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29/12/1989 | FRANCE | N°89-268

France | France, Conseil constitutionnel, 29 décembre 1989, 89-268


Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, en premier lieu, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Michel Péricard, Etienne Pinte, Philippe Séguin, Alain Jonemann, Pierre Bachelet, Pierre-Rémy Houssin, Mme Christiane Papon, MM Jacques Chaban-Delmas, Arthur Dehaine, Philippe Auberger, Mme Michèle Alliot-Marie, MM François Grussenmeyer, Claude Barate, Michel Inchauspé, Alain Cousin, René Couveinhes, Pierre Pasquini, Robert-André Vivien, Christian Estrosi, Jean-Paul de Rocca Serra, Régis Perbet, Pierre Raynal, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Robert P

andraud, Eric Raoult, Jean Besson, Henri de Gastines, Gérard ...

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 22 décembre 1989, en premier lieu, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Michel Péricard, Etienne Pinte, Philippe Séguin, Alain Jonemann, Pierre Bachelet, Pierre-Rémy Houssin, Mme Christiane Papon, MM Jacques Chaban-Delmas, Arthur Dehaine, Philippe Auberger, Mme Michèle Alliot-Marie, MM François Grussenmeyer, Claude Barate, Michel Inchauspé, Alain Cousin, René Couveinhes, Pierre Pasquini, Robert-André Vivien, Christian Estrosi, Jean-Paul de Rocca Serra, Régis Perbet, Pierre Raynal, Didier Julia, Claude-Gérard Marcus, Robert Pandraud, Eric Raoult, Jean Besson, Henri de Gastines, Gérard Chasseguet, Claude Dhinnin, François Fillon, Jacques Masdeu-Arus, Henri Cuq, Léon Vachet, Christian Bergelin, Edouard Balladur, Serge Charles, Bernard Debré, Charles Millon, Pierre Micaux, Georges Colombier, François-Michel Gonnot, Daniel Colin, Francis Saint-Ellier, Jean-Pierre de Peretti della Rocca, Philippe de Villiers, Jean-Pierre Philibert, Paul Chollet, Jean Brocard, Jacques Farran, Robert Cazalet, Pascal Clément, Georges Durand, André Rossinot, Jean-Guy Branger, François Léotard, Jean-Marc Nesme, Emile Koehl, Charles Ehrmann, Roger Lestas, Charles Fèvre, Philippe Mestre, José Rossi, Jean-François Mattei, Philippe Vasseur, Willy Dimeglio, Marc Reymann, Arthur Paecht, Mme Yann Piat, MM Jacques Blanc, Paul-Louis Tenaillon, Pierre Lequiller, René Beaumont, Marc Laffineur, René Garrec, Michel d'Ornano, Gérard Longuet, Jean-Luc Preel, Henri Bayard, Georges Mesmin, députés,
en deuxième lieu, par MM Ernest Cartigny, Daniel Hoeffel, Marcel Lucotte, Charles Pasqua, Christian Poncelet, Roger Chinaud, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Jean Barras, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoti, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Alain Pluchet, Roger Rigaudière, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Serge Vinçon, Raymond Bourgine, Désiré Debavelaere, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, André-Georges Voisin, Jean Arthuis, René Ballayer, Maurice Blin, Paul Caron, Auguste Chupin, André Daugnac, Henri G tschy, Jacques Golliet, Rémi Herment, Jean Huchon, Francisque Collomb, Claude Huriet, Jean Lecanuet, Kléber Malécot, René Monory, Jacques Mossion, Olivier Roux, Paul Séramy, Michel Souplet, Xavier de Villepin, Paul Alduy, Claude Belot, Bernard Barbier, Jean Delaneau, Jean-François Pintat, Michel Crucis, Jean Dumont, Henri de Raincourt, Jean-Pierre Tizon, Roland du Luart, Jean Boyer, Serge Mathieu, Jean Puech, Hubert Martin, Michel Poniatowski, Jean-Pierre Fourcade, Christian Bonnet, Jean-Paul Emin, Richard Pouille, Bernard Seillier, Guy Cabanel, Pierre Croze, Jean Pépin, Henri Revol, Philippe de Bourgoing, Jean-Paul Bataille, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Joël Bourdin, Ambroise Dupont, Jean Clouet, Paul Girod, Henri Collard, sénateurs,
et en dernier lieu, par MM Jacques Barrot, Georges Chavanes, Michel Jacquemin, Jean-Marie Daillet, Gérard Vignoble, Edmond Alphandéry, Germain Gengenwin, Adrien Zeller, Francis Geng, Jean-Jacques Jegou, Jean-Pierre Foucher, Dominique Baudis, Jean-Paul Fuchs, Mme Bernardette Isaac-Sibille, MM Henry Jean-Baptiste, Ambroise Guellec, François Bayrou, Edouard Landrain, Pierre Méhaignerie, Jean-Jacques Weber, Michel Voisin, Yves Fréville, Bruno Durieux, François Rochebloine, Jean Briane, Mmes Monique Papon, Christine Boutin, MM René Couanau, Jean-Yves Cozan, Adrien Durand, Bernard Stasi, Jean-Jacques Hyest, Loïc Bouvard, Christian Kert, Hubert Grimault, Claude Birraux, Raymond Barre, Jean-Paul Virapoullé, Gérard Grignon, Bernard Bosson, François d'Harcourt, Xavier Hunault, André Santini, Michel Meylan, Pierre-André Wiltzer, députés, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances pour 1990 ;

Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que les saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1990 en raison tant de la procédure suivie pour son adoption que de l'inconstitutionnalité, pour d'autres motifs, de plusieurs de ses articles ;
Sur la procédure législative :
2. Considérant que la régularité de la procédure d'adoption de la loi est contestée par les députés auteurs de la première saisine, auxquels doivent être associés les signataires de la troisième saisine, du fait des conditions d'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ; que les sénateurs estiment de leur côté que la procédure suivie pour la suppression de l'article 33 ter du projet de loi de finances pour 1990 n'est pas conforme aux dispositions des articles 45 et 47 de la Constitution et 39 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et que l'article 50 de la loi déférée n'est pas conforme à l'article 1er de l'ordonnance précitée ; qu'est, en outre, critiquée par les députés auteurs de la première saisine l'insertion ou la modification par voie d'amendement des dispositions des articles 73, 79, 99 à 106 et 108 ; qu'il est soutenu enfin, qu'en raison de leur contenu qui est étranger à celui imparti aux lois de finances, les articles 47-VIII et 120 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;
En ce qui concerne l'application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution :
3. Considérant que les députés auteurs de la première saisine et les signataires de la troisième saisine relèvent que la première partie du projet de loi de finances pour 1990 a été adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture par recours à la procédure d'engagement de responsabilité sur un texte prévue par l'article 49, alinéa 3, de la Constitution ; qu'en l'absence du Premier ministre, c'est un membre du Gouvernement qui a engagé la responsabilité de celui-ci lors de la deuxième séance du 14 décembre 1989 ; qu'ils soutiennent que cette procédure est irrégulière au motif que le Premier ministre a seul le pouvoir d'engager la responsabilité du Gouvernement qu'il dirige ; que, s'il est vrai que M Jospin a été désigné pour assurer l'intérim des fonctions du Premier ministre, le décret l'y habilitant était inopposable aux députés car il n'a été publié qu'au Journal officiel du 15 décembre 1989 ; qu'au surplus, conformément au décret du 5 novembre 1870, les décrets n'entrent en vigueur à Paris, qu'un jour franc après leur publication, c'est-à-dire en l'occurrence le 16 décembre 1989 à 0 heure ;
4. Considérant que les députés auteurs de la première saisine ajoutent qu'il n'est pas établi que le conseil des ministres ait délibéré sur l'engagement de responsabilité du Gouvernement ; qu'il est soutenu également qu'en l'espèce, les conditions dans lesquelles a été mis en oeuvre l'article 49, alinéa 3, de la Constitution sont contraires tant à l'esprit de ce texte qu'à l'usage parlementaire ;
Quant à la mise en œuvre de l'article 49 de la Constitution :
5. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution " Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un texte. Dans ce cas, ce texte est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent " ;
6. Considérant que l'exercice de la prérogative conférée au Premier ministre par le troisième alinéa de l'article 49 n'est soumis à aucune condition autre que celles résultant de ce texte ;
7. Considérant que dans la mesure où le conseil des ministres avait délibéré au cours de sa réunion du 13 octobre 1989 sur l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 1990, les conditions posées par la Constitution pour la mise en œuvre, à propos de l'examen de ce dernier texte, de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution se trouvaient réunies ;
Quant à l'intérim du Premier ministre :
8. Considérant qu'en conférant, par décret en date du 14 décembre 1989, à M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la charge d'assurer l'intérim de M Michel Rocard, Premier ministre, pendant l'absence de ce dernier, le Président de la République a, ainsi que l'y habilite l'article 5 de la Constitution, pris les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'action gouvernementale ; que, sur le même fondement et pour des motifs analogues, le décret individuel chargeant un ministre de l'intérim du Premier ministre produit effet immédiatement, sans attendre sa publication au Journal officiel ; que M Jospin possédait l'intégralité des pouvoirs attachés à la fonction qui lui était confiée à titre intérimaire ; qu'il avait, par suite, compétence pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte, en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la première partie du projet de loi de finances aurait été adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture en méconnaissance de l'article 49, alinéa 3, doivent être écartés ;
En ce qui concerne la suppression de l'article 33 ter :
10. Considérant que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine font observer qu'a été adopté en première lecture, par les deux assemblées et dans les mêmes termes, un article 33 ter ayant pour objet de majorer les taux de la taxe sur les véhicules des sociétés ; que, cependant, cet article a été supprimé en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale au motif qu'a été introduit dans le projet de loi de finances rectificative pour 1989 un article qui majore les taux de la taxe sur les véhicules des sociétés à compter du 1er octobre 1989 ;
11. Considérant qu'il est fait grief à la suppression ainsi intervenue, d'une part, d'avoir été adoptée dans des conditions contraires à la Constitution et, d'autre part, d'avoir pour conséquence d'entacher d'irrégularité au regard de l'article 31 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 l'article d'équilibre de la loi de finances pour 1990 ;
Quant à la suppression de l'article :
12. Considérant qu'il résulte de l'article 61 de la Constitution que ne peuvent être déférés au Conseil constitutionnel que les textes qui, à la date à laquelle une des autorités habilitées ou des parlementaires prennent l'initiative de saisir le conseil, ont le caractère de lois, c'est-à-dire ceux qui, au terme de la procédure législative, ont été définitivement adoptés dans l'ensemble de leurs dispositions ; qu'est exclue en revanche toute contestation d'une disposition qui ne figure pas dans la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
13. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'article 33 ter ajouté au projet de loi de finances pour 1990 aurait été supprimé dans des conditions irrégulières est inopérant ;
Quant à l'incidence de la suppression de l'article 33 ter sur l'article 50 de la loi :
14. Considérant que pour les sénateurs auteurs de la deuxième saisine la suppression de l'article 33 ter a nécessairement affecté l'article 50 de la loi déférée en tant que cet article, comme l'y oblige l'article 31 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, évalue les recettes, fixe les plafonds des charges et arrête les données générales de l'équilibre économique et financier ;
15. Considérant que, dans son article 1er, la loi de finances pour 1990 dispose que la perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat continue d'être effectuée pendant l'année 1990 conformément aux lois et règlements ; que se trouve par là même autorisée la perception d'impôts existants, compte tenu des modifications de tarifs décidées par la loi de finances rectificative afférente à l'exercice précédent, au titre de celles de ses dispositions ayant un caractère permanent ;
16. Considérant que la loi de finances rectificative pour 1989 prévoit dans son article 52, qui figure parmi celles de ses dispositions ayant un caractère permanent, la majoration, à compter du 1er octobre 1989, des tarifs de la taxe annuelle sur les véhicules des sociétés ; que les recettes qui résultent de cette majoration sont au nombre de celles autorisées par l'article 1er de la loi déférée et que l'article 50 de cette même loi a pu prendre en compte pour la définition de l'équilibre financier, sans méconnaître les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
17. Considérant qu'il résulte des développements ci-dessus que les griefs invoqués par les sénateurs à l'encontre de la procédure d'adoption de la loi de finances pour 1990 ne peuvent être accueillis ;
En ce qui concerne la modification par voie d'amendement de l'article 73 et de l'insertion, sous forme d'amendements, des articles 79, 99 à 106 et 108 :
18. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que plusieurs dispositions de la loi déférée ont été adoptées dans des conditions non conformes à la Constitution ;
19. Considérant que les critiques portent tout d'abord sur les articles 79, 99 à 106 et 108, au motif qu'ils ont pour origine des amendements adoptés en première lecture par l'Assemblée nationale qui excèdent par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement en vertu des dispositions combinées des articles 39 et 44 de la Constitution ;
20. Considérant qu'est également critiquée, au regard de l'article 45 de la Constitution, la modification apportée par voie d'amendement, lors de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale du projet de loi faisant suite à l'échec de la commission mixte paritaire, de l'article 73 et de l'état H qu'il approuve, alors que ceux-ci avaient été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées ; qu'un semblable grief est repris à l'encontre de l'introduction, sous forme d'un article additionnel, à ce même stade de la procédure, des dispositions de l'article 108, indépendamment des critiques qu'elles encourent en raison de leur portée ;
21. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que, par suite, des amendements peuvent même avoir pour effet d'affecter des dispositions qui ont déjà été votées dans des termes identiques par les deux assemblées ; que, toutefois, les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;
22. Considérant, en outre, que pour les lois de finances il importe que les amendements présentés soient au nombre de ceux qui peuvent figurer dans un texte de cette nature, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ; que, de plus, conformément à l'article 39, in fine, de la Constitution, les amendements introduisant des mesures financières entièrement nouvelles doivent en premier lieu être soumis à l'Assemblée nationale ;
23. Considérant que l'amendement apporté à l'état H approuvé par l'article 73 tend seulement à ajouter au tableau des dépenses pouvant donner lieu à reports de crédits un chapitre supplémentaire intitulé Contribution de l'Etat à la SNCF ; que les amendements qui sont à l'origine des articles 99 à 106 se bornent à modifier des dispositions de la législation fiscale existante dans des domaines divers ; que l'article 108, qui résulte également d'un amendement, aménage les règles déjà en vigueur qui régissent le droit de visite et de saisie des agents des administrations fiscales et douanières ; qu'enfin, si l'article 79, qui tire lui aussi son origine d'un amendement, institue deux impositions nouvelles au profit des départements, celles-ci sont destinées à se substituer, pour l'essentiel, à la taxe d'habitation perçue par les départements en application de l'article 1586 du code général des impôts ;
24. Considérant que ces diverses dispositions ne sont pas sans lien avec le texte en discussion ; que, tant par leur objet, qui est étroitement spécifié, que par leur portée, elles n'ont pas dépassé les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ; que ces dispositions en raison de leur caractère financier, dans le cas de l'article 73, et de leur caractère fiscal s'agissant des autres articles, sont au nombre de celles devant, dans le premier cas, et pouvant, pour ce qui est des articles 79, 99 à 106 et 108, figurer dans une loi de finances conformément aux dispositions des articles 1er et 17 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ; que le droit de priorité de l'Assemblée nationale en ce qui concerne les mesures entièrement nouvelles a été respecté ;
25. Considérant, dans ces conditions, que les moyens tirés de la méconnaissance tant de l'article 45 de la Constitution que des dispositions combinées des articles 39 et 44 doivent être écartés ;
En ce qui concerne les moyens tirés de ce que les articles 47-VIII et 120 ont un contenu étranger à celui imparti aux lois de finances :
26. Considérant que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine et les députés auteurs de la première saisine soutiennent, les premiers, que le paragraphe VIII de l'article 47 et, les seconds, que l'article 120 ont un contenu étranger à celui imparti aux lois de finances ;
27. Considérant, d'une part, que les dispositions du paragraphe VIII de l'article 47 de la loi ont pour objet de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation globale de fonctionnement instituée par la loi n° 79-15 du 3 janvier 1979 ; qu'elles ne modifient pas le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement sur recettes, et non d'une dépense de l'Etat ; que, par suite, l'objet du paragraphe VIII de l'article 47 est étranger à ceux qui peuvent seuls relever d'une loi de finances en vertu des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance portant loi organique n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
28. Considérant, d'autre part, que l'article 120 de la loi interdit à un comptable public principal nommé membre de la Cour des comptes d'exercer, s'il est constitué en débet, une activité juridictionnelle jusqu'à ce qu'il ait reçu quitus ; qu'une telle mesure n'a pas pour but d'organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ; qu'elle se borne à définir la situation de l'intéressé au sein de la Cour des comptes sans lui " imposer des responsabilités pécuniaires " au sens du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance organique précitée ; qu'ainsi, l'article 120 est étranger à l'objet des lois de finances ;
29. Considérant dès lors que le paragraphe VIII de l'article 47 et l'article 120 ont été adoptés selon une procédure contraire à la Constitution ;
Sur les autres moyens d'inconstitutionnalité invoqués :
En ce qui concerne l'article 6-V relatif à l'institution d'un prélèvement assis sur les valeurs locatives servant de base à la taxe d'habitation :
30. Considérant que l'article 6 de la loi a pour objet, dans ses paragraphes I et II, d'étendre le champ d'application des dégrèvements à la taxe d'habitation dont bénéficient les contribuables les plus modestes ; que, dans son paragraphe III, il institue un plafonnement des cotisations à la taxe d'habitation fixé à 4 p 100 du revenu des contribuables à faible revenu ; qu'en contrepartie de ces dernières dispositions, le paragraphe V institue au profit de l'Etat un prélèvement progressif sur les valeurs locatives des résidences principales et secondaires appartenant aux contribuables autres que ceux bénéficiaires des mesures de dégrèvement ou de plafonnement ;
31. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent, d'une part, que l'assiette de cet impôt est contraire au principe d'égalité et, d'autre part, que son barème méconnaît l'article 13 de la Déclaration des droits de 1789 qui prévoit que la contribution commune " doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés " ;
Quant à l'assiette du prélèvement :
32. Considérant que le prélèvement perçu au profit de l'Etat est assis sur les valeurs locatives servant de base à la taxe d'habitation " diminuées des abattements votés par la commune " en application de l'article 1411 du code général des impôts ; que si cette disposition peut ainsi entraîner des variations d'une commune à une autre, les abattements visés soit revêtent un caractère obligatoire dans le cas des charges de famille, soit sont enserrés dans des limites fixées par la loi ; que, dans ces conditions, l'assiette choisie par le législateur ne méconnaît pas le principe constitutionnel d'égalité ;
Quant au barème adopté :
33. Considérant que le taux du prélèvement institué par l'article 6-V est progressif ; qu'il est d'autant plus élevé que les locaux servent principalement à titre de résidence secondaire ; qu'en outre, le taux est majoré pour les résidences secondaires dont la valeur locative est elle-même élevée ; qu'en dépit d'effets de seuils inhérents à la classification retenue par le législateur, de telles dispositions n'entraînent pas de rupture caractérisée de l'égalité entre les contribuables eu égard au fait que le taux maximum applicable reste limité ; qu'en conséquence, le barème adopté n'est pas contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
En ce qui concerne l'article 16-IV relatif à la suppression d'une exonération fiscale :
34. Considérant que les dispositions du paragraphe IV de l'article 16 de la loi ont pour objet de supprimer à compter du 1er janvier 1989 l'exonération d'impôt sur le revenu des primes de remboursement distribuées ou réparties par un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) lorsque ces primes représentent plus de 10 p 100 du montant de la distribution ou de la répartition ;
35. Considérant qu'il est soutenu par les députés auteurs de la première saisine que cette disposition a un effet rétroactif alors qu'elle consacre une sanction ; qu'en tant que sanction, la disposition litigieuse pénalise la liberté d'entreprendre des établissements financiers et comporte une sorte de confiscation du patrimoine des épargnants qui porte atteinte au droit de propriété ; qu'elle est, enfin, contraire au principe d'égalité dans la mesure où elle soumet un même titre d'emprunt à des régimes fiscaux différents selon ses détenteurs ou ses gestionnaires ;
36. Considérant que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine critiquent la date d'effet du texte en cause en faisant valoir que si la mesure a le caractère d'une sanction, il est porté atteinte au principe de non-rétroactivité des lois répressives et que, s'il s'agit d'une mesure de rationalisation fiscale, sa sévérité est excessive eu égard à l'intérêt général poursuivi ;
Quant à la date d'effet de l'article 16-IV :
37. Considérant que le paragraphe IV de l'article 16 de la loi a pour objet de supprimer une exonération fiscale ;
38. Considérant, d'une part, que s'il est soutenu que la date d'effet de l'article 16-IV est excessivement sévère, cette critique de l'opportunité du choix de la date est sans portée sur le plan constitutionnel ;
39. Considérant, d'autre part, que le principe de non-rétroactivité des lois n'a valeur constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'en matière répressive ; que le paragraphe IV de l'article 16 de la loi n'édicte pas une sanction mais supprime une exonération fiscale ; qu'il suit de là que la date d'effet conférée par le législateur à cette mesure n'est pas contraire à la Constitution ;
Quant à l'atteinte à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété :
40. Considérant que, dans l'intention du législateur, la suppression de l'exonération des primes de remboursement distribuées ou réparties par un OPCVM, lorsqu'elles représentent plus de 10 p 100 du montant des revenus distribués vise à mettre un terme à une pratique permettant aux personnes physiques qui ont réalisé des plus-values taxables d'éluder l'impôt correspondant ; que la suppression d'une exonération fiscale, qui est apparue comme une source d'évasion fiscale, ne saurait être regardée comme portant atteinte à la liberté d'entreprendre des établissements financiers ;
41. Considérant que si la suppression d'une exonération fiscale a pour conséquence d'entraîner pour certaines catégories de contribuables une majoration d'imposition, il n'en résulte pas, au cas présent, une atteinte au droit de propriété qui serait contraire à la Constitution ;
Quant au principe d'égalité :
42. Considérant que si l'exonération fiscale des primes de remboursement distribuées ou réparties par un OPCVM n'est supprimée que lorsque ces primes représentent plus de 10 p 100 du montant des revenus distribués, une telle différenciation qui tend précisément à faire échec à un risque d'évasion fiscale qui s'est manifesté dans l'hypothèse considérée, ne porte pas atteinte au principe constitutionnel d'égalité ;
En ce qui concerne l'article 41 relatif au versement au Trésor d'une fraction du résultat net de l'activité de la Caisse des dépôts et consignations :
43. Considérant que l'article 41 de la loi est ainsi rédigé : " La Caisse des dépôts et consignations verse chaque année à l'Etat, sur le résultat net de son activité pour compte propre après paiement d'une contribution représentative de l'impôt sur les sociétés, une fraction de ce résultat net, déterminée après avis de la commission de surveillance de l'établissement saisie par le directeur général, dans le cadre des lois et règlements fixant le statut de l'établissement " ;
44. Considérant qu'il est soutenu par les députés auteurs de la première saisine que le versement par la Caisse des dépôts à l'Etat d'une fraction de son résultat net a le caractère d'une imposition et qu'il appartenait par suite au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant son assiette, son taux et ses modalités de recouvrement ;
45. Considérant que le versement en cause est déterminé " après avis de la commission de surveillance de l'établissement saisie par le directeur général, dans le cadre des lois et règlements fixant le statut de l'établissement " ; que la Caisse des dépôts a été dotée par la loi du 28 avril 1816 qui l'a instituée et par les textes subséquents d'un statut particulier qui la place " sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative " ; que ce statut la soustrait à la généralité des règles de tutelle et de contrôle applicables aux établissements publics ; qu'ainsi, la détermination du versement dont le principe est posé par l'autorité législative ne peut être effectuée sans l'accord de la Caisse des dépôts ; qu'il suit de là que le versement dont il s'agit n'a pas le caractère d'une imposition ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 34 de la Constitution est sans valeur ;
En ce qui concerne l'article 79 relatif à la taxe proportionnelle sur le revenu perçue au profit des départements :
46. Considérant qu'en vertu du sous-paragraphe 1 de son paragraphe I, l'article 79 de la loi assujettit, à compter du 1er janvier 1991, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France à une taxe proportionnelle sur le revenu perçue au profit des départements ; qu'aux termes du sous-paragraphe 2, " cette taxe est assise, chaque année, sur le montant net des revenus et plus-values pris en compte pour l'établissement de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle de l'imposition " ; que le sous-paragraphe 6 du paragraphe I dispose qu'" il est perçu sur les revenus soumis à prélèvements libératoires une taxe dont le taux est égal au taux moyen de la taxe proportionnelle sur le revenu voté par les départements l'année précédente " ;
47. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions sont contraires à l'article 34 de la Constitution en ce qu'elles ne précisent pas si le revenu " pris en compte " pour l'établissement de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle de l'imposition inclut les revenus exonérés ou les revenus bénéficiant d'abattements et qu'elles n'indiquent pas davantage si les revenus soumis à prélèvements obligatoires sont inclus dans la base imposable ;
48. Considérant, sur le premier point, qu'il résulte des termes de l'article 79 que l'assiette de la taxe est constituée par l'ensemble des revenus " pris en compte pour l'établissement de l'impôt sur le revenu de l'année précédant celle de l'imposition " ; que ces dispositions doivent être comprises en fonction des règles posées par le code général des impôts tant dans son article 156 en vertu duquel " l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal " que dans son article 157 qui énumère les catégories de revenus qui n'entrent pas en compte dans la détermination du revenu net global ;
49. Considérant sur le second point, qu'il résulte du rapprochement des diverses dispositions du paragraphe I de l'article 79 que les revenus soumis à prélèvements libératoires ne seront pas assujettis à la taxe proportionnelle départementale instituée par le sous-paragraphe 1 mais uniquement à la taxe spécifique mentionnée au sous-paragraphe 6 ;
50. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'article 79 n'aurait pas fixé les règles concernant l'assiette des impositions qu'il institue manque en fait ;
En ce qui concerne l'article 100-III relatif au régime fiscal applicable aux adhérents des centres de gestion agréés :
51. Considérant que le paragraphe III de l'article 100 comporte deux sous-paragraphes qui ont pour objet de modifier et compléter le 4 bis de l'article 158 du code général des impôts ; qu'il résulte du sous-paragraphe 1 que l'abattement pratiqué par les adhérents des centres de gestion sur leurs bénéfices déclarés soumis à un régime réel d'imposition " n'est pas appliqué lorsque la déclaration professionnelle, la déclaration d'ensemble des revenus ou les déclarations de chiffre d'affaires n'ont pas été souscrites dans les délais et qu'il s'agit de la deuxième infraction successive concernant la même catégorie de déclaration " ; qu'il ressort du sous-paragraphe 2 que " l'établissement de la mauvaise foi d'un adhérent à l'occasion d'un redressement relatif à l'impôt sur le revenu ou à la taxe sur la valeur ajoutée auxquels il est soumis du fait de son activité professionnelle entraîne la perte de l'abattement " pratiqué sur le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu ainsi que de la réduction de la cotisation d'impôt sur le revenu égale aux dépenses exposées pour la tenue de la comptabilité et, éventuellement, pour l'adhésion à un centre de gestion " pour l'année au titre de laquelle le redressement est effectué " ;
52. Considérant qu'il est soutenu que ces dispositions, dans la mesure où elles peuvent se cumuler avec les intérêts de retard et les majorations prévus par les articles 1727 et 1728 du code général des impôts, créent une double sanction qui est contraire au principe de proportionnalité résultant de l'article 8 de la Déclaration des droits de 1789 ; qu'elles instituent des sanctions frappant un contribuable au titre de l'impôt sur le revenu alors que le manquement qui lui est reproché peut être relatif à un autre impôt ; qu'enfin, il y a atteinte au principe d'égalité, car les adhérents des centres de gestion sont, au regard de la date de dépôt de la déclaration générale d'impôt sur le revenu, dans la même situation que tout contribuable ;
53. Considérant que les centres de gestion dont la création a été prévue par la loi de finances rectificative du 27 décembre 1974 ont été institués pour procurer à leurs adhérents une assistance technique en matière de tenue de comptabilité et favoriser une meilleure connaissance des revenus non salariaux destinée à remédier à l'évasion fiscale ; qu'en contrepartie l'adhésion aux centres de gestion a été encouragée par l'octroi aux adhérents d'avantages fiscaux, et notamment d'un abattement sur le bénéfice imposable ;
54. Considérant qu'il suit de là que les adhérents des centres de gestion sont soumis à un régime juridique spécifique ; que, dans le cadre de ce régime, le législateur a pu, sans méconnaître ni le principe de proportionnalité ni le principe d'égalité, décider qu'un adhérent de ces centres perdra le bénéfice des avantages fiscaux liés à son adhésion en cas de déclaration tardive, dès lors du moins qu'il " s'agit de la deuxième infraction successive concernant la même catégorie de déclaration " ou lorsque sa mauvaise foi sera établie ;
En ce qui concerne l'article 102 relatif à la faculté ouverte à l'administration de demander la rectification d'une erreur non substantielle :
55. Considérant que l'article 102 de la loi a pour objet d'ajouter au livre des procédures fiscales un article L 80-C-A ainsi rédigé : " Lorsqu'une erreur non substantielle, qui n'a pas porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne, a été commise dans la mise en œuvre des articles L 48, L 49, L 54 B, L 57, L 59, L 76, L 77, L 80 D et L 80 E du présent livre ainsi que dans la rédaction de l'avis de vérification mentionné à l'article L 47 et qu'elle ne peut être rectifiée spontanément par l'administration, le juge peut autoriser celle-ci, sur sa demande, à la rectifier dans un délai maximum d'un mois suivant sa décision. Nonobstant l'expiration éventuelle des délais de prescription cette autorisation peut être accordée à tout moment. En cas de saisine d'un tribunal, elle ne peut toutefois intervenir après le jugement rendu en première instance.
Lorsque la rectification concerne les dispositions des articles L 54 B, L 57 (1er alinéa), L 76 et L 77, le juge peut, dans les mêmes conditions, autoriser l'administration à engager une nouvelle procédure de redressements sans que puissent être opposées les dispositions des articles L 12 et L 50 " ;
56. Considérant que les députés auteurs de la première saisine ainsi que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine font grief à ces dispositions de méconnaître tant le principe des droits de la défense que le principe d'égalité ; que, selon les députés précités, ces dispositions violent en outre le principe de l'autorité de la chose jugée et le principe de légalité et elles peuvent même conduire à mettre en cause le principe de légalité des délits et des peines ainsi que l'indépendance de la juridiction répressive ;
Quant à la contestation du principe même de la rectification au regard des droits de la défense :
57. Considérant que selon les auteurs des saisines, dans son principe, la procédure permettant à l'administration fiscale d'être autorisée par le juge à rectifier les erreurs qu'elle a commises rompt l'équilibre entre cette administration et le contribuable ; qu'en outre, elle laisse supposer que des erreurs commises par ladite administration peuvent être rectifiées à tout moment, alors même qu'elles concernent des dispositions de la procédure d'imposition dont l'objet est d'assurer la garantie des droits des contribuables ;
58. Considérant que le principe des droits de la défense non plus que le principe du caractère contradictoire de la procédure suivie devant le juge de l'impôt qui en est le corollaire n'interdisent au législateur d'instituer une procédure permettant à l'administration fiscale, sous réserve d'y être autorisée par le juge, de rectifier une erreur non substantielle commise par elle et qui, comme le précise le texte contesté, " n'a pas porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne " ; que l'énumération faite par le législateur des articles du livre des procédures fiscales dont la mise en œuvre a pu donner lieu à une erreur de la part de l'administration ne prive en aucune façon le juge de l'impôt du pouvoir d'apprécier, cas par cas, si l'erreur dont il s'agit est dépourvue de caractère substantiel et n'a pas porté atteinte aux droits de la partie qu'elle concerne ;
Quant à la contestation des modalités de mise en œuvre de la rectification au regard des droits de la défense :
59. Considérant qu'il est soutenu que les modalités de mise en œuvre de la procédure de rectification sont contraires au principe des droits de la défense dans la mesure où l'autorisation de rectifier peut être donnée par le tribunal en dehors de toute procédure contradictoire et sans possibilité d'appel ;
60. Considérant que rien dans le texte de l'article 102 ne permet d'inférer que le législateur a entendu déroger au principe du caractère contradictoire de la procédure, non plus qu'à l'exercice par le contribuable des voies de recours ouvertes par les lois et règlements ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le grief invoqué manque en fait ;
Quant au grief tiré de la violation du principe d'égalité :
61. Considérant que le principe d'égalité se trouve méconnu dès lors que l'administration se voit autorisée, à sa seule initiative et à l'occasion de la rectification d'une erreur dont elle est l'auteur, à interdire à l'autre " partie " de bénéficier d'une prescription déjà acquise selon la loi existante, alors que cette partie était en droit de s'en prévaloir à l'égal de tout autre contribuable ;
62. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que doivent être déclarés contraires à la Constitution dans le texte de l'article 102 de la loi les mots " nonobstant l'expiration éventuelle des délais de prescription " et : " à tout moment " ;
Quant aux autres griefs :
63. Considérant que, contrairement à ce qu'avancent les députés auteurs de la première saisine, aucune disposition de l'article 102 ne prévoit ni n'autorise qu'il puisse être porté atteinte au principe de l'autorité de la chose jugée, au principe de légalité, au principe de légalité des délits et des peines ou à l'indépendance du juge pénal ;
En ce qui concerne l'article 103 relatif au contrôle des comptabilités tenues au moyen de systèmes informatisés :
64. Considérant que les députés auteurs de la première saisine estiment que le paragraphe I de l'article 103 est contraire à l'article 66 de la Constitution et que le paragraphe III du même article établit une peine qui n'est pas " strictement et évidemment nécessaire " ;
Quant au paragraphe I :
65. Considérant qu'en complément des dispositions du livre des procédures fiscales qui habilitent les agents de l'administration à vérifier sur place la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables, le paragraphe I de l'article 103 précise que " lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements " ; que de telles dispositions, qui sont relatives au contrôle de la comptabilité des contribuables, sont sans rapport avec l'application des dispositions de l'article 66 de la Constitution qui définissent le rôle de l'autorité judiciaire en matière de liberté individuelle ;
Quant au paragraphe III :
66. Considérant que l'obligation faite à un contribuable de conserver des documents comptables pendant une durée déterminée ne saurait être regardée comme une " peine " au sens des dispositions de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
En ce qui concerne l'article 104 relatif à la faculté pour l'administration de réparer les insuffisances ou omissions d'imposition :
67. Considérant que l'article 104 de la loi comporte deux paragraphes ainsi rédigés : " I : Dans l'article L 170 du livre des procédures fiscales, le mot : " répressifs est supprimé. II. : L'article L 170 du livre des procédures fiscales est complété par les mots : " et, au plus tard, jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ;
68. Considérant que le premier effet de ce texte est de permettre à l'administration, même si les délais de reprise sont expirés, de réparer des omissions ou insuffisances d'imposition révélées, non plus seulement par une réclamation contentieuse ou par une instance devant les tribunaux répressifs, mais par une instance devant toute juridiction et ceci, comme le prévoit le texte présentement en vigueur de l'article L 170 du livre des procédures fiscales, jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance ;
69. Considérant que le second effet de l'article 104 est d'apporter une limite dans le temps à la faculté pour l'administration de réparer des omissions ou insuffisances d'imposition en posant en principe que cette réparation n'est possible que jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ;
Quant aux griefs invoqués par les députés :
70. Considérant que les députés auteurs de la première saisine estiment que ces dispositions méconnaissent plusieurs articles de la Déclaration de 1789 ; tout d'abord son article 8, car elles instituent une sanction qui n'est pas nécessaire ; ensuite, son article 12, en vertu duquel la force publique nécessaire à la garantie des droits de l'homme et du citoyen " est instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ", et, enfin, son article 16, en ce que les mesures administratives de contrôle fiscal et les décisions de justice seraient entremêlées de telle sorte que la séparation des pouvoirs ne serait plus déterminée ; qu'il est fait valoir par ailleurs que la prescription décennale qui suit l'année au titre de laquelle l'imposition est due rompt l'équilibre entre l'administration et les particuliers en matière de prescription ;
71. Considérant que la détermination des conditions et délais dans lesquels l'administration fiscale a la faculté, sous le contrôle du juge de l'impôt, de réparer des omissions ou insuffisances d'imposition est sans rapport avec l'édiction d'une peine au sens de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'elle est étrangère au champ d'application de l'article 12 de ce dernier texte ; qu'elle ne met pas davantage en cause l'indépendance des juridictions et partant le principe de la séparation des pouvoirs ; que, par ailleurs, aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'impose que le délai dans lequel l'administration peut réparer une insuffisance ou une omission d'imposition soit identique au délai de prescription applicable aux créances de l'État ;
Quant aux griefs invoqués par les sénateurs :
72. Considérant que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine soutiennent que l'article 104 n'est pas conforme à l'égalité des citoyens devant la loi, car le pouvoir reconnu à l'administration s'exercera au hasard d'instances indépendantes de la situation fiscale des contribuables ; qu'il méconnaît également l'égalité des citoyens devant le juge et son corollaire la liberté d'accès à la justice dans la mesure où certains contribuables pourront être amenés à renoncer à une instance de crainte que celle-ci ne révèle une omission fiscale à leur désavantage ;
73. Considérant que la faculté reconnue à l'administration de réparer les insuffisances ou omissions d'imposition est susceptible de s'exercer à l'encontre de tout contribuable, sous le contrôle au demeurant du juge de l'impôt ; que, par son contenu, l'article 104 n'est donc pas contraire au principe d'égalité devant la loi ; que, de plus, en elles-mêmes, les dispositions de cet article n'entravent pas le libre accès des citoyens à la justice ;
En ce qui concerne l'article 105 relatif à la taxe forfaitaire sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n'y ayant pas leur siège social :
74. Considérant que la taxe forfaitaire de 3 p 100 sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n'y ayant pas leur siège social a été instituée par l'article 4 de la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 de finances pour 1983, dont les dispositions ont été codifiées sous les articles 990 D à 990 H et 711 A du code général des impôts ;
75. Considérant que l'article 105 de la loi comporte quatre paragraphes qui précisent et complètent le régime juridique de cette imposition et un paragraphe V qui confère aux aménagements apportés un caractère interprétatif ;
76. Considérant que les députés auteurs de la première saisine contestent l'article 105 pour un triple motif ; qu'il est soutenu tout d'abord, que le caractère interprétatif conféré aux paragraphes I à IV porte atteinte à l'indépendance constitutionnellement garantie du juge de cassation qui, sous l'empire de la loi du 29 décembre 1982, a précisé le sens à donner tant à la notion de " personne morale dont le siège est situé hors de France " qui est redevable de la taxe qu'à celle de personne morale " interposée " qui est solidairement responsable du paiement de cette taxe ; qu'ils font valoir également que l'article 105 " maintient ou rétablit un impôt confiscatoire et discriminatoire contraire aux articles 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme " ; qu'ils soutiennent enfin que l'article 105 tend à faire échec à l'application de traités qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution, ont une autorité supérieure à celle des lois ;
Quant au grief tiré de la violation des articles 13 et 17 de la déclaration de 1789 :
77. Considérant que le grief susvisé met en cause, à la faveur de dispositions législatives nouvelles qui précisent la définition des redevables d'une imposition, des dispositions antérieures relatives au taux de cette imposition et à ses règles d'assiette ;
78. Considérant que l'institution de la taxe forfaitaire de 3 p 100 sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des personnes morales n'y ayant pas leur siège social tend, dans l'intention du législateur, à dissuader les contribuables assujettis initialement à l'impôt sur les grandes fortunes et présentement à l'impôt de solidarité sur la fortune d'échapper à une telle imposition en créant, dans des Etats n'ayant pas conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, des sociétés qui deviennent propriétaires d'immeubles situés en France ; qu'eu égard à l'objectif ainsi poursuivi le législateur a pu, sans méconnaître ni l'article 13 ni l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme, fixer le taux de la taxe mentionnée à l'article 990 D du code général des impôts à 3 p 100, alors même que le taux de l'impôt de solidarité sur la fortune est au maximum de 1,5 p 100 et retenir pour assiette de cette taxe la valeur vénale des immeubles possédés en France par des sociétés n'y ayant pas leur siège social, sous la seule réserve des exemptions énoncées à l'article 990 E du code précité et sans prévoir une possibilité de déduction du passif ; qu'ainsi, et sans qu'il soit besoin pour le Conseil constitutionnel de se prononcer sur la recevabilité du grief, l'article 105 n'a pas, en tout état de cause, pour conséquence d'affecter le champ d'application de dispositions législatives antérieures qui seraient inconstitutionnelles ;
Quant au grief tiré de la méconnaissance d'engagements internationaux :
79. Considérant qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution " les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie " ; que, dans le cadre de leurs compétences respectives, il incombe aux divers organes de l'Etat de veiller à l'application des conventions internationales ; que s'il revient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, de s'assurer que la loi respecte le champ d'application de l'article 55, il ne lui appartient pas en revanche d'examiner la conformité de celle-ci aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner la conformité de l'article 105 de la loi déférée aux traités internationaux ;
Quant au grief tiré de l'atteinte portée à l'indépendance de la Cour de cassation :
80. Considérant que, par exception aux dispositions de valeur législative de l'article 2 du code civil, le législateur peut, pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge ont pour mission d'appliquer ; que, toutefois, l'application rétroactive de la législation fiscale se heurte à une double limite ; que, d'une part, conformément au principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle ne saurait permettre aux autorités compétentes d'infliger des sanctions à des contribuables du fait d'agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions qui ne tombaient pas également sous le coup de la loi ancienne ; que, d'autre part, l'application rétroactive de la loi fiscale ne saurait préjudicier aux contribuables dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ;
81. Considérant, au cas présent, que le législateur, en précisant avec effet rétroactif la portée de certaines dispositions de la loi fiscale, a entendu éviter que ne se développent des contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner pour l'Etat des conséquences dommageables ; que rien dans le texte de l'article 105 ne porte atteinte aux droits nés au profit de contribuables en vertu de décisions de justice passées en force de chose jugée ; que la loi ne déroge pas davantage au principe de non-rétroactivité des textes à caractère répressif ; qu'ainsi le grief dirigé contre le paragraphe V de l'article 105 doit être écarté ;
En ce qui concerne l'article 107 relatif au règlement de biens ou de services :
82. Considérant que l'article 107 pose, dans son premier alinéa, l'obligation pour les particuliers non-commerçants d'effectuer tout règlement de biens ou services d'un montant supérieur à 150 000 F soit par chèque répondant aux caractéristiques de barrement d'avance et de non-transmissibilité par voie d'endossement mentionnées à l'article L 96 du livre des procédures fiscales, soit par virement bancaire ou postal, soit par carte de paiement ou de crédit ; qu'il prévoit toutefois, dans son deuxième alinéa, que les particuliers non-commerçants n'ayant pas leur domicile fiscal en France peuvent continuer d'effectuer leurs paiements d'un montant supérieur à 150 000 F en chèque de voyage ou en espèces, après relevé, par le vendeur ou le prestataire de services de leurs identité et domicile justifiés ; que le troisième alinéa de l'article 107 prévoit que les infractions aux dispositions qui précèdent " sont sanctionnées par une amende fiscale égale à 25 p 100 des sommes non réglées par chèque barré, par virement bancaire ou postal ou par carte de paiement ou de crédit " ; qu'il est précisé que cette amende est recouvrée comme en matière de timbre et qu'elle incombe, en règle générale, pour moitié au débiteur et pour moitié au créancier ;
83. Considérant que les députés auteurs de la première saisine soutiennent que ces dispositions sont critiquables en ce qui concerne les résidents étrangers au motif qu'en assortissant le paiement en espèces d'une obligation de relevé d'identité et de domiciliation elles méconnaissent le principe fondamental du cours légal de la monnaie ; qu'ils font valoir également que l'obligation d'information sur leur domiciliation, en tant qu'elle vise les ressortissants des Etats membres de la Communauté économique européenne, est contraire au droit communautaire ; qu'ils estiment enfin que la sanction prévue est contestable dans son principe, disproportionnée dans son montant et que la procédure applicable est contraire aux droits de la défense ;
Quant à l'obligation de se conformer à certains modes de règlement :
84. Considérant en premier lieu que les dispositions qui confèrent à la Banque de France le monopole d'émission des billets reçus comme monnaie légale sur le territoire de la France métropolitaine n'ont pas valeur constitutionnelle ; qu'elles ne sauraient en tout état de cause faire obstacle à ce que le législateur, dans le but de lutter contre la fraude fiscale, subordonne dans des cas déterminés le paiement en espèces à la justification de l'identité et du domicile de l'intéressé ;
85. Considérant en second lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi en application de l'article 61 de la Constitution, d'examiner la conformité d'une loi aux stipulations d'un traité ou d'un accord international ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner la conformité de l'article 107 de la loi déférée aux stipulations du traité instituant la Communauté économique européenne non plus qu'aux actes pris par les institutions communautaires sur le fondement de ce traité ;
Quant à l'amende sanctionnant le non-respect de l'obligation :
86. Considérant que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que " la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée " ;
87. Considérant qu'il résulte de ces dispositions, comme des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qu'une peine ne peut être infligée qu'à la condition que soient respectés le principe de légalité des délits et des peines, le principe de nécessité des peines, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale d'incrimination plus sévère ainsi que le principe du respect des droits de la défense ;
88. Considérant que ces exigences ne concernent pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s'étendent à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ;
89. Considérant que l'article 107 de la loi dispose dans son troisième alinéa que l'" amende fiscale " qu'il institue " est recouvrée comme en matière de timbre " ; que ce mode de recouvrement n'astreint nullement l'administration, préalablement au prononcé de l'amende, au respect du principe des droits de la défense ; qu'au surplus, cette amende, tout en ayant pour but de sanctionner une obligation destinée à lutter contre l'évasion fiscale, ne constitue cependant pas l'accessoire d'une imposition ; que se trouve par là même exclue toute application de celles des dispositions de la législation qui édictent des garanties au profit des contribuables dans leurs rapports avec l'administration ;
90. Considérant, dans ces conditions, et sans même qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de l'amende, que le troisième alinéa de l'article 107 doit, en tout état de cause, être déclaré contraire au principe constitutionnel des droits de la défense ;
En ce qui concerne l'article 108 relatif au droit de visite et de saisie des agents des administrations fiscales et douanières :
91. Considérant que l'article 108 aménage les règles qui habilitent les agents des administrations fiscales et douanières à procéder à des perquisitions et saisies pour la recherche d'infractions ; que ces aménagements apportés respectivement aux articles L 16 B et L 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes ont essentiellement pour objet de préciser le contenu de la motivation de l'ordonnance par laquelle le président du tribunal de grande instance ou son délégué autorise une perquisition ; que l'article 108 prévoit que si, à l'occasion de la visite autorisée, les agents habilités découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements qui ont motivé les investigations sont susceptibles de se trouver " ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ce coffre " ; que l'article 108 comporte en outre, des dispositions autorisant, lors des opérations de perquisition, la participation et l'assistance d'agents habilités n'appartenant pas nécessairement à la catégorie A ;
92. Considérant par ailleurs que, parmi les modifications apportées à l'article L 38 du livre des procédures fiscales, il est indiqué qu'en matière de contributions indirectes les agents habilités peuvent être autorisés à effectuer des investigations et des saisies, en tous lieux, où non seulement des pièces ou documents se rapportant à des infractions sont susceptibles d'être détenus mais également où peuvent se trouver des " objets ou marchandises " ;
93. Considérant qu'il est spécifié enfin que les pièces et documents saisis ou les éléments d'information recueillis au cours d'une visite faite avant le 31 décembre 1989, sur le fondement des articles L 16 B et L 38 du livre des procédures fiscales ou de l'article 64 du code des douanes " ont pu ou peuvent valablement servir à l'établissement d'une imposition " lorsque l'ordonnance autorisant la visite comporte la motivation prévue par les nouvelles dispositions de ces articles ; qu'il en va de même lorsque l'ordonnance a autorisé la visite de tout coffre ou véhicule mais qu'une telle visite n'a pas été effectuée, ainsi que dans l'hypothèse où la perquisition a été effectuée avec la participation d'agents de collaboration de l'administration fiscale ;
94. Considérant que sont critiqués devant le Conseil constitutionnel tant les aménagements apportés aux règles existantes que la validation de certaines opérations ;
Quant aux griefs dirigés contre les aménagements nouveaux :
95. Considérant que les sénateurs auteurs de la deuxième saisine critiquent au regard de l'article 66 de la Constitution les restrictions apportées à la motivation des ordonnances ainsi que la faculté reconnue au juge d'autoriser " par tout moyen " la perquisition immédiate dans un établissement de crédit ;
96. Considérant que l'article 108, tout en maintenant en vigueur les dispositions qui font obligation au juge de vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée, énonce que " le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée " ; que ces précisions ne méconnaissent aucune des exigences constitutionnelles assurant la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte conre la fraude fiscale ; qu'il en va pareillement des dispositions qui prévoient la possibilité pour les agents de l'administration de solliciter du juge qui a eu connaissance du dossier et pris l'ordonnance l'autorisation d'effectuer sous son contrôle des investigations complémentaires dans l'hypothèse définie par le législateur ; qu'en ce cas la loi prévoit que mention de l'autorisation supplémentaire est portée au procès-verbal établi contradictoirement qui relate les modalités et le déroulement de l'opération ; qu'il incombe à l'autorité judiciaire de veiller au respect de ces dernières prescriptions, comme de l'ensemble des garanties énoncées par les dispositions demeurant en vigueur des articles L 16 B et L 38 du livre des procédures fiscales et 64 du code des douanes ;
97. Considérant que les députés auteurs de la première saisine estiment de leur côté que les dispositions prévoyant qu'en matière de contributions indirectes la saisie peut porter sur des objets et marchandises sans que la restitution à l'occupant des lieux soit prescrite, méconnaissent tant l'article 8 que l'article 17 de la Déclaration des droits de 1789 ;
98. Considérant que les dispositions critiquées ne dérogent en rien aux règles présentement en vigueur selon lesquelles en matière de contributions indirectes la confiscation ne peut revêtir le caractère d'une sanction qu'en vertu d'une décision de justice ; que le tribunal, s'il juge mal fondée la saisie effectuée lors de la constatation de l'infraction, peut condamner l'administration à une indemnité représentant le préjudice que la saisie pratiquée a pu causer ; qu'ainsi les moyens invoqués ne peuvent qu'être écartés ;
Quant aux opérations effectuées avant le 31 décembre 1989 :
99. Considérant que l'article 108 de la loi ne saurait être interprété comme permettant de porter atteinte soit aux droits nés de décisions de justice passées en force de chose jugée, soit au principe de non-rétroactivité des lois pénales d'incrimination plus sévères ; que de surcroît, le fait de limiter la validation des opérations dans le cas où l'ordonnance a autorisé, outre la visite domiciliaire, celle de tout coffre ou véhicule, à la condition que cette dernière visite n'ait pas été effectuée, loin de constituer une discrimination répond au contraire au souci de restreindre les effets d'une mesure de validation à une hypothèse où les droits des intéressés ne se trouvent en aucune façon affectés ;
100. Considérant qu'il suit de là que les griefs dirigés contre l'article 108 ne peuvent être accueillis ;
101. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen,

Décide :

Article premier : Sont déclarés contraires à la Constitution dans le texte de la loi de finances pour 1990 :
- le paragraphe VIII de l'article 47 ;
- dans le texte de l'article 102, les mots " nonobstant l'expiration éventuelle des délais de prescription " et " à tout moment " ;
- le troisième alinéa de l'article 107 ;
- l'article 120.

Article 2 : La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Synthèse
Numéro de décision : 89-268
Date de la décision : 29/12/1989
Loi de finances pour 1990
Sens de l'arrêt : Non conformité partielle
Type d'affaire : Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Saisine

DEUXIEME SAISINE DEPUTES

Les députés soussignés défèrent au Conseil constitutionnel le projet de loi de finances pour 1990 et lui demandent de décider que ladite loi est non conforme à la Constitution pour les motifs suivants :

Lors de la deuxième séance du jeudi 14 décembre et lors de la troisième séance du vendredi 15 décembre 1989, en vertu de l'article 49-3 de la Constitution, M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, a engagé la responsabilité du Gouvernement en remplacement du Premier ministre, alors en déplacement, en vue de l'adoption, en deuxième lecture, respectivement de la première partie, de la seconde partie et de l'ensemble du projet de loi de finances pour 1990. Cette procédure est contraire à la Constitution et politiquement contestable.

1° La procédure ainsi mise en uvre est contraire à la lettre, à l'esprit et à la pratique de la Constitution La mise en uvre de l'article 49-3 est contraire à la lettre de la Constitution :

En effet, selon cet article et conformément à la lettre et à l'esprit de l'article 21 de la Constitution, qui dispose que le Premier ministre dirige l'action du Gouvernement, seul le Premier ministre en personne et par oral peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, après délibération du conseil des ministres.

Conformément à la lettre de la première phrase de l'article 49-3 qui emploie l'indicatif et qui ne prévoit aucune possibilité de délégation, seul le Premier ministre décide et engage la responsabilité du Gouvernement. C'est d'ailleurs le chef du Gouvernement qui en demande l'autorisation au conseil des ministres et c'est à lui seul que l'autorisation est accordée. Il ne peut être question de déléguer ce droit qu'en cas d'empêchement définitif.

Il s'ensuit :

: qu'il est exclu qu'un membre du Gouvernement, hormis son chef, ne puisse venir engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée (acte qui engage collectivement et gravement l'ensemble du Gouvernement) ;

: qu'en outre la délégation n'est, en général, admise selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, et selon la doctrine, que pour assurer la continuité de l'action gouvernementale et donc pour des attributions administratives générales qui sont traditionnellement dévolues au Premier ministre et qu'il ne peut assurer directement ;

: qu'enfin les attributions essentielles qui fondent le régime parlementaire de la Ve République ne peuvent être exercées que par leurs titulaires ; qu'ainsi le Président de la République assurant l'intérim ne peut exercer le droit de dissolution.

Par ailleurs, s'il pouvait être admis que le ministre chargé de l'intérim du Premier ministre (notion pourtant radicalement différente de celle de Premier ministre) puisse en personne engager la responsabilité du Gouvernement, le décret du 14 décembre 1989 qui charge de l'intérim M Lionel Jospin, ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, n'a été publié au Journal officiel que le 15 décembre 1989. Qu'en conséquence, et en vertu du décret-loi du 5 novembre 1870 qui dispose que les règlements publiés au Journal officiel n'entrent en vigueur qu'un jour franc après leur promulgation, le ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, était incompétent lors de la deuxième séance du jeudi 14 décembre et lors de la troisième séance du vendredi 15 décembre 1989 pour engager la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 1990 qui a été considéré comme adopté vingt-quatre heures après, en l'absence du dépôt d'une motion de censure.

La mise en uvre de l'article 49-3 est contraire à l'esprit de la Constitution :

Les dispositions minutieuses adoptées en 1958, quant à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement (adoption au conseil des ministres, engagement du Gouvernement par le Premier ministre, délais) démontrent que les constituants ont cherché à apporter des garanties procédurales pour éviter tout engagement de responsabilité intempestif par un membre autre que le chef du Gouvernement.

La procédure mise en uvre par l'article 49-3, et plus spécialement dans son alinéa 3, rappelle que les constituants ont voulu mettre fin aux procédés employés sous les Républiques précédentes, selon lesquels le Gouvernement voyait sa responsabilité engagée par un ministre sans l'accord du Premier ministre.

La lecture des travaux préparatoires de la Constitution prouve clairement que les constituants ont voulu éviter cet écueil en considérant que le premier ministre, et lui seul, pouvait, selon une procédure solennelle et orale, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale.

La mise en uvre de l'article 49-3 est contraire à l'usage de la Constitution :

Depuis 1958, le Premier ministre est toujours venu à la tribune de l'Assemblée nationale en personne engager la responsabilité du Gouvernement, et cela quel que soit l'état de la procédure législative. La seule exception réside en l'engagement de la responsabilité du Gouvernement pas M Jean Poperen, ministre chargé des relations avec le Parlement, lors de la deuxième séance du 28 avril 1989 pour l'adoption en première lecture du projet de loi approuvant le Xe Plan (procédure qui n'a fait l'objet d'aucun recours).

Hormis cette unique exception, dont l'inconstitutionnalité est patente dans la mesure où l'engagement de la responsabilité du Gouvernement a été effectué par le ministre chargé des relations avec le Parlement, la pratique, d'une part, conforte la présente analyse juridique, et d'autre part, tend à révéler l'existence d'une coutume constitutionnelle en la matière.

2° La procédure employée ne respecte pas les droits du Parlement

La lecture de l'ensemble des travaux préparatoires, et surtout des discours des constituants, démontre que cette procédure ne devait être employée qu'exceptionnellement dans la mesure où elle prive au moins partiellement l'assemblée de ses fonctions éminentes (le vote de la loi).

Acte politiquement important et juridiquement grave, puisque privant de facto l'Assemblée nationale d'une de ses fonctions essentielles, il ne saurait être admis qu'un membre du Gouvernement, quel qu'il soit, remplace le Premier ministre pour annoncer à la tribune de l'Assemblée nationale l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un texte qui sera adopté en l'absence du dépôt et du vote d'une motion de censure.

En conséquence, l'engagement de la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur un texte ne peut être exercé que par le Premier ministre en personne. Il ne peut être admis que cette attribution constitutionnelle fondamentale, attachée à la personne même du chef du Gouvernement, soit déléguée.

En conséquence, l'engagement de la responsabilité du Gouvernement par le ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, sur le projet de loi de finances pour 1990 est contraire à la Constitution.

Telles sont les raisons pour lesquelles les auteurs de la saisine estiment que, par l'utilisation qui a été faite de l'article 49-3 de la Constitution, le projet de loi de finances pour 1990 est contraire à la Constitution.

SAISINE SENATEURS Les sénateurs soussignés à Monsieur le président et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel

Conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, nous avons l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1990, et notamment ses articles 16, 47, 50, 102, 104 et 108. Nous attirons également l'attention du conseil sur l'absence de conformité à la Constitution de la procédure suivie pour parvenir à l'adoption de ce texte.

I : Procédure d'adoption de la loi de finances et article d'équilibre

La loi de finances pour 1990 n'a pas été, dans certains de ses articles, adoptée selon une procédure conforme à la Constitution.

Ainsi, en est-il de la procédure suivie pour la suppression de l'article 33 ter du projet de loi de finances pour 1990, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, adopté conforme par le Sénat également en première lecture et supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture au nom d'une prétendue " coordination " avec un article 34 quinquies (art 52 du texte définitif) introduit par elle en première lecture dans le projet de loi de finances rectificative pour 1989.

A : Rappel de la procédure suivie

L'article additionnel 33 ter a été inséré dans le projet de loi de finances pour 1990 en première lecture à l'Assemblée nationale, le 20 octobre 1989 sur amendement du Gouvernement.

Cet article proposait une majoration de la taxe sur les véhicules des sociétés (art 1010 du code général des impôts) destinée à financer un certain nombre d'ajustements de crédits en seconde partie du projet de loi.

L'article 34 (art 50 du texte définitif) du projet de loi (article d'équilibre) tirait les conséquences de ce vote en majorant de 100 millions de francs les ressources nettes du budget général et la ligne 0044 de l'état A annexé à cet article (taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés).

Le 24 novembre 1989, le Sénat adoptait en première lecture l'article 33 ter sans modification.

Par lettre du 11 décembre 1989, M le Premier ministre faisait connaître à M le président du Sénat et M le président de l'Assemblée nationale que, conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, il avait décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 1990.

Le 12 décembre 1989, la commission mixte paritaire constatait qu'aucun texte ne pouvait recueillir l'agrément de la majorité de ses membres et ne pouvait donc être proposé aux deux assemblées.

Le 14 décembre 1989, l'Assemblée nationale était saisie à nouveau du projet de loi de finances pour 1990, en nouvelle lecture.

Le Gouvernement décidait, à l'issue de la discussion générale, de demander la réserve du vote de l'ensemble des articles et amendements de l'article 2 jusqu'à l'article 34 et état A ainsi que la réserve de la discussion d'un certain nombre d'articles (Journal officiel, Débats, Assemblée nationale, 2e séance, du 14 décembre 1989, page 6563), parmi lesquels l'article 33 ter pourtant adopté conforme par le Sénat.

Puis le ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargé de l'intérim de M le Premier ministre, engageait la responsabilité du Gouvernement, conformément au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, sur l'adoption en nouvelle lecture d'une liste d'articles, le cas échéant assortis d'amendements, parmi lesquels l'article 33 ter assorti d'un amendement de suppression n° 75 présenté par M Alain Richard, rapporteur général, au nom de la commission des finances.

En l'absence de tout débat en séance publique, il convient de se reporter, d'une part, au rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale (rapport n° 1098, première session ordinaire de 1989-1990) annexé à la séance du 13 décembre 1989 et, d'autre part, à l'exposé écrit sommaire de l'amendement n° 75 au projet de loi de finances pour 1990 daté du 13 décembre 1989.

Le premier indique :

" L'article 1010 du code général des impôts fixe le tarif de la taxe spécifique sur les véhicules des sociétés. Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, le tarif a été porté, par le présent article, de 4 800 F à 5 000 F pour les véhicules de plus de 7 chevaux, de 10 500 F à 11 200 F pour les autres véhicules.

" Le Sénat a adopté conforme cet article.

" Or entre temps, dans le texte relatif à la loi de finances rectificative pour 1989, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, ce tarif de la taxe a été porté respectivement à 5 700 F et 12 500 F suite à un amendement du Gouvernement (art 34 quinquies nouveau).

" En conséquence, il est nécessaire de supprimer le présent article 33 ter bien qu'il ait été adopté conforme par le Sénat. "

Le second précise :

" Amendement de coordination avec l'article 34 quinquies (nouveau) du projet de loi de finances rectificative pour 1989 considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, et qui majore davantage que le présent article 33 ter la taxe sur les véhicules des sociétés et ce à compter du 1er octobre 1989. Cette suppression est donc formelle et n'a pas d'incidence sur les recettes de l'exercice 1990. "

De fait, l'article 34 (article d'équilibre) (art 50 du texte définitif) modifié par l'amendement n° 206 du Gouvernement, loin de diminuer les ressources nettes de l'Etat pour 1990 de 100 millions de francs au titre de la taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés (ligne 0044 de l'état A annexé à cet article) pour tirer les conséquences de la suppression de l'article 33 ter, les majore au contraire de 245 millions de francs pour tenir compte de l'adoption de l'article 34 quinquies (art 52 du texte définitif) du projet de loi de finances rectificative pour 1989.

En effet, comme l'indique tant le rapport de la commission des finances de l'Assemblée nationale que l'exposé des motifs de l'amendement de suppression n° 75, l'Assemblée nationale avait entre temps abordé l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1989.

Au cours de la discussion de ce projet de loi en première lecture, le 4 décembre 1989, l'Assemblée nationale était saisie d'un amendement n° 65 du Gouvernement tendant à majorer, à compter de la période d'imposition s'ouvrant le 1er octobre 1989, les tarifs de la taxe sur les véhicules des sociétés prévus à l'article 1010 du code général des impôts afin, selon les propos du ministre délégué " de dégager des recettes supplémentaires permettant d'abonder pour 1990 les crédits destinés à financer les mesures récemment décidées en faveur des agents relevant des ministères de l'intérieur et des finances " (Journal officiel, Débats, Assemblée nationale, 3e séance, du 4 décembre 1989, p 5955).

Le 6 décembre 1989, le Premier ministre engageait la responsabilité du Gouvernement pour l'adoption en première lecture d'un certain nombre d'articles précédemment réservés dont l'amendement n° 65 portant article additionnel après l'article 34 (devenu l'article 34 quinquies) ainsi que sur l'ensemble du projet de loi.

On observera en outre que le Gouvernement a considéré que l'insertion de l'article 34 quinquies (art 52 du texte définitif) dans le projet de loi de finances rectificative n'avait aucun effet sur les ressources de l'Etat en 1989 comme en témoigne la non-modification de l'article 3 (article d'équilibre) dudit projet de loi.

B : La procédure suivie n'est pas conforme à la Constitution

En résumé, l'article 33 ter du projet de loi de finances adopté conforme par le Sénat le 24 novembre 1989 a été supprimé par l'Assemblée nationale le 15 décembre 1989 pour des motifs dits de " coordination " avec le vote par la même assemblée : et elle seule - le 6 décembre 1989 d'un amendement au projet de loi de finances rectificative qui ne sera examiné par le Sénat que le 18 décembre 1989.

Cette procédure qui consiste à supprimer un article de projet de loi qui n'est plus en discussion est contraire à l'article 45 de la Constitution selon lequel " tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique ".

Il résulte en effet, de l'esprit comme de la lettre de l'article 45, qu'au cours de la " navette " parlementaire, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Telle est, d'ailleurs, l'interprétation qu'en donnent les règlements tant de l'Assemblée nationale que du Sénat, dont la conformité à la Constitution a été prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l'article 61, premier alinéa, de la Constitution.

L'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale dispose en effet :

1. Au cours des deuxièmes lectures et des lectures ultérieures par l'Assemblée nationale des projets et des propositions de loi, la discussion a lieu conformément au chapitre IV du présent titre, sous les réserves suivantes.

2. La discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

3. En conséquence, les articles votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte identique ne peuvent faire l'objet d'amendements qui remettraient en cause, soit directement, soit par des additions incompatibles, les dispositions adoptées.

4. Il ne peut être fait exception aux règles ci-dessus édictées qu'en vue d'assurer la coordination des dispositions adoptées ou de procéder à une rectification matérielle.

Les alinéas 10 et suivants de l'article 42 du règlement du Sénat traduisent cette inspiration commune :

10. A partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles et des crédits budgétaires est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte ou un montant identique.

11. En conséquence, il ne sera reçu, au cours de la deuxième lecture ou des lectures ultérieures, aucun amendement ou article additionnel qui remettrait en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles ou des crédits budgétaires votés par l'une ou l'autre assemblée dans un texte ou avec un montant identique.

11 bis. Il peut être fait exception aux règles édictées aux alinéas 10 et 11 pour assurer la coordination des dispositions adoptées ou procéder à une rectification matérielle.

Le texte même de l'article 45, deuxième alinéa, qui prévoit " lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pas pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l'urgence, après une seule lecture par chacune d'elles ", la faculté pour le Premier ministre de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire " chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion " indique clairement, a contrario, que les dispositions adoptées en termes identiques par les deux assemblées cessent d'être en discussion.

L'exception à la règle que constitue l'alinéa 4 de l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale et l'alinéa 11 bis de l'article 42 du règlement du Sénat ne saurait être utilement invoquée dès lors que la prétendue " coordination " s'effectue entre des articles relevant de projets de loi distincts à des stades différents de la navette parlementaire.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 86-221 DC du 29 décembre 1986 sur la loi de finances pour 1987, a admis que des amendements portant articles additionnels déposés par le Gouvernement au texte élaboré par une commission mixte paritaire pouvaient " même avoir pour effet d'affecter des dispositions qui ont déjà été votées dans les mêmes termes par les deux assemblées " tout en précisant " que toutefois, les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser, par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement ".

Le Conseil constitutionnel a considéré en l'espèce que les dispositions introduites n'étaient pas sans lien avec le texte en discussion, que, tant par leur objet qui était " étroitement spécifié " que par leur " portée restreinte ", elles n'avaient pas dépassé les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement.

Il convient d'observer que le Gouvernement a utilisé, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, cette possibilité ouverte par la Haute Juridiction dans le cadre pourtant restrictif d'une lecture de conclusions de commission mixte paritaire : il a ainsi introduit un article 58 sexies 1 nouveau (art 83 du texte définitif) précisant la date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 58 sexies (art 82 du texte définitif) voté conforme par le Sénat en première lecture, se refusant donc à modifier l'article 58 sexies (art 82 du texte définitif) lui-même précisément parce que cet article avait été adopté conforme par le Sénat.

Il n'a pas davantage prétendu modifier l'article 33 ter pour tenir compte de la nécessité de financer les " mesures récemment décidées en faveur des agents relevant des ministères de l'intérieur et des finances ".

Mais il a choisi, le 4 décembre 1989, de déposer un amendement dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1989, laissant à la commission des finances de l'Assemblée nationale le soin, au nom d'une prétendue " coordination ", de déposer un amendement de suppression de l'article 33 ter du projet de loi de finances pour 1990 en nouvelle lecture.

Il apparaît ainsi nettement que la procédure suivie a eu pour but de contourner l'impossibilité de modifier l'article 33 ter et il serait dès lors pour le moins paradoxal de considérer que l'impossibilité de modifier cet article puisse être résolue par sa suppression pure et simple.

En outre, une telle suppression ne saurait s'inscrire dans le droit d'amendement reconnu par la haute juridiction dans sa décision précitée du 29 décembre 1986 car elle ne peut être considérée, par son objet même, comme ayant " une portée restreinte ".

Enfin, s'il était reconnu la possibilité de modifier implicitement ou explicitement, par un projet de loi nouveau, les dispositions d'un autre projet de loi déjà en cours d'examen successif par les deux assemblées, l'esprit même de l'article 45 de la Constitution serait violé.

S'agissant des lois de finances, cette procédure serait de surcroît directement contraire à l'article 47 de la Constitution et à l'article 39 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, notamment son alinéa 5, qui dispose que " le projet de loi de finances est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution ".

En l'espèce, faire prévaloir les dispositions de l'article 34 quinquies (art 52 du texte définitif) introduit par l'Assemblée nationale en première lecture le 4 décembre 1989 dans le projet de loi de finances rectificative pour 1989 sur celles de l'article 33 ter inséré dans le projet de loi de finances pour 1990 et voté conforme par le Sénat le 24 novembre 1989, revient à réouvrir un délai d'examen et une possibilité d'amendements qui constituent en fait autant de lectures supplémentaires du projet de loi de finances pour 1990, alors même que tant la Constitution que l'ordonnance organique ont institué des règles déterminant avec précision les modalités de la discussion des projets de lois de finances.

C : Conséquences sur l'article d'équilibre

Enfin, la procédure adoptée comporte une imperfection dirimante en tant qu'elle conduit à l'adoption d'un texte non conforme aux dispositions des articles 1er et 31 de l'ordonnace organique précitée relative aux lois de finances.

L'article 1er de l'ordonnance dispose en effet dans son premier alinéa : " les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent. "

L'article 31 précise que le projet de loi de finances de l'année, dans sa première partie, " autorise la perception des ressources publiques et comporte les voies et moyens qui assurent l'équilibre financier ; évalue le montant des ressources d'emprunts et de trésorerie ; autorise la perception des impôts affectés aux collectivités et aux établissements publics ; fixe les plafonds des grandes catégories de dépenses et arrête les données générales de l'équilibre financier ".

En effet, l'article 34 (article d'équilibre) (art 50 du texte définitif) du projet de loi de finances pour 1990 tel qu'il a été considéré comme adopté par l'Assemblée nationale tant en nouvelle lecture qu'en dernière lecture, comportait l'inscription de recettes qui ne résultaient aucunement de la première partie du projet de loi de finances, ni au titre des impôts existants dont la perception est autorisée par son article 1er, ni au titre des mesures fiscales nouvelles proposées par ses autres articles.

Tel est notamment le cas de la recette de 345 millions de francs inscrite au titre de la majoration de la taxe sur les véhicules de sociétés résultant de l'article 34 quinquies (art 52 du texte définitif) du projet de loi de finances rectificative pour 1989.

Tel est également le cas d'une recette de 250 millions de francs résultant à la fois des articles 34 ter (art 50 du texte définitif) (majoration du droit de timbre sur les cartes d'entrée dans les casinos) et 34 quater (art 51 du texte définitif) (majoration du droit de timbre de dimension) du même projet de loi.

Tel est encore le cas de l'inscription d'une ressource de 1 milliard de francs en faveur des comptes d'affectation spéciale découlant de l'article 28 (art 40 du texte définitif) du même projet de loi de finances rectificative créant une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureau dans la région d'Ile-de-France.

On observera que l'ensemble de ces dispositions inscrites dans le projet de loi de finances rectificative pour 1989 n'entraîne aucune recette supplémentaire pour cet exercice et n'ont de conséquences financières que sur la loi de finances de l'année.

Il en résulte que le texte définitif de la loi de finances pour 1990 tel qu'il a été considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture le 20 décembre 1989 et tel qu'il est déféré à la haute juridiction, ne répond pas aux exigences de l'article 1er de l'ordonnance organique en tant notamment que ce texte ne saurait être considéré comme ayant déterminé la nature des ressources prises en compte dans l'équilibre économique et financier qu'il définit.

En outre, la procédure adoptée a pour conséquence de priver le Conseil constitutionnel, dans le cadre du présent recours, de la possibilité d'examiner la conformité à la Constitution des dispositions dont les conséquences financières sont néanmoins prises en compte dans l'équilibre de la loi de finances pour 1990.

Une telle procédure, à ce seul titre, serait condamnable.

A contrario, dans l'hypothèse où les personnes visées au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution estimaient devoir déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 1989 et où la haute juridiction dans sa sagesse déclarait non conforme à la Constitution certains des articles de cette loi dont les conséquences financières ont été prises en compte dans la loi de finances pour 1990 ; et si par ailleurs lesdites personnes s'étaient abstenues de déférer à la haute juridiction la loi de finances pour 1990, il en résulterait une confusion juridique et institutionnelle extrême qui condamne une nouvelle fois la procédure suivie, et justifie si besoin en était le présent recours.

Les sénateurs soussignés considèrent donc que la procédure suivie pour la suppression de l'article 33 ter du projet de loi de finances pour 1990 n'est pas conforme aux dispositions des articles 45 et 47 de la Constitution et 39 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et que l'article 50 de ladite loi n'est pas conforme à l'article 1er de l'ordonnance précitée.

Ils considèrent que la non-conformité de la procédure suivie pour la suppression de l'article 33 ter doit entraîner de fait la non-conformité de l'ensemble de la loi de finances pour 1990 ; ils estiment qu'il en est de même de la non-conformité de l'article 50 de ladite loi en tant que cet article évalue les recettes, fixe les plafonds des charges, arrête ainsi les données générales de l'équilibre économique et financier de la loi de finances dont il ne saurait, à l'évidence, être dissocié.

II. : Article 16

Cet article tend à supprimer, à compter du 1er janvier 1989, l'exonération d'impôt sur le revenu des primes de remboursement distribuées ou réparties par les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, dès lors que ces primes représentent plus de 10 p 100 des répartitions ou distributions effectuées par l'OPCVM.

La mesure instituée est extrêmement sévère, puisqu'elle modifie a posteriori des conditions fiscales qui ont été déterminantes pour la réalisation d'opérations légales.

Elle n'est pas conforme à deux principes de valeur constitutionnelle :

1. Parce qu'elle constitue une sanction, du fait de sa sévérité vis-à-vis de contribuables ayant pu bénéficier de mesures légales, et par définition non avertis de la modification du régime fiscal de ces opérations. Cette modification a posteriori remet en question l'intérêt même de ces opérations, pour des contribuables auxquels les établissements financiers ont simplement proposé un contrat avantageux. Or, cette sanction est rétroactive, puisqu'elle prend effet au 1er janvier 1989, et dès lors n'est pas conforme au principe constitutionnel de non-rétroactivité des sanctions (v décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1982 n° 82-155).

2. Parce que sa sévérité est excessive eu égard à l'intérêt général poursuivi.

S'il s'agit d'une mesure de rationalisation fiscale, il est exagéré de lui faire prendre effet au 1er janvier 1989 : aussi bien, cette mesure aurait pu intervenir le 1er janvier 1990, l'exonération étant une mesure très ancienne. Dès lors, on peut considérer que le législateur a commis une erreur manifeste d'appréciation en prévoyant cette rétroactivité. Si d'autres objectifs que la simple rationalisation fiscale sont poursuivis, il s'agit bien d'une mesure de sanction. (Sa rétroactivité, comme on l'a vu, la rend dès lors non conforme à la Constitution).

Pour ces raisons, il y a donc lieu de déclarer non conforme à la Constitution l'article 16 de la loi de finances pour 1990.

III. : Article 47, paragraphe VIII

L'article 47 de la loi de finances instaure de nouvelles modalités de calcul de la dotation globale de fonctionnement. La plupart des dispositions de cet article sont donc susceptibles de figurer dans une loi de finances, au regard de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

Les dispositions du paragraphe VIII de l'article 47, toutefois, semblent totalement étrangères au domaine imparti aux lois de finances par l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Le paragraphe VIII a, en effet, trait aux modalités de répartition de la dotation globale de fonctionnement et non à la fixation de son montant.

A : Rappel du contenu du paragraphe VIII de l'article 47.

L'article 47 de la loi de finances prévoit l'indexation du montant de la dotation globale de fonctionnement sur le taux prévisionnel de hausse des prix pour l'exercice 1990 et sur un indice " composite ", associant taux de croissance en volume et taux de hausse des prix pour les exercices ultérieurs.

Cet article prévoit également une régularisation du montant de la dotation figurant dans la loi de finances initiale, lorsque l'indice prévisionnel sur lequel est fondé ce montant se révèle d'une valeur inférieure à l'indice constaté à l'issue de l'exercice.

L'objet du paragraphe VIII est de définir les modalités de répartition de cette régularisation entre les différentes communes.

Il dispose en outre qu'un acompte de 4 p 100 sera notifié au début de 1990, en anticipation de la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de l'exercice 1989, normalement notifiée en juillet. Il fixe, enfin, les modalités de répartition de cet acompte.

B : Le paragraphe VIII de l'article 47 a un contenu étranger à celui imparti aux lois de finances.

Le paragraphe VIII de l'article 47 a un objet étranger au domaine des lois de finances, tel qu'il est défini par l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Tendant à prévoir les modalités de répartition d'une dotation allouée aux collectivités locales et constitutive d'un prélèvement sur les recettes de l'Etat, il ne concerne en effet ni la détermination de la nature, du montant ou de l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, ni l'information et le contrôle parlementaire sur la gestion des finances publiques, ni, enfin, la fixation de règles relatives aux impositions de toutes natures.

Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs déjà statué en ce sens à propos d'une disposition similaire, également relative à la répartition de la dotation globale de fonctionnement, par une décision n° 82-155 DC du 30 décembre 1982 dont il convient de rappeler les termes :

" Considérant que les dispositions de l'article 23 ont pour objet de modifier les conditions de répartition entre les communes intéressées de la dotation supplémentaire instituée par l'article L 234-14 du code des communes ; que, comme le font valoir les auteurs de la saisine, elles ne modifient en rien le montant global de ladite dotation qui a le caractère d'un prélèvement et non d'une dépense de l'Etat ; que, par suite, l'article 23 est étranger à l'objet des lois de finances. "

Il convient, au surplus, d'observer que le fait que les deux premiers alinéas du paragraphe VIII aient trait à la notification par anticipation d'un acompte sur le montant total de la régularisation perçue en 1990 est sans influence sur le montant total de la dotation et n'a pas non plus d'incidence sur le montant des charges de trésorerie de l'Etat, dans la mesure où la notification par anticipation n'implique pas le paiement par anticipation.

Il y a donc lieu de déclarer non conforme à la Constitution le paragraphe VIII de l'article 47 de la loi de finances pour 1990.

IV. : Article 102

Introduit par amendement d'origine parlementaire en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, après avoir été rejeté par sa commission des finances, l'article 102 de la loi de finances a pour objet de permettre à l'administration de corriger certaines erreurs de procédures fiscales qu'elle a commises lors des contrôles qu'elle a effectués et ce, nonobstant l'expiration éventuelle des délais de prescription.

Cette possibilité peut s'exercer dans les conditions suivantes :

La nature des erreurs pouvant être rectifiées :

: il doit s'agir d'erreurs non substantielles ;

: ces erreurs ne peuvent qu'avoir porté sur la mise en uvre des articles L 48, L 49, L 54 B, L 57, L 59, L 76, L 77, L 80 D et L 80 E du livre des procédures fiscales, ou sur l'avis de vérification mentionné à l'article L 47 ;

: ces erreurs ne doivent pas pouvoir être rectifiées spontanément par l'administration.

La procédure à suivre pour corriger ces erreurs :

: l'administration doit solliciter une autorisation auprès du juge, cette décision étant valable pendant un mois ;

: en cas de saisine d'un tribunal, l'autorisation ne peut être accordée après le jugement rendu en première instance ;

: lorsque la rectification concerne les dispositions de certains articles du livre des procédures fiscales (mention dans la notification d'une proposition de redressement de la faculté de se faire assister par un conseil et motivation de cette proposition, notification des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office, prise en compte des redressements sur l'assiette de l'impôt), le juge peut autoriser l'administration à engager une nouvelle procédure de redressement sans que puissent lui être opposés les délais relatifs à l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation personnelle des personnes physiques et sans que puissent lui être opposées en matière d'impôt sur le revenu les dispositions qui interdisent de revenir sur une période vérifiée si le contribuable a fourni des renseignements complets et exacts lors de la vérification.

L'article 102 porte atteinte à deux principes de valeur constitutionnelle, la garantie des droits de la défense et l'égalité devant le juge.

A : La garantie des droits de la défense.

D'une part, l'article 102 prévoit que des erreurs non substantielles peuvent être commises dans la mise en uvre de procédures essentielles à la garantie des droits de la défense, ainsi :

: l'article L 54 B du livre des procédures fiscales, qui prévoit que la notification d'une proposition de redressement doit mentionner, sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition, ou pour y répondre ;

: l'article L 57, qui dispose que l'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;

: l'article L 76, qui fixe les modalités de notification des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office.

Une erreur commise dans la mise en uvre de ces procédures, par définition, est substantielle, sauf à considérer qu'il ne s'agit pas de principes fondamentaux vis-à-vis desquels le moindre manquement constitue une violation des droits de la défense.

Dans le cas, également, des rectifications qui mettent en échec les dispositions des articles L 12 et L 50 fixant des délais protégeant les citoyens, les erreurs ne peuvent être que substantielles.

D'autre part, l'article 102 prévoit que l'autorisation de rectifier une erreur non substantielle pourra être délivrée par le juge sur demande de l'administration et devra porter ses effets dans un délai d'un mois. D'après la rédaction du texte, le contribuable concerné n'aura pas la possibilité de faire valoir son point de vue devant le juge quant au caractère substantiel, ou non, de l'erreur commise, alors que la décision prise par le juge pourra avoir des conséquences graves sur sa situation.

En cela également, l'article 102 porte atteinte au principe des droits de la défense.

B : L'égalité devant le juge.

En premier lieu, l'article 102 institue une inégalité injustifiée entre l'administration et le citoyen. Ce dernier ne pourra, au-delà du délai de prescription, invoquer une erreur de procédure non substantielle, alors que l'administration pourra le faire à son profit.

En deuxième lieu, l'article crée une inégalité non justifiée entre les contribuables vis-à-vis desquels l'administration aura commis une erreur de procédure et les autres. Alors que l'erreur commise est totalement indépendante de la volonté du contribuable, elle déterminera de façon décisive la possibilité de remettre en cause l'imposition le concernant. L'inégalité ainsi créée ne se justifie nullement par une différence objective de situations. Cette inégalité est particulièrement grave quand il s'agit des dispositions des articles L 12 et L 50 du livre des procédures fiscales. Les citoyens auxquels s'appliquerait une rectification leur retirant le bénéfice de ces deux articles se trouveraient gravement désavantagés.

Il y a donc lieu de déclarer non conforme à la Constitution l'article 102 de la loi de finances pour 1990.

V : Article 104

Egalement introduit par l'Assemblée nationale par un amendement parlementaire, après avoir été rejeté par sa commission des finances, l'article 104 de la loi de finances a pour objet de permettre à l'administration de corriger certaines erreurs d'imposition au-delà du délai normal de prescription, et ce dans les conditions suivantes :

: il doit s'agir d'omissions ou d'insuffisances d'imposition ;

: celles-ci doivent avoir été révélées par une instance devant un tribunal, quel qu'il soit : la possibilité n'existant actuellement que devant les tribunaux répressifs : ou par une réclamation contentieuse ;

: les omissions ou insuffisances peuvent être réparées par l'administration jusqu'à la fin de l'année suivant celle de la décision qui a clos l'instance ;

: enfin, cette réparation ne peut être effectuée, au plus tard, que jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due.

Cet article n'est pas conforme à deux principes de valeur constitutionnelle :

L'égalité des citoyens devant la loi.

En effet, selon que les contribuables seront concernés, ou pas, par une instance qui pourra être tout à fait indépendante de leur situation fiscale (litige de droit des personnes, de droit du travail, litige commercial), l'administration pourra exercer ou non son pouvoir de réparation des omissions ou insuffisances d'imposition. L'inégalité introduite n'a pas de rapport avec une quelconque différence de situations objectives.

L'égalité des citoyens devant le juge (et la liberté d'accès à la justice).

En effet, certains contribuables pourront être amenés à renoncer à une instance, de crainte que celle-ci ne révèle une omission fiscale à leur désavantage. Or, l'accès à la justice doit être libre de tout type de pression, et ce pour tous les citoyens.

Il y a donc lieu de déclarer l'article 104 non conforme à la Constitution.

VI. : Article 108

L'article 108, introduit par un amendement du Gouvernement, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, modifie sensiblement les dispositions du livre des procédures fiscales (art L 16 B et L 38) et du code des douanes (art 64) relatives aux procédures de visite et de saisie, susceptibles d'être mises en uvre pour rechercher la preuve d'agissements frauduleux au regard de la législation fiscale ou douanière.

Les modifications ainsi apportées, qui ont pour objet de tenir en échec la jurisprudence de la Cour de cassation, intervenue en la matière, tendent principalement :

: à restreindre le contenu de la motivation des ordonnances judiciaires autorisant les visites ;

: à alléger la procédure d'autorisation de visite de coffres en cas de découverte de leur existence au cours d'une visite ;

: à autoriser, lors des opérations de perquisition, la participation et l'assistance d'agents habilités n'appartenant pas nécessairement à la catégorie A ;

: à valider les impositions fiscales ou douanières établies sur le fondement de pièces et documents saisis lors de visites intervenues avant le 31 décembre 1989, dans des conditions que la Cour de cassation ne pourrait manquer de considérer comme irrégulières.

D'une manière générale, il convient de souligner que le dispositif contesté concerne, dans une large mesure, l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, issu de l'article 94 de la loi de finances pour 1985, qui a été élaboré à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 décembre 1983 (n° 83-164 DC) et jugé comme ne méconnaissant " aucune des exigences constitutionnelles assurant la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale " par la Haute Instance dans sa décision du 29 décembre 1984 (n° 84-184 DC). Les dispositions de l'article L 16 B, ainsi acceptées par le juge constitutionnel, ont ensuite été étendues, sous réserve de certaines adaptations, aux articles L 38 du livre des procédures fiscales et 64 du code des douanes, par l'article 80 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1137 du 30 décembre 1986).

A : S'agissant de la motivation des ordonnances autorisant les visites, les articles L 16 B (II, 2e alinéa) et L 38 (3e alinéa du 2) du livre des procédures fiscales ainsi que l'article 64 (3e alinéa du 2 a) du code des douanes précisent, conformément à l'exigence posée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 1983 (n° 83-164 DC), que " le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise (par l'administration fiscale ou douanière) est bien fondée ". Par ailleurs, ces dispositions indiquent que la demande " doit comporter tous les éléments d'information en possession de l'administration de nature à justifier la visite ".

La Cour de cassation a fait une stricte application de ces dispositions qui s'inscrivent dans le droit fil de la décision du Conseil constitutionnel en date du 29 décembre 1983.

C'est ainsi que se prononçant, le 15 décembre 1988, sur des ordonnances dépourvues de motivation propre à l'espèce, la chambre mixte de la Cour de cassation a estimé qu'en se déterminant par de tels motifs, les magistrats ne l'avaient pas mise en mesure de contrôler si le bien-fondé de la demande avait été vérifié.

Appelée, le 21 mars 1989, à statuer sur des pourvois formés contre des ordonnances qui comportaient des mentions de présomptions d'infractions, la chambre commerciale a jugé qu'en se déterminant par de tels motifs, " sans se référer aux éléments d'information fournis par l'administration ", le président du tribunal de grande instance n'avait pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle.

Enfin, dans un arrêt du 18 juillet 1989, la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que l'énumération des présomptions retenues par le juge n'était pas suffisante dès lors que " sans se référer en les analysant, fût-ce succinctement, aux éléments d'information fournis par l'administration fiscale le président du tribunal de grande instance n'a pas mis la cour en mesure d'exercer son contrôle ".

En définitive, la jurisprudence de la Cour de cassation impose au juge de vérifier concrètement l'existence de présomptions suffisantes des agissements illégaux allégués par l'administration. Pour la Cour de cassation, l'ordonnance doit faire apparaître non seulement le bien-fondé de la demande de l'administration mais également la réalité et le sérieux du contrôle du juge. Cette jurisprudence exige, au-delà d'une motivation en droit et en fait de l'ordonnance, une analyse des pièces fournies par l'administration.

Selon le Gouvernement, cette exigence de la Cour de cassation risque de mettre en danger la confidentialité de certaines sources d'information de l'administration puisque l'ordonnance serait, aux termes de l'article 108 de la loi de finances pour 1990, " notifiée verbalement et sur place, au moment de la visite, à l'occupant des lieux ou à son représentant ".

En conséquence, le texte proposé par le Gouvernement, tout en laissant subsister, dans les trois articles modifiés, le principe selon lequel " le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est bien fondée ", en restreint singulièrement la portée par l'insertion d'une disposition complémentaire précisant que " le juge motive sa décision par l'indication des éléments de fait et de droit qu'il retient et qui laissent présumer, en l'espèce, l'existence des agissements frauduleux dont la preuve est recherchée ". En effet, cette " précision complémentaire " signifie que les ordonnances autorisant les visites, délivrées pour rechercher les preuves d'agissements frauduleux en matière d'impôts directs et de TVA (I, 1), de contributions indirectes (II, 3) et d'impositions douanières (III, 2) sont suffisamment motivées lorsqu'elles comportent les éléments de droit et de fait propres à l'espèce, tels qu'ils résultent des pièces présentées par l'administration, mais sans référence à ces pièces, ni même analyse de ces documents.

En définitive, l'article 108 opère une distinction entre, d'une part, l'information du juge chargé de délivrer l'ordonnance, qui demeurera complète et concrète si l'administration lui fournit toutes les pièces motivant sa demande et, d'autre part, la motivation de l'ordonnance autorisant la visite qui pourra ne comporter, outre l'indication de faits présumés et d'éléments de droit, qu'un simple visa des pièces.

Une telle limitation de la motivation des ordonnances autorisant les visites annihile la portée du contrôle effectué par la Cour de cassation qui ne pourra plus vérifier si le juge a rendu son ordonnance en toute connaissance de cause. Or, l'effectivité du contrôle du juge de cassation constitue la contrepartie indispensable au regard des libertés individuelles d'une procédure sui generis, dénuée des garanties qui entourent le prononcé des décisions judiciaires et notamment le caractère contradictoire et la publicité des débats, la collégialité.

Par ailleurs, l'article 66 de la Constitution confie à l'autorité judiciaire la sauvegarde de la liberté individuelle " sous tous ses aspects et notamment celui de l'inviolabilité du domicile " (décision du Conseil constitutionnel n° 83-164 DC du 29 décembre 1983). Or, cette mission s'exerce sous le contrôle de la cour suprême de l'ordre judiciaire : la Cour de cassation.

En conséquence, les dispositions de l'article 108 de la loi de finances relatives au contenu de la motivation des ordonnances autorisant les visites vont à l'encontre de l'article 66 de la Constitution et portent atteinte au principe constitutionnel des droits de la défense.

B : Concernant la visite des coffres dont l'existence apparaît au cours d'une perquisition, mais qui se trouvent en dehors des lieux visités, les juges, dans le silence des textes, ont souvent autorisé, par leurs ordonnances initiales, la visite de tout coffre ouvert dans un établissement bancaire situé dans leur ressort territorial ainsi que de tout véhicule stationné au lieu du domicile ou sur la voie publique.

De telles ordonnances ont été censurées par la Cour de cassation qui exige pour la visite de ces coffres la délivrance d'ordonnances spécifiques, dûment motivées.

En conséquence, le présent article permet aux agents habilités, lorsqu'ils découvrent l'existence d'un coffre dans un établissement de crédit dont la personne occupant les lieux visités est titulaire et où des pièces et documents se rapportant aux agissements présumés sont susceptibles de se trouver, de procéder immédiatement à la visite de ce coffre, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, la mention de l'autorisation étant portée au procès-verbal.

En l'occurrence, l'autorisation complémentaire de visiter le coffre constituerait le prolongement de l'ordonnance initiale, l'argument invoqué étant que l'établissement bancaire n'est pas un domicile privé. Il n'en demeure pas moins qu'un établissement bancaire constitue un " lieu protégé " et qu'une simple autorisation de perquisition, délivrée par tout moyen, y compris par un appel téléphonique, contrevient au principe, posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel le juge doit vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation est bien fondée. On observera, par ailleurs, que ces dispositions pourraient constituer une incitation à la détention de coffres en dehors des établissements bancaires, par exemple au domicile de parents ou d'amis sûrs. En effet, dans ces cas, une ordonnance dûment motivée, et non plus une simple autorisation délivrée par tout moyen, serait nécessaire pour procéder à la visite du coffre.

Enfin, la faculté d'autoriser par tout moyen la visite d'un coffre situé dans un établissement bancaire ne permettra pas au juge de contrôler et de suivre effectivement le cours de la visite, comme le veut la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décisions n° 83-164 DC du 29 décembre 1983 et n° 84-184 DC du 29 décembre 1984).

C : En dernier lieu, l'article 108 procède à la validation des impositions établies à l'aide des pièces et documents saisis au cours d'une visite effectuée avant le 31 décembre 1989, dans trois cas :

: lorsque l'ordonnance autorisant la visite comportait la nouvelle motivation prévue par le texte ;

: lorsque l'ordonnance a autorisé la visite de tout coffre ou véhicule mais qu'une telle visite n'a pas été effectuée ;

: et lorsque la perquisition a été faite avec la participation d'agents de collaboration de l'administration fiscale.

On observera, tout d'abord, que la disposition relative aux ordonnances ayant autorisé la visite de tout coffre ou véhicule introduit une discrimination entre les contribuables placés dans des situations identiques au regard des ordonnances, qui est fondée sur le seul comportement de l'administration, à savoir l'accomplissement ou non de la visite du coffre. Cette différence de traitement, qui ne peut se justifier par des considérations d'intérêt général, va à l'encontre du principe d'égalité devant la loi.

Par ailleurs, les dispositions litigieuses ne précisent pas explicitement qu'elles ne sauraient préjudicier aux contribuables dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée. Par leur mutisme, ces dispositions enfreignent le principe posé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988.

Enfin, la rédaction des dispositions relatives à la validation des impositions n'interdit pas à l'administration d'infliger des pénalités aux contribuables concernés. Or, une telle pratique irait à l'encontre du principe de la non-rétroactivité des sanctions fiscales dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 88-250 DC du 29 décembre 1988.

Pour tous ces motifs, les sénateurs auteurs de la présente saisine ont l'honneur de demander au Conseil constitutionnel de déclarer non conforme à la Constitution l'article 108 de la loi de finances pour 1990.

PREMIERE SAISINE DEPUTES

Les députés soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi de finances pour 1990 adoptée en dernière lecture par l'Assemblée nationale le 21 décembre 1989, afin qu'il plaise au conseil d'annuler cette loi pour vice de procédure et de reconnaître l'inconstitutionnalité des articles 4, 10 ter IV, 28-A, 56, 58 ter, 60 ter à 60 undecies et 68 bis A pour les motifs développés ci-joint : En ce qui concerne la validité de la procédure législative :

La première partie du projet de loi de finances pour 1990 a été adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture par recours à la procédure de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. En l'absence du Premier ministre, c'est M Lionel Jospin, ministre d'Etat, chargé de l'éducation nationale qui, chargé de l'intérim du Gouvernement, a engagé la responsabilité de celui-ci lors de la deuxième séance du 14 décembre 1989 à 0 h 55 ainsi que l'atteste le Journal officiel des débats à l'Assemblée nationale, page 6595.

Cette procédure appelle deux remarques quant à la compétence du ministre chargé de l'intérim et quant à l'opposabilité de décret organisant l'intérim : 1. Sur la compétence :

L'article 49, alinéa 3, de la Constitution précise : " le Premier ministre peut après délibération du conseil des ministres engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote d'un texte. "

En l'absence de toute autre hypothèse, il apparaît clairement que le Premier ministre a seul le pouvoir de mettre en uvre la procédure de l'article 49-3, à l'exclusion de tout autre membre du Gouvernement.

A contrario, les articles 41, 43 ou 44 de la Constitution, parmi d'autres, montrent bien que lorsque le constituant a voulu élargir certains pouvoirs à tous les membres du Gouvernement, il l'a précisé en évoquant alors " le Gouvernement " et non pas " le Premier ministre ".

Ni l'article 49 ni aucun autre article ne prévoit l'hypothèse de l'intérim du Premier ministre, ce qui amène à penser, en respectant une lecture stricte de la Constitution, que seul le Premier ministre en titre et en personne peut exercer les pouvoirs que la Constitution lui reconnaît à titre exclusif.

Si l'article 21 prévoit que le Premier ministre " peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ", d'une part, il n'est pas certain que les pouvoirs de l'article 49 entrent dans cette catégorie et, d'autre part, cette délégation formelle n'a pas eu lieu en l'occurrence. Le décret du 14 décembre 1989 du Président de la République ne constitue en aucune manière une délégation de cette nature. L'intérim décidé par décret en l'absence de toute précision constitutionnelle ne saurait concerner que les seuls pouvoirs réglementaires du Premier ministre afin d'assurer la continuité de l'" exécution des lois " dont il a la charge du fait de l'article 21.

Le recours à l'article 49-3 par une autre personne que le Premier ministre en titre est donc contraire à la Constitution. Il constitue en l'espèce un vice grave de procédure impliquant l'annulation du texte déféré.

2. Sur l'inopposabilité :

A supposer que l'intérim du Premier ministre puisse s'exercer dans le domaine constitutionnel, il ne peut être opposé en l'espèce.

En effet, M Jospin a engagé la responsabilité du Gouvernement le 15 décembre 1989 à 0 h 55 alors que le décret le chargeant d'assurer l'intérim n'a été publié qu'au Journal officiel du 15 décembre 1989.

Cela veut dire qu'à 0 h 55 les députés ne pouvaient matériellement avoir pris connaissance de ce décret, il leur était donc inopposable.

A fortiori, en vertu du décret-loi du 5 novembre 1870, les décrets n'entrent en vigueur qu'un jour franc après leur promulgation, c'est-à-dire en l'occurrence le 16 décembre à 0 heure.

La décision d'engager la procédure de l'article 49-3 ayant été prise le 15, elle a été prise par une personne qui n'avait pas compétence pour le faire. Il y a donc là aussi vice de procédure.

Enfin, le texte qui est déféré a été adopté en dernière lecture après que le Premier ministre eut engagé une nouvelle fois la responsabilité de son Gouvernement, conformément à l'article 49-3, le lundi 18 décembre 1989.

Or l'article 49-3 précise que le Premier ministre ne peut engager cette procédure " qu'après délibération du conseil des ministres ".

Le compte rendu officiel du conseil des ministres du 13 décembre 1989 ne mentionne nulle part une telle délibération.

Il apparaît donc, sauf à recueillir de plus amples informations sur la matérialité de cette délibération, que le Premier ministre a méconnu une disposition de la Constitution en engageant la responsabilité du Gouvernement en l'absence de délibération préliminaire.

Le texte a donc été adopté selon une procédure qui a méconnu une exigence constitutionnelle.

Ce vice de forme constitue à lui seul un motif d'annulation.

En ce qui concerne la validité des articles additionnels introduits par voie d'amendement :

Par ailleurs, s'agissant des articles 60 bis à 60 nonies, il s'agit de dispositions introduites par voie d'amendements parlementaires en première lecture.

Or, ces amendements constituent un tout, visant à remettre en cause l'équilibre des rapports entre l'administration et les contribuables tel qu'il résultait des lois adoptées au cours de la précédente législature, et notamment de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987. L'importance de telles modifications aurait justifié qu'elles soient présentées sous la forme d'un projet ou d'une proposition de loi puisque ces dispositions, bien que fractionnées en une suite d'amendements différents, ont une cohérence interne évidente.

Ces amendements qui ont été déposés par les mêmes auteurs le même jour et défendus au cours de la même réunion de commission, et qui se placent au même endroit du projet de loi, excèdent largement, par leur portée, leur ampleur et leur cohérence interne entre eux, l'exercice normal du droit d'amendement.

S'agissant de l'article 60 undecies, introduit en nouvelle lecture par le Gouvernement, outre qu'il présente par son ampleur et sa portée le même défaut que les amendements parlementaires précités et sans même prendre en compte les critiques de fond qui seront exposés ci-après, il convient de rappeler qu'il constitue une mesure nouvelle introduite après la commission mixte paritaire, que, dès lors, il n'a pu faire l'objet d'une navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat puisqu'à ce stade de la procédure le vote d'un texte par l'Assemblée nationale a pour seul effet de délimiter le contenu du texte qui sera soumis pour lecture définitive à la même Assemblée nationale, le Sénat n'ayant en l'espèce, lorsqu'il statue en nouvelle lecture, que le pouvoir de suggérer des modifications, ces modifications n'étant elles-mêmes soumises à l'Assemblée nationale que si un député les reprend sous forme d'amendement lorsque l'Assemblée nationale statue en nouvelle lecture.

En ce qui concerne l'article 4 :

Le V de l'article qui institue une taxe nationale sur les résidences principales et secondaires pour financer certains dégrèvements de taxe d'habitation apparaît contraire au principe d'égalité devant l'impôt pour deux motifs :

a) S'agissant d'un impôt national, il n'est pas conforme au principe d'égalité que son assiette puisse baisser en fonction de décisions prises de manière facultative par les communes. Or, tel est le cas puisque l'assiette tient compte des abattements mentionnés à l'article 1411 du code général des impôts ;

b) Le barème est contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui prévoit que la contribution " doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ".

Or, en l'espèce, le barème est basé sur le principe de la progressivité par classes et il aboutit, dans certaines situations, à une progression de l'impôt sans commune mesure avec la progression de l'assiette. Ainsi, un contribuable dont la résidence a une valeur locative de 49 950 F paiera 599,40 F alors qu'avec une valeur de 1 000 F supérieure (50 050 F), il aurait payé 850,80 F.

Dans cet exemple, une augmentation de 0,2 p 100 de la valeur locative entraîne une majoration de 42 p 100 de l'impôt.

Cette situation est à rapprocher de la décision n° 85-200 (DC du 16 janvier 1986) dans laquelle le conseil a annulé pour le même motif le barème de la contribution de solidarité.

En ce qui concerne l'article 10 ter IV : I : La disposition déférée est rétroactive alors qu'elle consacre une sanction pécuniaire

1° Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale est un principe de valeur constitutionnelle, consacré par l'article 8 de la déclaration des droits de 1789 et rappelé encore, pour les infractions passibles de la Haute Cour, par l'article 68 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a déjà jugé que ce principe constitutionnel " ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s'étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition, même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité non judiciaire " (c consti. 30 déc 1982, n° 82-155 DC : RDP 1983, p 333, comm. L Favoreu).

Cette assimilation, pour l'application des principes et garanties constitutionnels, des sanctions et punitions infligées par les autorités administratives aux peines prononcées par les juridictions répressives a été encore rappelée à plusieurs reprises, notamment en matière fiscale (c consti 30 déc. 1987, n° 87-237 DC, sur recours des députés socialistes contre la loi de finances pour 1988 : Rec, p 63 : V encore c consti 3 septembre 1986, n° 86-215 DC : Rec, p 130).

Il est donc établi, en cet état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, que le principe de non-rétroactivité s'impose non seulement à la loi pénale proprement dite, mais encore à toute loi comportant une sanction ou une punition, même infligée en dehors de l'intervention des tribunaux.

2° Or, il apparaît bien que la disposition législative ici critiquée ressortit à cette catégorie.

Elle ne vise pas seulement en effet, selon les propres termes de l'exposé des motifs rédigé par le Gouvernement, à " mettre un terme à une pratique de certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières qui permet aux personnes physiques qui ont réalisé des plus-values taxables d'éluder l'impôt correspondant ", mais bien à pénaliser par une véritable sanction pécuniaire ceux qui : avant le vote de la loi et de façon parfaitement licite et régulière : ont souscrit les parts de ces fonds communs.

Sous couvert d'une extension de la taxation à l'impôt sur le revenu, la disposition litigieuse édicte en fait une pénalité dont le montant, dans chaque cas, est déterminé par l'application du barème de l'impôt, mais que l'on peut estimer, dans la majorité des cas, à environ 30 p 100 de l'investissement en capital engagé : très légitimement et régulièrement : par le souscripteur. Elle institue du point de vue économique une véritable taxation du capital très supérieure à l'imposition de droit commun des plus-values.

Le texte se présente en effet comme la simple suppression d'une exonération jusqu'alors attachée à certaines primes de remboursement.

En réalité, compte tenu de l'importance de ces primes par rapport au cours initial du titre, c'est l'investissement en capital qui est frappé et très lourdement frappé.

On se tromperait ainsi en voyant dans la disposition querellée une simple modification de l'assiette de l'impôt sur le revenu ; elle est d'une autre nature, et vise la pénalisation rétroactive d'un investissement en capital réalisé dans des termes qui sans doute permettaient de limiter l'impôt, mais parfaitement conformes à la législation alors en vigueur.

En bref, et malgré la présentation donnée par le gouvernement, il paraît difficile d'y voir autre chose qu'une sanction, mise en uvre par la voie administrative, dont la disposition litigieuse de la loi de finances consacre le principe.

Comme telle, elle ne peut frapper des comportements ou initiatives qui lui préexistent sans enfreindre le principe constitutionnel de non-rétroactivité.

II. : La disposition déférée méconnaît la liberté d'entreprendre et la protection constitutionnelle du droit de propriété

En tant que sanction, la disposition litigieuse pénalise gravement le libre exercice professionnel des établissements financiers et comporte une sorte de confiscation dans le patrimoine des épargnants souscripteurs. Sous ces deux aspects encore, les principes constitutionnels paraissent sérieusement malmenés.

1° Il appartenait certainement aux établissements financiers, avec le souci de proposer des produits financiers adaptés à la concurrence internationale, d'utiliser d'éventuelles opportunités dégagées par la loi fiscale pour faire bénéficier leurs clients des possibilités correspondantes. En cela ils ont, dans le cadre de la loi et conformément à leur objet, exercé leur liberté d'entreprendre.

Or, le Conseil constitutionnel, ayant statué sur les lois de nationalisation, a reconnu la liberté d'entreprendre comme un principe de valeur constitutionnelle, qu'il rattache d'ailleurs indirectement au droit de propriété (c consti. 16 janvier 1962 : AJDA, 1982, p 209, note J Rivero : B Genevois. La jurisprudence du Conseil constitutionnel, p 227). Il avait déjà déclaré auparavant le caractère constitutionnel du " libre exercice professionnel ". Et il a encore récemment réaffirmé la garantie constitutionnelle de la liberté d'entreprendre en sanctionnant certaines dispositions d'une loi d'amnistie qui " risquent de mettre en cause la liberté d'entreprendre de l'employeur responsable de l'entreprise " (c consti. 20 juillet 1988, n° 88-244 DC : Rec, p 119).

Certes les plus récentes de ces décisions précisent que la liberté d'entreprendre n'est " ni générale, ni absolue ", et qu'" il est loisible au législateur d'y apporter les limitations exigées par l'intérêt général " (c consti. 16 janvier 1986 : droit social 1986, p 372, note Y Gaudemet p- 4 juillet 1989, n° 89-254 DC) Mais précisément cette formule indique qu'une restriction de la liberté d'entreprendre n'est possible qu'" exigée par l'intérêt général " et inclut le contrôle du Conseil constitutionnel, dans les termes de l'erreur manifeste d'appréciation et du contrôle de proportionnalité, sur les exigences des intérêts en cause.

Le Gouvernement, en imposant cette disposition de dernière minute dans la loi, ne s'est-il pas mépris sur l'intérêt général que comportait l'institution d'une semblable pénalité ? Et surtout a-t-il bien mis en balance les différentes considérations d'intérêt général qui sont ici concernées ? L'atteinte à une liberté constitutionnelle comme la liberté d'entreprendre ne peut en effet se concevoir que proportionnée au but d'intérêt général poursuivi. Le Conseil constitutionnel exerce aujourd'hui régulièrement ce contrôle de proportionnalité, soit par le biais de l'erreur manifeste d'appréciation (ainsi à propos de la fixation d'une proportion pour définir la nature des biens professionnels exclus de l'impôt sur les grandes fortunes : déc. 164 DC ; pour l'appréciation de la nécessité des peines au sens de l'article 8 de la déclaration de 1789 : déc.

176 DC ; ou en matière de découpage électoral : déc. 8 août 1985, RDP 1986, p 395, note L Favoreu), soit encore de façon autonome (C consti. 30 déc. 1987, déc. 87-237 DC). Sur tous ces points voir notamment B Genevois, La jurisprudence du Conseil constitutionnel, p 296, L Favoreu, RDP 1989, p 449).

Dans le cas présent, il appartient ainsi au Conseil constitutionnel de mettre en regard du gain fiscal escompté par le Gouvernement les graves inconvénients de cette mesure, du point de vue même de l'intérêt général sous d'autres aspects, pour apprécier si, véritablement, l'atteinte portée pour ce motif à la liberté d'entreprendre était bien constitutionnellement justifiée. On a déjà dit à cet égard l'effet très néfaste qu'une mesure rétroactive comme celle qui est critiquée, sans précédent dans la législation fiscale française, aura nécessairement sur le crédit public et sur les comportements d'épargne des Français et des ressortissants étrangers.

La sécurité des relations juridiques se trouve gravement affectée et les relations contractuelles qui se sont librement et régulièrement mises en place entre les établissements financiers et leurs clients sont aujourd'hui bouleversées. Il y a là, du point de vue même de l'intérêt général, des inconvénients considérables qui paraissent sans proportion avec le gain fiscal escompté de la mesure litigieuse.

Pour ce motif, il n'apparaît pas que l'on ait été ici dans l'hypothèse où, du point de vue des principes constitutionnels, la liberté d'entreprendre pouvait être limitée ou affectée.

2° Des remarques analogues peuvent être faites au regard du droit de propriété. La pénalisation fiscale mise en place aboutit : on l'a montré : à un prélèvement forcé dans le patrimoine de nombreux épargnants.

Le Conseil constitutionnel, qui confirme régulièrement la protection constitutionnelle du droit de propriété (C consti.

16 janvier 1982, n° 81-132 DC : Rec. p 18), n'admet la limitation de celui-ci qu'exigée par l'intérêt général. Les mêmes critiques peuvent donc être faites à nouveau ici, du point de vue du droit de propriété, et en considération des intérêts en cause, que celles développées au paragraphe précédent à propos de la liberté d'entreprendre (supra n° 9 et s) ; en particulier, dans sa décision du 17 juillet 1985 (n° 85-189 DC : Rec. p 49, relative à la loi d'aménagement foncier), le Conseil constitutionnel applique le contrôle de proportionnalité aux atteintes portées par le législateur dans ce texte au droit de propriété.

III. : La disposition déférée méconnaît le principe constitutionnel d'égalité

La disposition litigieuse de la loi de finances modifie rétroactivement le régime fiscal de certains emprunts d'Etat, notamment de l'emprunt 3 p 100 de la Caisse nationale de l'énergie.

Mais cette modification n'est pas générale, l'exonération fiscale antérieure n'est supprimée que lorsque les revenus correspondants passent par des fonds communs de placement ou des Sicav et représentent, de la part de ces fonds, plus de 10 p 100 de la distribution ou de la répartition.

Un même titre d'emprunt se trouve ainsi soumis à des régimes fiscaux différents selon ses détenteurs ou gestionnaires. Cette situation est particulièrement surprenante dans le cas des fonds communs de placement qui, dépourvus de personnalité morale, sont des organismes absolument transparents constitués en simples indivisions.

De la sorte, le principe d'égalité, de valeur constitutionnelle, paraît doublement méconnu.

1° Les épargnants sont différemment traités selon les intermédiaires qu'ils ont choisis, et alors même qu'ils ont placé leur épargne dans le même titre obligataire. Rien a priori ne justifie cette discrimination. Elle ne s'appuie pas en effet sur la nature des revenus, ni sur la situation propre de chaque contribuable, mais exclusivement sur l'intervention d'éventuels intermédiaires et la personnalité de ceux-ci ; ce qui paraît totalement étranger à la loi qui règle le budget de l'Etat.

2° En second lieu, et à supposer même que l'on veuille considérer la personnalité même de ces intermédiaires, on ne voit pas pourquoi la suppression de l'exonération serait décidée lorsque les primes représentent plus de 10 p 100 du montant de la distribution ou de la répartition, tandis qu'elle est conservée dans le cas inverse.

Là encore, et cette fois-ci non seulement pour le même titre mais aussi en présence des mêmes intermédiaires, la loi établit une discrimination fiscale que rien ne justifie, et que seule l'optique répressive dans laquelle est placée cette disposition (supra I) permet de comprendre.

Il faut ici rappeler, en commun aux points 1° et 2° développés ci-dessus, que le principe d'égalité interdit de lui apporter " une atteinte qui dépasse manifestement ce qui serait nécessaire pour faire droit à la situation particulière de certains " (C consti.

7 janvier 1988, n° 87-232 DC, loi relative à la mutualisation de la Caisse nationale de crédit agricole). Et que, d'une façon générale, le Conseil constitutionnel rappelle toujours que le principe d'égalité ne s'oppose " ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit " (C consti. 4 juillet 1989, n° 89-254 DC, loi modifiant la loi relative aux privatisations).

Dans le cas présent, les discriminations dénoncées ci-dessus ne sont pas justifiées par des différences de situation des intéressés et sont sans rapport avec l'objet de la loi de finances.

En ce qui concerne l'article 28-A :

Cet article institue un prélèvement au profit de l'Etat sur la Caisse des dépôts et consignations.

Ce prélèvement opéré par la loi doit être considéré comme " une imposition de toute nature ".

En conséquence, l'article 28-A ne peut qu'être jugé contraire à l'article 34 de la Constitution qui précise qu'il appartient au législateur de fixer la règle concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature.

En ce qui concerne l'article 56 :

L'article 56 et l'état H annexé du projet de loi de finances pour 1990 ont été adoptés (art 781 de la loi considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en dernière lecture) dans des conditions contraires à la Constitution.

En effet, adopté conforme par le Sénat en première lecture, l'article 56 a fait l'objet d'un amendement du Gouvernement en nouvelle lecture, après échec de la commission mixte paritaire, à l'Assemblée nationale ; cet amendement (n° 245) avait pour objet d'inscrire à l'état H le chapitre 45-40 Contributions de l'Etat à la SNCF du budget des transports terrestres.

Or, cet article ne pouvait être valablement remis en discussion à ce stade de la procédure. Une telle pratique est en effet contraire à l'article 42 de la Constitution qui dispose qu'une assemblée saisie d'un texte voté par l'autre délibère sur le texte qui lui est transmis et à l'article 45 de la Constitution qui prévoit que tout projet de loi est examiné successivement dans les deux assemblées en vue de l'adoption d'un texte identique.

En outre, l'article 108 du règlement de l'assemblée qui, en l'occurrence ne fait que tirer les conséquences pratiques des dispositions constitutionnelles précitées est formel : la discussion des articles est limitée à deux pour lesquels les deux assemblées parlementaires n'ont pu parvenir à un texte identiqueCe même article prévoit deux exceptions à la règle ainsi définie : rectification d'une erreur matérielle à coordination des dispositions adoptées.

En l'espèce, le rappel de l'article 56 pour coordination est sans fondement juridique. Aucune autre disposition du projet de loi de finances pour 1990 ne pourrait le justifier.

Dans ces conditions, l'article 56 et l'état H annexé ont été adoptés en méconnaissance des règles constitutionnelles et pour ces raisons les requérants en demandent l'annulation. A tout le moins, dans l'hypothèse où le conseil constitutionnel estimerait que cette procédure n'entache pas l'adoption conforme par les deux assemblées en première lecture de l'article 56 et de l'état H annexe, l'inscription à cet état du chapitre 45-40 précité doit être annulée.

En ce qui concerne l'article 58 ter :

En effet, ni le taux ni l'assiette ne sont explicitement définis.

Cet article institue une taxe départementale sur le revenu. Il apparaît critiquable à deux titres :

a) Il est issu d'un amendement parlementaire et entraîne une réforme fondamentale de notre système fiscal. En effet, le nouvel impôt s'appliquerait à la quasi-totalité des foyers fiscaux et porterait sur le revenu comme l'impôt sur le revenu.

Une telle disposition dépasse les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement et aurait dû faire l'objet d'une proposition de loi autonome.

Les termes de l'annulation prononcés par la décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987 sont ici parfaitement transposables.

b) Il est contraire à l'article 34 de la Constitution.

En effet, il ne fixe pas précisément l'assiette de l'impôt. La seule définition est " le montant net des revenus et plus-values pris en compte pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ".

Cette définition comporte au moins deux ambiguïtés :

: la notion de revenu " pris en compte " inclut-elle les revenus exonérés ou les revenus bénéficiant d'abattement ? L'abattement de 20 p 100 des salariés est-il ou non dans l'assiette ?

: les revenus soumis à prélèvements libératoires sont-ils inclus dans cette base ? Normalement, la réponse est positive car il s'agit bien d'un revenu soumis à l'impôt sur le revenu. Mais le 6 de l'article prévoyant une imposition spécifique en cas de prélèvement libératoire, ce point reste obscur.

Ainsi, la législation, laissant plusieurs interprétations possibles, n'a pas pleinement utilisé la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution.

En ce qui concerne l'article 60 ter :

Le III de l'article 60 ter, en son 1 et son 2, est contraire aux principes généraux du droit fiscal.

1. Il prévoit que " l'abattement n'est pas appliqué lorsque la déclaration professionnelle, la déclaration d'ensemble de revenus ou la déclaration d'ensemble de revenus ou les déclarations de chiffre d'affaires n'ont pas été souscrites dans les délais ".

Une telle disposition est contraire à la Constitution pour trois raisons :

: tout d'abord, elle crée une double sanction au défaut de déclaration dans les délais. En effet, d'une manière générale, le retard dans le dépôt des déclarations est déjà sanctionné aux articles 1727 et 1728 du code général des impôts. Le principe de proportionnalité des sanctions interdit d'y ajouter une nouvelle pénalité (article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : " la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ") ;

: ensuite, il y a lieu de noter que la disposition ainsi élevée est encore plus injustifiable, s'agissant d'un retard dans le dépôt d'une déclaration de chiffre d'affaires. En effet, l'abattement de 20 p 100 s'applique aux revenus et concerne l'impôt sur le revenu.

Il est donc injustifié de tenir compte de la situation fiscale du contribuable au regard d'un autre impôt ;

: enfin, cette règle est contraire au principe d'égalité. En effet, les adhérents des centres de gestion agréés sont au regard de la date de dépôt de la déclaration générale d'impôt sur le revenu dans la même situation que tout contribuable.

Dès lors, rien ne saurait justifier une sanction spécifique pour retard de dépôt de cette déclaration qui ne s'appliquerait qu'à une seule catégorie de contribuables.

Ce point a d'ailleurs été jugé par le Conseil constitutionnel (n° 73-51 DC du 7 décembre 1973 et n° 86-209 DC du 3 juillet 1986).

2. Les mêmes observations valent à l'encontre du 2 du paragraphe III qui permet de retirer l'abattement de 20 p 100 en cas de mauvaise foi pour un redressement de TVA, la disproportion entre la sanction et la faute est injustifiée dès lors qu'il ne s'agit pas d'un même impôt.

En ce qui concerne l'article 60 quinquies :

Cet article qui donne des pouvoirs exorbitants à l'administration apparaît contraire à de nombreux principes constitutionnels : I : Violation du principe des droits de la défense

Dans plusieurs décisions (89-260 DC du 28 juillet 1989 ; 86-224 DC du 23 janvier 1987 ; 84-182 DC du 18 janvier 1985), le Conseil constitutionnel a reconnu le principe du respect des droits de la défense au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Il implique notamment " l'existence d'une procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des parties ".

En l'espèce, cette garantie est nécessairement violée puisqu'au cours même de la première instance devant le juge fiscal l'administration pourra obtenir, d'une part, d'effacer certains vices de procédure qui constituaient l'objet même des moyens invoqués par le contribuable et, d'autre part, de recommencer une procédure alors que l'effet combiné de la nullité et des règles de prescription du droit de reprise lui garantissait que le contrôle ne pouvait être réitéré.

Les dispositions contestées ont donc pour résultat d'organiser au profit de l'administration un déséquilibre tel, dans les droits des parties au procès fiscal, que les principales garanties de procédure élaborées progressivement et insérées dans le livre des procédures fiscales perdent toute leur justification et leur utilité puisque leur invocation par le contribuable devant le juge fiscal sera neutralisée par une autorisation qui permettra de régulariser leur violation.

Mais il y a plus. Le respect des droits de la défense implique à la fois un double degré de juridiction et l'existence de l'effet dévolutif de l'appel, toutes règles en l'espèce méconnues.

En prévoyant que l'autorisation juridictionnelle de régularisation ne peut intervenir après le jugement en première instance, le législateur a nécessairement supprimé toute voie de recours contre cette décision d'autorisation tandis que le juge d'appel se verra dessaisi de l'appréciation des vices de procédure invoqués en première instance et pour lesquels une autorisation de régularisation sera donnée.

Enfin, en prévoyant que ladite autorisation puisse être donnée à tout moment, le législateur a évidemment visé des cas dans lesquels cette autorisation serait accordée en dehors du cadre d'un contentieux fiscal engagé par le contribuable. Dans une telle hypothèse, en ne prévoyant pas que le contribuable puisse intervenir au cours de la procédure d'autorisation, le législateur lui a retiré tout droit de se défendre.

II. : Violation du principe d'égalité devant la loi et la justice

Rappelé de manière solennelle à propos de la mise en uvre de la procédure fiscale (73-51 DC du 27 décembre 1973), ce principe est méconnu dans l'organisation de la procédure qui fait l'objet des dispositions contestées.

En effet, la mise en uvre de la procédure de régularisation est abandonnée à l'administration fiscale qui décidera discrétionnairement de saisir le juge. Elle ouvre ainsi la possibilité de traiter de façon totalement discriminatoire et sans contrôle des contribuables placés exactement dans la même situation, qui, selon les cas, pourront soit obtenir l'annulation de la procédure de redressement, soit subir un nouveau contrôle alors que la première procédure était entachée de nullité.

III. : Violation du principe de l'autorité de la chose jugée et du principe de légalité

S'il appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, le législateur conserve, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le pouvoir de modifier les règles que le juge a mission d'appliquer (80-119 DC du 22 juillet 1980), c'est le fondement du pouvoir de validation.

Or les dispositions contestées ont pour résultat d'attribuer au juge un pouvoir de validation a priori de certaines procédures fiscales en lui ouvrant la possibilité de déroger au principe de légalité qui pourtant s'impose à lui.

Alors que le juge fiscal sera saisi de conclusions qui aboutiront nécessairement à l'annulation de la procédure primitive, il aura le pouvoir par avance de considérer que cette annulation sera sans effet en autorisant l'administration à couvrir les vices invoqués par le contribuable.

Il apparaît donc que le juge fiscal est doté d'une compétence discrétionnaire d'accorder des dérogations à certaines règles légales de procédure en même temps qu'il prive par avance d'effet la chose par lui ultérieurement jugée.

Il y a bien là reconnaissance au profit du juge d'un pouvoir indirect de validation de certaines procédures fiscales dont seul le législateur doit avoir le monopole de l'exercice sous les conditions fixées par le Conseil constitutionnel.

IV. : Violation du principe de légalité des délits et des peines et de l'indépendance de la juridiction répressive

La violation de certaines des dispositions visées par l'article contesté est de nature à entraîner la nullité de la procédure pénale pour fraude fiscale qui suit la procédure de contrôle. Il en est ainsi notamment de la violation des dispositions de l'article L 47 du livre des procédures fiscales (Crim. 8 décembre 1980, Bull. Crim.

n° 336, p 866 ; Crim. 2 juin 1986, Bull. Crim. n° 187, p 481).

Il va s'ensuivre que le juge fiscal en autorisant la rectification de tels vices de procédure conduit nécessairement le juge pénal à maintenir la validité d'une procédure pénale qui normalement aurait été déclarée nulle.

Une simple décision du juge fiscal prise à la seule initiative de l'administration fiscale va donc trancher le sort d'une procédure pénale dont la nullité est pourtant constante.

Pour ces motifs, les dispositions déférées doivent être déclarées contraires à la Constitution.

En ce qui concerne l'article 60 sexies :

L'article 66 de la Constitution réserve à l'autorité judiciaire la garde de la liberté individuelle sous tous ses aspects, notamment celui de l'inviolabilité du domicile.

Or l'article 60 sexies sur le contrôle fiscal des comptabilités informatiques prévoit de compléter l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, issu du décret n° 55-467 du 30 avril 1955, dans des conditions qui portent atteinte à ce principe. En effet, l'article L 13 précise que " les agents de l'administration vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". L'article 60 sexies le complète en disposant que, " lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements ".

Ainsi, grâce aux procédures instituées, les agents de l'administration, quelle que soit leur qualité, seraient autorisés à se rendre sur place, en tout lieu même privé, afin de rechercher toute information concourant, même indirectement, à la formation de résultats comptables ou fiscaux. Dès lors, il serait légal de se rendre chez un particulier qui, client d'une société ou d'une personne exerçant une profession libérale, ou fournisseur de la documentation informatique de la société ou de la personne, sans que l'agent de l'administration soit habilité par une autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, à procéder à la visite et, le cas échéant, à la saisie de documents comptables ou autres, pour rechercher la preuve d'infractions fiscales non dénommées. En outre, l'opposition que pourrait tenter le tiers qui, par rapport à la société ou la personne contrôlée, serait visité pourrait se traduire, pour cette société ou cette personne, soit par une opposition au contrôle fiscal, laquelle a pour sanction la taxation d'office du contribuable contrôlé, société ou personne, sans mise en demeure, prévue à l'article L 68 du livre des procédures fiscales, soit par une évaluation d'office prévue à l'article L 74 du livre des procédures fiscales issu du décret n° 54-1073 du 4 novembre 1954 modifié.

Ces dispositions manifestement contraires à l'article 66 de la Constitution sont aussi contraires au principe d'égalité devant la loi proclamé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, puisque, sur décision discrétionnaire de tiers, le contribuable contrôlé peut se trouver sanctionné.

Enfin, comme la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, il serait anormal de faire obligation de conserver pendant au moins trois ans : donc sans limite maximum à la conservation : la documentation établie ou reçue sur support informatique (2e alinéa de l'article L 102 B prévu au paragraphe III de l'article 60 sexies).

En ce qui concerne l'article 60 septies :

L'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que " la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ". L'article XII ajoute : " La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. " L'article XVI ajoute encore que : " toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. "

L'article 60 septies porte atteinte à chacun des trois articles de la déclaration.

En effet, étendant à l'ensemble des juridictions administratives, civiles, pénales et prud'homales la reprise ou l'insuffisance d'impositions révélée par une instance, cet article permet à l'une des parties à un litige de menacer l'autre de révélations d'ordre fiscal relevant d'une période très antérieure, afin d'obtenir des concessions dans le litige qui les oppose. Cet article favoriserait donc la délation ou la révélation de différents faits survenus au cours des dix années précédant un litige, sans que l'intérêt qu'en tirerait l'administration fiscale soit équilibré par le désordre qui en résulterait. La sanction de la reprise dans ces conditions n'est pas nécessaire.

Ensuite, il est évident que la sanction ainsi instituée ne pourrait pas être appliquée lors de chaque révélation d'insuffisances ou d'omissions devant une instance. Dès lors, l'utilisation sélective de cette arme fiscale serait très aléatoire et, le cas échéant, fonction de critères personnels. Or la loi ne saurait être instituée pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Enfin, les mesures administratives de contrôle fiscal et les décisions de justice seraient entremêlées de telle sorte que la séparation des pouvoirs ne serait plus déterminée entre l'exécutif et l'autorité judiciaire.

Par ailleurs, la prescription décennale qui suit l'année au titre de laquelle l'imposition est due rompt l'équilibre entre prescription de dix ans pour l'administration et prescription quadriennale pour les particuliers.

En ce qui concerne l'article 60 octies :

L'article 60 octies tend à maintenir un impôt dont la Cour de cassation a jugé qu'il constituait une discrimination à l'encontre de sociétés étrangères prohibée par les traités internationaux.

Il n'est pas conforme à la Constitution :

: parce que son caractère " interprétatif " porte atteinte à l'indépendance, constitutionnellement garantie, du juge de cassation qui s'est prononcé sur l'application et l'interprétation du texte " interprété " ;

: parce qu'il maintient ou rétablit un impôt confiscatoire et discriminatoire contraire aux articles 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 ;

: enfin, parce qu'il tend à faire échec à l'application de traités qui, en vertu de l'article 55 de la Constitution, ont une autorité supérieure à celle des lois.

1. En premier lieu, l'article 60 octies, et notamment le V qui affirme le caractère " interprétatif " du texte, qui tend à contrer une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation, porte atteinte à l'indépendance des juridictions souveraines, chargées de veiller à l'application de la loi et à l'unité de son interprétation en assurant la conformité des jugements aux règles de droit, que sont la Cour de cassation et le Conseil d'Etat lorsqu'il statue comme juge de cassation.

Certes, le Conseil constitutionnel a naguère admis que, si l'indépendance des juridictions, garantie par la Constitution, interdisait au législateur et au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions et de se substituer à elles dans les litiges relevant de leur compétence, ces principes de valeur constitutionnelle ne s'opposent pas à ce que, au besoin par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie des règles que le juge a mission d'appliquer (CC 22 juillet 1980 n° 80-119 DC, Rec. p 46 ; 24 juillet 1985 n° 85-192 DC, Rec. p 56). Cette jurisprudence a été appliquée notamment en matière fiscale à la suite de décisions du Conseil d'Etat statuant alors comme juge d'appel et se prononçant à ce titre sur le fond des affaires. Sauf erreur, aucune loi " interprétative " n'a été prise à l'encontre de décisions de la Cour de cassation.

Toutefois, s'agissant de décisions de juges de cassation, dont la mission est précisément de dire le droit à la lumière des dispositions législatives et, le cas échéant, des traités internationaux en vigueur, toute disposition législative tendant à imposer une interprétation de la loi ou d'un traité international différente de celle qu'a retenue la Cour de cassation elle-même impliquerait nécessairement une censure du juge de cassation par le législateur et une substitution du législateur au juge de cassation.

En effet, le juge de cassation ne connaissant pas du fond des affaires (art L 111-2, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire) mais veillant exclusivement à l'application de la règle de droit serait évincé de son rôle, constitutionnellement garanti, par une disposition " interprétative " ou rétroactive du type de celle qui est envisagée ici.

Pour cette raison déjà, la disposition litigieuse est contraire à la Constitution, et notamment à ses articles 34 et 64, à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 et aux principes de valeur constitutionnelle énoncés aux articles L 111-1 et 111-2, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire.

2. En deuxième lieu, la taxe annuelle de 3 p 100 sur la valeur vénale des immeubles est un impôt confiscatoire, contraire aux dispositions des articles 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789.

En effet, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à l'impôt sur les grandes fortunes, un impôt annuel sur le capital " est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables " (CC 30 décembre 1981 n° 81-133 DC, Rec, p 41).

Si l'impôt de solidarité sur la fortune satisfait à cette exigence en raison notamment de son taux (maximum 1,5 p 100) et de son assiette constituée par l'actif net du contribuable, sous déduction notamment du passif existant au jour du fait générateur de l'impôt, tel n'est manifestement pas le cas de la taxe annuelle de 3 p 100 :

: qui est assise sur la valeur vénale des immeubles possédés en France par des sociétés étrangères sans possibilité de déduction du passif, et notamment des dettes afférentes à l'acquisition ou à la conservation de l'immeuble ;

: dont le taux de 3 p 100 (double du taux maximum de l'impôt de solidarité sur la fortune) est d'autant plus confiscatoire que la taxe n'est pas déductible pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés (art 990 G du CGI), de sorte qu'elle devrait être payée sur le revenu net après impôt provenant de l'immeuble en cause, lequel serait, dans la plupart des cas, insuffisant. En effet, contrairement à ce qui est prévu en matière d'impôt de solidarité sur la fortune, il n'existe pas de plafonnement de la taxe en fonction du revenu.

On est donc bien en présence d'un impôt confiscatoire, qui tend à exproprier, sans indemnité, sur une période de trente-trois ans, les immeubles détenus en France par des sociétés étrangères.

Une telle " imposition " bafoue les principes essentiels des droits fiscaux civilisés, et notamment les principes de valeur constitutionnelle des articles 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 et ne saurait être justifiée par le légitime souci de " mieux contrer l'évasion fiscale internationale ", laquelle ne saurait être présumée, de façon irréfragable, à partir de la simple possession d'un immeuble en France par une société étrangère.

Le Conseil constitutionnel, appelé à apprécier la constitutionnalité du texte modifiant les article 990 D et suivants du CGI, contrôlerait donc la constitutionnalité de la loi antérieure, même promulguée, et ne manquerait pas de constater qu'elle n'est pas conforme à la Constitution et aux principes qui viennent d'être rappelés.

Le fait que le Conseil constitutionnel n'ait pas cru devoir, lors de l'examen de la loi de finances pour 1983, relever d'office l'inconstitutionnalité de l'article 4 de cette loi, n'exclut nullement qu'il soit saisi de moyens tendant à contester la constitutionnalité du texte à l'occasion d'un recours présenté lors de la présente loi de finances ou, ultérieurement, par une question préjudicielle émanant d'un tribunal ou de la Cour de cassation.

Les vices de fond qui affectent les textes instituant la taxe annuelle de 3 p 100 doivent être purgés par l'abrogation pure et simple des articles 990 D et suivants du CGI à moins que la taxe annuelle de 3 p 100 ne revête un caractère optionnel comme on le verra plus loin.

3. En troisième lieu, et comme l'a relevé la Cour de cassation, la taxe annuelle de 3 p 100 sur la valeur vénale des immeubles est un impôt discriminatoire puisqu'il frappe différemment des sociétés et personnes morales qui se trouvent dans la même situation, c'est-à-dire qui sont placées dans les mêmes circonstances de fait et de droit au regard de la législation fiscale française de droit commun.

Quel est le fait générateur de l'impôt ? C'est la possession d'immeubles en France au 1er janvier de l'année (art 990 D et 990 F du CGI).

Selon la législation et la réglementation fiscales françaises de droit commun, et contrairement à ce que paraît suggérer l'exposé des motifs de l'amendement qui est à l'origine de l'article 60 octies, les sociétés françaises et étrangères sont soumises aux mêmes impôts à raison de ce fait :

: droit de mutation lors de l'acquisition des immeubles (les sociétés étrangères étant, au surplus, exclues par l'article 711 A du CGI du taux réduit applicable aux immeubles d'habitation, ce qui constitue déjà une discrimination à leur encontre) ;

: taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties à raison de la valeur locative des immeubles ;

: droit de bail si les immeubles sont loués ;

: impôt sur les sociétés sur les bénéfices nets provenant de l'exploitation des immeubles, notamment par voie de location (ainsi que le confirme une abondante jurisprudence du Conseil d'Etat) et sur les plus-values éventuelles résultant de la cession des immeubles.

Imposer aux sociétés étrangères une taxe annuelle supplémentaire de 3 p 100 sur la valeur vénale des immeubles qu'elles possèdent en France constitue une discrimination évidente, comme l'a jugé la Cour de cassation et par suite une violation des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789.

Peu importe que la société étrangère ait, par définition, son siège hors de France : le siège de la société et la loi qui lui est applicable n'ont aucune incidence sur l'application des impôts de droit commun. A cet égard, la nouvelle rédaction du texte, qui vise le " siège de direction effective ", est sans incidence puisque, selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, c'est le siège de direction effective qui détermine le rattachement de la société à un territoire ou à un Etat.

La discrimination opérée par la loi qui assujettit à la taxe annuelle de 3 p 100 les seules sociétés étrangères n'est donc pas justifiée par une différence de situation. Elle n'est donc pas seulement contraire aux traités internationaux conclus par la France ; elle est, en outre, contraire à la Constitution et au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt.

Vainement suggérerait-on qu'en frappant la société étrangère on voudrait, en réalité, frapper les associés qui se cacheraient derrière elle.

D'une part, la loi désigne bien la société et non pas ses associés qui, s'il s'agit de personnes physiques, sont personnellement assujetties à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune dans les conditions de droit commun sans qu'il y ait lieu de leur infliger, au surplus, une taxe annuelle de 3 p 100 sur la valeur d'immeubles qu'ils détiendraient par l'intermédiaire de sociétés étrangères.

D'autre part, si l'immeuble situé en France constitue le principal actif de la société, comme le prévoit l'article 990 E 1° du CGI :

: la plus-value de cession des parts ou actions de la société est taxable en France, quel que soit le siège de la société ou le lieu de résidence de l'actionnaire (art 150 A bis du CGI) ;

: les parts ou actions de la société, même étrangère, constituent des actifs français, assujettis en France aux droits de mutation à titre gratuit en cas de donation ou de succession, quel que soit le domicile du donateur ou du défunt (art 750 ter du CGI) et, par suite, à l'impôt de solidarité sur la fortune quel que soit le domicile de l'actionnaire (art 885 A, 885 D et 885 L du CGI).

Il est donc inexact d'énoncer, comme le fait l'exposé des motifs de l'amendement qui est à l'origine de l'article 60 octies, que la taxe aurait " pour objet de compenser les impôts (ISF, droits de mutation, impôts sur les plus-values) susceptibles d'être éludés par le recours à ces sociétés ", puisque, même en présence de ces sociétés, les impôts en question sont dus dans les mêmes conditions que si les immeubles étaient possédés par des sociétés françaises.

En d'autres termes, que l'on considère la société qui possède un immeuble en France, ou l'actionnaire : français ou étranger, résidant en France ou non résident : qui possède des parts ou actions de la société propriétaire de l'immeuble, la taxe annuelle de 3 p 100 sur la valeur vénale des immeubles appliquée aux seules sociétés étrangères ou non résidentes constitue un impôt supplémentaire discriminatoire qui n'est justifié par aucune différence réelle de situation entre les sociétés françaises et les sociétés étrangères au regard du fait générateur de l'impôt.

Ce que la Cour de cassation a jugé au regard d'un traité international s'impose de même au regard de la Constitution.

Il appartient au législateur de respecter le principe d'égalité devant l'impôt, sauf à encourir, à plus ou moins brève échéance, la censure du Conseil constitutionnel.

A défaut de supprimer purement et simplement la taxe annuelle de 3 p 100, il conviendrait de lui donner un caractère optionnel :

: en laissant aux contribuables tentés par l'évasion fiscale soupçonnée par les auteurs de l'amendement la faculté de payer la taxe annuelle de 3 p 100 pour échapper aux impôts de droit commun ;

: mais en conservant aux autres contribuables l'application de la législation fiscale de droit commun.

Le régime serait, en quelque sorte, calqué sur celui des bons et titres anonymes.

4. Enfin, on se permettra d'observer que, sous couvert de préciser le champ d'application des articles 711 A, 990 D et suivants du CGI, le texte tend, en réalité, à faire échec à l'application des clauses de non-discrimination figurant dans les traités internationaux et, par suite, à violer l'article 55 de la Constitution, ce qui constitue une nouvelle cause d'inconstitutionnalité de la loi (CC 5 septembre 1986, n° 86-216 DC, Rec. p 135).

En effet, comme l'a jugé le Conseil constitutionnel, il n'appartient pas au législateur de restreindre le domaine d'application de l'article 55 de la Constitution (CC 5 septembre 1986 précité). Or, tel est le cas de l'article 990 E 2° du CGI qui n'exclut expressément de la taxe annuelle de 3 p 100 que les personnes morales étrangères " ayant leur siège dans un pays ou un territoire ayant conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales ", ce qui, selon l'administration fiscale, exclurait toutes les autres conventions internationales, y compris celles qui comportent des clauses de non-discrimination et des clauses d'assistance administrative en vue de leur application régulière.

Le souci légitime de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales internationales ne saurait conduire à méconnaître l'ensemble de ces autres traités internationaux conclus par la France et qui ont une autorité supérieure à celle des lois.

En ce qui concerne l'article 60 decies :

L'article 60 decies impose l'obligation pour tout règlement d'un montant supérieur à 150 000 F effectué par un particulier non commerçant, et en paiement d'un bien ou d'un service, de procéder par chèque (correspondant aux caractéristiques de barrement d'avance et de non-transmissibilité par voie d'endossement) par virement bancaire ou postal, ou par carte de paiement ou de crédit.

I : La définition de l'infraction est critiquable en ce qui concerne les résidents étrangers

L'alinéa 2 de l'article 60 decies énonce :

" Toutefois, les particuliers non commerçants n'ayant pas leur domicile fiscal en France pourront continuer d'effectuer les règlements de tout bien ou service d'un montant supérieur à 150 000 F en chèque de voyage, ou en espèces, après relevé, par le vendeur du bien ou le prestataire de service, de leur identité et domicile justifiés. " 1 L'infraction, telle qu'elle est définie, est infondée, dans le cas où il s'agit de paiements en espèces

Un principe traditionnel veut qu'en France, depuis une loi du 12 août 1870, les billets de la Banque de France ont cours légal, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent être refusés en paiement par tout créancier.

On trouve un autre énoncé de cette règle fondamentale de la République dans la loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 relative à la Banque de France, dont l'article 2 dispose :

" La Banque de France est seule habilitée à émettre des billets qui sont reçus comme monnaie légale sur le territoire de la France métropolitaine. "

Enfin, la Cour de cassation a depuis longtemps posé que :

" Il est de principe que tout paiement fait en France, quelle qu'en soit la cause, doit être effectué en monnaie française. " (Req.

17 février 1937, DH 1937, 234)

En assortissant le paiement en espèces d'une obligation de relevé d'identité et de domiciliation, le texte de l'alinéa 2 est donc non conforme au principe fondamental du cours légal de la monnaie.

2 L'obligation d'information sur leur domiciliation à l'encontre des résidents étrangers est contraire au droit communautaire

L'article 67 du traité CEE prévoit la suppression des " discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement ".

L'article 30 du même texte interdit l'instauration de restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toute mesure d'effet équivalent.

La cour de justice a d'ailleurs jugé qu'était incompatible avec le droit communautaire l'application de sanctions disproportionnées à la nature d'une infraction de caractère purement administratif, telle que les pénalités proportionnelles prévues par le code des douanes (CJCE, 15 décembre 1976, aff. 4176 Donckerwolcke, Rec.

p 1921).

Ces règles, dont l'autorité est supérieure à celles des lois françaises par l'effet de l'article 55 de la Constitution, exposent toute législation incompatible, soit à la censure de la Cour de justice des communautés européennes (dans le cadre de la procédure de manquement de l'article 169 du traité CEE), soit à celles de la juridiction française (CE 20 octobre 1989, Nicolo).

Enfin, si l'article 4 de la directive du 24 juin 1988 pour la mise en uvre de la liberté de circulation des capitaux dans la communauté réserve le droit des Etats membres de prendre les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale :

: d'une part, ce texte ne permet d'établir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux qu'" à des fins d'information administrative ou statistique " ;

: d'autre part, ces mesures ou ces procédures ne sauraient " avoir pour effet d'empêcher les mouvements de capitaux effectués en conformité avec les dispositions du droit communautaire ".

Or, la disposition qui assujettit les résidents étrangers, et notamment communautaires, à l'obligation de justifier leur domiciliation, sous peine d'une sanction très lourde, est manifestement contraire aux principes régissant la libre circulation des capitaux ou des marchandises. Elle opère en effet, à l'égard des résidents étrangers, une sujétion non seulement spécifique, mais encore excessive.

II. : La sanction prévue est critiquable

L'inobservation de cette obligation nouvelle est sanctionnée par une amende fiscale égale à 25 p 100 des sommes payées. Cette amende est recouvrée comme en matière de timbre, et incombe pour moitié au débiteur et au créancier, chacun d'eux étant solidairement tenu d'en assurer le règlement total.

Le principe de cette amende, son montant et la procédure qui est adoptée ne paraissent conformes ni aux principes constitutionnels en vigueur ni aux règles législatives et réglementaires sur les sanctions administratives.

1 Le principe de l'amende est contestable

Dans une décision du 30 décembre 1987 (n° 87-237 DC, Rec. p 63), le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle une amende fiscale encourue en cas de divulgation du revenu d'une personne.

Cette position s'est fondée sur l'application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 (" la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ") à toute sanction ayant le caractère d'une punition et non plus seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives.

Dans son commentaire de la décision précitée, le secrétaire général du Conseil constitutionnel a indiqué que le 17e considérant de la décision implique qu'il existe un doute sur la constitutionnalité de textes prévoyant des sanctions fiscales qui ne sont pas l'accessoire d'un impôt ou qui ne tendent pas à réparer le préjudice causé à l'Etat par la fraude (Genevois, " L'application du principe de proportionnalité aux amendes fiscales ", RFDA 1988350).

Or, l'amende, apparemment fiscale, et non prononcée par une juridiction répressive, ne correspond à aucune des justifications admises par la jurisprudence pour les amendes fiscales :

a) Elle ne permet pas d'assurer le recouvrement d'un impôt ou d'une taxe (finalité reconnue par le Conseil d'Etat, in CE 5 mai 1922, Fontan, p 388, cf art précité) ;

b) Elle ne revêt pas le caractère de réparation civile que la Cour de cassation reconnaît, partiellement, aux amendes fiscales ;

c) Par voie de conséquence, n'étant l'accessoire d'aucune charge fiscale (impôts ou taxes), l'amende en cause est dépourvue de tout fondement. Elle est donc, dans son principe, inconstitutionnelle.

Le non-respect des obligations définies aux alinéas 1 et 2 du même article est étranger au domaine d'intervention d'une quelconque amende fiscale. Comme c'était le cas pour la divulgation de l'impôt payé, dans la décision précitée du Conseil constitutionnel, l'auteur de l'infraction aux règles sur les modalités de paiement d'une somme supérieure à 150 000 F n'agit nullement en contribuable.

De même, il est douteux qu'un agissement en contravention des obligations définies dans l'article critiqué porte un quelconque préjudice au Trésor public.

Quand bien même on admettrait le principe de l'amende, son taux est disproportionné.

2 Le montant de l'amende est disproportionné

Sur le fondement de l'article 8 précité de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel censure les cas de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue (en ce sens, CC. n° 87-237 du 30 décembre 1987).

Tel serait le cas à propos de l'article 60 decies :

: l'amende ne peut être modulée ou atténuée que par la voie gracieuse, une fois devenue définitive et, par voie de transaction, lorsque la pénalité n'est pas devenue définitive ;

: son montant est fixé à 25 p 100 des sommes non réglées suivant les modalités prescrites. Ce chiffre doit être rapproché des taux beaucoup plus raisonnables que la loi a fixés pour les erreurs ou omissions du tireur (6 p 100 de la somme, art 1840 M du CGI) ou encore pour le non-respect des obligations en matière de paiement par chèques barrés ou par virement bancaire ou postal (5 p 100, art 1840 N sexies du CGI).

3 La procédure applicable est contraire aux règles sur les droits de la défense 31 Sur le principe même de la sanction administrative et sur ses modalités : A supposer que l'amende critiquée ne soit pas fiscale, elle n'est pas non plus juridictionnelle. Elle tomberait donc dans la catégorie des sanctions administratives.

Or, la possibilité de prononcer des sanctions administratives, bien qu'elle ait été reconnue à plusieurs reprises par le Conseil constitutionnel (en ce sens notamment CC. n° 88-248 DC. du 17 janvier 1989), est assortie des conditions précises suivantes : : le rejet de tout caractère automatique de la sanction ;

: la motivation de la mesure de sanction ;

: le même manquement ne peut donner lieu qu'à une seule sanction administrative légale ;

: une sanction pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale.

Le mécanisme proposé contrarie au minimum trois de ces principes : : la sanction revêt un caractère automatique ;

: aucune forme de motivation n'est prévue ;

: le taux de 25 p 100 est manifestement disproportionné comme cela a été démontré précédemment.

32 En outre, on notera que la sanction prononcée serait en contradiction avec les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.

Enfin, on rappellera qu'en matière de timbre la procédure de redressement contradictoire est inapplicable, de sorte que les droits de la défense ne seraient pas préservés.

En ce qui concerne l'article 60 undecies :

Le principe de non-rétroactivité s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si celle-ci est prononcée par une autorité de nature non judiciaire.

Dès lors, la validation des pièces et documents saisis utilisés pour " l'établissement d'une imposition lorsque l'ordonnance autorisant la visite comporte la motivation prévue au 1 du I ou au 3 du II du présent article " (1er alinéa du paragraphe V) montre que la règle proposée offre moins de garanties que l'ancienne. La motivation requise pour les ordonnances rendues antérieurement au 31 décembre 1989 apparaît, compte tenu de l'interprétation des textes existants, plus stricte que celle fixée par le présent article et donc plus contraignante pour l'administration des impôts. Dès lors qu'offrant moins de garanties aux contribuables, elle permet mieux de les sanctionner, l'effet rétroactif du dispositif quasi pénal est contraire au principe constitutionnel.

En outre la validation ne devrait pas s'étendre aux pénalités, majorations de droits et intérêts de retard ayant le caractère d'une sanction pécuniaire. Or le texte ne veille nullement à ce qu'aucune sanction fiscale de cette nature ne soit prononcée sur le fondement de la validation, en raison de faits antérieurs à la date d'entrée en vigueur de la loi validant les impositions établies à partir des pièces et documents saisis.

Les mêmes observations valent également pour les deuxième et troisième alinéas du paragraphe V de l'article 60 undecies qui valident les impositions lorsque l'ordonnance a illégalement autorisé la visite de tout coffre ou véhicule hors des lieux visités, donc en tout autre lieu même privé, mais qu'une telle visite n'a pas été faite, et lorsque l'ordonnance a illégalement autorisé, en sus de la présence des inspecteurs des impôts, la participation d'agents de collaboration, c'est-à-dire de tout autre agent de l'administration fiscale.

Les mêmes observations valent davantage encore pour le paragraphe VI du même article, puisque les infractions douanières ont traditionnellement un caractère pénal plus marqué que les infractions fiscales, ne serait-ce qu'en raison de l'existence de la procédure des flagrants délits douaniers, ce qui dispense d'ailleurs au second alinéa du paragraphe V de demander la validation des impositions douanières relativement aux visites de véhicules.

Enfin l'alinéa 1 du paragraphe II de cet article dispose qu'en matière de contributions indirectes (art L 38 du livre des procédures fiscales) la saisie peut porter sur des objets et marchandises, sans que la restitution à l'occupant des lieux soit prévue. Or, si " la loi ne doit établir que ces peines strictement et évidemment nécessaires ", il est inutile de confisquer définitivement ces objets et marchandises. En outre, " les propriétés étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment ", ce qui n'est manifestement pas le cas au présent article.

Pour l'ensemble de ces motifs, il est demandé de déclarer cet article non conforme à la Constitution.

En ce qui concerne l'article 68 bis A :

Cette disposition particulière concerne les compétences d'un comptable public nommé à la Cour des comptes. Elle n'a aucun lien avec la loi de finances.

Il convient donc de l'annuler comme contraire aux articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a notamment rappelé dans sa décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987.


Références :

DC du 29 décembre 1989 sur le site internet du Conseil constitutionnel
DC du 29 décembre 1989 sur le site internet Légifrance

Texte attaqué : Loi de finances pour 1990 (Nature : Loi ordinaire, Loi organique, Traité ou Réglement des Assemblées)


Publications
Proposition de citation : Cons. Const., décision n°89-268 DC du 29 décembre 1989
Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CC:1989:89.268.DC
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