cinq millions de francs sur le montant de l'impôt sur les sociétés, lequel constitue l'assiette de la contribution contestée ; que, par suite, le grief tiré de l'existence d'un " effet de seuil " manque en fait ;

15. Considérant, en troisième lieu, que le troisième alinéa du I et le II du même article comportent des dispositions spécifiques pour les groupes au sens de l'article 223 A du code général des impôts ; qu'en conséquence, manque également en fait le grief tiré de la non prise en compte, par le législateur, de la structure des entreprises ;

16. Considérant enfin que, s'il était loisible au législateur d'instituer une nouvelle imposition sur le bénéfice des sociétés, il lui appartiendra, conformément au premier alinéa de l'article 4 de l'ordonnance susvisée portant loi organique relative aux lois de finances, d'autoriser chaque année sa perception dans la loi de finances initiale ;

- SUR L'ARTICLE 7 :

17. Considérant que cet article, qui modifie les articles 266 sexies à 266 decies du code des douanes et insère dans ce code un nouvel article 266 terdecies, a pour objet d'étendre l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes à de nouvelles activités, de modifier les conditions d'assujettissement à cette taxe, ainsi que les règles relatives à son assiette et à ses modalités de recouvrement ;

18. Considérant que les députés requérants soutiennent que le législateur aurait méconnu le champ de sa propre compétence en " renvoyant à un décret en Conseil d'Etat la définition de l'assiette de la taxe " et en n'apportant pas les précisions suffisantes sur son recouvrement ; qu'au surplus, l'affectation de cette imposition à l'allègement des charges patronales serait " juridiquement sujette à caution ", sa vocation initiale étant de contribuer à l'amélioration de l'environnement ; qu'enfin, serait également méconnu le principe du consentement à l'impôt posé par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

19. Considérant, en premier lieu, que le nouveau 8 de l'article 266 nonies renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer " un coefficient multiplicateur compris entre un et dix pour chacune des activités exercées dans les installations classées, en fonction de sa nature et de son volume " ; que le montant de la taxe effectivement perçue chaque année par établissement, au titre de chacune de ces activités, est égal au produit de ce coefficient multiplicateur et du tarif de base ; qu'aux termes de cette disposition, rapprochés du 8 du I de l'article 266 sexies, le pouvoir réglementaire devra, pour fixer le coefficient multiplicateur applicable à une activité déterminée, tenir compte des risques particuliers que cette activité, tant par sa nature que par son volume, fait courir à l'environnement ; qu'en imposant ces exigences, le législateur a bien fixé les règles relatives à l'assiette et au taux de l'imposition en cause, conformément au sixième alinéa de l'article 34 de la Constitution ; que sont par ailleurs déterminées avec une précision suffisante par l'article 266 terdecies les règles relatives à son recouvrement ;

20. Considérant, en deuxième lieu, que la volonté du législateur d'affecter le produit de la taxe au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ne méconnaît aucun principe ni règle de valeur constitutionnelle ;

21. Considérant, enfin, que l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'a pas été méconnu dès lors que le Parlement a été clairement informé des motifs du choix opéré et y a librement consenti par son vote ;

- SUR L'ARTICLE 12 :

22. Considérant que, conformément au 2° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, l'article 12 prévoit pour 2000, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

23. Considérant que les députés auteurs de la première saisine mettent en doute la sincérité des prévisions inscrites à cet article, en se fondant sur trois griefs ;

24. Considérant, en premier lieu, qu'ils font valoir que ne seraient pas comptées dans ces prévisions les ressources du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ;

25. Considérant que les recettes prévisionnelles du fonds pour 2000 tirées du droit de consommation sur les tabacs, de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés, de la taxe générale sur les activités polluantes, du droit de consommation sur les alcools et de la contribution sur les heures supplémentaires sont prises en compte à l'article contesté dans la catégorie des " impôts et taxes affectés ", pour un montant global de 59,6 milliards de francs ; que la contribution de l'Etat prévue au 7° de l'article L. 131-10 nouveau du code de la sécurité sociale est comptée pour 4,3 milliards de francs au sein de la catégorie des " contributions publiques ", aucune recette n'étant à prévoir au titre des produits non consommés de l'année précédente, visés au 6° du même article ; que, dès lors, le grief allégué manque en fait ;

26. Considérant, en deuxième lieu, que les requérants invoquent " l'inadéquation entre certaines dépenses et les recettes qui leur sont affectées " s'agissant du fonds créé à l'article 5 ; qu'ils font valoir à cet égard que la taxe générale sur les activités polluantes et la contribution sur les heures supplémentaires auraient " vocation à décroître sinon à disparaître ", et que " l'affectation contre nature de certaines contributions au financement de dépenses de politique de l'emploi " serait " le fruit d'une erreur manifeste d'appréciation " ;

27. Considérant qu'à la supposer avérée, la décroissance à terme de certaines recettes du fonds ne met pas en cause la sincérité des prévisions de recettes pour l'année 2000 ; que l'affectation à un établissement public de contributions de nature fiscale n'est contraire à aucune règle, ni à aucun principe de valeur constitutionnelle ;

28. Considérant, en troisième lieu, que sont dénoncées trois " incohérences" entre la loi déférée et la loi de finances pour 2000 en cours d'examen au Parlement ; que l'article contesté n'aurait pas tiré les conséquences, sur le fonds de réserve des retraites, de l'affectation d'une fraction du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés prévue par la loi de finances au profit du budget annexe des prestations sociales agricoles ; que l'article contesté n'aurait pas davantage tiré les conséquences de la baisse des ressources des régimes de retraite induite par la réduction du taux de la " surcompensation " ; que la loi de finances n'aurait pas pris en compte les dispositions de la loi déférée relative aux charges du budget annexe des prestations sociales agricoles ;

29. Considérant, d'une part, qu'en ce qui concerne les ressources complémentaires du régime des retraites agricoles, les dispositions de coordination nécessaires avec la loi de finances ont été adoptées lors de l'examen en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale de la loi déférée ; que, le solde du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés étant affecté au cours de l'exercice suivant son encaissement, l'article contesté n'avait pas à traduire des incidences portant sur l'année 2001 ; qu'ont, d'autre part, été adoptées des dispositions assurant la coordination avec la baisse du taux d'application de la compensation spécifique entre régimes spéciaux d'assurance vieillesse ; que, dès lors, manquent en fait les deux premiers moyens invoqués ;

30. Considérant, enfin, que la circonstance que la loi de finances en cours d'examen n'aurait pas tiré les conséquences de certaines dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale serait sans effet sur la sincérité des prévisions de cette dernière ; qu'un tel grief ne pourrait être utilement présenté qu'à l'encontre de la loi de finances ;

31. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être écartés les moyens tenant au défaut de sincérité de l'article 12 ;

- SUR L'ARTICLE 15 :

32. Considérant que l'article 15 a pour objet d'instituer, au profit de la Caisse nationale des allocations familiales, une garantie de ressources pour la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002 ; que cet article prévoit qu'au cas, constaté à l'issue de cette période, où les ressources de la Caisse pour l'année 2002 s'avèreront inférieures à celles de l'année 1997, revalorisées selon des modalités qu'il précise, un versement de l'Etat permettra, " dans les conditions prévues par les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, de combler la différence observée " ;

33. Considérant que les députés requérants soutiennent que cet article " enfreint le principe de l'annualité budgétaire qui a été institué pour permettre au Parlement d'exercer un contrôle régulier sur les finances publiques " ;

34. Considérant que la disposition contestée ne pourrait affecter les conditions générales de l'équilibre financier de la branche famille qu'en 2003 et seulement dans la mesure où, comme cela ressort des termes mêmes de l'article 15, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour cette année le prévoiraient ; qu'elle n'a pas pour objet d'améliorer le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ; que cette disposition est donc étrangère au domaine de la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année 2000 ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer l'article 15 contraire à la Constitution ;

- SUR LE PARAGRAPHE V DE L'ARTICLE 16 :

35. Considérant qu'aux termes du V de l'article 16 : " La Caisse des dépôts et consignations verse en 2000, sur le résultat net de son activité pour compte propre dégagé au titre de l'exercice 1999, la somme de trois milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. " ;

36. Considérant que, selon les sénateurs requérants, ce versement constituerait l'affectation d'une recette non fiscale du budget de l'Etat, et méconnaîtrait de ce fait l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ;

37. Considérant que, conformément aux deuxième et quatrième alinéas de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, le fonds de réserve destinataire du versement est géré par le fonds de solidarité vieillesse, dont il ne constitue qu'une section comptable, dépourvue de la personnalité morale ; que le fonds de solidarité vieillesse est un établissement public de l'Etat à caractère administratif, comme le prévoit le troisième alinéa du même article ; que le paragraphe contesté crée, à la charge de la Caisse des dépôts et consignations, une contribution exceptionnelle dont aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter le produit à un établissement public ; qu'ainsi qu'il a été dit, les prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée ne s'appliquent pas aux recettes d'un établissement public ; que le grief allégué doit, dès lors, être rejeté ;

- SUR LES ARTICLES 21 ET 22 :

38. Considérant que ces dispositions ont pour objet de transférer, à compter du 1er janvier 2000, aux régimes d'assurance maladie certaines dépenses qui incombaient auparavant à l'Etat ; que l'article 21 transfère ainsi les dépenses afférentes au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonyme et gratuit et les centres de planification ou d'éducation familiale ; que l'article 22, quant à lui, transfère les dépenses afférentes aux cures de désintoxication réalisées avec hébergement dans des établissements de santé ;

39. Considérant que les députés requérants font valoir que ces transferts constituent des " débudgétisations " de dépenses relevant par nature du budget général de l'Etat ; que seraient dès lors méconnus les principes d'unité, d'universalité et de sincérité budgétaires ;

40. Considérant que les dépenses ainsi transférées à l'assurance maladie, qui ont directement trait à la sauvegarde de la santé publique, ne sauraient être regardées comme des dépenses qui devraient, par nature, figurer au budget de l'Etat ; que, par suite, le moyen doit être rejeté ;

- SUR L'ARTICLE 23 :

41. Considérant que les députés requérants font grief à l'article 23 de " ne se rattacher en aucune manière à l'objet financier qui est celui des lois de financement de la sécurité sociale " puisqu'il " ne comporte aucun mécanisme de régulation des dépenses des centres de santé ", alors que " ces centres représentaient 2,3 milliards de francs de dépenses " ;

42. Considérant que cet article insère, en son I, dans le livre VII du code de la santé publique, un titre IV nouveau intitulé : " Centres de santé " ; que ce titre comprend un article unique L. 765-1 qui définit les missions et les modes de gestion de ces centres, lesquels "assurent des activités de soins sans hébergement et participent à des actions de santé publique ainsi qu'à des actions de prévention et d'éducation pour la santé et à des actions sociales" ; que le II de l'article 23 modifie la section 7 du chapitre II du titre VI du livre premier du code de la sécurité sociale ; qu'il a pour objet, outre l'institution d'une subvention de l'Etat et la dispense d'avance de frais, de doter les centres de santé d'un dispositif conventionnel visant à la régulation des dépenses d'assurance maladie induites par leur fonctionnement ; que ce dispositif repose sur la conclusion d'un accord national entre les organismes d'assurance maladie et les organisations représentatives de ces centres ;

43. Considérant que, comme en conviennent d'ailleurs les requérants, les dépenses afférentes au fonctionnement des centres de santé affectent de façon significative les conditions générales de l'équilibre financier des comptes de l'assurance maladie ; que le dispositif conventionnel prévu par le II de l'article contesté a pour objet d'améliorer la maîtrise de ces dépenses, tout en encourageant les actions de prévention sanitaire et les modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, de nature à dégager des économies pour l'assurance maladie ; que, dès lors, le II de l'article contesté est au nombre des dispositions qui, en application du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ; qu'il en va de même des dispositions du I de l'article contesté, qui en sont inséparables ;

- SUR LES PARAGRAPHES XII ET XIII DE L'ARTICLE 24 :

44. Considérant que les griefs des requérants s'adressent exclusivement aux paragraphes XII et XIII de l'article 24 de la loi déférée, lequel institue un nouveau dispositif de régulation des soins de ville reposant sur la conclusion de conventions entre la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et les représentants des professions de santé et, à défaut d'accord, sur l'intervention de ladite caisse ;

. En ce qui concerne le XII de l'article 24 :

45. Considérant que le XII de l'article 24 est contesté par les requérants en tant qu'il autorise, au II de l'article L. 162-15-2 nouveau du code de la sécurité sociale, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et au moins une autre caisse nationale, à défaut d'accord entre les parties conventionnelles ou en l'absence de convention, " après consultation des syndicats représentatifs de la profession concernée " et " lorsque le montant des dépenses réalisées n'est manifestement pas de nature à permettre le respect de l'objectif fixé ", à procéder à des ajustements des tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels de santé par les assurés sociaux, ainsi qu'à modifier, dans la limite de 20 %, la cotation des actes inscrits à la nomenclature ;

46. Considérant que les requérants font valoir qu'" en instituant un lien automatique et général entre les fluctuations conjoncturelles à la hausse des dépenses d'assurance maladie et la fluctuation à la baisse des tarifs des professionnels de santé ", le législateur a " conféré à ces baisses de tarifs le caractère de sanctions collectives " ; que de telles " sanctions collectives " méconnaîtraient les principes de nécessité et de proportionnalité des peines, ainsi que la présomption d'innocence ; qu'elles violeraient également l'égalité devant la loi puisqu'elles pèseraient sur l'ensemble des professionnels de santé " quel qu'ait été leur comportement individuel au cours de l'année " ;

47. Considérant, d'une part, que le système de régulation des dépenses de soins de ville institué par la disposition contestée se borne à autoriser la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, quand un accord avec les professionnels de santé n'a pas été possible, à faire varier les tarifs qui leur sont applicables, lorsqu'en cours d'année l'évolution des dépenses ne paraît pas compatible avec le respect de l'objectif annuel de dépenses ; que ces modifications de tarif, qui, au demeurant, ne revêtent pas un caractère automatique et n'entraînent aucun reversement, ne méconnaissent pas le principe constitutionnel d'égalité, dès lors qu'elles ont vocation à s'appliquer aux professionnels de santé des activités concernées par l'augmentation excessive des dépenses et que la baisse de tarif n'exercera ses effets que pour l'avenir ; qu'un tel mode de régulation des dépenses repose sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la loi, qui est le respect de l'objectif annuel de dépenses d'assurance maladie ; que doit donc être rejeté le moyen tiré de la violation du principe d'égalité ;

48. Considérant, d'autre part, que les modifications de tarif critiquées n'ont pas le caractère de sanctions ; que, par suite, les moyens tirés de la violation des principes constitutionnels applicables au droit répressif sont inopérants ;

. En ce qui concerne le XIII de l'article 24 :

49. Considérant que ces dispositions insèrent un article L. 162-15-4 dans le livre Ier du code de la sécurité sociale, qui prévoit qu'à défaut de convention pour les médecins spécialistes, ou à défaut d'accord entre les parties à cette convention, des protocoles peuvent être conclus avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés sur certains aspects de la régulation des dépenses afférentes à la spécialité concernée ; que lesdits protocoles, dont le seul objet est de dresser le relevé des conclusions de la concertation intervenue avec les médecins concernés, sont dépourvus de force obligatoire ; que, par suite, les griefs formulés à leur encontre par les sénateurs requérants sont inopérants ;

- SUR L'ARTICLE 25 :

50. Considérant que le I de l'article 25, qui ajoute un article L. 162-4-1 au code de la sécurité sociale, prévoit que, lorsqu'ils établissent une prescription d'arrêt de travail donnant lieu à l'octroi d'indemnités journalières par l'assurance maladie, les médecins sont tenus de mentionner sur les documents produits à cet effet " les éléments d'ordre médical justifiant l'interruption de travail " ; que, lorsqu'ils établissent une prescription de transport en vue d'un remboursement, les médecins doivent indiquer sur ces documents " les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit " ; qu'il est ajouté que les médecins " sont tenus en outre de porter sur ces mêmes documents les indications permettant leur identification par la caisse et l'authentification de leur prescription " ;

51. Considérant que les députés requérants soutiennent que cette disposition porte une " atteinte peu acceptable " au secret médical, qui est " une des composantes à la fois les plus certaines et les plus sensibles de la vie privée puisqu'il touche directement à l'intimité physique voire psychologique de la personne " ;

52. Considérant que la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen implique le droit au respect de la vie privée ; que ce droit requiert que soit observée une particulière vigilance dans la transmission des informations nominatives à caractère médical entre les médecins prescripteurs et les organismes de sécurité sociale ; qu'il appartient toutefois au législateur de concilier le droit au respect de la vie privée et l'exigence de valeur constitutionnelle qui s'attache à l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

53. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de la disposition critiquée que les informations d'ordre médical en cause sont destinées au seul " service du contrôle médical " ; que les médecins-conseils composant ce service sont, en vertu de l'article 104 du code de déontologie médicale, astreints au secret sur les renseignements médicaux directement ou indirectement nominatifs qui leur sont transmis, y compris envers l'organisme qui fait appel à leurs services ; que devront toutefois être mises en place des modalités d'acheminement de ces documents aux médecins-conseils de nature à assurer la stricte confidentialité de la transmission des informations qu'ils contiennent ; qu'eu égard à sa finalité, qui est de remédier à l'augmentation excessive des dépenses en cause et à leur caractère éventuellement injustifié, la disposition critiquée ne porte pas au respect de la vie privée, sous la réserve ci-dessus énoncée, une atteinte de nature à méconnaître l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- SUR L'ARTICLE 29 :

54. Considérant que cet article se borne à fixer à 2 % le taux retenu par l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale pour le déclenchement, au titre de l'année 2000, de la contribution applicable à la progression du chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques qui n'ont pas passé convention avec le comité économique du médicament ; que, par suite, manque en fait le grief, formulé par les députés requérants, selon lequel le législateur aurait défini de la sorte un objectif national spécifique des dépenses pharmaceutiques, en méconnaissance de la compétence du législateur organique et des dispositions du 4° du I de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que manque également en fait le grief adressé à l'article 29 par les sénateurs requérants selon lequel le législateur aurait modifié l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie pour 1999 ;

- SUR L'ARTICLE 30 :

55. Considérant que l'article 30 institue, au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, une contribution exceptionnelle assise sur le chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France par les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques ; qu'il précise les conditions d'exonération, l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de cette nouvelle contribution ;

56. Considérant que les députés requérants qualifient cette disposition de " validation législative plus ou moins déguisée " qui, destinée à " neutraliser les conséquences financières d'une décision de justice ", serait contraire aux principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance des juridictions et porterait atteinte " à l'exigence de sécurité juridique et de confiance légitime des contribuables " ainsi qu'à l'égalité devant l'impôt ;

57. Considérant, comme il ressort des termes mêmes de la disposition critiquée, que l'imposition exceptionnelle en cause, qui porte sur le chiffre d'affaires réalisé en 1999 par les laboratoires pharmaceutiques et qui est exigible au 1er septembre 2000, ne constitue pas une mesure de validation ; qu'il était loisible au législateur d'instituer une telle contribution exceptionnelle, afin de remédier aux incidences financières sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie de la décision par laquelle le Conseil d'Etat a, le 15 octobre 1999, annulé les dispositions du III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement financier de la sécurité sociale ; que l'institution de cette nouvelle contribution ne porte atteinte ni au principe d'égalité, ni à aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ; que, par suite, le moyen doit être rejeté ;

- SUR L'ARTICLE 31 :

58. Considérant que les trois premiers alinéas de l'article 31 prévoient que l'autorisation de mise sur le marché d'une spécialité générique peut être délivrée avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence ; que, toutefois, la commercialisation de la spécialité générique ne pourra intervenir qu'après l'expiration de ces droits, l'information du laboratoire titulaire du brevet de la spécialité de référence devant en outre être assurée ; qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article 31, les études de biodisponibilité tendant à démontrer la bioéquivalence d'une spécialité générique avec une spécialité de référence " sont considérées comme des actes accomplis à titre expérimental au sens de l'article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle " ;

59. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions n'affecteront pas l'équilibre financier de l'assurance maladie et ne sont donc pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale ; qu'au surplus, le quatrième alinéa de l'article 31 serait contraire aux engagements internationaux de la France ;

60. Considérant que le législateur a entendu hâter la mise effective sur le marché des spécialités dites génériques ; que l'usage de celles-ci est de nature à influer de façon significative sur l'équilibre général de l'assurance maladie ; qu'en raison de leur objet et des effets financiers attendus de l'accélération de la commercialisation des spécialités génériques, les trois premiers alinéas de l'article 31 entrent dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale en vertu du III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ;

61. Considérant, en revanche, que son quatrième alinéa, qui se borne à préciser que les études relatives aux spécialités génériques doivent être considérées comme des actes accomplis à titre expérimental au sens de l'article L. 613-5 du code de la propriété intellectuelle, est dépourvu d'effets financiers directs sur l'équilibre des comptes de l'assurance maladie et n'est pas inséparable du reste de l'article contesté ; qu'il échappe en conséquence à l'objet des lois de financement de la sécurité sociale ; qu'il y a lieu, par suite, de le déclarer contraire à la Constitution ;

- SUR LE PARAGRAPHE IX DE L'ARTICLE 33 :

62. Considérant qu'aux termes du IX de l'article 33 : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999 pris en application des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-2 du code de la sécurité sociale et fixant l'objectif des dépenses d'assurance maladie des établissements relevant de l'article L. 710-16-2 du code de la santé publique pour l'année 1999 sont validés en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'illégalité de cet arrêté " ; que l'arrêté du 28 avril 1999 avait notamment pour objet, à défaut de conclusion d'un accord dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article L. 162-22-2 du code de la sécurité sociale, de diminuer les tarifs pratiqués par les établissements de santé privés pour l'année 1999 ;

63. Considérant que les sénateurs requérants contestent cette validation en faisant valoir qu'" un éventuel intérêt financier, qui n'a d'ailleurs pas été précisé, ni par l'exposé des motifs, ni par le Gouvernement au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour faire obstacle aux possibles effets d'une décision de justice à venir " ;

64. Considérant que si le législateur peut, dans un but d'intérêt général suffisant, valider un acte dont le juge administratif est saisi, afin de prévenir les difficultés qui pourraient naître de son annulation, c'est à la condition de définir strictement la portée de cette validation, eu égard à ses effets sur le contrôle de la juridiction saisie ; qu'une telle validation ne saurait avoir pour effet, sous peine de méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs et le droit à un recours juridictionnel effectif, qui découlent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, d'interdire tout contrôle juridictionnel de l'acte validé quelle que soit l'illégalité invoquée par les requérants ;

65. Considérant que le Conseil d'Etat, saisi de l'arrêté du 28 avril 1999, ne s'était pas encore prononcé sur sa légalité lorsque la loi déférée a été définitivement adoptée ; qu'en prévoyant la validation des actes pris en application de cet arrêté " en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'illégalité de cet arrêté ", sans indiquer le motif précis d'illégalité dont il entendait purger l'acte contesté, le législateur a méconnu l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'il y a lieu, par suite, de déclarer contraire à la Constitution le paragraphe IX de l'article 33 de la loi déférée ;

66. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution ;

Décide :

Article premier :

Sont déclarés contraires à la Constitution : l'article 15, le quatrième alinéa de l'article 31, ainsi que le paragraphe IX de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Article 2 :

La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 21 décembre 1999, présidée par M. Yves GUÉNA et où siégeaient : MM. Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD, Alain LANCELOT, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.


Synthèse
Numéro de décision : 99-422
Date de la décision : 21/12/1999
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adoptée le 2 décembre 1999, a été déférée au Conseil constitutionnel par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs. Pour contester ce texte, les auteurs des saisines invoquent treize séries de griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.

I - Sur la procédure d'adoption de la loi.

A) A l'appui de leurs conclusions tendant à faire déclarer l'ensemble de la loi contraire à la Constitution, les auteurs des saisines, soutiennent qu'elle a été votée selon une procédure contraire aux prescriptions de l'article 47-1 de la Constitution. Ils font valoir que le Sénat a été saisi le 2 novembre 1999, et que le texte n'a ensuite été transmis à l'Assemblée nationale que le 18 novembre, soit avec un jour de retard.

Ils en déduisent que cette dernière n'a pu disposer du temps qui lui était nécessaire, compte tenu du délai global de cinquante jours, à l'expiration duquel le Gouvernement peut procéder par voie d'ordonnance.

B) Contrairement à ce qu'ils soutiennent, la procédure d'adoption de la loi ne peut être considérée comme irrégulière. Il importe en effet de souligner que l'article 47-1 ne fixe aucune obligation quant à la date de transmission, à l'Assemblée nationale, du texte examiné par le Sénat en première lecture. Comme le Conseil constitutionnel l'a jugé à propos des dispositions, analogues, de l'article 47, il n'y aurait irrégularité de nature à vicier la procédure que si l'une ou l'autre des deux assemblées n'avait pas disposé du délai que lui garantit la Constitution pour statuer en première lecture (n° 86-209 DC du 3 juillet 1986).

Or l'Assemblée nationale a été saisie le 6 octobre 1999. Elle a adopté le texte le 2 novembre 1999, à la suite de quoi le Sénat a été saisi le même jour et s'est prononcé le 18 novembre.

Dès lors qu'en l'espèce l'Assemblée nationale et le Sénat ont pu disposer chacun, respectivement, des délais de vingt jours et de quinze jours prévus par le 2ème alinéa de l'article 47-1, le moyen ne peut qu'être écarté.

II - Sur le rattachement de certaines dispositions au domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

A) Selon les auteurs des saisines, plusieurs articles de la loi adoptée y auraient été insérés en méconnaissance des dispositions régissant le domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Tel serait d'abord le cas des articles 5, 6 et 7 relatifs au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et à ses ressources. Il en irait de même pour l'article 23, qui tend à doter les centres de santé d'un dispositif conventionnel permettant d'en maîtriser les dépenses, et pour l'article 31 relatif à la mise sur le marché de spécialités génériques.

A l'appui de leurs conclusions dirigées contre ces dispositions, les requérants font essentiellement valoir qu'elles ont été adoptées en méconnaissance des prescriptions de l'article 34 de la Constitution et de l'article L.O. 111-3, dont le III prévoit que la loi de financement ne peut contenir, outre celles prévues au I du même article, que des dispositions « affectant directement l'équilibre financier » des régimes ou « améliorant le contrôle du Parlement sur l'application » de ces lois. Ils considèrent également que les dispositions relatives au fonds auraient dû figurer en loi de finances, en application de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

B) Ces griefs ne peuvent être accueillis.

1) S'agissant du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et de ses ressources, le Gouvernement entend souligner, à titre liminaire, que son insertion dans la loi de financement de la sécurité sociale a pour fondement, outre les dispositions du III de l'article L.O. 111-3, celles du 2° du I du même article qui rangent au nombre des dispositions devant figurer dans un telle loi, celles qui prévoient les recettes, non seulement de l'ensemble des « régimes obligatoires de base », mais aussi « des organismes créés pour concourir à leur financement ».

Il avait donc bien sa place dans la présente loi, et ne relevait pas du domaine exclusif des lois de finances.

a) En premier lieu, en effet, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales est un organisme créé pour concourir au financement des régimes obligatoires de base. Il a pour objet de financer les allégements structurels de cotisations patronales de sécurité sociale en faveur des bas salaires, d'une part, des entreprises réduisant la durée du travail, d'autre part. A cet effet, il permet de substituer, à un financement traditionnel par cotisations, un financement par des ressources nouvelles, engageant ainsi une réforme de la structure des ressources. Les recettes seront affectées, à titre principal, au régime général de sécurité sociale et, à titre secondaire, aux autres régimes entrant dans le champ des allégements structurels de charges (régime agricole, notamment).

b) En deuxième lieu, il convient d'observer que les dépenses que le fonds a pour mission de financer affectent sans conteste directement l'équilibre financier de ces régimes : les dépenses du fonds sont estimées à plus de 60 milliards en 2000, plus de 100 milliards à terme. A titre de comparaison, les dépenses du fonds de solidarité vieillesse, qui est aussi un organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base, s'élèvent à environ 75 milliards.

A cet égard, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le fait que le fonds ait pour objet de financer des mesures associées à la politique de l'emploi est sans incidence sur la régularité de l'insertion des dispositions le concernant dans la loi de financement de la sécurité sociale. De telles dispositions y ont tout autant leur place que, par exemple, celles des articles 5 (relatif aux exonérations de cotisations patronales afférentes à l'emploi d'une aide à domicile) et 6 (relatif aux exonérations de cotisations patronales attachées à l'embauche d'un premier salarié) de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

c) En troisième lieu, la circonstance que les dispositions concernant les ressources du fonds soient accompagnées de précisions relatives à la détermination de l'assiette et du taux, et même aux modalités de recouvrement des impositions affectées à cet établissement public, n'est pas de nature à rendre irrégulière leur insertion dans la loi de financement.

On rappellera, en effet, qu'il est bien établi, depuis la décision n° 96-384 DC du 19 décembre 1996, que des dispositions qui, en elles-mêmes, seraient étrangères au domaine des lois de financement, y ont néanmoins leur place lorsqu'elles constituent, avec d'autres dispositions qui en relèvent, les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble.

Tel est bien le cas des dispositions critiquées, dès lors qu'elle ne font que permettre - comme celles relatives au recouvrement de la CSG en cause dans la décision précitée de 1996 - que les recettes qui permettront de financer la réforme des cotisations patronales soient effectivement perçues.

d) Enfin on ne voit pas à quel titre les recettes de ce fonds qui, comme il a été souligné plus haut, est un organisme créé pour concourir au financement de la sécurité sociale, auraient dû figurer dans la loi de finances.

C'est en particulier à tort que les requérants se prévalent de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Sans doute les débats auxquels la question de la régularité de l'affectation de la TGAP en loi de financement de la sécurité sociale a donné lieu ont-ils conduit le Gouvernement, dans un souci d'apaisement, à faire voter un amendement de coordination dans le projet de loi de finances, sous la forme d'un article 27 bis. Mais sur le plan constitutionnel, le Gouvernement considère que la loi de financement de la sécurité sociale se suffit, sur ce point, à elle même.

Il convient à cet égard de rappeler qu'il est de jurisprudence constante qu'aucun principe de valeur constitutionnelle n'interdit d'affecter un impôt à un établissement public et que les prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne concernent que l'affectation de recettes de l'Etat à des dépenses de l'Etat. Il s'en déduit qu'une disposition affectant une recette fiscale à un établissement public ne doit pas nécessairement figurer dans une loi de finances.

De très nombreuses décisions du Conseil constitutionnel vont en ce sens (n° 82-132 DC du 16 janvier 1982, n° 82-140 DC du 28 janvier 1982 ; (n° 98-403 DC du 29 juillet 1998 ; n° 98-405 DC du 29 décembre 1998). Le Conseil constitutionnel a notamment eu l'occasion de valider l'affectation à la CNAM de contributions sur les tabacs et les alcools instituées par une loi portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale (n° 82-152 DC du 14 janvier 1983).

Il n'apparaît pas que la décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993, rendue à propos de la loi quinquennale relative à l'emploi et à la formation professionnelle, conduise à remettre en cause cette analyse.

L'article censuré élargissait pour certaines personnes les possibilités de cumul emploi-retraite, et prévoyait que les pertes entraînées par cette mesure pour les caisses d'assurance vieillesse seraient compensées par un relèvement des droits sur les tabacs.

Le raisonnement du Conseil constitutionnel semble avoir été le suivant :

- ces droits sont des recettes fiscales de l'Etat qui doivent figurer au budget dans leur intégralité ;

- l'article en cause, tel qu'il est rédigé, n'a pas pour objet ni pour effet d'en modifier la nature ou la destination ;

- en conséquence, il signifie que l'Etat doit verser une compensation aux caisses et que cette compensation est financée par un relèvement des droits sur les tabacs ;

- une telle disposition constitue une affectation de recettes à des dépenses spécifiques au sein du budget de l'Etat, non conforme aux prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance organique de 1959 parce qu'elle n'est pas inscrite dans une loi de finances.

Au regard de ce précédent, le Gouvernement entend souligner que les dispositions relatives à la TGAP qui figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne sont en rien comparables aux dispositions censurées par le Conseil constitutionnel en 1993.

Leur objet explicite est en effet d'attribuer une recette fiscale à un organisme extérieur à l'Etat créé sous forme d'établissement public. Cette affectation n'est donc pas de celles que régit l'article 18 de l'ordonnance organique et elle ne se différencie pas des nombreuses affectations de recettes fiscales à des établissements publics validées par le Conseil constitutionnel. Le fait que la TGAP soit un impôt dont le produit était précédemment attribué à l'Etat ne modifie pas le raisonnement à cet égard.

La TGAP, en réalité, ne doit plus être regardée comme une recette de l'Etat, dès lors qu'elle est entièrement affectée à une personne publique autre que l'Etat et qu'elle lui sera versée sans passage par le budget de l'Etat.

Il n'était donc pas obligatoire de prévoir une mesure de « désaffectation » qui, par parallélisme avec la règle prévue à l'article 18 de l'ordonnance organique en matière d'affectation de recettes à des dépenses, relèverait du domaine exclusif des lois de finances. En effet, la TGAP ne faisait jusqu'à présent l'objet d'aucune affectation au sens de cet article 18, qui ne vise que les dispositifs dérogatoires au principe d'universalité applicable au budget de l'Etat : le produit de la TGAP était simplement versé dans la masse des recettes du budget général.

On ajoutera qu'il y aurait quelque paradoxe à considérer que seule la loi de finances peut transférer une recette fiscale de l'Etat à une autre personne publique, alors que la compétence fiscale du législateur ordinaire est pleine et entière, comme le Conseil constitutionnel l'a maintes fois reconnu, notamment dans sa décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991 : les lois autres que les lois de finances peuvent, conformément à l'article 34 de la Constitution et à l'ordonnance organique de 1959, créer ou supprimer des impôts, qu'ils soient affectés ou non à l'Etat, et en modifier l'assiette, le taux et les règles de recouvrement, même si ces mesures ont un effet sur les conditions d'exécution du budget de l'exercice en cours.

Enfin, le raisonnement vaut, a fortiori, pour l'affectation d'une partie du droit de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts, que les sénateurs requérants critiquent également sur le fondement de l'article 18 de l'ordonnance de 1959 : cette imposition étant auparavant affectée au fonds de solidarité vieillesse, la LFSS pour 2000 se borne à transférer une recette d'un établissement public à un autre, ce qui est encore plus manifestement étranger aux dispositions de l'article 18 relatives aux affectations auxquelles la loi de finances peut procéder au sein du budget de l'Etat.

2) Les dispositions de l'article 23 relatives au conventionnement des centres de santé relèvent tout autant du champ de la loi de financement de la sécurité sociale.

Il a, en effet, été constaté que les dépenses d'assurance-maladie induites par l'activité de ce secteur (2,6 milliards de francs en 1998) étaient en progression très rapide depuis plusieurs années, à un rythme de 10 %, très supérieur à celui de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (ONDAM). Or, l'état actuel du droit ne permettait pas d'assurer une régulation de ce secteur en l'absence de tout dispositif à caractère national, tandis qu'il n'était pas cohérent, au regard de l'objectif constitutionnel de maîtrise des dépenses sociales, de tenir les centres de santé à l'écart du dispositif de régulation des soins de ville prévu par cette loi.

Tirant les conséquences de cette situation, l'article 23 contribue à un double titre à une meilleure maîtrise des dépenses de santé.

a) En premier lieu, il crée un nouveau dispositif qui permet de rationaliser les dépenses des centres de santé.

La loi donne ainsi aux partenaires un nouvel outil de régulation sous la forme d'un accord négocié entre les organismes d'assurance maladie et les organisations représentatives des centres de santé. Cet accord va permettre d'appliquer à ces structures certains outils de la maîtrise médicalisée déjà mis en oeuvre pour les professionnels libéraux, par exemple, les références médicales opposables. Il pourra également déterminer les mesures propres à favoriser l'accès aux soins des assurés sociaux et à garantir la qualité et la coordination des soins ainsi que des modes de rémunération autres que le paiement à l'acte. Ce dispositif est ainsi de nature à avoir une influence directe et significative sur leurs dépenses : en prenant pour hypothèse une croissance des dépenses ramenée de 10 à 5%, l'économie serait de 130 MF.

C'est ce que le Conseil constitutionnel avait souligné, lorsqu'il avait été saisi de dispositions analogues contenues, d'une part dans l'article 22 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 qui ouvrait le champ de compétence des conventions médicales à la détermination de nouvelles conditions d'exercice propres à favoriser la coordination des soins, et de modes de rémunération autres que les paiement à l'acte, d'autre part dans l'article 34 de cette même loi relatif aux établissements pour personnes âgées dépendantes en tant qu'il ouvrait également la possibilité de définir des modes de rémunération autres que le paiement à l'acte.

b) En second lieu, la vocation sociale des centres de santé amène à considérer que leur développement est susceptible d'avoir un impact sur la consommation de soins. Les populations soignées dans ces structures sont en effet celles qui ont souvent un recours tardif aux soins et sont contraintes de se diriger vers l'hôpital du fait de pathologies aggravées. On peut dès lors estimer que le développement des centres de santé pourrait avoir dans cette mesure une incidence sur les dépenses d'hospitalisation.

Les dispositions introduites dans le code de la sécurité sociale par l'article 23 concourent ainsi à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie pour les centres de santé et donc de façon significative aux conditions générales de l'équilibre financier de l'assurance maladie. Elles sont dès lors au nombre des dispositions qui peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale.

3) Quant aux dispositions de l'article 31 relatives à la mise sur le marché de médicaments génériques, c'est également à tort que les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent qu'elles n'ont pas leur place dans la présente loi.

Il est clair, en effet, que le développement de ce type de médicaments, dont le coût est moins élevé, est de nature à avoir un impact significatif sur les comptes de l'assurance maladie. En prévoyant que l'autorisation de mise sur le marché peut être délivrée avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence concernée, tout en précisant que la commercialisation ne peut intervenir avant cette date, la nouvelle rédaction donnée par l'article 31 à l'article L. 601 du code de la santé publique vise à réduire les délais qui séparent actuellement le moment où le brevet tombe dans le domaine public et celui où une mise sur le marché peut être autorisée. Par là-même, cette disposition contribuera directement au développement des spécialités génériques, ce qui était également l'un des objectifs poursuivis par l'article 22 de la LFSS pour 1999 dont le Conseil constitutionnel a admis la conformité aux dispositions de l'article LO 111-3 par sa décision, déjà citée, du 18 décembre 1998.

On remarquera enfin que si les sénateurs requérants critiquent également le dernier alinéa de l'article 31 qui précise que certaines études liées au développement de ces spécialités sont considérées comme des actes accomplis à titre expérimental, au sens de l'article L 613-5 du code de la propriété intellectuelle, ils se bornent à faire état d'une prétendue incompatibilité avec les engagements internationaux de la France. Or, il résulte d'une jurisprudence constante qu'une telle argumentation est étrangère au contrôle de constitutionnalité. Par ailleurs, ces dispositions permettront de mener ces études de manière plus précoce et contribueront aussi, de ce fait, au développement des médicaments génériques. Elles sont donc également de nature à concourir à la maîtrise des dépenses médicales.

III - Sur la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés

A) le 1°du I de l'article 6 de la loi déférée insère, dans le code général des impôts, un article 235 ter ZC qui institue une imposition additionnelle à l'impôt sur les sociétés, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB), et fixe les règles relatives à l'assiette et au taux de cette contribution. Les règles permettant d'en assurer le recouvrement sont définies par le nouvel article 1668 D créé par le 2° du I du même article 6.

Cette imposition est l'une des ressources du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, créé par l'article 5.

Pour contester ces dispositions, les députés requérants soutiennent qu'elles méconnaissent l'égalité des contribuables devant l'impôt et, de manière générale, les exigences déduites de l'article 13 de la Déclaration de 1789. Ils critiquent, en particulier, le seuil de 50 MF de chiffre d'affaires que la loi a retenu, et font grief à celle-ci de ne permettre aucune progressivité en deçà de ce seuil, qu'ils jugent arbitraire.

Les auteurs de la saisine reprochent également à la loi de procéder à une discrimination entre les sociétés, selon qu'elles sont ou non constituées sous forme de groupe, permettant ainsi à une société holding dont aucune filiale ne dépasse le seuil d'échapper à l'impôt.

B) Ces moyens ne peuvent être accueillis.

1) En premier lieu, le seuil retenu ne méconnaît pas le principe d'égalité. On rappellera, à cet égard, qu'il résulte d'une jurisprudence constante, d'une part qu'il est loisible au législateur de fixer l'assiette d'un impôt par référence à un autre impôt (n° 81-133 DC du 30 septembre 1981 ; et n° 86-223 DC du 29 décembre 1986), d'autre part, que rien ne s'oppose non plus à ce que la loi crée des catégories homogènes de contribuables, même très réduites, comme cela a, par exemple, été admis à propos du plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée, où seulement deux entreprises étaient concernées (n° 93-330 DC du 29 décembre 1993).

En l'espèce, la définition du champ de la contribution reprend celle de l'article 235 ter ZB relatif à la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, issu de la loi portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier qui était en cause - il est vrai à un autre titre - dans la décision n° 97-391 DC du 7 novembre 1997.

Tout comme l'article 235 ter ZB issu de cette loi, le nouvel article 235 ter ZC préserve, pour des raisons d'intérêt général, une catégorie particulière, les PME, c'est-à-dire une catégorie homogène d'entreprises qui sont placées dans une situation particulière, le choix du chiffre d'affaires de 50 MF étant pertinent et objectif au regard de la prise en compte des facultés contributives.

En outre, c'est à tort que les requérants contestent ce dispositif sous l'angle de l' « effet de seuil », à leurs yeux excessif, qui en résulterait. En effet, l'institution d'un abattement de 5 MF sur l'impôt sur les sociétés servant de base à la contribution permet de ne pas en rendre redevables de façon automatique ni brutale les entreprises qui dépassent le montant de 50 MF de chiffre d'affaires, en procédant à un lissage analogue à celui dont la décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999 a admis la validité en matière de cotisations sociales.

2) En second lieu, le régime de la CSB ne peut davantage être utilement contesté sur le terrain des différences pouvant résulter de la forme juridique des entreprises concernées et de leur appartenance éventuelle à un groupe de sociétés.

En l'espèce, la loi prévoit, s'agissant des sociétés formant un groupe intégré au sens fiscal (art. 223 A du CGI), que le chiffre d'affaires à prendre en compte est la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres du groupe (troisième alinéa du I de l'art. 235 ter ZC nouveau). Les entreprises qui ne font pas partie d'un groupe au sens fiscal doivent être regardées comme des entités distinctes ; dans le cas où elles pourraient en faire partie mais ne l'ont pas décidé, elles sont responsables de leurs décisions de gestion. Le régime applicable à cette nouvelle contribution sera, à cet égard, le même que celui qui avait été prévu, non seulement par celle, déjà citée que définissait l'article 235 ter ZB, mais aussi par celle qui avait auparavant été créée par l'article 235 ter ZB issu de la loi du 3 août 1995.

IV - Sur la taxe générale sur les activités polluantes

A) L'article 7 de la loi insère plusieurs dispositions nouvelles dans le code des douanes et modifie l'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, afin de procéder à une extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui a été créée par l'article 45 de la loi de finances pour 1999. Son produit sera désormais affecté au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales.

A l'appui de leur recours, les requérants font valoir que l'affectation de cette imposition « est juridiquement sujette à caution ». Elle en inverserait la vocation en la transformant en impôt de rendement. Ce changement porterait ainsi, selon eux, « une atteinte sans nuance au principe du consentement à l'impôt » garanti par l'article 14 de la Déclaration et l'article 34 de la Constitution. Ce faisant, le législateur aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences, sur le TGAP, de sa nouvelle affectation.

Les députés saisissants estiment en outre que l'article 7 est entaché d'incompétence négative, à un double titre : d'une part le 8° du D du I procéderait à un renvoi trop large au pouvoir réglementaire pour les règles d'assiette ; d'autre part, le nouvel article 266 terdecies du code des douanes, créé par le F du I de l'article 7, ne précise pas suffisamment les règles de recouvrement des éléments de la TGAP relevant des services chargés de l'inspection des installations classées.

B) Pour sa part, le Gouvernement considère que l'article 7 est conforme à la Constitution.

1) En premier lieu, l'argumentation des requérants repose sur une confusion entre d'une part, le débat d'ordre politique qui a naturellement eu sa place au Parlement sur l'opportunité d'affecter à la sécurité sociale tel ou tel type de recette spécifique qui avait pu, à l'origine, être créée dans un autre contexte, et d'autre part, le débat juridique qui ne peut porter, dans le cadre de l'article 61 de la Constitution, que sur la conformité à celle-ci des choix que fait la représentation nationale.

Au cas particulier, le Parlement a été parfaitement informé des raisons qui conduisaient le Gouvernement à lui proposer de choisir cette recette pour contribuer au financement de la réforme des cotisations patronales. On voit donc mal comment le consentement à l'impôt dont le principe est énoncé à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme pourrait s'en trouver affecté.

De même est-ce à tort que les députés saisissants critiquent l'affectation de cette imposition, en se fondant sur son objet. Cet objet est certes spécifique, dans la mesure où il consiste à appréhender une matière imposable déterminée, en tenant compte de l'impact sur l'environnement des activités qui sont ainsi mises à contribution. Cette mise à contribution, parfois désignée sous la dénomination d' « écotaxe », s'inscrit d'ailleurs dans une démarche commune à l'ensemble des pays de la Communauté européenne.

Elle ne peut être utilement contestée sur le plan constitutionnel dès lors, d'une part, que la détermination de l'assiette de cette taxe spécifique repose sur des critères objectifs et rationnels, d'autre part, qu'elle est destinée, comme tout impôt, à financer des dépenses d'intérêt général.

Tout autre est la question de l'affectation : aucune norme constitutionnelle n'exige qu'une recette spécifique soit affectée au financement de dépenses particulières ayant un lien avec le prélèvement en cause. Le principe est plutôt, au contraire, celui de l'universalité, auquel le législateur peut toutefois déroger, sous la réserve que pose l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 : lorsqu'une affectation est prévue au sein du budget de l'Etat - ce qui comme on l'a souligné plus haut n'est pas le cas en l'espèce - elle ne peut procéder que de la loi de finances.

Lorsqu'il décide de déroger au principe d'universalité pour affecter une recette fiscale à une dépense de l'Etat ou d'une autre personne publique, le législateur peut se déterminer en fonction de considérations purement financières : aucune exigence constitutionnelle, ni aucune disposition de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 ne lui imposent de rechercher une corrélation ou une adéquation entre l'objet du prélèvement, qu'il soit existant ou nouveau, et l'objet de la dépense. De nombreux exemples, dans le domaine des comptes d'affectation spéciale notamment, en témoignent : ainsi, le fonds national pour le développement des adductions d'eau est, de longue date, alimenté par un prélèvement sur le pari mutuel sur les hippodromes et le fonds national pour le développement du sport, de même que le fonds national pour le développement de la vie associative, est alimenté par un prélèvement sur les jeux de hasard ; le budget annexe des prestations sociales agricoles, quant à lui, bénéficie de l'affectation d'une fraction du produit de la TVA. Le Conseil constitutionnel, au demeurant, a eu l'occasion de valider des dispositifs prévoyant qu'une même recette serait pour partie affectée au budget général, c'est-à-dire non affectée, et pour partie affectée à un autre attributaire (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994).

Le Conseil constitutionnel ne pourra donc qu'écarter comme inopérante l'argumentation tirée de ce que la TGAP et, auparavant, les impositions qui ont été regroupées sous cette dénomination avaient, à l'origine, été créées dans un autre but.

2) En second lieu, c'est également à tort que le recours des députés fait grief au législateur d'être demeuré en deçà de la compétence que lui assigne l'article 34 de la Constitution.

En effet, la compétence que le législateur tient de cet article pour fixer les règles concernant «l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature», n'implique nullement que le régime applicable à une imposition soit entièrement contenu dans des dispositions législatives (cf par exemple, en matière de taux, la décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987). La Constitution n'interdit donc pas le renvoi à des dispositions réglementaires pour préciser les modalités d'application de la loi fiscale (n° 80-126 DC du 30 décembre 1980). Elle permet, aussi, au législateur de se borner à poser le principe de l'application d'un régime fiscal spécifique dans des zones déterminées du terri-toire de la République et de laisser à un décret le soin de délimiter ces zones, sur la base des critères énoncés par la loi (n° 94-358 du 26 janvier 1995 ; n° 98-403 DC du 29 juillet 1998).

Dans ces différentes hypothèses, le respect de l'article 34 de la Constitution est assuré dès lors que le renvoi au pouvoir réglementaire fait l'objet d'un encadrement suffisant.

Tel est bien le cas en l'espèce.

a) S'agissant du tarif applicable aux installation classées, on observera d'abord que le législateur s'est borné à reprendre les dispositions existantes de l'article 17 de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 modifiée relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.

Ce texte a été modifié en dernier lieu par l'article 119 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989) qui a porté de 6 à 10 le coefficient multiplicateur de la redevance annuelle.

La délégation faite au pouvoir réglementaire est respectueuse des principes posés par l'art. 34 de la Constitution : sur une échelle finie (1 à 10), le pouvoir réglementaire doit choisir le coefficient multiplicateur adéquat à appliquer au tarif de base, en rangeant les activités en fonction de deux critères objectifs définis par la loi avec une précision suffisante : la nature et le volume de l'activité.

En l'état actuel des textes, ce sont les décrets en Conseil d'Etat n° 83-929 du 21 octobre 1983, n° 93-1411 du 29 décembre 1993 et n° 98-1043 du 18 novembre 1998, pris après avis du conseil supérieur des installations classées, qui déterminent les coefficients applicables à chaque catégorie d'installation.

A cet égard, on soulignera que les principes qui encadreront l'exercice, par le Gouvernement, de la compétence qui lui est ainsi déléguée sont clairement énoncés par la loi, à travers les nouvelles dispositions que le A du I de l'article 7 ajoute à l'article 266 sexies du code général des impôts, et plus précisément au b du 8 du I de cet article, qui prescrit au décret en Conseil d'Etat de tenir compte des risques particuliers que l'activité de l'établissement imposé fait courir à l'environnement par sa nature ou par son volume.

La loi du 19 juillet 1976 contenait déjà une habilitation identique, qui est actuellement mise en oeuvre par le décret modifié du 21 octobre 1983. Conformément à la volonté du législateur de 1976, le décret a distingué, parmi les activités assujetties à cette imposition, plusieurs dizaines de rubriques correspondant à autant d'activités différentes par leur nature. Le cas échéant - c'est-à-dire dans la mesure où, pour chaque nature d'activité, le risque pour l'environnement dépend en outre de la capacité de l'établissement concerné - le tableau annexé au décret procède à la modulation que prescrit la loi en fonction de ce second critère.

Les choix faits à cet égard par le pouvoir réglementaire n'ont rien de discrétionnaire : ils sont directement conditionnés par la grille d'analyse résultant de la loi. En pareil cas, la jurisprudence considère que le renvoi à l'autorité administrative n'entache pas la loi d'incompétence négative (cf par exemple, à propos des agréments fiscaux, la décision n° 87-237 DC du 30 décembre 1987). Ainsi, la délégation consentie par le législateur de 1976 était parfaitement conforme à l'article 34 de la Constitution et celle, identique, à laquelle procèdent les dispositions contestées de l'article 7 l'est donc tout autant.

On ajoutera enfin qu'à partir du moment où cette formule était juridiquement possible, il était particulièrement opportun de la retenir, faute de quoi le législateur aurait dû consacrer de longs débats à se prononcer sur chacun des coefficients multiplicateurs permettant d'assigner, à chaque établissement, la taxe correspondant à l'objet de ce prélèvement en établissant des tableaux occupant de nombreuses pages du Journal officiel. C'est précisément pour éviter d'encombrer inutilement le Parlement avec de tels débats que la Constitution de 1958 a réparti le pouvoir normatif entre la loi et le règlement.

b) Quant aux règles de recouvrement de cette imposition, elles sont fixées sans ambiguïté par l'article 266 ter decies, introduit dans le code général des impôts par le F du I de l'article 7 de la loi déférée. A cet égard, on saisit mal en quoi serait contraire à la Constitution le fait que la part de la TGAP frappant les installations classées soit établie par des services compétents à l'égard de ce type d'activité, tout comme l'imposition qu'avait définie l'article 17 de la loi de 1976, et à laquelle la nouvelle taxe succède.

V - Sur la sincérité des prévisions

A) Comme le prescrit le 1° du I de l'article L.O. 111-3, l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 présente, par catégorie, les ressources prévisionnelles des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement.

Aux yeux des requérants, la sincérité de ces prévisions serait « douteuse », pour trois raisons. En premier lieu, les ressources du fonds créé par l'article 5 ne seraient pas comptées parmi celles de l'article 12. En deuxième lieu, ils relèvent une inadéquation entre certaines dépenses et les recettes qui leur sont affectées. Enfin, ils font état d'incohérences entre la loi de finances et la présente loi.

B) Ces critiques ne sont pas fondées.

1) Les ressources du fonds de financement sont bien prises en compte dans les prévisions de recettes.

Contrairement, en effet, à ce qui est soutenu, les ressources du fonds de financement figurent dans les agrégats suivants :

- « impôts et taxes » (39,5 milliards au titre de la taxe tabac, 4,3 milliards au titre de la contribution sociale sur les bénéfices, 3,2 milliards au titre de la taxe générale sur les activités polluantes, 7 milliards au titre de la contribution sur les heures supplémentaires, 5,6 milliards au titre des droits de consommation sur les alcools) ;

- et « contributions publiques » (4,3 milliards de dotation budgétaire de l'Etat).

2) La sincérité des prévisions retracées par l'article 12 n'est pas non plus affectée par une prétendue inadéquation entre les recettes du fonds de financement et ses dépenses.

Si une partie des recettes du fonds de financement de la sécurité sociale, et notamment la contribution sur les heures supplémentaires, est effectivement amenée à décroître, cette observation n'affecte nullement la sincérité des prévisions. En effet, les recettes présentées au titre du fonds de financement sont celles de l'exercice 2000. Les agrégats de la loi de financement ne retraçant que les recettes de l'année, il appartiendra à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 de présenter les mesures nécessaires à l'équilibre financier du fonds pour l'exercice considéré.

C'est en outre en vain que les députés requérants font état d'une « affectation contre nature », pour mettre en cause la sincérité des prévisions concernant la part des recettes du fonds correspondant à la contribution sur les heures supplémentaires, dès lors que, ainsi qu'il a été dit plus haut, il n'existe pas de liens juridiques entre l'objet d'un prélèvement fiscal et les dépenses qu'il permet de financer.

3) Enfin la loi de financement prend bien en compte celles des dispositions votées en loi de finances qui peuvent avoir une incidence sur les prévisions qui lui incombent.

Ainsi, l'affectation au régime des exploitants agricoles d'un milliard de contribution sociale de solidarité des sociétés a été prise en compte dans les agrégats de la loi de financement lors du vote du texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

La baisse du taux de la surcompensation s'est traduite par :

- une diminution de 0,8 milliard de l'agrégat « cotisations fictives » : la diminution du taux de la surcompensation réduit notamment les charges de l'Etat au titre du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires, ce qui permet à l'Etat de diminuer les cotisations fictives qu'il affecte à ce régime ;

- une augmentation de 1,7 milliard des contributions publiques, résultant de l'augmentation des subventions de l'Etat au profit des régimes bénéficiant de la surcompensation (pour l'essentiel, les mines, les marins et la SNCF), cette augmentation des subventions venant compenser la diminution de la surcompensation.

Quant aux incidences de l'augmentation de 0,5 point de la cotisation des employeurs au titre de la CNRACL, elles résultent de dispositions réglementaires qui ont été annoncées et non pas de la loi de finances, et elles ont en tout état de cause été prises en compte dans l'agrégat « cotisations effectives » pour un milliard lors du vote du texte en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

VI - Sur la garantie de ressources de la branche famille

A) L'article 9 de la loi déférée prévoit que la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) bénéficie d'une garantie de ressources pour la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002. S'il apparaît, au terme de la période considérée et après les ajustements prévus par la loi, que les ressources de la CNAF en 2002 sont inférieures aux ressources 1997 revalorisées, la CNAF bénéficie d'un versement de l'Etat dans les conditions prévues par la loi de finances et par la loi de financement de la sécurité sociale.

Pour contester l'inclusion de cet article dans la présente loi, les députés requérants estiment que ce dispositif enfreint le principe de l'annualité budgétaire, dans la mesure où il porte sur une période cinq ans.

B) Cette contestation appelle les deux séries d'observations suivantes.

1) En premier lieu, il ne résulte ni de la Constitution, ni des dispositions de l'article LO 111-3 issues de la loi organique du 22 juillet 1996 qu'il existerait un principe d'annualité pouvant se distinguer des règles que le législateur organique a adoptées pour définir le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Sur le plan juridique, la question soulevée par le recours des députés ne peut donc s'analyser que comme un grief de « cavalier social » et il s'agit de déterminer si un tel dispositif peut avoir sa place en loi de financement.

A cet égard, il est vrai que le I de l'article LO 111-3 prévoit l'intervention d'une telle loi « chaque année ». Mais il n'exclut nullement que les mesures qui peuvent y être insérées, et notamment toutes celles, prévues au III du même article, qui affectent l'équilibre financier des régimes obligatoires de base voient leurs effets se produire sur des années ultérieures.

On soulignera, à cet égard, que les lois de financement de la sécurité sociale ont déjà comporté des dispositions ne se traduisant pas nécessairement par des flux financiers dans les comptes de l'exercice auquel se rapporte directement la loi. Il importe d'ailleurs de noter qu'une conception trop étroite du champ des lois de financement de la sécurité sociale, qui exigerait que l'impact sur l'équilibre des régimes obligatoires de base se traduise nécessairement et exclusivement au cours de l'exercice correspondant, soulèverait de sérieuses difficultés pour la définition des prélèvements assis sur des flux annuels qui contribuent au financement de la sécurité sociale : elle reviendrait en effet à exiger, pour s'assurer d'un recouvrement effectif au cours de l'exercice considéré, de prendre systématiquement en considération un fait générateur antérieur à cet exercice.

En l'espèce, il convient de noter que la garantie de ressources affecte directement l'équilibre financier de la branche famille en 2000, puisqu'elle impose au Gouvernement de ne pas prendre des mesures telles qu'elles compromettraient le respect de la garantie en fin de période.

2) En second lieu, on soulignera que ce dispositif, qui répond à une forte demande de la part des associations familiales, fait suite à une garantie similaire qui avait été instaurée sur la période 1994-1998 par l'article 34 de la loi famille n° 94-649 du 25 juillet 1994.

Au cas particulier, on peut noter que la durée d'application du nouveau dispositif n'a pas été contestée par le Sénat, qui a apporté deux modifications au texte présenté par le Gouvernement : décaler d'un an la garantie et préciser que l'Etat financerait cette garantie, seule la deuxième ayant toutefois été adoptée par l'Assemblée Nationale.

Comme dans le cadre de la garantie précédente, l'article 9 spécifie bien que le versement de l'Etat interviendra « dans les conditions prévues par la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale ». C'est donc le Parlement qui fixera ces conditions. On rappellera que l'article 34 de la loi famille du 25 juillet 1994 prévoyait de même un versement de l'Etat « selon des modalités prévues par la loi de finances ».

VII - Sur la contribution de la Caisse des dépôts et consignations au fonds de réserve pour les retraites

A) Les dispositions du V de l'article 16 de la loi prévoient le versement, par la Caisse des dépôts et consignations, d'une somme de 3 milliards de francs au fonds de réserve pour les retraites mentionné au 2ème alinéa de l'article L 135-1 du code de la sécurité sociale.

Pour contester cette mesure, les sénateurs auteurs du second recours soutiennent qu'elle a le caractère d'une affectation d'une recette du budget de l'Etat opérée en méconnaissance des prescriptions de l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.

B) Cette critique repose sur une interprétation erronée, tant de la disposition contestée que de celles qui régissent les lois de financement de la sécurité sociale.

En effet il n'existe aucun lien entre le montant figurant au budget général, dans le projet de loi de finances pour 2000, au titre des produits des participations de l'Etat dans des entreprises financières, et le prélèvement visé par le V de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Ce dernier a simplement le caractère d'une recette prélevée sur un organisme déterminé - en l'espèce, la Caisse des dépôts et consignations - en vue de concourir au financement du fonds de réserve pour les retraites, qui a le caractère d'une ligne budgétaire au sein de l'établissement public qu'est le fonds de Solidarité vieillesse.

Pour les raisons indiquées plus haut, l'article 18 de l'ordonnance organique est sans application aucune pour l'affectation d'une recette comme celle-ci à un établissement public.

VIII - Sur les transferts de l'Etat vers l'assurance maladie

A) Dans un souci de simplification, l'article 21 de la loi a transféré à compter du 1er janvier 2000, aux organismes d'assurance maladie, la part à la charge de l'Etat des dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et les centres de planification ou d'éducation familiale (CPEF).

De son côté, l'article 22 organise la prise en charge par les régimes d'assurance maladie, à compter du 1er janvier 2000, des dépenses liées aux cures de désintoxication des personnes toxicomanes réalisées avec hébergement dans les établissements de santé. Auparavant, la loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 modifiée relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses avait prévu le financement, par l'Etat, de la prise en charge sanitaire de la personne toxicomane.

Pour contester ces dispositions, les requérants vont valoir qu'elles sont contraires à la Constitution, dès lors que le financement des centres de dépistage anonyme et gratuit, et plus encore celui relatif aux cures de désintoxication, apparaissent, d'après eux, comme étant au nombre des dépenses qui relèvent par nature du budget de l'Etat et qu'elles n'entrent pas dans le champ des missions de l'assurance maladie. Elles constitueraient une débudgétisation non conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaire.

B) Le Conseil constitutionnel ne pourra faire droit à cette argumentation, qui revient à confondre les charges qui incombent à l'Etat par nature et celles qu'il n'assume que par détermination de la loi.

Dans ce dernier cas, il ressort de la décision n° 95-369 du 28 décembre 1995 qu'il est loisible au législateur de retrancher les dépenses correspondantes de celles dont le budget de l'Etat doit assumer la charge, dès lors que le transfert de la charge ne méconnaît aucune prescription constitutionnelle.

S'agissant des charges visées par l'article 21, il convient de noter que les activités sont d'ores et déjà en partie assumées par l'assurance maladie, à hauteur de 85 % par les CDAG et de 70% pour les CPEF. Par ailleurs, le dépistage du SIDA est financé à 100% par l'assurance maladie lorsqu'il est réalisé dans le dispositif de droit commun du secteur des soins de ville. La prise en charge de ce type d'activités, qu'il s'agisse de prévention ou de soin relève donc bien du champ d'intervention de l'assurance maladie et n'a en rien le caractère d'une dépense qui devrait, par nature, incomber à l'Etat.

Quant au choix opéré par l'article 22 pour le financement des dépenses liées aux cures de désintoxication réalisées dans les établissements de santé, il se heurte d'autant moins aux objections soulevées par les requérants que, eu égard au caractère médicalisé de la cure, ces dépenses sont au nombre de celles qu'il est légitime de faire supporter par l'assurance maladie. C'est un soin à part entière, qu'il soit réalisé sur injonction du procureur de la République ou sur présentation spontanée de la personne toxicomane. Il ne paraît pas justifié de distinguer la prise en charge de ce type de personnes d'autres types de soins de même nature tels que, par exemple, les cures de sevrage alcoolique qui sont prises en charge par l'assurance maladie.

IX - Sur le dispositif de régulation des soins de ville

A) La maîtrise des dépenses des professions de santé exerçant en ville est actuellement assurée par des dispositifs différents suivant les professions, fondés sur la combinaison d'un objectif de dépenses collectif, qui pour les médecins porte à la fois sur les honoraires et les prescriptions, et de mécanismes de contrôle individuels (références médicales obligatoires, plafonds d'activité pour certains paramédicaux).

Les objectifs de dépenses sont négociés entre les parties conventionnelles dans le cadre d'une annexe annuelle à la convention qui détermine également les tarifs des actes. La CNAMTS négocie ces objectifs dans le cadre de l'objectif des dépenses de soins de ville qui est déterminé chaque année dans l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAMTS, en fonction de l'ONDAM voté par le Parlement.

Le degré de contrainte résultant des objectifs pour les professionnels est différent suivant les professions et cette situation ne garantit pas le respect global des objectifs de dépenses :

- pour les paramédicaux, le non respect de l'objectif interdit en général la revalorisation des tarifs l'année suivante (mais cette règle est de niveau conventionnel et ne figure pas dans la loi). Le dispositif en place n'assure donc pas le respect des objectifs fixés ;

- pour les biologistes, le non respect de l'objectif conduit au reversement par la profession du "trop perçu", une économie par rapport à l'objectif se traduisant à l'inverse par une dette de l'assurance maladie à l'égard de la profession. La pratique a montré les limites du dispositif mis en place ;

- pour les médecins, la situation juridique actuelle n'est pas satisfaisante. Le dépassement de l'objectif devait entraîner dans le dispositif initial introduit en 1996 le reversement pur et simple par les médecins d'une partie du trop perçu en cas de dépassement de l'objectif (comprenant honoraires et prescriptions). La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 avait instauré un double mécanisme de gestion infra-annuelle de l'objectif et de prélèvement d'une contribution conventionnelle en cas de dépassement. Les dispositions relatives à la contribution conventionnelle ont été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 décembre 1998.

1) Tirant les conséquences de cette situation, l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale 2000 met en place un nouveau dispositif de régulation des soins de ville, fondée sur une responsabilité accrue de l'assurance maladie et des professionnels de santé.

L'article étend tout d'abord à l'ensemble des professionnels, notamment aux paramédicaux, les dispositions ouvertes aux conventions médicales dans la loi de financement 1999 pour favoriser la coordination des soins et le développement des réseaux de soins.

La loi met en place une procédure de délégation à l'assurance maladie qui s'appuie sur la définition, au sein de l'objectif des dépenses de soins de ville, d'un objectif de dépenses déléguées regroupant l'ensemble des honoraires des professionnels de santé exerçant en ville.

Les parties conventionnelles disposeront d'une large palette d'actions sur les pratiques professionnelles. En l'absence d'accord ou de convention, les caisses nationales pourront arrêter les mesures qu'elles estiment nécessaires dans ces domaines, après consultation des syndicats représentatifs. En cas de carence des partenaires, l'Etat pourra exercer des prérogatives de substitution. Ceci sera effectué trois fois dans l'année : en début d'année pour la fixation des objectifs, puis à l'occasion de l'examen des quatre et huit premiers mois de dépenses.

Enfin, le XIII de l'article 24 insère dans le code de la sécurité sociale un article L. 162-15-4 qui prévoit qu'à défaut de convention ou d'annexe annuelle applicable aux médecins spécialistes, ou à défaut d'accord en cours d'année entre ces médecins et ces caisses pour déterminer les mesures de nature à garantir en cours d'année le respect de l'objectif de dépenses, la CNAM et au moins une autre caisse nationale d'assurance maladie peuvent conclure, avec au moins une organisation syndicale nationale de médecins d'une spécialité ou d'un groupe de spécialités adhérente d'une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire des médecins spécialistes, deux types d'accords :

- un protocole relatif aux éléments de l'annexe mentionnée au I de l'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale par spécialité ou groupe de spécialités, qui portera sur les tarifs des honoraires et les références professionnelles opposables ;

- un protocole relatif aux mesures de nature à garantir, en cas d'évolution trop rapide des dépenses en cours d'année, le respect de l'objectif de dépenses déléguées comportant, le cas échéant, des ajustements de tarifs.

Il appartiendra ensuite aux caisses d'inclure ou non en fonction de la nature des mesures, celles qui pourront entrer dans l'exercice de leur pouvoir de substitution.

Tel est le nouveau dispositif défini par la loi déférée.

2) Pour contester ces mesures, les députés requérants font valoir qu'elles imposent une méthode unique de régulation, celle des « lettres-clés flottantes », qui revient à instaurer un système de sanctions collectives pénalisant les praticiens les plus vertueux. Ce mécanisme méconnaîtrait l'égalité devant la loi, pour les mêmes raisons que celles que le Conseil constitutionnel a retenues pour censurer le mécanisme qu'instaurait la loi de financement pour 1999.

Par ailleurs, le dispositif instauré par l'article 24 méconnaîtrait les principes de proportionnalité et de personnalité des sanctions et des peines ainsi que la présomption d'innocence.

Enfin, les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, contestent le mécanisme prévu par le XIII de l'article 24 en qualifiant les protocoles mentionnés par cette disposition d' « accords conventionnels de substitution ». Ils soutiennent qu'à la différence des accords conventionnels, ces protocoles ne sont soumis à aucune approbation ministérielle. Ils font en outre valoir que la conclusion de tels accords avec des organisations syndicales de médecins de certaines spécialités, qui ne sont pas reconnues représentatives, est contraire à la Constitution.

B) Ces griefs reposent sur une interprétation erronée du dispositif contesté.

1) En premier lieu, il ne repose nullement sur un système automatique de « lettre-clé flottante ».

La loi a en effet prévu une large palette d'actions dont les tarifs ne sont qu'une composante. Les parties conventionnelles peuvent agir sur les pratiques professionnelles : information, évaluation, promotion de référentiels de bonne pratique. Des ajustement des cotations de la nomenclature sont également possibles, qui permettent des actions ciblées sur certains professionnels ou certaines catégories d'actes. Par ailleurs, la variation de la valeur des lettres clés est un outil dont l'utilisation peut être fine et ajustée en fonction des objectifs déterminés.

De plus, la loi ne prévoit aucun ajustement automatique des lettres clés en cas de dérapage et se borne à offrir cette faculté. Ce mécanisme d'ajustement n'a, de même, aucun caractère systématique, puisqu'il ne concerne pas nécessairement toute les lettres clés, mais peut ne porter que sur certaine d'entre elles.

Dans le domaine des prescriptions, le rôle des parties aux conventions médicales est accru : des accords peuvent être conclus pour la mise en oeuvre d'actions thématiques spécifiques dont les fruits pourront être partagés avec les médecins, les professionnels pourront adhérer individuellement à des contrats de bonne pratique sur des engagements précis.

La possibilité d'ajuster la valeur des lettres clés s'insère donc dans un mécanisme d'ensemble dont l'objectif global est la régulation des dépenses. Il n'a donc en rien le caractère d'un mécanisme de sanctions collectives.

2) En deuxième lieu, il est tout aussi inexact de prétendre que la CNAMTS aurait le pouvoir de décider seule de la valeur des lettres clés et des cotations.

L'intervention unilatérale de la CNAMTS n'a été prévue, en ultime recours, que lorsque les possibilités de négociation ont été épuisées. De plus, le pouvoir de la CNAMTS est un pouvoir de substitution strictement encadré et soumis à l'approbation des ministres. Il est par ailleurs cohérent avec la délégation à la CNAMTS, au sein de l'objectif soins de ville, d'un objectif de dépenses déléguées regroupant l'ensemble des honoraires des professionnels de santé exerçant en ville.

3) En troisième lieu, l'utilisation de la lettre clé n'est pas davantage contraire au principe d'égalité devant la loi.

La loi aménage le dispositif existant. Il faut à cet égard noter qu'il est de la nature même d'un régime d'encadrement des tarifs comme celui des lettres clés de déterminer un prix moyen qui vaut pour tout médecin. Par construction, un tel mécanisme tarifaire s'applique de manière objective sans avoir à prendre en considération la personne ou l'activité.

Le comportement individuel des médecins n'intervient pas dans la détermination de la valeur de la lettre clé qui dépend de données macro économiques liées notamment aux volumes des actes. Ceci vaut tant pour une hausse que pour une baisse des tarifs. L'évolution des tarifs étant liée au volume constaté des actes, elle s'applique à des personnes situées dans des conditions objectives au regard du conventionnement : il n'y a donc pas rupture de l'égalité devant la loi.

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, répondant à un grief analogue à propos du règlement conventionnel minimal du 11 août 1998, dans sa décision Fédération nationale des médecins radiologues et autres du 7 mai 1999, a reconnu qu'eu égard à l'augmentation sensible du nombre d'actes de radiologie constaté, les ministres avaient pu, sans méconnaître le principe d'égalité, se borner à réduire la valeur monétaire de la lettre clé Z1.

Contrairement à ce que soutiennent les requérants, les conditions de la contribution mise à la charge des médecins par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et de l'utilisation des lettres clés ne sont pas comparables. Il ne s'agit ici en aucune façon de reversement mais de déterminer un tarif qui garantit le respect des équilibres financiers de la sécurité sociale, dont on rappellera qu'il constitue une exigence constitutionnelle (décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997).

La possibilité offerte aux parties conventionnelles de modifier la valeur des lettres clés se justifie ainsi par l'objet même de la loi qui est de maintenir l'évolution des dépenses dans un cadre cohérent avec la fixation de l'ONDAM et de l'objectif des soins de ville.

4) Quant aux moyens tirés de la méconnaissance de divers principes régissant le droit répressif, ils sont inopérants dès lors que, comme il a été démontré plus haut, l'utilisation par les parties conventionnelles de la valeur des tarifs et des lettres clés ne peut en aucune manière être assimilée à une sanction.

5) Enfin l'argumentation des sénateurs dirigée contre le XIII de l'article 24 ne peut davantage être accueillie. En effet, il convient de préciser tout d'abord que, contrairement à ce qui est soutenu, les protocoles institués par l'article L. 162-15-4 ne sont pas des « accords conventionnels », et ne sont pas destinés à s'y substituer. Il s'agit d'actes concertés conclus avec les médecins de certaines spécialités, lorsqu'aucun accord conventionnel n'a pu être conclu.

Ces protocoles n'ont pas vocation à remettre en cause les stipulations de la convention, lorsqu'elle existe, ni les mesures prises, à défaut de convention ou d'annexe, par la CNAM et au moins une autre caisse nationale, sur le fondement du dernier alinéa du I ou du quatrième alinéa du II de l'article L. 162-15-2 du code de la sécurité sociale : ces actes permettent seulement, dans le cadre défini par la convention ou les mesures unilatérales prises par la CNAM, de formaliser les résultats d'une concertation avec les spécialistes qui le souhaitent, portant sur l'ensemble des mécanismes de régulation les concernant. Le moyen tiré de ce que les protocoles devraient être approuvés par le ministre est donc, sans portée dès lors que ces protocoles ne sont pas opposables.

Par ailleurs, et compte tenu de ce qui vient d'être dit quant à l'absence d'opposabilité de ces protocoles, le débat sur la représentativité des organisations syndicales qui les signeront est, en tout état de cause, sans incidence sur la constitutionnalité de la loi.

X - Sur la motivation des arrêts de travail et des prescriptions de transport

A) Le I de l'article 25 crée un article L. 162-4-1 dans le code de la sécurité sociale rendant obligatoire la motivation médicale de la prescription, tout en permettant une meilleure identification du prescripteur. Il est, en effet, apparu que la bonne utilisation des ressources publiques commande que l'assurance maladie prenne en charge les prescriptions de transport et d'arrêt de travail médicalement justifiées.

Selon les députés requérants, ces dispositions de l'article 25 sont contraires à la Constitution en ce qu'elles portent atteinte au secret médical et au respect de la vie privée.

B) Ces critiques ne sont pas fondées

1) Il convient d'abord de rappeler que l'assurance maladie a vocation à prendre en charge les seules prestations qui, de l'avis du service du contrôle médical, apparaissent médicalement justifiées. Ceci résulte expressément des dispositions combinées des articles L. 315-1 et L. 315-2 du code de la sécurité sociale.

L'obligation faite aux médecins d'indiquer sur la feuille de soins les éléments d'ordre médical justifiant leurs prescriptions d'arrêts de travail et de transports, deux domaines correspondants à des postes de dépense en forte croissance, vise précisément à permettre au service du contrôle médical, dont l'avis s'impose à l'organisme payeur, de se prononcer en toute objectivité et connaissance de cause quant au caractère médicalement justifié de la prestation en cause.

En ce qui concerne les indemnités journalières de maladie, il convient de préciser que des dispositions analogues existent d'ores et déjà dans le régime des professions indépendantes. L'article 25 étend simplement ces dispositions à l'ensemble des régimes obligatoires.

S'agissant des remboursements de frais de transport, la disposition contestée tend à responsabiliser les prescripteurs tant libéraux qu'hospitaliers, en leur demandant d'attester, sous leur responsabilité propre, que l'état du malade nécessite le recours à une telle prestation.

2) Ces exigences raisonnables ne se traduisent par aucune atteinte au secret médical ou au respect de la vie privée.

En effet, les exigences du secret médical sont intégralement applicables aux organismes d'assurance maladie. Les caisses, tout comme les services médicaux qui leurs sont rattachés, sont tenues en toutes circonstances de garantir la stricte confidentialité des informations nominatives d'ordre médical nécessaires à l'accès aux prestations.

Ce principe s'applique aux relations entre les caisses et les prestataires de soins (médecins, établissements de santé, institutions médico-sociales) ainsi qu'aux relations internes entre les services administratifs et les services médicaux des caisses. Les relations entre ces derniers s'exercent dans un cadre particulier, caractérisé par une obligation explicite de secret professionnel à laquelle sont astreints les agents des caisses, le non respect de cette obligation étant passible de sanctions pénales.

On précisera en outre que, sur un plan pratique, la disposition attaquée n'a pas pour objet de demander au médecin de mentionner explicitement un diagnostic médical - lequel n'est d'ailleurs pas nécessairement connu avec certitude lors de la prescription - mais de préciser, à l'intention du seul service du contrôle médical, les éléments pertinents d'ordre clinique rendant nécessaire l'interruption de travail ou entraînant l'impossibilité de se déplacer.

Ces informations ne sont destinées qu'aux médecins conseils des caisses, à l'exclusion de tout autre destinataire. A cette fin, leur contenu sera occulté et, de ce fait, rendu inaccessible aux destinataires autres que les médecins conseils (service administratif de la caisse, employeur...) comme pour toute information d'ordre médical figurant sur les imprimés utilisés pour l'accès aux prestations servies par l'assurance maladie (par exemple, les demandes d'entente préalable).

XI - Sur l'ajustement de la clause de sauvegarde sur le médicament

A) L'article 29 substitue un taux de 2 % au taux K mentionné dans le tableau figurant au deuxième alinéa de l'article L 138-10 du code de la sécurité sociale, pour la contribution due en application de cet article, au titre de l'année 2000.

Ce taux K, qui détermine le déclenchement de cette contribution, est défini par cet article comme le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Cet objectif pour l'année 2000 étant défini par rapport aux dépenses attendues pour 1999, il a donc paru nécessaire, pour la détermination de la contribution qui sera due au titre de l'exercice 2000, de définir un taux K spécifique.

A l'appui de leur recours, les députés saisissants prétendent que cet article 29 définit un objectif national spécifique de dépenses pharmaceutiques qui serait, comme tel, contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale;

Les sénateurs, auteurs du second recours, font en outre valoir que l'absence d'abrogation du 1er alinéa de l'article L 138-10 a pour effet de modifier l'ONDAM 1999 voté dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale.

B) Ce faisant, les requérants se méprennent sur la portée de la disposition contestée.

En effet, l'article 29 se borne à modifier, pour la contribution due au titre de 2000, le mode d'établissement du taux K figurant à l'article L 138-10 du code de la sécurité sociale. Ce taux permettant de déclencher l'application de la clause de sauvegarde prévue par l'article L 138-10, et de fixer les tranches de la contribution, il s'agit uniquement d'une modulation d'un dispositif déjà existant, et non de la création d'un objectif spécifique pour le médicament.

L'article 29, qui ne fait qu'adapter aux réalités observées un dispositif déjà existant, n'est en tout état de cause ni contraire aux dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, ni de nature à porter atteinte à la compétence du législateur organique, à supposer même que la création d'un objectif spécifique soit de son ressort exclusif.

Enfin il résulte du mécanisme qui vient d'être décrit qu'il n'affecte pas l'ONDAM 1999 mais se borne à modifier, pour l'année suivante, les mécanismes de déclenchement et de calcul de la contribution. Comme le montre bien l'exposé des motifs, la loi se borne ainsi à modifier temporairement des éléments techniques qu'elle avait auparavant fixés.

XII - Sur la contribution exceptionnelle des entreprises pharmaceutiques

A) L'article 30 entend tirer les conséquences de l'annulation attendue, pour contrariété au droit communautaire, du III de l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 instituant, à la charge de l'industrie pharmaceutique, un prélèvement dont l'assiette était constituée du chiffre d'affaires au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées à l'usage des collectivités, déduction faite des dépenses de recherche exposées en France.

Cette annulation conduisant à la restitution aux laboratoires pharmaceutiques des sommes recouvrées à ce titre en 1996, soit environ 1,2 milliard de francs, il a été jugé nécessaire d'en compenser l'impact négatif sur les comptes de l'assurance maladie. C'est pourquoi l'article 30 crée une contribution exceptionnelle à la charge des laboratoires pharmaceutiques, destinée au financement de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés. Cette contribution est assise sur le chiffre d'affaire des laboratoires pharmaceutiques réalisé en 1999 au titre des spécialités pharmaceutiques remboursables et agréées à l'usage des collectivités. Elle est exigible le 1er septembre 2000. Son produit global sera strictement équivalent aux sommes remboursées du fait de l'annulation.

Selon les requérants, ce dispositif aurait le caractère d'une validation législative déguisée, destinée à neutraliser les effets d'une décision de justice. L'article 30 porterait ainsi atteinte à la sécurité juridique et à la confiance légitime.

B) Cette argumentation est dépourvue de portée.

En effet, la taxe instituée par l'article 30 ne saurait être qualifiée de validation, dès lors qu'elle ne remet en cause en aucune façon l'annulation par le Conseil d'Etat de la taxe mise en oeuvre par l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996.

Cette nouvelle taxe porte sur les chiffres d'affaires réalisés en 1999 et non pas en 1995. Elle ne concerne pas les mêmes assujettis, ne retient pas la même assiette et ne prévoit pas les mêmes exonérations.

De plus, l'article 30 ne méconnaît pas l'autorité de la chose jugée et la portée de la décision du Conseil d'Etat, puisque les entreprises qui se sont acquittées de la précédente taxe seront intégralement remboursées des sommes qu'elles ont versées à l'ACOSS au titre de la contribution annulée.

S'agissant d'une taxe nouvelle répondant à des critères objectifs qui lui sont intrinsèques, l'argument tiré d'une comparaison avec le dispositif défini par l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 est inopérant.

Celui que retient l'article 30 de la loi déférée n'introduit aucune rupture d'égalité dans l'établissement de cette contribution, puisque son assiette est constituée par les chiffres d'affaires de toutes les entreprises pharmaceutiques exploitant des spécialités pharmaceutiques en France ayant réalisé un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de francs en 1999.

On observera enfin que le dispositif fixé par l'article 30 ne fait que tirer les conséquences de la décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 par laquelle le Conseil constitutionnel a jugé qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier aux conséquences financières d'une annulation.

XIII - Sur la validation des actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999.

A) Le IX de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 valide les actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999 en tant que leur légalité serait contestée pour un motif tiré de l'illégalité de cet arrêté.

L'intervention de cet arrêté a pour origine l'échec des négociations entre l'Etat, l'assurance maladie et les représentants des cliniques privées sur l'objectif pour 1999, cet échec étant dû à l'ampleur du dépassement en 1998 (2,05 %), le Gouvernement a été conduit à prendre un arrêté pour la fixation des tarifs annuels. Selon la procédure prévue à l'article L. 162-22-2 du code la sécurité sociale, cet arrêté fixe le montant de l'objectif quantifié national des cliniques privées pour 1999 et le taux d'évolution des tarifs des cliniques pour cette même année (soit -1,95% compte tenu du dépassement constaté en 1998). Il maintient, par ailleurs, le fonds régionalisé de 133 MF instauré en 1998 par l'accord annuel du 31 mars 1998 et destiné au financement des contrats d'objectifs et de moyens.

Enfin, cet arrêté fixe également le montant de l'objectif quantifié national (OQN) des établissements anciennement à tarification préfectorale ayant opté pour le régime de l'article L. 710-16-2 du code de la santé publique ainsi que le taux d'évolution de leurs tarifs en 1999 (-2,05% compte tenu du dépassement constaté en 1998).

L'arrêté du 28 avril 1999 a été contesté devant le Conseil d'Etat au motif, notamment, de l'absence de validité du constat des dépenses entrant dans le champ de l'OQN, en raison de l'absence de montants régionaux ainsi que de l'absence d'un dispositif de régulation au niveau régional.

Dans l'hypothèse d'une annulation de l'arrêté du 28 avril 1999, la validation a pour objet de donner une base légale aux avenants tarifaires aux contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les établissements. Ces avenants fixent les tarifs des prestations. Elle permet également de disposer d'un objectif pour l'année 1999 indispensable à la régulation du secteur au titre de l'année considérée.

Pour contester cette validation, les sénateurs, auteurs du second recours, font valoir qu'elle ne repose pas sur un intérêt général suffisant au sens de la jurisprudence constitutionnelle.

B) pour sa part, le Gouvernement considère que l'article 33 est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En effet, cette validation est préventive dans la mesure où elle intervient alors que le Conseil d'Etat ne s'est pas encore prononcé sur la légalité de l'arrêté du 28 avril 1999. Or le caractère préventif d'une intervention rétroactive du législateur n'est pas de nature à en affecter la conformité à la Constitution (n° 94-357 DC du 25 janvier 1995 ; n° 95-364 DC du 8 février 1995). En pareil cas, en effet, ce caractère est précisément de nature à éviter l'écueil d'une atteinte aux droits qui pourraient avoir été reconnus par une décision de justice.

Par ailleurs, la mesure de validation ne porte pas sur l'acte susceptible d'être annulé par le Conseil d'Etat mais sur ses effets. Elle n'affecte donc en rien l'autorité de la chose jugée.

Il importe surtout de souligner que, contrairement à ce qui est soutenu, elle répond à un motif d'intérêt général suffisant, celui que constitue l'équilibre financier des régimes d'assurance maladie. En effet, l'absence de validation affecterait l'équilibre financier des comptes de l'assurance maladie pour un montant de 1,336 milliard de francs.

Or, la conformité d'une telle validation aux normes constitutionnelles doit s'apprécier au regard de la loi constitutionnelle du 22 février 1996. Cette réforme témoigne, en effet, de la volonté du constituant de faire désormais de l'équilibre financier de la sécurité sociale un objectif constitutionnel. De ce fait, le législateur ne saurait ignorer, lorsqu'il apprécie la nécessité d'une mesure de validation, les conséquences préjudiciables pour les comptes sociaux du développement de certains contentieux (n° 97-393 DC du 18 décembre 1997).

Tel est bien le cas en l'espèce. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les conséquences financières qu'impliquerait l'annulation de l'arrêté par le Conseil d'Etat aggraveraient notablement les charges de l'assurance maladie et seraient susceptibles de compromettre le respect de l'objectif pour 2000, de manière substantielle.

En définitive, aucun des nombreux griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement estime-t-il que le Conseil constitutionnel ne pourra que rejeter les recours dont il est saisi.

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 3 décembre 1999.

I. Sur l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale :

Les sénateurs soussignés estiment que l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale a été adopté aux termes d'une procédure non conforme aux dispositions de l'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale.

Cet article de la loi organique prévoit en effet que :

« Le Sénat doit se prononcer, en première lecture, dans un délai de quinze jours après avoir été saisi. » (deuxième alinéa de l'article L.O. 111-7)

et que :

« Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée nationale du texte soumis au Sénat modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui » (quatrième alinéa de l'article L.O. 111-7)

Ces dispositions sont claires et impératives, l'article L.O. 111-7 fixant à la fois un délai et la procédure que devra suivre le Gouvernement en cas de dépassement dudit délai (Si le Conseil en jugeait autrement, estimant que les délais et les procédures prévus par l'article L.O. 111-7 ne présentent pas un caractère impératif, il serait utile que sa décision précise à l'intention du législateur organique en quels termes autres que l'indicatif présent il doit s'exprimer lorsqu'il entend instituer des délais et des procédures impératives).

Elles valent dans tous les cas, que l'Assemblée nationale ait ou n'ait pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le délai prévu à l'article 47-1 de la Constitution, soit vingt jours.

Or, ces dispositions n'ont pas été respectées par le Gouvernement, le Sénat ayant été saisi le 2 novembre et ayant procédé au vote sur l'ensemble du projet le 18 novembre.

Ne sauraient être retenus, pour atténuer la portée des dispositions de l'article L.O. 111-7, les arguments suivants :

1/ Premier argument : le Sénat serait mal fondé à souligner l'inconstitutionnalité d'une procédure législative au motif du non-respect de délais qui protègent l'Assemblée nationale, et non le Sénat.

Cet argument ne saurait être retenu. En effet, le Sénat est, ce faisant, cohérent avec la position qu'il avait exprimée lors des débats sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. C'est en effet grâce à un amendement de la commission des Lois du Sénat qu'a été retenu le délai de quinze jours, alors que l'Assemblée nationale voulait laisser au Sénat un délai de vingt jours.

Il convient à cet égard de se reporter au rapport n°375 (1995-1996) établi par M. Patrice Gélard au nom de la commission des Lois qui indique :

« Votre commission des Lois est certes très sensible au fait que l'Assemblée nationale ait jugé opportun d'accorder au Sénat le même délai qu'à elle-même. Mais, tout en se félicitant de cette initiative conforme à l'esprit du bicaméralisme, elle constate que ce délai de vingt jours pourrait comporter plus d'inconvénients que d'avantages en risquant de provoquer un chevauchement entre l'examen de la loi de financement et l'examen de la loi de finances ».

2/ Deuxième argument : il se fonde sur votre décision n° 86-209 DC du 3 juillet 1986

Dans votre décision du 3 juillet 1986 sur la loi de finances rectificative pour 1986, vous avez été amené à vous prononcer sur l'éventuelle irrégularité constituée par l'absence de dessaisissement de l'Assemblée nationale qui avait pourtant dépassé le délai imparti en première lecture.

Vous avez ainsi considéré que « le fait pour le Gouvernement de ne pas déférer immédiatement à ces prescriptions et de laisser ainsi l'Assemblée nationale statuer sur un projet dont elle n'a pas été dessaisie ne constitue cependant une irrégularité de nature à vicier la procédure législative que s'il a pour conséquence de réduire le délai dont dispose le Sénat en vertu du deuxième alinéa de l'article 47 de la Constitution pour statuer en première lecture ».

Cette décision ne peut être transposée pour le Sénat et pour les lois de financement.

En effet, il s'agit ici du délai d'examen prévu pour le Sénat, qui est saisi en deuxième lieu après l'Assemblée nationale. Par définition, le non-respect du délai prévu pour le Sénat ne peut jamais avoir pour conséquence de réduire le délai prévu pour l'Assemblée nationale en première lecture, puisqu'elle est saisie avant le Sénat.

Et l'on ne peut pas dire non plus que le délai prévu pour le Sénat « ne sert à rien », aucune conséquence ne pouvant s'attacher à sa violation.

Il convient donc d'apprécier les conséquences du non-respect du délai du Sénat sur la suite de la procédure, qui doit se dérouler dans un délai de quinze jours, c'est-à-dire le reliquat du délai global de cinquante jours après imputation des délais constitutionnels prévus pour les premières lectures à l'Assemblée nationale (vingt jours) et au Sénat (quinze jours).

En ne respectant pas les délais du Sénat, le Gouvernement a réduit le délai dont disposent constitutionnellement l'Assemblée nationale et le Sénat pour procéder dans des conditions satisfaisantes à la réunion de la Commission mixte paritaire, à la nouvelle lecture dans chacune des deux chambres puis au dernier mot à l'Assemblée nationale, ainsi qu'aux réunions des commissions saisies au fond avant chaque lecture dans chaque Assemblée du Parlement.

3/ Troisième argument : le non-respect des délais prévus pour chaque Assemblée du Parlement ne saurait être invoqué dès lors que le délai global de cinquante jours fixé par l'article 47-1 de la Constitution a été respecté :

Cet argument ne saurait, pour trois raisons, être retenu.

D'une part, la loi organique n'a pas prévu que seul le délai global était impératif. Tous les délais, les délais propres à une Assemblée et le délai global, sont assortis d'une procédure impérative que le Gouvernement doit mettre en oeuvre s'ils ne sont pas respectés.

D'autre part, les délais propres à chaque Assemblée ont notamment été fixés pour permettre le respect du délai global : on ne sait qu'a posteriori que le délai global a été respecté, et il ne serait pas bon que chaque Assemblée déborde ses propres délais en espérant que la suite de la procédure permettra d'accélérer l'examen du projet de loi, au besoin en « rognant » sur les délais de l'autre Assemblée. Il ne serait pas bon non plus que le Gouvernement soit libre de choisir entre les deux Assemblées celle à laquelle il laissera le plus de temps, quitte à accélérer ensuite la procédure législative.

Enfin, la fixation de délais impératifs pour l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale a eu pour but, non seulement de protéger chacune des Assemblées et de garantir le respect du délai global de cinquante jours, mais aussi de permettre la discussion concomitante des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, selon la formule employée par M. Jacques Toubon, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, lors de la réforme organique : « dépôt décalé, discussion intercalée, adoption quasi simultanée ».

De fait, toute la discussion du projet de loi organique, en 1996, a été centrée sur la nécessité de permettre cet examen concomitant des deux textes, qu'il s'agisse de déterminer la date de dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou les délais propres à chaque Assemblée.

Ce souci de permettre un examen concomitant du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne s'explique pas seulement, ni par le souci d'offrir au Parlement des conditions confortables d'examen, ni par les exigences propres à chacun de ces deux textes (nécessité de voter les dépenses et les recettes avant le début de l'année suivante), mais parce que ces deux projets de loi ne sont pas sans lien.

Votre Haute juridiction l'a d'ailleurs affirmé dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, qui considère :

« qu'il résulte (...) des termes mêmes des articles L.O. 111-6 et L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale, que le législateur organique a entendu mettre le Parlement en mesure de tenir compte, au cours de l'examen du projet de loi de finances, des incidences économiques et fiscales des mesures figurant dans la loi de financement de la sécurité sociale ; (...) »

4/ Quatrième argument : le non-respect des délais fixés par la loi organique ne saurait être invoqué dès lors qu'aucun parlementaire, ni au Sénat, ni à l'Assemblée nationale, n'a souligné ce point à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale :

En effet, les termes de l'article 47-1 de la Constitution comme ceux de l'article L.O. 111-7 confient au Gouvernement, et non au Parlement, le soin de veiller au respect des délais qu'ils fixent.

Le Gouvernement, maître des dépôts et des transmissions comme de l'ordre du jour prioritaire du Parlement, est d'ailleurs le seul à pouvoir accomplir cette mission constitutionnelle.

Ainsi, c'est lors de la Conférence des présidents du Sénat du 26 octobre 1999 que le Gouvernement a fixé, dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire, les dates d'examen par le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Aussi ne pouvait-il pas ignorer, en transmettant au Sénat dès le 2 novembre 1999 le projet de loi adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, qu'ensemble, ces deux décisions étaient incompatibles avec le respect des prescriptions de la loi organique.

II. Sur les articles 2, 3 et 4 du projet de loi :

Les sénateurs auteurs de la saisine considèrent que l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale et contraire à l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Il est en outre contraire aux articles 6, 16 et 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. Il en est de même des articles 3 et 4 de la loi qui sont intrinsèquement liés à cet article 2.

1/ L'article 2 n'affecte pas l'équilibre financier des régimes obligatoires de base :

En effet, l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 25 juillet 1994, dispose que « toute mesure d'exonération totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale (...) donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ».

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, institue un « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ». Il prévoit que la mission de ce fonds est « de compenser le coût pour la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale (...) ».

L'article 2 dispose par ailleurs (art. L. 131-9 du code de la sécurité sociale) que « les versements du fonds de financement se substituent à la compensation par le Budget de l'Etat prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale ».

Ledit fonds se substitue donc au budget de l'Etat pour assurer la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales.

En l'absence de l'article 2, cette compensation serait de droit et les crédits nécessaires inscrits au budget général. En quelque sorte, du point de vue de la sécurité sociale et des équilibres de la loi de financement de la sécurité sociale, les montages financiers et l'origine des fonds assurant cette compensation importent peu dès lors que cette compensation est effective et intégrale en application de la loi précitée du 25 juillet 1994.

L'absence ou la suppression de l'article 2 n'aurait donc aucune incidence sur les équilibres de la loi de financement.

Et, dès lors qu'il n'est pas dérogé au principe de la compensation intégrale des exonérations de charges, la présence de cet article 2 n'affecte pas davantage directement et même indirectement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.

Or, l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale précise bien que les lois de financement de la sécurité sociale « ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dans son texte initial, avait d'ailleurs inclus, dans les prévisions des recettes de l'article 6, sur la ligne « cotisations effectives », la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales sans s'interroger sur l'origine de cette compensation, qu'elle soit constituée par les dépenses du fonds de financement créé à l'article 2 ou par un reliquat de crédits du budget général.

2/ L'article 2 n'améliore pas davantage le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale :

En 1999, la compensation des exonérations de cotisations sociales était regroupée sur une seule ligne des prévisions de recettes en loi de financement de la sécurité sociale et était parfaitement identifiée sous la forme de dépenses budgétaires au chapitre 44-77 du budget de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est plus le cas pour 2000 puisque cette compensation disparaît, dans sa quasi-totalité, du budget de l'Etat et se trouve désormais intégrée dans trois lignes différentes des prévisions de recettes en loi de financement de la sécurité sociale.

En première lecture, l'Assemblée nationale a cru bon, en effet, de modifier la présentation des différentes catégories de recettes pour inscrire sur la ligne « impôts et taxes affectés » de l'article 6, les impositions figurant en ressources du fonds de financement (droits sur les tabacs, taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), contribution sociale sur les bénéfices, taxation des heures supplémentaires) et sur la ligne « contributions publiques » la contribution de l'Etat à ce fonds.

Ces modifications n'ont toutefois pas concerné les droits sur les alcools précédemment inscrits sur cette ligne « impôts et taxes affectés » au titre du Fonds de solidarité vieillesse.

En outre, demeure, sur la ligne « cotisations effectives », la compensation des exonérations de cotisations encore financée sur crédits budgétaires.

A l'évidence, la présence du fonds de financement dans la loi de financement de la sécurité sociale ne contribue donc pas à l'amélioration du contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Et la confusion et la complexité de la présentation législative de la compensation des exonérations de cotisations sociales ne sauraient en aucun cas être compensées par la présence de membres du Parlement dans l'organisme extra-parlementaire que constitue le conseil d'administration du fonds de financement.

3/ L'article 2 est contraire aux dispositions de l'article 18 de l'ordonnance organique sur les lois de finances :

Il apparaît, en outre, clairement que les dépenses de ce fonds constituent un élément déterminant de la politique de l'emploi de l'Etat et qu'elles relèvent des charges permanentes de l'Etat telles que définies par l'article 6 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. La majorité de ces dépenses était inscrite en 1999 au chapitre 44-77, article 30, du budget de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, la contribution de l'Etat au fonds de financement figure encore à ce budget pour 2000, au chapitre 44-77, article 10, sous le libellé « exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail (loi du 13 juin 1998) ».

En outre, si l'affectation au fonds de financement de la taxe générale sur les activités polluantes et d'une fraction du produit du droit de consommation visé à l'article 575 du code général des impôts fait l'objet, en application de l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances, d'une disposition spécifique du projet de loi de finances pour 2000, il n'en est pas de même pour la modification de l'affectation d'une partie du produit du droit de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts. Ce produit a été affecté au fonds de solidarité vieillesse par l'article 43 de la loi n° 93-1352 de finances pour 1994, toujours en vigueur.

La modification de cette affectation, pour en faire bénéficier le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, a été décidée, à tort, par l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Elle aurait dû, à l'évidence, figurer dans le projet de loi de finances pour 2000, conformément à l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.

L'article 2 est donc contraire audit article 18 en tant qu'il modifie une affectation qui relève de la loi de finances.

Plus généralement, ledit article 18 souligne que l'« affectation est exceptionnelle » et qu'« aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi ».

Ce droit permanent à une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales décidée par l'Etat a bien été reconnu par la loi du 25 juillet 1994 et ce droit n'est désormais pas contesté.

Dès lors, le principe même du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est contestable quand bien même cette affectation aurait été décidée en loi de finances.

L'article 2 de la loi de financement doit donc être déclaré contraire à la Constitution, de même que les articles 3 et 4 qui lui sont intrinsèquement liés.

III. sur l'article 10 de la loi :

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale prenant acte de la déclaration du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations selon laquelle l'Etablissement entendait spontanément contribuer, à hauteur de 3 milliards de francs, au fonds de réserve pour les retraites mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 135-1 du code de la sécurité sociale, a complété l'article 10 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 afin de prévoir le versement de cette somme.

Or, la contribution de la Caisse sur le résultat net de son activité pour compte propre constitue une recette non fiscale du budget général inscrite à la ligne n° 0110 (« produits des participations de l'Etat dans des entreprises financières ») de l'état A annexé à l'article d'équilibre, doté de 3,01 milliards de francs pour 2000.

L'affectation d'une partie de cette recette non fiscale au fonds de réserve pour les retraites, par le paragraphe V de l'article 10 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, est donc contraire à l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances car elle aurait dû être prévue dans la loi de finances pour 2000.

IV. Sur l'article 17 du projet de loi :

1/ Sur le mécanisme des « lettres-clés-flottantes » institué par l'article 17 :

Le mécanisme des « lettres-clés flottantes » institué pour tous les professionnels de santé exerçant en ville par l'article 17 de la loi de financement de la sécurité sociale apparaît aux sénateurs auteurs de la saisine non conforme à la Constitution.

Certes, il est constant, dans le droit de la sécurité sociale, que la fixation des tarifs des professionnels conventionnés relève du pouvoir réglementaire.

Les sénateurs soussignés ne contestent pas ce point, et approuvent le système conventionnel mis en place depuis 1971 qui prévoit l'approbation par des mesures réglementaires des tarifs fixés par les conventions conclues entre l'assurance maladie et les professionnels.

Ils observent cependant que l'article 17, en établissant un lien automatique et général entre des fluctuations conjoncturelles à la hausse des dépenses d'assurance maladie et la fluctuation à la baisse des tarifs des professionnels de santé, confère à ces baisses de tarifs la caractère de sanctions collectives.

Ces sanctions sont à la charge de l'ensemble des professionnels, quel qu'ait été leur comportement individuel en cours d'année. Ainsi, en adoptant l'article 17, le législateur n'a pas fondé, comme le Conseil lui en avait grief une première fois l'an dernier, « son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la modération des dépenses qu'il s'était assigné ».

Le mécanisme prévu par l'article 17 méconnaît les principes de nécessité, de proportionnalité et de personnalité des peines : il doit donc être déclaré non conforme à la Constitution.

2/ Sur les « accords conventionnels de substitution » prévus par le paragraphe XII bis de l'article 17 :

En cas d'absence de convention pour les médecins spécialistes, ou en cas de désaccord entre les partenaires conventionnels pour conclure une annexe à la convention, le paragraphe XII bis prévoit la possibilité d'« accords conventionnels de substitution », qualifiés de « protocoles », mais qui, pour les spécialistes, semblent avoir le même effet, dans le même domaine, que les accords conventionnels (encore que la loi ne prévoie aucun mécanisme d'approbation, et se contente d'affirmer que les protocoles sont « relatifs aux éléments de l'annexe mentionnée au I de l'article L. 162-15-2 »).

Ces protocoles peuvent être conclus par spécialité ou par groupe de spécialités avec « au moins une organisation syndicale nationale de médecins de la spécialité ou du groupe de spécialités adhérente d'une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire des médecins spécialistes. »

Il n'apparaît pas conforme à la Constitution que des organisations de médecins non reconnues comme représentatives puissent, pour les médecins de la ou des spécialités qu'ils prétendent représenter, conclure ainsi des accords conventionnels.

V. Sur l'article 21 du projet de loi :

Les sénateurs soussignés estiment que l'article 21 du projet de loi, qui modifie pour la seule année 2000 l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, est contraire aux dispositions de l'article L.O.111-3 du code de la sécurité sociale.

Cet article constitue la conséquence pratique de l'opération qualifiée par Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité de « rebasage » du calcul de l'ONDAM pour 2000 (cf. commentaires dans le rapport n° 58 (1999-2000) présenté par M. Charles Descours, Equilibres financiers généraux et assurance maladie, tome I, p. 135).

Le tome IV de ce rapport (Examen des articles) a ainsi retracé la position de la Commission, qui a été suivie par le Sénat (commentaire sous l'article 21) :

« Votre commission estime que cet article est contraire aux dispositions de l'article L.O. 111-3, tel qu'il est issu de la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996.

« En effet, aux termes de cet article :

« Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :

« 1° approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;

« 2° prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

« 3° fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;

« 4° fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;

« 5° fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ces besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. »

« Certes, ces dispositions ne sont pas limitatives, les lois de financement pouvant comporter, aux termes du paragraphe III de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, « des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».

« On pourrait soutenir qu'en définissant un objectif national de dépenses pharmaceutiques de 2 % pour 2000, le présent article constitue une disposition « affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base » : une telle assertion ne pourrait être contestée, la fixation d'un taux spécifique de 2 % pour le médicament au lieu des 4,5 % retenus par l'article 28 du projet de loi devant même avoir un impact positif sur les finances sociales.

« Cependant, la fixation d'un objectif spécifique de dépenses est contraire aux dispositions du 4° de l'article L.O. 111-3, qui ne prévoit qu'un « objectif national de dépenses d'assurance maladie pour l'ensemble des régimes de base ».

« Et votre commission estime qu'est inopérante l'argumentation relative à l'impact sur l'équilibre financier.

« En effet, ce n'est pas parce que, par exemple la prévision de recettes par catégories pour chacun des régimes de base (au lieu de l'ensemble des régimes) améliorerait l'information du Parlement, qu'elle serait conforme aux dispositions du 2° de l'article L.O. 111-3.

« Ce n'est pas, non plus, parce qu'elle aurait un impact sur l'équilibre financier de la sécurité sociale, que la fixation d'objectifs de dépenses par prestation (au lieu de par branche) serait conforme aux dispositions du 3° de l'article L.O. 111-3.

« Ce n'est donc pas non plus parce qu'elle a un impact sur l'équilibre que la fixation d'un « ONDAM - médicament » est conforme aux dispositions du 4° de l'article L.O. 111-3.

« Si le présent article 21 du projet de loi est contraire à la lettre de la loi organique, c'est parce que, dans la motivation de son article 28, le Gouvernement s'est écarté de l'esprit de la réforme constitutionnelle et organique instituant les lois de financement de la sécurité sociale, avec le « rebasage » du calcul du taux de progression de l'ONDAM.

« Lors des débats parlementaires sur le projet de loi organique, il avait été discuté, essentiellement d'ailleurs à l'Assemblée nationale, de la question de la présentation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Cet objectif devait-il être exprimé comme un volume de dépenses, ou sous la forme d'un taux de progression ? C'est la notion de volume de dépenses qui a été retenue. Pourtant, l'expérience des débats sur les projets de loi de financement a montré qu'en pratique, si un volume de dépenses est voté, le taux de progression est toujours cité dans les exposés des motifs. Un taux de progression « parle » plus qu'un volume de dépenses, et surtout un taux de progression global peut être comparé aux taux de progression sectoriels (ville, hospitalisation, médico-social et, cette année... médicament) qui ont été dévoilés, cette année, par un communiqué à la presse du ministère de l'emploi et de la solidarité publié avant la discussion du présent projet de loi à l'Assemblée nationale.

« Votre commission comprend l'intérêt de l'engagement politique que traduit, pour le Gouvernement, la publication de taux sectoriels. Mais elle estime que l'opportunité du vote de ces taux sectoriels doit être discutée par le législateur organique et ne saurait donc être décidée presque « en catimini », pour un seul secteur et une seule année, dans le cadre d'une loi « ordinaire », fut-elle de financement de la sécurité sociale. »

Si cette argumentation sur la fixation d'un « ONDAM médicament » pour 2000 n'était pas retenue par votre Haute juridiction, elle pourrait se fonder aussi sur les dispositions de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale. Celui-ci dispose, dans son premier alinéa, que la taxe est due par les entreprises pharmaceutiques lorsque leur chiffre d'affaires hors taxes « s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente (...), d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif de dépenses d'assurance maladie tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de la sécurité sociale de l'année et de l'année précédente compte tenu, le cas échéant, des lois de financement rectificatives ». C'est ce taux, dénommé « K », qui figure dans le tableau inscrit au deuxième alinéa de l'article L. 138-10 précité, qui est modifié pour 2000 par l'article 21 du projet de loi.

Ce premier alinéa n'a pas été abrogé par la loi de financement pour 2000, et demeure donc en vigueur.

En conséquence, l'article 21 de la loi de financement pour 2000 aboutit à modifier l'ONDAM 1999 tel qu'il a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Or, seule une loi de financement rectificative aurait pu, aux termes du paragraphe II de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, procéder à une telle révision de l'ONDAM 1999.

VI. Sur l'article 22 bis du projet de loi :

Les auteurs de la saisine estiment que l'article 22 bis de la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas conforme aux dispositions de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Cet article, qui permet à l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé de délivrer une autorisation de mise sur le marché à un médicament générique avant l'expiration de la protection du médicament princeps, s'il aura un impact sur la répartition des parts de marché entre laboratoires producteurs de médicaments génériques, n'affectera pas l'équilibre financier des régimes obligatoires d'assurance maladie.

En outre, l'article 22 bis n'est pas conforme aux engagements internationaux de la France, engagements signés par la Commission européenne et transposés en droit français par la loi n° 96-1106 du 18 décembre 1996 modifiant le code de la propriété intellectuelle en application de l'accord instituant l'organisation mondiale du commerce.

Cette absence de conformité est directement révélée par les termes de la plainte déposée le 17 décembre 1997 devant l'Organe de Règlement des différends de l'OMC par la Commission européenne contre le Canada, au motif que ce dernier avait adopté une disposition similaire au présent article 22 bis dans sa législation nationale.

Cette plainte relève ainsi -texte officiel en anglais- que :

« Under Canadian patent legislation, however, a third party may, without the consent of the patent holder, use a patented invention to :

« - carry out experiments and tests required (proof of safety and bio-equivalence) to obtain marketing approval of the copy of an innovative medecine before the expiration of the relevant patent in order to ensure market access immediately following the patent expiry ».

(Sous le régime de la législation canadienne des brevets, un tiers peut, sans l'accord du titulaire du brevet, utiliser une invention protégée pour : réaliser des expérimentations et des essais requis (en vue d'établir la preuve de l'innocuité et de bio-équivalence) pour la délivrance d'une autorisation de mise sur le marché d'une copie d'un médicament protégé avant l'expiration du brevet correspondant afin de permettre la mise sur le marché dès l'expiration des droits).

La Commission poursuit en estimant que :

« In the view of the European Communities and their Member States, Canada's patent legislation is not compatible with Canada's obligations under the TRIPs Agreement, since it does not provide for the full protection of patented pharmaceutical inventions for the entire duration of the term of protection as foreseen under Articles 27.1, 28 and 33 of the TRIPs Agreement. »

(Les Communautés européennes et leurs Etats membres considèrent que la législation canadienne n'est pas compatible avec les engagements du Canada dans le cadre des accords ADPIC (Accords sur les aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce- Trade Related Aspects of Intellectual Property Rights) car elle n'assure pas une protection complète aux inventions brevetées dans le domaine pharmaceutique pour l'intégralité de la durée de protection, au sens des. articles 27.1, 28 et 33 de l'accord ADPIC).

VII. Sur l'article 24, paragraphe X, du projet de loi :

Les auteurs de la saisine soutiennent qu'un éventuel intérêt financier -qui n'a d'ailleurs pas été précisé, ni par l'exposé des motifs (« Le IX et le X ont pour objet de valider les actes pris en application de l'arrêté du 28 avril 1999 qui fixe le dispositif de régulation »), ni par le Gouvernement au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale- ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour faire obstacle aux possibles effets d'une décision de justice à venir.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 95-396 DC du 28 décembre 1995 n'a pas dit autre chose lorsqu'il a jugé que « la seule considération d'un intérêt financier (...) ne constituait pas un motif d'intérêt général autorisant le législateur à faire obstacle aux effets d'une décision de justice déjà intervenue et, le cas échéant, à intervenir ».

La jurisprudence de votre Haute juridiction devrait être précisée, dans l'intérêt du législateur, qui ne souhaite pas exposer la France à un éventuel futur désavoeu de la Cour européenne des droits de l'homme.

En effet, celle-ci a jugé, dans un arrêt du 28 octobre 1999, qu'un « risque financier » ne permet pas « en soi, que le législateur se substitue aux juges pour régler le litige » et, dans l'affaire soumise à son appréciation, elle s'est appuyée sur la considération que l'intervention de la loi de validation « rendait vaine la continuation de la procédure » pour conclure à une « ingérence » du législateur dans le fonctionnement de la justice contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En effet, « si en principe le pouvoir législatif n'est pas empêché de réglementer en matière civile, par de nouvelles dispositions à portée rétroactive, des droits découlant de lois en vigueur, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacré par l'article 6-1 s'opposent, sauf pour d'impérieux motifs d'intérêt général, à l'ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la justice dans le but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige ».

Peut-on considérer que la validation opérée par le paragraphe X de l'article 24 constitue un « impérieux motif d'intérêt général » ?

La réponse à cette question a été donnée par Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité en réponse à une question de M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, en séance publique, lors de l'examen du projet de loi en première lecture.

Cette réponse a été la suivante (JO Débats Sénat du vendredi 19 novembre, séance du 18 novembre , p. 6105) ; elle ne met pas en évidence, selon les sénateurs auteurs de la saisine, d' « impérieux motifs d'intérêt général » :

« S'agissant des raisons particulières qui plaident pour une validation législative de cet arrêté, sans naturellement préjuger les décisions qui seront rendues le moment venu par le Conseil d'Etat, je souhaite vous indiquer que l'arrêté du 28 avril a été conçu sans mettre en oeuvre les montants régionalisés opposables prévus par la loi.

« En effet, il était techniquement impossible de définir des montants régionaux des versements de l'assurance maladie aux établissements privés totalement exhaustifs et fondant une régulation régionale. Or, il se trouve que ce moyen fait partie des moyens invoqués par les requérants à l'appui des recours déposés contre cet arrêté.

« De même, nous ne voulions pas que cet arrêté soit l'occasion de bousculer les règles fixées par les accords annuels successifs qui se sont peu à peu écartés de la loi. Nous souhaitions le faire au contraire dans le cadre d'une réforme d'ensemble, que nous vous présentons aujourd'hui.

« Soucieux des conséquences d'une éventuelle annulation sur le respect de l'ONDAM, le Gouvernement a souhaité prévoir une disposition de validation législative ».

Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre Conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et notamment ses articles 2, 3, 4, 17, 21, 22 bis et 24, paragraphe X.Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adoptée par l'Assemblée nationale le 3 décembre 1999.

Les députés soussignés demandent au Conseil constitutionnel de décider que la loi précédemment citée n'est pas conforme à la Constitution pour les motifs développés ci-dessous.

I - SUR L'ENSEMBLE DE LA LOI

La loi de financement de la sécurité sociale a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière en regard des exigences constitutionnelles.

En effet, les délais déterminés par l'article 47-1 de la Constitution n'ont pas été respectés. Dans ses deuxième et troisième alinéas, cet article prévoit que « Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet, le Gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours. Il est ensuite procédé dans les conditions prévues à l'article 45. Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en oeuvre par ordonnance ».

Or le Sénat a été saisi du projet de loi de financement de la sécurité sociale le 2 novembre et ce n'est que le 18 novembre que le projet a été enregistré à l'Assemblée nationale pour la deuxième lecture, avec un jour de retard.

La loi qui vous est déférée encourt donc votre censure en tant qu'elle a été adoptée au terme d'une procédure non conforme à la Constitution. Eu égard aux prérogatives dont dispose le Gouvernement relativement aux lois de financement de la sécurité sociale, et notamment à la possibilité de mettre en oeuvre par ordonnance ses dispositions à l'expiration d'un délai de cinquante jours, un strict respect des dispositions de l'article 47-1 est indispensable. A défaut, le contrôle démocratique d'un texte fondamental n'est pas garanti. La brièveté des délais dans lesquels est enfermé son examen doit ainsi faire obstacle à ce que la brièveté d'un retard puisse être invoquée pour neutraliser son inconstitutionnalité. En effet, le délai total d'examen étant borné, le dépassement par le Sénat du délai de 20 jours entraîne nécessairement une réduction du délai dont dispose normalement l'Assemblée nationale.

II - SUR LE DOMAINE DES LOIS DE FINANCEMENT

Trois parmi les articles les plus importants de la loi qui vous est déférée, placés en tête du texte, sont manifestement insusceptibles d'être rattachés d'une quelconque manière que ce soit au domaine des lois de financement de la sécurité sociale.

Celui-ci est précisément défini par l'article 34 de la Constitution aux termes duquel « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». L'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale précise, lui, dans son I, le contenu des lois de financement, et dispose, dans son III, qu'« outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».

Les dispositions des articles 2, 3 et 4 de la loi dont vous êtes saisis ne sont pas de celles qui peuvent figurer dans une loi de financement de la sécurité sociale. Ces trois articles sont en effet destinés à organiser, directement ou indirectement, une partie du financement de la réduction du temps de travail ou à compenser les charges qu'elle fera naître. Ils se rattachent donc exclusivement à une mesure de politique de l'emploi et ne concernent pas les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale, ni les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

- L'article 2 de la loi propose de créer un établissement public administratif, le « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale », destiné à financer les mesures d'allègement de charges sociales sur les bas salaires, ainsi que les aides à la réduction du temps de travail. En effet, la création de ce fonds est étroitement liée au projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail, qui s'y réfère dans ses articles 2 et 11. Son objectif est de sauver les 35 heures en donnant des moyens à la réduction négociée du temps de travail, et notamment une aide structurelle de 4000 F par salarié et par an, et en accroissant les allègements de cotisations sociales. Il s'agit bien de financer - très partiellement - le surcoût du travail, conséquence des 35 heures obligatoires.

- L'article 3 qui institue une contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB) affectée à ce fonds, ne peut non plus être considéré comme relevant du domaine des lois de financement de la sécurité sociale. En effet, il ne s'agit pas de prendre en compte un élément nouveau dans le calcul des cotisations patronales mais d'instaurer, de manière permanente, une imposition supplémentaire des entreprises en vue de financer une politique de l'emploi. En instituant cet impôt au moyen de la loi de financement, le Gouvernement s'est manifestement livré à un détournement de procédure afin d'éviter le passage par le budget de l'Etat d'une disposition ayant pour effet d'augmenter le taux de l'impôt sur les sociétés. Or la contribution en question est affectée au financement de ce qui est sans aucun doute possible une politique nationale.

- L'article 4, enfin, étend l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et l'affecte au fonds créé à l'article 2.

Le projet initial du Gouvernement prévoyait qu'une ponction serait opérée sur les organismes de protection sociale pour alimenter le fonds créé par l'article. Devant la levée de boucliers suscitée par cette mise à contribution autoritaire, le Gouvernement a dû renoncer à cette partie de son projet. En conséquence, la présence des articles 2, 3 et 4 dans la loi de financement est sans logique juridique ni organique.

Or le juge constitutionnel ne peut permettre que les lois de financement de la sécurité sociale, qui sont un instrument législatif encore relativement neuf, deviennent des lois « fourre-tout », au mépris de la lettre et de l'esprit de la Constitution. La réforme des méthodes d'examen et d'adoption des dispositions relatives au financement de la sécurité sociale avait en effet un double objectif : il s'agissait de permettre une maîtrise des dépenses tout en garantissant la sincérité et la lisibilité de l'engagement social de la Nation et l'effectivité du contrôle du Parlement. Accepter que le domaine des lois de financement perde tout contour clair irait donc directement à l'encontre de l'objet de la révision constitutionnelle.

Les articles litigieux ne se rattachent pas à ce domaine mais sont en revanchent clairement de ceux qui devraient figurer dans la loi de finance de l'année. Admettre leur conformité aux dispositions précitées de la Constitution et de la loi organique ferait de la loi de financement une annexe au budget de l'Etat, sa raison d'être propre étant perdue de vue. Ainsi qu'il a été dit au cours de la discussion parlementaire, « ce texte devient de fait un instrument de gestion des finances publiques puisqu'il inclut désormais des dépenses qui relevaient du budget de l'Etat et qu'il lève de nouveaux impôts pour financer les 35 heures, dont il camoufle le coût au sein d'un fonds social dans le seul but de faire échapper ces dépenses à la comptabilité budgétaire ».

A deux reprises déjà, vous avez été amenés à préciser le domaine des lois de financement de la sécurité sociale tel qu'il est défini par la loi organique. Vous avez ainsi jugé que tout ce qui concourt « de façon significative » à l'équilibre financier des régimes obligatoires de la sécurité sociale entre dans le champ des lois de financement. Dans votre décision 98-404 DC (

29) relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, vous avez ainsi censuré un « cavalier social » en déclarant que subordonner l'autorisation de changement du lieu d'implantation d'un établissement de santé à des engagements de modération des dépenses remboursables par l'assurance-maladie « ne concourt pas de façon significative aux conditions générales de l'équilibre financier de l'assurance-maladie » et que cette mesure « est dès lors [...] étrangère au domaine des lois de financement de la sécurité sociale ». Aujourd'hui, la nécessité de préciser le périmètre de ces lois est toujours aussi vive.

De même, les articles 2, 3 et 4 de la loi de financement dont vous êtes saisis par le présent recours ne peuvent donc qu'être considérés comme étrangers au domaine des lois de financement et donc non conformes à la Constitution. A défaut, les nouvelles modalités du financement de la sécurité sociale seraient l'occasion d'un recul très net de votre jurisprudence sur les cavaliers budgétaires, qui est le fruit d'une construction progressive dont la rigueur juridique et la précision ont permis le respect des grands principes budgétaires propres à garantir le contrôle démocratique sur les finances publiques.

III - SUR LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES BENEFICES DES SOCIETES

L'article 3 de la loi institue une nouvelle imposition additionnelle à l'impôt sur les sociétés, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB), en insérant un article 235 ZC et un article 1668 D dans le code des impôts. Cette taxe, affectée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales créé par l'article 2, sera due par les redevables de l'impôt sur les sociétés ayant réalisé un chiffre d'affaire supérieur à 50 millions de francs. Son taux est fixé à 3,3 % de l'impôt sur les sociétés : il s'agit donc d'un impôt sur l'impôt.

Au-delà de ce qui a été dit sur le fait que cette disposition avait un caractère étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, sa conformité aux principes dégagés par la jurisprudence du juge constitutionnel ne peut que faire l'objet de grandes réserves.

- Tout d'abord, la CSB est un impôt extrêmement concentré puisque moins de 2% des entreprises fourniront plus des trois-quarts de son rendement, ce qui n'était pas le cas de la contribution temporaire sur l'impôt sur les sociétés, plus équitablement répartie entre les entreprises. Aussi apparaît-il clairement que la CSB porte en germe une rupture trop importante de l'égalité des contribuables devant l'impôt.

Les effets de seuil massifs de cette contribution méconnaîtront le principe de justice fiscale posé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, selon lequel la contribution commune « doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Vous avez en effet estimé, à plusieurs reprises, que de cet article découlait nécessairement le principe de progressivité de l'imposition globale du revenu des personnes physiques (89-268 DC, 29 décembre 1989 ; 90- 285 DC, 28 décembre 1990 ; 93-320 DC, 21 juin 1993 ; 97-388 DC, 20 mars 1997). En l'espèce, la progressivité est nulle jusqu'au seuil de 50 millions de chiffre d'affaires.

Le principe constitutionnel de la contribution de tous les citoyens en raison de leurs facultés est donc méconnu.

Certes, le principe de l'égale répartition de la contribution en raison des facultés n'interdit pas au législateur de faire supporter à certaines personnes physiques ou morales des charges particulières ; mais il s'oppose à une rupture caractérisée du principe de l'égalité devant les charges publiques de tous les citoyens (85-200 DC du 16 janvier 1986).

Ainsi, le législateur peut prendre en compte la situation particulière de certaines entreprises, mais il ne peut soumettre une catégorie particulière de contribuables à un régime différent des autres catégories que s'ils sont placés dans des situations différentes (81-136 DC, 31 décembre 1981 ; 83-164 DC, 29 décembre 1983 ; 84-184 DC, 29 décembre 1984). Enfin, il résulte de votre jurisprudence qu'il doit déterminer l'assiette et le taux de l'impôt en fondant son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts recherchés (164 DC précitée ; 91-298 DC, 24 juillet 1991 ; 97-390 DC, 19 novembre 1997). Ces principes sont méconnus en l'espèce, puisque la loi fixe un seuil arbitraire et porteur d'effets brutaux de discrimination. Comment justifier qu'une entreprise dont le chiffre d'affaire est de 50 MF paye la taxe quand sa concurrente dont le chiffre d'affaire est à peine inférieure en soit exonérée ? Il s'agit bien de contribuables placés dans des conditions quasiment identiques que le législateur fiscal ne peut traiter différemment (86-209 DC, 3 juillet 1986,

26).

- La CSB serait également à l'origine d'une discrimination peu justifiable entre les sociétés selon le type d'organisation qu'elles ont choisi. En effet, une société appartenant à un groupe, ou qui a des filiales, a un chiffre d'affaires beaucoup moins important qu'une entreprise dont l'activité et les résultats sont comparables aux siens, mais qui est organisée d'une manière très intégrée. La CSB est ainsi à l'origine d'une distorsion de concurrence qu'il est impossible de justifier, selon la technique que vous appliquez classiquement, par une référence à l'objet de la loi. Une société holding qui possède plusieurs filiales dont aucune ne dépasse le seuil de 50 millions échappera à la taxe, quand une entreprise n'ayant pas choisi de filialiser ses activités devra l'acquitter. En outre, une société appartenant à un groupe, qu'il s'agisse de la société-mère ou d'une filiale, pourra jouer sur les prix et les mécanismes de facturation interne qui la lient à des sociétés du même groupe pour réduire son chiffre d'affaires.

Ce risque de discrimination est si clair que le législateur a entendu lui faire obstacle, dans l'article 22 de la présente loi de financement, s'agissant de la contribution exceptionnelle des entreprises pharmaceutiques. Le paragraphe I de cet article prévoit en effet que sont exonérées de cette contribution les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 millions de francs, sauf lorsqu'elle sont filiales à au moins 50 % d'une entreprise ou d'un groupe dont le chiffre d'affaires consolidé est supérieur à 100 millions de francs.

Aussi la CSB, qui rompt l'égalité entre des entreprises comparables d'un point de vue économique mais dont les choix en matière de structure juridique et d'organisation n'ont pas été les mêmes, entache-t-elle d'inconstitutionnalité l'article 3 de la loi de financement.

Ce risque de discrimination est d'autant plus important, en l'espèce, que la contribution ne revêt pas un caractère transitoire ou exceptionnel ; son terme n'est pas fixé par la loi. Autrement dit, une forte augmentation de son taux dans les années à venir ne peut qu'être anticipée. Dans ce cas, la discrimination sera intenable. En instituant la CSB comme un prélèvement permanent sans limitation de durée, le Gouvernement a méconnu le principe constitutionnel d'annualité qui veut que les impositions de toute nature doivent être autorisées chaque année.

IV - SUR LA TAXE GENERALE SUR LES ACTIVITES POLLUANTES

L'article 4 de la loi de financement étend la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) à de nouvelles assiettes et l'affecte au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.

Les dispositions de cet article soulèvent des difficultés constitutionnelles de deux ordres.

1 - Tout d'abord, l'affectation de la TGAP au fonds est juridiquement sujette à caution

Aux termes de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, « l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'origine gouvernementale [...] ». Certes, votre jurisprudence admet dans certaines conditions l'affectation d'une recette. Vous avez notamment décidé que le principe de non-affectation des recettes ne s'opposait pas à l'affectation du produit d'une imposition à un établissement public industriel et commercial (décisions 82-140 du 28 juin 1982 et 82-152 du 14 janvier 1983).

Toutefois, l'affectation à laquelle procède l'article 4 de la loi du produit de la TGAP au financement du fonds créé à l'article 2 suscite des réserves très grandes. Elle porte, en effet, en germe un changement radical dans les objectifs poursuivis par cet impôt : instituée par l'article 45 de la loi de finances pour 1999, la TGAP était destinée à renforcer la lutte contre l'effet de serre et à promouvoir une meilleure maîtrise de l'énergie ; elle était « désaffectée » de l'ADEME pour avoir le caractère d'une recette générale du budget de l'Etat. Aussi l'affectation de la TGAP au financement de la réduction du temps de travail et de l'allègement des charges patronales inverse-t-elle d'une manière radicale la vocation de cette taxe - contribuer à l'amélioration de l'environnement. Adoptée comme un impôt environnemental à caractère dissuasif, la TGAP deviendrait un impôt de rendement : son niveau ne serait, dès lors, aucunement déterminé par la recherche de son efficacité intrinsèque.

L'affectation à laquelle procède l'article 4 de la loi est ainsi en contradiction avec l'objectif assigné à la TGAP. En effet, loin de souhaiter le succès de son effet dissuasif sur les comportements pollueurs, le Gouvernement n'aura aucun intérêt à voir l'assiette de cet impôt se réduire, car il sera destiné à financer des dépenses pérennes.

Aussi l'article 4 de la loi porte-t-il une atteinte sans nuances au principe du consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 34 de la Constitution.

C'est aussi au prix d'une erreur manifeste d'appréciation que l'article 4 de la loi a affecté au fonds créé par son article 2 la TGAP, impôt environnemental dont la pleine efficacité implique nécessairement qu'il ne soit pas mis au service d'objectifs différents et contradictoires. Or vous reconnaissez, depuis votre décision 81-132 du 16 janvier 1982, qu'il vous appartient de censurer l'erreur manifeste d'appréciation dont le législateur aurait entaché certaines dispositions d'un texte de loi. A quatre reprises depuis, cette technique de contrôle désormais habituelle vous a conduit à déclarer inconstitutionnelles des dispositions de natures très diverses. L'erreur manifeste commise par le législateur dans l'appréciation des conséquences sur la TGAP de l'affectation à laquelle il procède dans l'article 4 a donc pour effet de rendre celui-ci non conforme à la Constitution.

2 - Cet article est également entaché d'une incompétence négative, à un double titre

- Tout d'abord, le point 8 du paragraphe I . D . de cet article prévoit en effet que « Le décret en Conseil d'Etat prévu au b du 8 du I de l'article 266 sexies fixe un coefficient multiplicateur compris entre un et dix pour chacune des activités exercées dans les installations classées, en fonction de sa nature et de son volume. Le produit de la taxe effectivement perçue chaque année est égal au produit du tarif de base fixé dans le tableau figurant au 1 ci-dessus et du coefficient multiplicateur ».

Cette disposition procède donc à un renvoi à un décret en Conseil d'Etat de la définition de l'assiette de la TGAP, sans que l'exercice du pouvoir réglementaire puisse être considéré comme encadré. Elle attribue donc au pouvoir réglementaire une compétence que l'article 34 de la Constitution attribue au pouvoir législatif en disposant que « la loi fixe les règles concernant [...] l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ». Votre jurisprudence ne déduit pas de cet article que le législateur est tenu de fixer toutes les règles en matière fiscale. Cependant, vous jugez notamment d'une manière constante que la loi doit fixer les règles d'assiette avec une précision suffisante (voir notamment vos décisions 85-191 du 10 juillet 1985 et 87-239 du 30 décembre 1988). L'ampleur de la fourchette ouverte ici - de un à dix - laisse en réalité au Gouvernement un véritable pouvoir discrétionnaire, qui encourt votre censure.

- Par ailleurs, le F du I de l'article 4 de la loi crée un article 266 terdecies au code des douanes, visant à prévoir des conditions spéciales de recouvrement pour la part de la TGAP assise sur la délivrance de l'autorisation et sur l'exploitation des installations classées. Ainsi, alors que les autres éléments de la TGAP sont recouvrés par la DGDDI selon les règles du code des douanes, ce sont les services chargés de l'inspection des installations classées qui contrôlent, liquident et recouvrent cette part de TGAP. L'article 4 encourt donc également votre censure en tant que les dispositions dérogatoires relatives au recouvrement d'une partie de la TGAP sont d'une précision insuffisante, qui ne permet pas d'apprécier si elles offrent toutes les garanties nécessaires. Votre jurisprudence sur ce point est très vigilante : vous déclarez ainsi inconstitutionnelles des dispositions fiscales d'une précision insuffisante et étant susceptibles d'au moins deux interprétations différentes (voir notamment votre décision du 10 juillet 1985 précitée).

L'article 4 de la loi de financement, doublement entaché d'incompétence négative, n'est donc pas conforme à la Constitution.

V - SUR LA SINCERITE DES PREVISIONS ET DE LA LOI DE FINANCEMENT

L'article 6 de la loi de financement présente, par catégorie, les ressources prévisionnelles pour 2000 de l'ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et des organismes créés pour concourir à leur financement.

La sincérité des prévisions inscrites à cet article et, plus généralement, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est douteuse, pour trois raisons.

1- La comptabilisation incomplète des ressources de la loi de financement, tout d'abord

En effet, les ressources du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales ne sont pas comptées parmi les prévisions de recettes de la sécurité sociale présentées à l'article 6.

2 - L'inadéquation entre certaines dépenses et les recettes qui leurs sont affectées, par ailleurs

Contraint de renoncer à son projet initial de financement de la réduction du temps de travail, le Gouvernement a dû improviser dans l'urgence le financement du fonds. La loi lui affecte donc tout ou partie du produit de plusieurs taxes : CSB, TGAP, droits sur les alcools, contribution de 10 % sur les heures supplémentaires...

Les dépenses du fonds sont très lourdes (105 millions en 2000) et sont amenées à croître fortement si la réduction du temps de travail crée, comme l'affirme le Gouvernement, des emplois en grand nombre. Dans ce cas, en effet, les allègements de charges sociales concerneront un nombre croissant d'emplois. Or, parmi les recettes qui lui sont affectées, certaines, la TGAP et la contribution sur les heures supplémentaires, ont vocation à décroître sinon à disparaître. Le produit de la taxation des heures supplémentaires ira en diminuant à proportion de la conclusion d'accords collectifs de réduction du temps de travail. Il en va de même pour la TGAP créée comme instrument de dissuasion à l'égard de l'utilisation de techniques ou de produits polluants.

Il ne s'agit donc pas seulement pour vous de censurer ici des prévisions de recettes, par nature polémiques et incertaines, ce qui explique votre réserve habituelle en la matière. En l'espèce, l'affectation contre-nature de certaines contributions au financement de dépenses de politique de l'emploi aussi dynamiques que dépourvues de rapport avec l'objet et l'évolution prévisible du produit de ces contributions est le fruit d'une erreur manifeste d'appréciation, qu'il vous appartient de censurer.

3 - Les incohérences entre la loi de finances et la loi de financement, enfin

Les deux textes entretiennent des liens très étroits. Cependant, de grandes incohérences existent entre les deux projets de loi. Ainsi, la loi de finances prélève sur le produit de la C3S un milliards de francs pour financer des mesures nouvelles à la charge du BAPSA. Or le solde de la C3S est normalement affecté à la première partie du fonds de solidarité vieillesse puis au fonds de réserve pour les retraites : priorité du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le fonds de réserve se voit dépourvu d'une partie de sa ressource en loi de finances. De même, le projet de loi de finances ne tient aucun compte des conséquences financières de mesures adoptées en loi de financement sur le BAPSA et qui ont pour résultat de dégrader le solde de celui-ci par une hausse de ses dépenses. Or le BAPSA est légalement en équilibre, ce qui imposera des mesures correctrices. Tel qu'il est présenté en loi de finances, le BAPSA ne peut être tenu pour sincère. La réforme de la CNRACL fournit un autre exemple des incertitudes dues aux liens entre ces deux textes. Elle aboutit en effet à une diminution de la surcompensation versée par cette caisse aux régimes de retraite de 3 milliards en deux ans. Si une somme équivalente n'est pas inscrite en loi de finances, la charge pèsera sur le dernier régime contribution au titre de la surcompensation, soit la CNAVTS. Les incohérences et les incertitudes sont donc aussi nombreuses qu'inquiétantes.

Or la réforme constitutionnelle visait la sincérité et la cohérence des prévisions financières dans le domaine de la sécurité sociale. L'objectif de clarté de la loi n'est donc pas rempli, puisque l'insincérité des prévisions de recettes fragilise l'équilibre des dépenses sociales et qu'il est impossible de savoir quels mouvements financiers sont opérés. Les prélèvements totaux sur la sécurité sociale ne sont pas chiffrés et leur montant net, une fois tous les mouvements d'affectation de taxes intégrés, n'apparaît pas. Aussi le Parlement n'est-il pas réellement à même d'exercer le droit de contrôle que vous lui avez reconnu en 1964 en matière budgétaire. La sincérité du budget de l'Etat est elle aussi altérée par les transferts de crédits considérables vers des organismes sociaux, notamment dans le but de financer les 35 heures. La loi de finances, qui ne comporte manifestement pas toutes les données qui devraient y figurer, viole les principes d'unité et d'universalité budgétaires, posés par l'article 18 de l'ordonnance de 1959.

Ce manque général de sincérité, résultat des surévaluations de recettes et des incohérences entre la loi de financement et la loi de finances, conduit à mettre en cause la constitutionnalité de la loi de finances dans son ensemble. Vous acceptez d'apprécier la sincérité de l'ensemble du texte d'une loi de finances, c'est-à-dire de vous faire juge du réalisme de la détermination des conditions générales de l'équilibre financier (voir notamment votre décision 94-351 du 29 décembre 1994). En l'espèce, le manque de sincérité entache la crédibilité de la présentation de l'ensemble des prévisions de la loi de financement et en tout cas de son article 6.

Or l'équilibre financier de la sécurité sociale revêt le caractère d'une exigence constitutionnelle. Vous l'avez affirmé par votre décision n° 97-393 du 18 décembre 1997, pour admettre que la loi de validation pouvait procéder à la validation de la fixation des bases mensuelles des allocations familiales lorsqu'une telle mesure était de nature à prévenir l'accroissement du déficit de la branche famille. Il n'y a dès lors aucune raison pour que vous n'exerciez pas en matière de lois de financement le contrôle de la sincérité budgétaire que vous pratiquez pour le budget de l'Etat.

VI - SUR LA GARANTIE DE RESSOURCES POUR LA BRANCHE FAMILLE

L'article 9 de la loi article prévoit que la caisse nationale des allocations familiales bénéficie d'une garantie de ressources pour une période de cinq années courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002. Il enfreint donc le principe de l'annualité budgétaire, qui a été institué pour permettre au Parlement d'exercer un contrôle régulier sur les finances publiques. A ce titre, il n'est pas conforme à la Constitution.

VII - SUR LES TRANSFERTS DE L'ETAT VERS LA CNAMTS

Les articles 14 et 15 de la loi de financement de la sécurité sociale transfèrent de l'Etat vers la CNAMTS la charge du financement de trois mesures, pour un coût total estimé à 102,7 millions de francs : les dépenses liées aux cures de désintoxication des personnes toxicomanes, les dépenses relatives au dépistage et au traitement de certaines maladies réalisés par les consultations de dépistage anonymes et gratuits ainsi que par les centres de planification ou d'éducation familiale.

Dans votre décision du 29 décembre 1994 précitée, vous avez affirmé que les dépenses présentant par nature un caractère permanent doivent obligatoirement être prises en charge par le budget général ou, du moins, être financées par des ressources qu'il détermine. Vous avez reconnu que les principes d'unité et d'universalité budgétaires, posés par l'article 18 de l'ordonnance organique de 1959, fixent des limites à la pratique des débudgétisations. Il existe donc des dépenses obligatoires du budget général

Le transfert de charges réalisé par les articles 14 et 15 est contraire à la Constitution puisque les dépenses de financement des centres de dépistage gratuit et plus encore celles relatives aux cures de désintoxication apparaissent comme étant au nombre de ces dépenses qui relèvent par nature du budget général. En effet, la lutte contre la toxicomanie ne peut être rattachée à un objectif de soins, et le financement des cures de désintoxication ne relève pas de l'assurance-maladie mais de la lutte contre l'exclusion, de la police sanitaire et de l'ordre public. Elle n'entre donc en aucune manière dans le champ des missions de la CNAMTS. Confier à l'assurance-maladie la prévention, l'éducation sanitaire et des missions qui se rattachent à la police sanitaire constitue donc une débudgétisation non conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaires, d'autant que ces missions ne seront pas financées par des recettes prévues au budget général.

Les articles 14 et 15 de la loi de financement sont donc inconstitutionnels en tant qu'ils organisent des débudgétisations contraires aux articles 1 et 16 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 et au principe de sincérité budgétaire.

VIII - SUR LES CENTRES DE SANTE

L'article 16 de la loi de financement intègre les centres de santé dans le code de la santé publique et précise le statut, les missions et le dispositif conventionnel applicable à ces centres. Cet article, entre autres imprécisions, ne comporte aucun mécanisme de régulation des dépenses auquel seraient soumis les centres de santé. Or ces centres représentaient 2,3 milliards de F de dépenses remboursées en soins de ville. En conséquence, cet article 16 ne se rattache en aucune manière à l'objet financier qui est celui des lois de financement de la sécurité sociale.

Il serait en effet juridiquement inexact de considérer que toute mesure ayant un effet même minime sur l'équilibre financier de la sécurité sociale trouve sa place au sein des lois de financement de la sécurité sociale. Les dispositions de la Constitution et de la loi organique ont conféré à ces lois un caractère authentiquement financier.

Aussi, de même que les articles 2, 3 et 4 de la loi, cet article ne respecte-t-il pas les conditions de recevabilité posées par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Il s'agit d'un nouveau cavalier social, dont vous ne pourrez que déclarer l'inconstitutionnalité.

IX - SUR LE MECANISME DE REGULATION DE L'EVOLUTION DES DEPENSES DE SANTE

Le paragraphe XII de l'article 17 de la loi dont vous êtes saisis établit uniformément pour toutes les professions de santé le dispositif de régulation tarifaire que l'assurance-maladie devra faire respecter. Deux nouveaux articles sont introduits dans le code de la sécurité sociale, qui définissent le contenu des annexes annuelles aux conventions entre l'assurance-maladie et les professionnels de santé.

L'article L 162-15-2,

II, introduit une modification essentielle concernant la maîtrise de l'évolution des dépenses de santé, destinée à pallier les effets de la censure par le Conseil constitutionnel du mécanisme de sanctions qu'instaurait la loi de financement pour 1999. Il impose en effet aux partenaires sociaux une seule méthode de régulation, celle des lettres clés flottantes : si l'objectif de dépenses n'est pas respecté, la CNAMTS peut décider, même sans l'accord des professionnels, de faire varier les tarifs et les cotations. Ces lettres-clés flottantes constituent à l'évidence des sanctions collectives qui pénaliseront les médecins les plus vertueux.

Cet article méconnaît les règles et les principes constitutionnels dégagés et appliqués par votre jurisprudence. En effet :

1 - Il est à l'origine d'une rupture de l'égalité devant la loi

Dans votre décision du 18 décembre 1999, vous avez déclaré non conforme à la Constitution le nouveau dispositif de régulation des dépenses médicales institué par les articles 26 et 27 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. En effet, vous avez considéré, ainsi que les députés vous y invitaient, qu'en mettant à la charge de tous les médecins une contribution assise sur leurs revenus professionnels, et ce, quel qu'ait été leur comportement individuel en matière d'honoraires et de prescription pendant l'année au cours de laquelle le dépassement a été constaté, le législateur n'avait pas « fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objet de la modération des dépenses médicales qu'il s'était assigné ». En conséquence, le mécanisme institué était entaché d'une violation du principe constitutionnel d'égalité devant la loi, que vous a affirmé à plusieurs reprises depuis sa décision 51 du 27 décembre 1973 relative à la loi de finances pour 1974.

Or le mécanisme institué par l'article 17 de la loi a la même inspiration et les mêmes effets que celui que vous avez censuré l'an passé. En effet, abaisser les tarifs en cas dépassement de l'enveloppe fixée par le Parlement ou imposer un reversement des honoraires revient strictement au même. Le travestissement élaboré est destiné à imposer subrepticement, sous un jour faussement nouveau, un mécanisme dont vous avez censuré l'inconstitutionnalité, et ce, sans ambiguïté possible. La disposition litigieuse de l'article 17 doit donc être déclaré non conforme à la Constitution en tant qu'elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi.

2 - Il viole les principes de nécessité, de proportionnalité et de personnalité des sanctions et des peines

Le mécanisme instauré par l'article 17 de la loi crée en effet des sanctions collectives automatiques, aveugles et non proportionnées aux manquements commis.

Il méconnaît donc le principe de nécessité des peines énoncé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives, ainsi que vous l'avez affirmé à maintes reprises ; il « s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire » (86-215 DC, 3 septembre 1986,

3) et peut donc viser les sanctions prononcées par les autorités administratives ou par un établissement public comme la CNAMTS.

En outre, vous déduisez de la nécessité des peines deux autres principes. Tout d'abord, elle implique le principe de la personnalité des peines et des sanctions, que vous avez récemment réaffirmé dans votre décision 99-411 du 16 juin 1999, à propos de la réforme de l'article L 21-2 du code de la route. En vertu de ce principe fondamental, nul n'est punissable que de son propre fait. Un mécanisme qui aurait pour effet de sanctionner des médecins auxquels aucun manquement ne peut être imputé porterait donc une atteinte grave au principe de la personnalité des sanctions. Celui-ci requiert en effet l'individualisation de la peine et de son exécution, que vous avez presque reconnue comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République dans votre décision 80-127 des 19 et 20 janvier 1981 relative à la loi « sécurité et liberté ».

Vous tirez aussi du principe de la nécessité des peines l'interdiction des peines automatiques (voir par exemple, en matière de sanctions administratives, votre décision 97-389 du 22 avril 1997,

31), à laquelle les lettres-clés flottantes, système aveugle déclenché mécaniquement par un dépassement de l'objectif de dépenses, contrevient directement.

Il méconnaît enfin la présomption d'innocence

En effet, le mécanisme des lettres-clés flottantes aboutit à sanctionner des médecins pour des manquements non avérés. Or la présomption d'innocence bénéficie de protections constitutionnelles particulièrement solides, renforcée par le droit conventionnel. Elle résulte de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen aux termes duquel: « Tout homme est présumé innocent » ; mais elle est également garantie par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Pour ces motifs, le mécanisme de régulation institué à l'article 17 est non-conforme à la Constitution.

X - SUR L'ENCADREMENT DES DEPENSES D'INDEMNITES JOURNALIERES ET DES FRAIS DE TRANSPORT

L'article 18,

I de la loi a pour objet et pour effet de rendre obligatoire la motivation médicale des prescriptions d'arrêt de travail et de transport sanitaire. Il introduit à cette fin dans le code de la sécurité sociale un article L 162-4-1 qui prévoit que lorsque les médecins établissent une prescription de transport sanitaire ou d'arrêt de travail donnant lieu à indemnité journalière, ils doivent indiquer sur la feuille de soins les éléments justificatifs d'ordre médical. En outre, il leur est fait obligation d'indiquer, sur ces prescriptions, les éléments permettant leur identification par la caisse d'assurance-maladie, ainsi que l'authentification de leur prescription.

Cette disposition, inspirée par le souci louable de contrôler plus strictement des dépenses en forte progression, paraît toutefois de nature à porter au secret médical une atteinte peu acceptable. En effet, les médecins devront indiquer précisément les motifs qui justifient leur prescription d'arrêt de travail ou de transport sanitaire.

Or votre jurisprudence a consacré un droit au respect de la vie privée, implicitement par votre décision 76-75 DC du 12 janvier 1977 et, par la suite, explicitement par de très nombreuses décisions et notamment celle du 22 avril 1997 (97-389 DC), qui indique clairement que les méconnaissances graves du droit au respect de leur vie privée sont pour les étrangers comme pour les nationaux de nature à porter gravement atteinte à leur liberté individuelle (

44).

Le secret médical est l'une des composantes à la fois les plus certaines et les plus sensibles de la vie privée puisqu'il touche directement à l'intimité physique voire psychologique de la personne. Aussi sa protection participe-t-elle pleinement de celle que vous garantissez au respect de la vie privée.

L'article 18 de la loi, qui porte atteinte au secret médical et au droit de chacun au respect de sa vie privée, n'est donc pas conforme à la Constitution.

XI - SUR LA FIXATION D'UN OBJECTIF DE DEPENSES POUR LE MEDICAMENT

L'article 21 de la loi définit, pour la contribution due au titre de l'an 2000 par les laboratoires pharmaceutiques non conventionnés avec le comité économique du médicament un objectif national de dépenses pharmaceutiques de 2 %.

Ainsi que l'a souligné la commission des affaires sociales du Sénat, cet article est contraire aux dispositions de l'article LO 111-13 du code de la sécurité sociale. En effet, aux termes de cet article « chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale : [...] 4° fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif nationale de dépenses d'assurance maladie [...] ». La fixation à laquelle procède l'article 21 de loi d'un objectif spécifique de dépenses est clairement contraire à ces dispositions. L'opportunité de la fixation d'éventuels taux sectoriels relève de la seule compétence du législateur organique et ne saurait être régulièrement fixée par la loi de financement, une année donnée et pour un seul secteur.

L'argument tiré de ce que la fixation d'un tel taux spécifique pour le seul secteur du médicament améliorerait l'information du Parlement ou aurait un impact sur l'équilibre financier des régimes de sécurité sociale n'est pas recevable.

Ce n'est pas, par exemple, parce que la prévision de recettes par catégories pour chacun des régimes de base - au lieu de l'ensemble des régimes - améliorerait l'information du Parlement qu'elle serait conforme aux dispositions du 2° de l'article L 111-13 précité, aux termes duquel la loi de financement « prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base [...] ».

Ce n'est pas non plus parce qu'elle aurait un impact sur l'équilibre financier de la sécurité sociale que la fixation d'un objectif de dépenses par prestation plutôt que par branche serait conforme aux dispositions du 3° de l'article L 111-13, qui se réfère aux « objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoire de base [...] ».

De deux choses l'une : soit cet article est contraire aux dispositions de la loi organique, soit il méconnaît la compétence du législateur organique constitutionnellement protégée. En tout état de cause, l'article 21 de la loi dont vous êtes saisis encourt votre censure.

Dans votre décision précitée du 18 décembre 1998 relative à la loi de financement pour 1999, vous avez ainsi relevé d'office et déclaré contraires à la Constitution deux dispositions en raison de leur nature organique. L'article 21 de la loi de financement qui vous est déférée par le présent recours doit de même être censuré au motif que le législateur financier a empiété sur la compétence du législateur organique.

XII - SUR LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DES ENTREPRISES PHARMACEUTIQUES AU TITRE DES SPECIALITES REMBOURSABLES

L'article 22 de la loi institue une contribution exceptionnelle à la charge des laboratoires pharmaceutiques, destinée au financement de la CNAMTS. Il s'agit d'une taxe assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France en 1999, au titre des spécialités remboursables par l'assurance-maladie.

L'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 avait institué, dans son article 12, une contribution assise sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique. Cette taxe avait été recouvrée pour un montant total de 1,2 milliard de francs quand le Conseil d'Etat, dans un arrêt du 15 octobre 1999, a annulé les dispositions de l'article 12-III précité, après que la CJCE les avait déclarées non conformes au droit communautaire le 8 juillet 1999. En conséquence de ces péripéties contentieuses, l'assurance-maladie va être amenée à rembourser à l'industrie pharmaceutique 1,2 milliard de francs.

Dans votre décision précitée du 18 décembre 1998, vous avez déclaré non conforme à la Constitution l'article 10 de relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, qui modifiait rétroactivement le mode de calcul de l'imposition litigieuse pour pallier préventivement les conséquences de son annulation prévisible. Vous avez en effet estimé que « le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans [...] ».

Vous avez donc, avec cette décision, accru encore la précision et la rigueur de votre jurisprudence antérieure selon laquelle si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général qui doit être « suffisant ».

Or l'article 22 crée une nouvelle imposition qui a explicitement pour fonction de procurer à l'assurance-maladie une ressource équivalente au montant qu'elle devra rembourser aux laboratoires. Ce faisant, il est contraire à la Constitution pour deux raisons.

1- Cet article 22 n'est en réalité rien d'autre qu'une validation législative plus ou moins déguisée.

Le seul but de cette contribution, but qui n'est, lui, aucunement déguisé, est de neutraliser les conséquences financières d'une décision de justice. La contribution créée par l'article 22 présente d'ailleurs des points communs fondamentaux avec la taxe annulée par le Conseil d'Etat : son bénéficiaire, la CNAMTS; ses redevables, l'industrie pharmaceutique ; son assiette, le chiffre d'affaires des spécialités remboursables et agréées ; son montant, enfin : 1,2 milliard. Cette équivalence doit être si précise que le législateur ne prévoit, en ce qui concerne le taux, qu'une fourchette, et renvoie à l'autorité réglementaire le soin de déterminer un chiffre parfaitement précis aboutissant à une sorte de restitutio in integrum du mécanisme de 1996 qui est l'objectif fondamentalement poursuivi.

Il s'agit donc, sans doute possible, d'une mesure de validation, particulièrement critiquable en regard de votre jurisprudence, issue notamment de votre décision 119 DC du 22 juillet 1980. C'est en effet une validation a posteriori, franche et brutale, qui aboutit, au prix d'un détour, à remettre en vigueur un acte annulé par le juge administratif ou du moins à restaurer toutes ses conséquences. En tant que telle, cette validation de fait du III de l'article 12 de l'ordonnance de 1996 est contraire aux principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance des juridictions. Par ailleurs, la volonté de neutraliser les conséquences financières de l'annulation sur les comptes de l'assurance-maladie, à savoir le remboursement par celle-ci d'une somme de 1,2 milliard de francs, ne peut être considérée comme un motif d'intérêt général suffisant pour justifier cette mesure. Cette perte de recettes, pour n'être pas négligeable, n'était pas cependant exorbitante et n'imposait pas par son volume une solution rigide. Les recettes de la CNAMTS se sont en effet élevées à 648,6 milliards de francs en 1999 ! Or votre jurisprudence contrôle la proportionnalité de la mesure de validation par rapport à sa justification, qui est elle-même fonction des nécessités d'intérêt général.

Le mécanisme institué par l'article 22 témoigne de l'obstination avec laquelle les autorités responsables persévèrent dans la recherche d'une rétroactivité législative d'abord patente, puis larvée, mais dans les deux cas réelle. La disposition litigieuse tend, en effet, à produire un effet juridique équivalent à celui des dispositions rétroactives qui vous avez censurées dans votre décision précitée du 18 décembre 1998, à méconnaître cette décision et à tenir en échec la décision du Conseil d'Etat du 15 octobre 1999 revêtue de l'autorité de la chose jugée.

L'article 22 est donc inconstitutionnel.

2 - L'article 22 porte une atteinte importante à l'exigence de sécurité juridique et de confiance légitime des contribuables, dont l'aspiration naturelle et légitime est de savoir à quoi s'en tenir sur les règles du jeu fiscal. Elle viole aussi l'égalité devant l'impôt.

En effet, certaines entreprises qui ont vu leur chiffre d'affaires augmenter sensiblement entre 1996 et 1999 verront le montant de leur contribution dépasser de façon substantielle celui du remboursement auquel elles pourront prétendre. De plus, certaines entreprises se retrouveront assujetties, qui n'avaient pas acquitté la première contribution, et d'autres ne le seront plus alors qu'elles bénéficieront du remboursement. Or le principe de sécurité juridique est inscrit aux articles 2 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : s'il convient, bien entendu, de ne pas galvauder ce principe et d'en faire une application maîtrisée, il est cependant difficile de ne pas reconnaître sa valeur constitutionnelle.

Pour ces motifs, et pour tout autre qu'il plairait à votre Conseil de soulever d'office, les auteurs de la présente saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.


Références :

DC du 21 décembre 1999 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 21 décembre 1999 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°99-422 DC du 21 décembre 1999
Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1999:99.422.DC
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