Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 novembre 1996 par plus de soixante députés :
Depuis la loi constitutionnelle du 22 février 1996, le Parlement est appelé à exercer des droits nouveaux en matière de sécurité sociale. Il lui appartient désormais, en vertu de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, de déterminer, en adoptant des lois de financement de la sécurité sociale, les conditions générales de son équilibre financier. Il lui revient également de se prononcer, à cette occasion, sur les objectifs de dépenses en tenant compte des prévisions de recettes.
C'est en application de ces dispositions et de celles du nouvel article 47-1 de la Constitution que le Parlement a, pour la première fois, été saisi d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale, qu'il a adopté le 28 novembre 1996.
Ce texte est contesté devant le Conseil constitutionnel par soixante-trois députés. Leurs recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes, qui porteront sur le cadre juridique des lois de financement de la sécurité sociale, avant d'examiner les griefs invoqués dans la saisine.
I : Sur le cadre juridique des lois de financement de la sécurité sociale
Conformément aux dispositions de la loi constitutionnelle du 22 février 1996, la loi organique du 22 juillet 1996 est venue préciser les conditions et réserves encadrant l'élaboration de cette nouvelle catégorie de lois. A ce titre, le législateur organique a notamment introduit, dans le code de la sécurité sociale, un article LO 111-3, dont le III institue un mécanisme de prohibition des dispositions étrangères au domaine des lois de financement. Il prévoit que la loi de financement ne peut contenir, outre celles prévues au I du même article, que des dispositions " affectant directement l'équilibre financier " des régimes ou " améliorant le contrôle du Parlement sur l'application " de ces lois. Le dernier alinéa de l'article LO 111-3 précise que " les amendements non conformes aux dispositions du présent article sont irrecevables ".
C'est pour tirer les conséquences de ce nouveau dispositif que les règlements des deux assemblées ont été modifiés par des résolutions que le Conseil constitutionnel a déclarées conformes à la Constitution par ses décisions n°s 96-381 DC et 96-382 DC du 14 octobre 1996.
Cet encadrement conduit à s'interroger, d'une part, sur l'étendue du domaine des lois de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, sur la procédure suivant laquelle le respect de ces prescriptions doit être assuré.
A : L'étendue du domaine des lois de financement de la sécurité sociale appelle deux types de remarques.
1. En premier lieu, on ne peut manquer de relever, comme cela a été fait lors des travaux préparatoires de la réforme constitutionnelle et de la loi organique, que cet encadrement spécifique du domaine de la loi n'est pas sans précédent en matière budgétaire.
En particulier, la notion d'affectation directe de l'équilibre fait a priori obstacle à ce que soient insérées dans la loi des dispositions qui n'auraient par d'incidence certaine sur l'équilibre présenté. Selon les termes de la Constitution, les dispositions en cause doivent en outre concerner les " conditions générales de l'équilibre financier " de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel a en effet relié la notion d'équilibre financier des régimes obligatoires de base à celle des " conditions générales " de cet équilibre au sens de l'article 34 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la loi constitutionnelle du 22 février 1996 (n° 96-379 DC du 16 juillet 1996).
Il convient, toutefois, de tenir compte des différences de nature et de structure entre le budget de l'Etat et les comptes sociaux tels qu'ils sont présentés par la loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, le budget de l'Etat est un ensemble de comptes homogènes, qui sont agrégés en recettes et en dépenses dans un " tableau d'équilibre " figurant en fin de première partie, avec un solde général ayant un sens comptable précis, et auquel on se réfère naturellement lorsqu'il est question de " grandes lignes de l'équilibre budgétaire " (décision n° 91-298 DC du 24 juillet 1991) ou de " données générales de l'équilibre budgétaire " (décision n° 94-351 DC du 29 décembre 1994).
Dans sa partie chiffrée, qui répond aux 2°, 3° et 4° du I de l'article LO 111-3, la loi de financement de la sécurité sociale ne comporte pas, quant à elle, d'état agrégé. Elle retrace les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses selon une présentation qui est logique, mais qui traduit le fait que les termes " la sécurité sociale " recouvrent un ensemble de régimes gérés par des personnes morales indépendantes les unes des autres, dont les dépenses et les recettes ne sont ni substituables ni fongibles : la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas gouvernée, comme l'est le budget de l'Etat, par un principe d'unité. Une rigidité supplémentaire résulte de ce que les régimes de sécurité sociale n'ont pas la possibilité d'emprunter, au-delà du financement de la trésorerie de certains d'entre eux dans les limites fixées conformément au 5° du I de l'article LO 111-3.
Ainsi, la recherche de l'équilibre financier de la sécurité sociale prend le plus souvent la forme de mesures ou d'ensemble de mesures concernant tel ou tel régime, voire telle ou telle branche, et plus rarement celle de mesures générales ou " horizontales ", comme en connaît la politique budgétaire.
Pour ces raisons, on peut difficilement se contenter, pour apprécier l'incidence de dispositions sur les " conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ", de les rapporter aux masses totales de dépenses et de recettes. C'est même au regard du solde de chacun des régimes que doit être évalué l'impact des dispositions de la loi.
En outre, à la différence de l'équilibre budgétaire, qui s'apprécie dans un cadre annuel en vertu de principe d'annualité, les " conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale " doivent être considérées sur une période qui n'est pas nécessairement limitée à une année. Ceci résulte notamment de la nature spécifique des dépenses, qui pour l'essentiel procèdent de droits à prestations ne pouvant être modifiés que progressivement ou seulement pour les " nouveaux entrants ". Dès lors, des mesures essentielles pour la maîtrise des dépenses, ayant à ce titre un impact important à terme sur les conditions générales de l'équilibre, ont toute leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale, même si elles peuvent ne prendre leur plein effet financier que de manière progressive.
2. En second lieu, il convient de souligner que ces prescriptions doivent être appliquées, comme en matière de lois de finances, de manière pragmatique.
A ce titre, il serait logique de transposer la jurisprudence par laquelle le Conseil constitutionnel admet que des dispositions qui, prises isolément, seraient étrangères au domaine des lois de finances, y soient néanmoins introduites lorsqu'elles constituent, avec d'autres dispositions qui en relèvent, " les éléments indivisibles d'un dispositif d'ensemble " (n° 85-201 DC du 28 décembre 1985 ; n° 95-371 DC du 29 décembre 1995).
Pour rendre effectives les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale ayant un impact sur les conditions générales de l'équilibre des régimes de sécurité sociale, il est également légitime d'insérer dans cette même loi des dispositions législatives sans lesquelles ces mesures ne pourraient être appliquées, en raison d'imprécisions, d'incohérences, de contradictions, d'ambiguïtés ou de vides juridiques que seule une disposition de nature législative, entrant en vigueur en même temps que la loi de financement de la sécurité sociale, est susceptible de prévenir.
B : S'agissant de la procédure suivant laquelle doit être vérifiée la conformité de la loi de financement de la sécurité sociale aux prescriptions de l'article LO 111-3, deux hypothèses doivent être distinguées.
La première concerne le projet de loi lui-même et les dispositions de la loi adoptée qui en sont issues : rien ne s'oppose à ce que leur conformité soit soulevée directement devant le Conseil constitutionnel.
Il en va différemment lorsque sont contestées des dispositions ayant pour origine des amendements adoptés au cours de la discussion parlementaire. Il faut, en pareil cas, donner une portée utile à la volonté que le législateur organique a clairement exprimée en en faisant, au dernier alinéa de l'article LO 111-3, une question de recevabilité.
Le Conseil constitutionnel pourrait ainsi être conduit à transposer sa jurisprudence qui, s'agissant des articles 40 de la Constitution et 42 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, a considéré que l'irrecevabilité en découlant présente un caractère " absolu " et implique, par suite, un examen systématique de la recevabilité des amendements par chacune des assemblées (n° 78-94 DC du 14 juin 1978), ce qui fait obstacle à ce que cette irrecevabilité soit soulevée pour la première fois devant lui (n° 80-126 DC du 30 décembre 1980 ; n° 83-164 DC du 29 décembre 1983).
On observe à cet égard que le contrôle de la recevabilité des amendements au regard des dispositions du III de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale a été prévu lors de la modification des règlements des assemblées. Chacune d'entre elles s'est inspirée des dispositions prévalant en matière budgétaire, ce que, on l'a dit, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution après avoir relevé l'analogie avec la procédure d'irrecevabilité découlant de l'article 40.
Il est exact que le mécanisme d'irrecevabilité mis en uvre dans les précédents précités semble être tombé quelque peu en désuétude.
Et on relève que le Conseil constitutionnel a, à plusieurs reprises, censuré d'office des " cavaliers budgétaires " issus d'amendements, alors que la question n'avait pas été soulevée devant l'une des assemblées (cf par exemple, à propos de l'art. 61 de la loi de finances rectificative pour 1989, la décision n° 89-270 DC du 29 décembre 1989).
Mais cette situation s'explique sans doute par le mode de rédaction de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et par le double rattachement de la prohibition des " cavaliers " à l'article 1er et à l'article 42, seul le second constituant la mise en uvre, en matière de lois de finances, de l'irrecevabilité édictée, à l'encontre des initiatives parlementaires, par l'article 40 de la Constitution.
L'article 1er pouvant aussi être invoqué et visant de la même manière le projet initial et les amendements, la procédure d'irrecevabilité découlant de l'article 42 ne peut, s'agissant de la contestation des amendements étrangers au domaine des lois de finances, être regardée comme exclusive.
Il en va autrement en l'espèce, où le législateur organique a retenu une option différente : c'est un seul et même article qui définit le domaine des lois de financement de la sécurité sociale et, s'agissant des amendements, qualifie d'irrecevables ceux qui en méconnaîtraient les prescriptions, sans distinguer selon qu'ils émanent du Gouvernement ou des parlementaires (en ce sens, voir le rappel des travaux préparatoires de la loi organique dans le rapport de M Gélard sur la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat, annexé au procès-verbal de la séance du 1er octobre 1996, p 14).
Dans cette logique, le Conseil constitutionnel pourrait considérer que le choix ainsi fait, qui renvoie à des règles procédurales pour assurer le respect des exigences de fond, doit inciter les assemblées à faire preuve de vigilance. Il serait dès lors cohérent, par analogie avec la jurisprudence issue de l'article 40 de la Constitution, de constater que ce dispositif leur laisse une responsabilité essentielle dans l'application du dernier alinéa de l'article LO 111-3 Cette analyse devrait conduire à subordonner la possibilité de faire sanctionner cette irrecevabilité au titre de l'article 61 de la Constitution, à condition qu'elle ait été soulevée auparavant devant l'une ou l'autre des deux assemblées.
Si le Conseil constitutionnel retenait cette interprétation, il faudrait en déduire que les parlementaires qui le saisissent en invoquant, à l'encontre d'amendements adoptés en cours de discussion, la méconnaissance des prescriptions de l'article LO 111-3 devraient voir leur grief écarté comme irrecevable lorsque cette question n'a pas été soulevée au cours des débats.
II. : Sur les griefs invoqués dans la saisine
Les députés auteurs de la saisine invoquent trois types de griefs. Ils font d'abord valoir que plusieurs dispositions, de nature selon eux purement rédactionnelle, ne pourraient trouver pour ce motif leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale.
Ils considèrent ensuite que le 3° de l'article 12, relatif aux modalités de recouvrement, n'a pas d'incidence directe sur l'équilibre de la sécurité sociale. Enfin, ils estiment que tel n'est pas non plus le cas de la validation décidée par le Parlement à l'article 34.
Pour sa part, le Gouvernement considère que ces griefs ne peuvent être retenus.
A titre liminaire, il convient de souligner que les dispositions critiquées qui figurent aux articles 33-I, 34 et 41-III ont pour origine des amendements introduits dans le projet. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'à supposer, comme le soutiennent les parlementaires requérants, que ces dispositions soient étrangères au domaine des lois de financement de la sécurité sociale, tel que délimité par l'article LO 111-3, l'irrecevabilité qui en découlerait en vertu du III du même article aurait dû être soulevée au cours des débats.
S'agissant de ces trois dispositions, les observations qui suivent ne seront donc présentées que pour le cas où le Conseil constitutionnel considérerait que les griefs qui les concernent sont recevables.
A : En premier lieu, certaines des dispositions critiquées affectent directement l'équilibre général de la sécurité sociale.
Ayant par elles-mêmes une incidence significative, elles ne sauraient être considérées comme adoptées en violation de l'article LO 111-3.
1. Ainsi, le 4° de l'article 10 permet d'assujettir à la part de contribution sociale généralisée affectée à l'assurance maladie les titulaires de revenus de remplacement non imposables, le critère de non-imposition étant déterminé avant prise en compte des réductions d'impôt, alors qu'il l'est actuellement après prise en compte de ces réductions : la référence à l'article 1417 du code général des impôts dans sa rédaction actuelle permet en effet d'apprécier le montant de la cotisation d'impôt ouvrant droit à exonération, " abstraction faite des réductions d'impôt ". Le rendement attendu de cette mesure est de 400 millions de francs.
2. Il en va de même pour l'article 34, qui valide certaines perceptions effectuées en exécution d'un arrêté du 13 mai 1991.
L'annulation récente par le Conseil d'Etat, pour un motif de procédure, de l'arrêté en cause conduit à supprimer une minoration de 40 p 100 du complément afférent aux frais de salle d'opération pour la période du 19 mai 1991 au 31 mars 1992. Le surcoût en résultant pour les régimes de l'assurance maladie est d'environ 1 milliard de francs. L'ampleur du montant à reverser, qui serait en pratique d'au moins 700 millions de francs dès 1997, est incompatible avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie figurant à l'article 6 de la loi. De ce fait, l'argumentation des requérants ne peut être retenue.
B : En deuxième lieu, les articles contestés concernent, pour une large part, des éléments inséparables des mesures affectant directement l'équilibre général de la sécurité sociale.
1. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la définition des modalités de recouvrement se rattache directement au champ défini par l'article LO 111-3.
S'agissant d'impositions, il appartient au législateur, en vertu de l'article 34 de la Constitution, d'en définir non seulement les règles d'assiette et de taux, mais aussi les modalités de recouvrement. La loi de financement de la sécurité sociale, compétente pour élargir l'assiette de la CSG, ne peut donc renvoyer à un décret le soin de préciser ces modalités. Et dès lors qu'il revient au législateur de se prononcer, il est nécessaire qu'il le fasse dans le même texte. A défaut, en effet, les mesures figurant dans la loi de financement ne pourraient entrer en vigueur.
L'incidence qu'elle doivent avoir sur l'équilibre serait, dès lors, compromise.
La loi déférée n'a donc pas méconnu l'article LO 111-3 en précisant :
: au 3° de l'article 12, les modalités de recouvrement de la CSG désormais perçue, en vertu de l'article 10 de la même loi, sur les pensions d'invalidité et les indemnités journalières et allocations visées par cet article ;
: au 6° de l'article 13, celles qui permettent de percevoir la contribution sur les produits du patrimoine mentionnés au 5° du même article ;
: au 3° de l'article 14, la base juridique du recouvrement de la CSG sur les produits de placement nouvellement assujettis à la contribution (comptes épargne logement, plans épargne logement, assurance vie, etc). A défaut, le recouvrement ne pourrait être effectué.
2. En outre, le 1° de l'article 12 permet d'actualiser les modalités de recouvrement de la CSG.
En effet, ces modalités sont définies par référence à celles des cotisations, elles-mêmes régies par des décrets en Conseil d'Etat. Le recouvrement de cette contribution devant, comme il a été dit plus haut, être défini par la loi, ce mécanisme revient à cristalliser les dispositions législatives en fonction des textes réglementaires en vigueur à la date à laquelle le Parlement a procédé à ce renvoi. Il appartient donc au législateur de tirer les conséquences des diverses modifications effectuées depuis 1993, date du dernier vote effectué sur ce point. Cet alinéa a une portée réelle sur les conditions de recouvrement de la CSG, lesquelles ont elles-mêmes, comme on l'a déjà souligné, une incidence directe sur les ressources de la sécurité sociale.
C : En troisième lieu, plusieurs dispositions critiquées par la saisine, apparemment rédactionnelles, sont, en réalité, étroitement liées à des mesures non contestées qui, en augmentant les ressources des régimes de sécurité sociale, concourent aux conditions de leur équilibre général.
1. Tel est le cas de celles de l'article 9 et du 1° des articles 13 et 14 qui visent à rectifier l'erreur consistant à avoir codifié les dates d'entrée en vigueur de dispositions antérieures relatives à l'assiette de la CSG à l'intérieur des articles L 136-1, L 136-6 et L 136-7 du code de la sécurité sociale.
A défaut de ces modifications, les mesures d'extension d'assiette adoptées par la présente loi auraient pu paraître rétroactives.
2. Les autres dispositions critiquées correspondant à des ajustements de cohérence, dont l'insertion dans la loi de financement de la sécurité sociale est justifiée.
a) Ainsi, le 3° de l'article 13 rectifie une référence inexacte à l'article de la loi d'origine plutôt qu'à celui du code de la sécurité sociale. Cette disposition, comme celle évoquée plus haut au 1° du même article, n'a d'autre objet que d'éviter toute incertitude, dans l'application concrète du prélèvement aux nouveaux éléments de l'assiette définis au II de l'article L 136-6 (sommes taxées d'office en application de l'article L 69 du livre des procédures fiscales ; revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale).
b) De même, les dispositions du V et du VI de l'article 31 tirent les conséquences de l'insertion dans le code de la sécurité sociale, en application du I non contesté, de l'article L 713-1-1 Les dispositions prévues par les articles L 713-3, L 713-13 et L 713-15 deviennent sans objet. L'article L 713-17, qui vise des articles du chapitre III du titre Ier du livre VII du code de la sécurité sociale, doit être modifié pour tenir compte des insertions et suppressions d'articles prévues par l'article 31. En l'absence de ces dispositions, le texte du code serait juridiquement incohérent.
c) Celles des 5° et 6° de l'article 10 sont des dispositions de cohérence, dont l'une (le 5°) tire les conséquences de l'assujettissement à la CSG des indemnités journalières accidents du travail, et l'autre (le 6°) prend acte de la suppression des stages d'initiation à la vie professionnelle.
S'agissant en particulier du 5°, on soulignera qu'à défaut de cette disposition, une même indemnité serait assujettie en vertu du II de l'article L 136-2 tel que modifié par la présente loi, alors qu'elle resterait exonérée en vertu de l'énumération du III dans sa rédaction actuelle.
d) Les 2° et 4° de l'article 12 améliorent la cohérence du texte en corrigeant les références erronées aux articles de la loi du 29 décembre 1990. Ainsi ces dispositions facilitent l'application des dispositions nouvelles.
e) Celles des III à VII de l'article 32 tirent les conséquences du principe de l'assujettissement des laboratoires pharmaceutiques effectuant des ventes directes au prélèvement jusque-là limité aux seuls grossistes répartiteurs. Il s'agit d'une nécessaire mise en cohérence du texte actuel. A défaut, le texte serait juridiquement incohérent, le renvoi aux " établissements " que visait auparavant l'article L 138-1 n'ayant plus de sens.
f) Quant au I de l'article 33, il supprime les alinéas 2 et 3 de l'article L 322-5 du code de la sécurité sociale. Ces alinéas prévoyaient les modalités de fixation des tarifs de responsabilité des caisses pour la prise en charge des frais de transport sanitaire et de détermination des dispenses d'avance des frais par les assurés.
Or ces modalités sont substantiellement modifiées par les articles L 322-5-1 et L 322-5-2 insérés dans le code par le même article 33.
Sans le I de cet article, le texte du code conduirait à des difficultés d'interprétation sur ces deux points, voire à un conflit de normes.
g) Enfin le III de l'article 41 modifie l'article L 351-10 du code de la construction, lequel précise que l'aide personnalisée au logement n'est pas " prise en compte " pour l'attribution des prestations familiales. Or, le forfait logement institué dans le code de la sécurité sociale par l'article 41 introduit bien une prise en compte de l'allocation de parent isolé pour le calcul de l'assiette de l'APL La disposition en cause se justifie donc par un souci de cohérence juridique entre les deux codes.
En définitive, aucun des griefs invoqués à l'encontre de la loi déférée n'est de nature à en justifier la censure. Aussi le Gouvernement demande-t-il au Conseil constitutionnel de rejeter le recours dont il est saisi.
SAISINE DEPUTES :
Nous avons l'honneur, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de soumettre à votre examen la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, telle qu'elle a été définitivement adoptée par le Parlement le 28 novembre 1996.
Cette loi est la première à mettre en uvre la révision constitutionnelle du 22 février 1996. A ce titre, il est nécessaire que soit précocement imposé le respect des exigences déduites des articles 34 et 47-1 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996.
Parmi ces exigences, les travaux préparatoires, tant de la loi constitutionnelle que de la loi organique, ont légitimement mis l'accent sur la stricte délimitation du domaine des lois de financement.
Ce dernier est donc rigoureusement circonscrit par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Outre les dispositions dont la présence est impliquée par l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le III de l'article 111-3 précité précise que " les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ".
Compte tenu des contraintes spéciales que l'article 47-1 de la Constitution fait peser sur le Parlement, notamment en termes de délais, il est donc indispensable de faire respecter rigoureusement ce texte, afin d'éviter que les lois de financement de la sécurité sociale ne puissent, progressivement ou brutalement, dégénérer dans des espèces de " super-DMOS ", à l'occasion desquels le Gouvernement pourrait tenter d'arracher l'adoption de dispositions insuffisamment débattues, dont le contenu ne justifierait pas la présence dans ce type de loi.
Au regard de cette vigilance indispensable, plusieurs des articles de la loi qui vous est déférée paraissent appartenir à la catégorie de ce qu'on appellera ici les cavaliers sociaux, par analogie avec les cavaliers budgétaires que vous ne manquez pas de désarçonner chaque fois qu'ils se présentent.
Pour la clarté de ce qui va suivre seront distinguées deux séries de dispositions : d'une part, celles introduisant des modifications purement rédactionnelles dans des textes autres que la loi de financement de la sécurité sociale, d'autre part, celles ayant un objet que leur fond rend extérieur au champ ouvert à la loi de financement de la sécurité sociale.
I : Sur les dispositions à caractère rédactionnel
En bonne logique, on pouvait s'attendre à ce que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comportât que quelques articles, autant que l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution mentionne de rubriques (conditions générales de l'équilibre, prévisions de recettes, objectifs de dépenses).
Pourtant, c'est un texte comptant dès l'origine 33 articles qui a été soumis au Parlement et la loi adoptée en contient finalement 41.
La loi de financement de la sécurité sociale pouvant contenir toute disposition affectant directement l'équilibre financier, il est considéré qu'entrent dans cette définition toutes les mesures, quel que soit leur impact, qui altèrent directement les recettes ou les dépenses.
Or il faut observer que ce choix, pour défendable qu'il est, a déjà en lui-même comme conséquence d'amener le législateur à prendre toutes sortes de mesures qui portent, en réalité, non pas sur le financement de la sécurité sociale mais sur la définition des assiettes les plus variées, la détermination des modalités de recouvrement, ou les conséquences à tirer de l'imposition simultanée de plusieurs types de prélèvements.
De ce fait, figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale des dispositions dont certaines n'ont, avec son objet tel que précisé par la loi organique, qu'un lien ténu.
Mais, au-delà de cette première difficulté, se pose la question des dispositions strictement rédactionnelles.
Dans une interprétation rigoureuse de la loi organique, on est en droit de considérer que celles-ci qui, par définition, n'entrent pas dans le champ de l'article LO 111-3 précité, ne devraient en aucun cas être présentes dans cette loi.
Qu'il s'agisse de supprimer des références obsolètes (par exemple au 3° de l'article 13), de modifier d'autres références pour leur épargner cette même obsolescence (par exemple à l'article 9) ou encore de tirer les conséquences rédactionnelles, dans des textes autres que la loi de financement de la sécurité sociale (par exemple au 1° de l'article 12), des innovations décidées par cette dernière, ces mises à jour, pour utiles qu'elles soient, n'affectent nullement, ni directement ni même indirectement, l'équilibre des régimes obligatoires de base, et n'améliorent pas davantage le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
On ne manquera certes pas d'objecter qu'il s'agit là d'un rigorisme excessif, nuisible aux nécessités élémentaires d'une confection législative de qualité et d'invoquer l'intérêt évident qui s'attache à ce que la loi procède aux toilettages que son adoption rend indispensables ou au moins opportuns.
Mais une telle argumentation se heurterait au constat de ce que cette rigueur a été légitimement voulue par le législateur organique, que le Conseil constitutionnel l'en a approuvé (décision 96/379 DC) et qu'il en résulte un champ étroitement défini dont les limites ne peuvent en aucun cas être repoussées.
A cela, on pourrait encore objecter, par un raisonnement analogique, que, dans le domaine des lois de finances, l'article 42 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'a jamais été interprété comme faisant obstacle à des amendements rédactionnels (J Charbonnel, " Rapport d'information sur la recevabilité financière des amendements ", AN n° 2064, 19 novembre 1971, p 52).
Mais une telle analogie serait doublement infondée.
D'une part, en effet, le domaine des lois de financement de la sécurité sociale est défini de manière plus étroite que celui des lois de finances, d'autre part, cette étroitesse est mise en uvre de manière plus stricte encore car si l'article 42 rendait irrecevables les amendements autres que ceux qu'il énonçait limitativement, le III de l'article LO 111-3 pourchasse toute disposition, qu'elle résulte d'un amendement ou qu'elle soit présente dans le projet initial, ce qui atteste d'une fermeté inusitée.
Or, ce qui rend cette fermeté indispensable, c'est la crainte que, dans le déroulement d'un débat obéissant à des règles particulières, des dispositions rédactionnelles ne dissimulent, même involontairement, des modifications de fond dans des législations et sur des objets sans rapport avec le domaine des lois de financement de la sécurité sociale. En outre, le risque se matérialiserait tôt ou tard qui ferait qu'une interprétation insuffisamment rigoureuse à l'origine amènerait, de proche en proche, à faire figurer dans ces textes des dispositions qui y auraient de moins en moins leur place, la frontière se déplaçant insensiblement, sans qu'il ne soit jamais plus possible d'en redessiner le tracé, faute de l'avoir fait en s'en tenant dès le début à celui imposé par la Constitution et la loi organique.
Quant au souci de bonne politique législative, il suppose justement, si des adaptations formelles ou rédactionnelles sont rendues nécessaires par une loi de financement de la sécurité sociale, qu'elles soient clairement opérées dans un texte distinct, portant justement diverses dispositions d'ordre social, ce qui donnerait enfin une véritable justification aux projets ainsi intitulés.
Au demeurant, le rapporteur devant l'Assemblée nationale, M Bruno Bourg-Broc, n'a pas manqué de souligner lui-même que telle ou telle disposition ne modifiait en rien " les grandes lignes de l'équilibre financier " (par exemple à propos de l'article 9, CMP, rapport n° 3149, p 15).
Ainsi, doivent être disjoints de la loi qui vous est déférée, notamment :
: l'article 9 ;
: les 4°, 5° et 6° de l'article 10 ;
: les 1°, 2° et 4° de l'article 12 ;
: les 1°, 3° et 6° de l'article 13 ;
: les 1° et 3° de l'article 14 ;
: les V et VI de l'article 31 ;
: les III et VII de l'article 32 ;
: le I de l'article 33 ;
: le III de l'article 41.
II. : Sur les dispositions relatives aux modalités de recouvrement
Toujours dans le souci de faire l'économie d'un DMOS, toujours avec le danger, en conséquence, de mélanger des textes qui doivent demeurer nettement distincts, la loi qui est déférée contient des dispositions qui ne portent que sur les modalités de recouvrement des prélèvements qu'elle institue ou modifie.
Or, il n'est pas douteux que les modalités de recouvrement, en elles-mêmes, sont neutres par rapport aux conditions générales de l'équilibre financier des régimes de base de la sécurité sociale.
Si la loi de financement de la sécurité sociale rend utile, ou simplement souhaitable, que ces modalités soient modifiées, c'est à une autre loi qu'il appartient, le cas échéant, d'en décider, et ce peut être la loi de finances comme le prévoit expressément le troisième alinéa de l'article premier de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959. En revanche, les modalités de recouvrement des prélèvements à destination sociale, quelle que soit leur nature juridique, n'entrent nullement dans les domaines définis, conformément à la Constitution, par l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Or, le risque est à nouveau important qui s'attacherait à une interprétation inverse. La Constitution, même si elle s'est inspirée du système des lois de finances pour concevoir les lois de financement de la sécurité sociale, n'a pas strictement reproduit celui-ci pour celles-là.
Les lois de finances couvrent trois domaines : le domaine obligatoire (ce qui doit y figurer), le domaine exclusif (ce qui ne peut figurer que là) et le domaine facultatif (ce qui peut figurer indifféremment là ou ailleurs). Ces trois domaines couvrent un champ très large, qui autorise, et même invite, à faire figurer dans le même contexte toutes les dispositions connexes au budget de l'Etat.
Au contraire, pour les lois de financement de la sécurité sociale, la logique est différente. Elles sont strictement enfermées dans un domaine précisément délimité. Celui-ci ne leur permet pas de s'intéresser à tout le champ de ce qu'on appelle usuellement le budget social de la nation. Elles ne doivent, et ne peuvent, en connaître que la partie que l'on qualifiera, par commodité, supérieure sans empiéter ni sur les compétences des partenaires sociaux, ni sur celles du Gouvernement, ni, même, sur celles qui peuvent être exercées que par d'autres lois. Ainsi défini par la Constitution et la loi organique, ce domaine exclut formellement même des dispositions qui pourraient être directement connexes à celles que ces lois sont expressément autorisées ou invitées à adopter.
A ce titre, doit notamment être disjoint de la loi qui vous est déférée le 3° de l'article 12.
III. : Sur l'article 34
Cette disposition a pour objet d'opérer des validations. Sans même qu'il y ait lieu ici à en examiner la constitutionnalité sur le fond, il est évident que la validation de certaines facturations des établissements de santé, privés de surcroît, ne saurait être considérée comme affectant directement les conditions générales de l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
La présence d'une telle disposition dans cette loi est la traduction la plus précoce et la plus manifeste du danger, déjà souligné, de confusion entre lois de financement de la sécurité sociale et DMOS.
Au demeurant, cela n'a pas non plus échappé à l'attention du rapporteur à l'Assemblée nationale qui s'en est ému devant la commission mixte paritaire (op. cit. p 24). Le président de cette dernière a cru pouvoir invoquer, pour lui répondre, de prétendues conséquences financières " effectives et importantes ", mais, même en imaginant que les cliniques privées aient récemment pratiqué des anesthésies de masse, puisque, sur cela seulement porte cette validation, on ne saurait sérieusement soutenir que celles-ci soient de nature à affecter les conditions générales de l'équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.
A ce seul titre, l'article 34 ne saurait résister à votre censure.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.