Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 5 juillet 1991, en premier lieu, par MM Daniel Hoeffel, Bernard Pellarin, Raymond Bouvier, Jacques Golliet, Paul Alduy, Jean Arthuis, Alphonse Arzel, René Ballayer, Bernard Barraux, Daniel Bernardet, Claude Belot, François Blaizot, Jean-Pierre Blanc, Maurice Blin, André Bohl, Roger Boileau, Jean-Pierre Cantegrit, Paul Caron, Louis de Catuelan, Auguste Chupin, Jean Cluzel, Francisque Collomb, Marcel Daunay, André Daugnac, André Diligent, André Egu, Jean Faure, André Fosset, Jacques Genton, Henri G tschy, Bernard Guyomard, Rémi Herment, Jean Huchon, Claude Huriet, Louis Jung, Pierre Lacour, Bernard Laurent, Henri Le Breton, Jean Lecanuet, Edouard Le Jeune, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Jean Madelain, Kléber Malecot, François Mathieu, Louis Mercier, Louis Moinard, René Monory, Claude Mont, Jacques Mossion, Jacques Moutet, Roger Poudonson, Jean Pourchet, Guy Robert, Olivier Roux, Marcel Rudloff, Pierre Schiélé, Paul Séramy, Michel Souplet, Georges Treille, Pierre Vallon, Albert Vecten, Xavier de Villepin, Jean Pépin, Jean-Paul Emin, Pierre Laffitte, Paul Girod, sénateurs, et, en second lieu, par MM Bernard Pons, Jacques Chirac, Alain Juppé, Philippe Auberger, Jean-Marie Demange, Dominique Perben, Gautier Audinot, Alain Jonemann, Jacques Masdeu-Arus, Patrick Balkany, Nicolas Sarkozy, Robert Poujade, Mmes Roselyne Bachelot, Nicole Catala, MM Eric Dolige, Michel Barnier, Etienne Pinte, Robert Galley, Edouard Frédéric-Dupont, Gabriel Kaspereit, Philippe Séguin, Patrick Devedjian, Jean-Yves Chamard, Pierre-Rémy Houssin, Michel Inschauspé, Bernard Schreiner, Charles Millon, Gilbert Gantier, Pierre-André Wiltzer, Pierre Micaux, Marc Laffineur, Maurice Ligot, Ladislas Poniatowski, Gérard Longuet, Charles Ehrmann, Philippe Vasseur, François d'Aubert, Pascal Clément, André Santini, André Rossi, Marc Reymann, Francisque Perrut, Jean Rigaud, Georges Mesmin, Rudy Salles, Willy Diméglio, Hubert Falco, Denis Jacquat, Daniel Colin, Arthur Paecht, René Garrec, Georges Durand, Paul-Louis Tenaillon, Jean-Marc Nesme, Jean-Guy Branger, Georges Colombier, François-Michel Gonnot, Edmond Alphandéry, Jacques Barrot, René Couanau, Jean-Pierre Foucher, Yves Fréville, Francis Geng, Germain Gengenwin, Hubert Grimault, Ambroise Guellec, Michel Jacquemin, François Rochebloine, Michel Voisin, députés, ainsi que, le 9 juillet 1991, par MM Charles Pasqua, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Bailet, Henri Belcour, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Mme Marie-Fanny Gournay, MM Auguste Cazalet, Jean Chamant, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Luc Dejoie, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Pierre Dumas, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Adrien Gouteyron, Paul Graziani, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Mme Nicole de Hauteclocque, MM Bernard Hugo, Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand,
Maurice Lombard, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Paul Moreau, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Soséfo Makapé Papilio, Alain Pluchet, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Louis Souvet, René Trégouët, Jacques Valade, Serge Vincon, Désiré Debavelaere, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu l'article 56 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 relative à la révision générale des évaluations des immeubles retenus pour la détermination des bases des impôts directs locaux, ensemble la décision n° 90-277 DC du 25 juillet 1990 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs de la première saisine défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier en critiquant les dispositions de l'article 33 de cette loi ; que les auteurs des deuxième et troisième saisines contestent, à titre principal, la procédure d'adoption de la loi, et mettent en cause, subsidiairement, son article 7-I ; que la deuxième saisine dénonce également l'inconstitutionnalité de ses articles 41 et 44 ;
- SUR LA PROCEDURE D'ADOPTION DU TEXTE :
2. Considérant que les auteurs des deuxième et troisième saisines font valoir que, faute pour le Gouvernement d'avoir soumis au Parlement un texte ayant le caractère d'une loi de finances, la loi déférée a été adoptée suivant une procédure irrégulière ; qu'il est soutenu que la nécessité du recours à une loi de finances résulte tant des prescriptions de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 que de l'incidence de plusieurs dispositions du projet déposé sur l'article d'équilibre de la loi de finances pour 1991 ; que les auteurs de la deuxième saisine font état en outre de l'importance des dispositions fiscales figurant dans le projet, des exigences touchant à l'information du Parlement ainsi que de l'impossibilité pour un texte n'ayant pas le caractère de loi de finances de créer ou modifier en cours d'exercice des ressources non fiscales ;
.En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 :
3. Considérant que le quatrième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose que "seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année" ; que la méconnaissance de ce texte est alléguée à un double titre ; d'une part, en raison de l'importance des dispositions d'ordre fiscal figurant dans le texte soumis au Parlement ; d'autre part, du fait de l'incidence du texte sur l'article d'équilibre de la loi de finances pour 1991 ;
.Quant aux conditions d'adoption de dispositions de nature fiscale :
4. Considérant que la règle édictée par l'article 2, alinéa 4, de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 doit être rapprochée tant de l'article 34 de la Constitution, en vertu duquel "la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures", que de l'alinéa 3 de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959, lequel précise que "les lois de finances peuvent également contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toute nature" ;
5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces textes que les dispositions fiscales ne sont pas au nombre de celles qui sont réservées à la compétence exclusive des lois de finances et qu'elles peuvent figurer aussi bien dans un texte de loi présentant ce caractère que dans un texte législatif qui en est dépourvu ; qu'il n'y a pas lieu à cet égard de distinguer selon que les dispositions en cause affectent ou non l'exécution du budget de l'exercice en cours ;
6. Considérant, au demeurant, que réserver aux seules lois de finances la création ou la modification d'une ressource fiscale en cours d'année limiterait, contrairement aux articles 39 et 40 de la Constitution, l'initiative des membres du Parlement en matière fiscale à un droit d'amendement, puisque les lois de finances ne peuvent être présentées que par le Gouvernement ;
.Quant à l'incidence de la loi sur l'article d'équilibre de la loi de finances pour 1991 :
7. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 34 de la Constitution, "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; que, selon le premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, "les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles définissent" ;
8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'article 2, alinéa 4, de l'ordonnance précitée énonce que "seules des lois de finances, dites rectificatives, peuvent, en cours d'année, modifier les dispositions de la loi de finances de l'année" ; que l'article 34 de la même ordonnance dispose que "les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité dans les mêmes formes que les lois de finances de l'année. Elles soumettent obligatoirement à la ratification du Parlement toutes les ouvertures de crédits opérées par décrets d'avances" ; qu'enfin, suivant le troisième alinéa de l'article 38 de l'ordonnance n° 59-2, "si aucun projet de loi de finances rectificative n'est déposé au cours de la deuxième session du Parlement, le Gouvernement lui adresse, au plus tard le 1er juin, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques" ;
9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, rapprochées de celles relatives aux pouvoirs du Parlement en matière fiscale, que le Gouvernement n'est tenu de soumettre aux assemblées un projet de loi de finances rectificative que dans deux séries d'hypothèses ; d'une part, lorsqu'il y a intervention, en cours d'exercice, soit de décrets d'avances pris sur le fondement des articles 10 ou 11 de l'ordonnance n° 59-2, soit d'arrêtés d'annulation de crédits pris en application de l'article 13 de cette ordonnance, soit de mesures affectant l'exécution du budget, leurs incidences budgétaires doivent être soumises à la ratification du Parlement dans le cadre d'une loi de finances rectificative avant la fin de l'exercice en cause, sous réserve de l'application de l'article 35 de l'ordonnance n° 59-2 concernant les lois de règlement ; d'autre part, une loi de finances rectificative doit être déposée dans le cas où il apparaît que les grandes lignes de l'équilibre économique et financier définies par la loi de finances de l'année se trouveraient, en cours d'exercice, bouleversées ;
10. Considérant que le texte de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ne procède à la ratification ni de décrets d'avances ni d'arrêtés d'annulation de crédits ; que la soumission au Parlement des mesures déjà prises ou qui interviendraient en ces matières devra, avant la clôture de l'exercice auxquelles elles se rattachent, faire l'objet, en temps utile, d'un projet de loi de finances rectificative ;
11. Considérant qu'un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et des finances publiques a, en application de l'article 38, alinéa 3, de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, été porté à la connaissance du Parlement avant l'adoption de la loi présentement examinée ; que ce rapport énonce, sous la rubrique "maîtrise de l'exécution budgétaire en 1991", les mesures prises ou envisagées à cet effet ; qu'il ne ressort pas de ces éléments d'information que les choix de politique budgétaire effectués par le Gouvernement aient pour conséquence de bouleverser les conditions de l'équilibre économique et financier et que le Gouvernement aurait été par suite tenu de déposer sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi de finances rectificative dès la deuxième session ordinaire du Parlement, sans se réserver sur ce point la possibilité d'apprécier l'évolution ultérieure de la conjoncture avant la fin de l'exercice 1991 ;
.En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de l'information du Parlement :
12. Considérant que les auteurs de la deuxième saisine estiment que l'absence de dépôt d'un projet de loi de finances rectificative contreviendrait aux prescriptions de l'alinéa 2 de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2, en vertu desquelles "Les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques... sont contenues dans les lois de finances" ;
13. Considérant que ces prescriptions ont pour objet de faire entrer dans le domaine d'intervention réservé aux lois de finances celles des mesures ressortissant à la compétence législative qui sont destinées à organiser, soit pour un exercice déterminé soit à titre permanent, l'information et le contrôle des assemblées sur la gestion des finances publiques ;
14. Considérant que le texte de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ne comporte pas de mesures spécifiques de la nature de celles entrant dans le champ des prévisions de l'alinéa 2 de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-2 ; qu'ainsi le moyen avancé doit être écarté ;
.En ce qui concerne le moyen relatif à la perception de recettes de nature non fiscale :
15. Considérant que, pour les auteurs de la deuxième saisine, les articles 16 et 17 de la loi déférée ont pour objet ou pour effet d'instituer au profit de l'État des recettes de nature non fiscale et n'auraient pu figurer que dans un texte ayant le caractère de loi de finances ; qu'ils se prévalent sur ce point des dispositions, mentionnées ci-dessus, de l'article 2, alinéa 4, de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 ;
16. Considérant que l'article 16 de la loi institue pour 1991, au profit du budget de l'État, un prélèvement de 1 000 millions de Francs sur les fonds déposés auprès de la Caisse des dépôts et consignations par l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce et constitués par le produit des taxes instituées par l'article 3 modifié de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ; que l'article 17 de la loi présentement examinée supprime, à compter du 1er juillet 1991, la caisse de consolidation et de mobilisation des crédits à moyen terme instituée par l'article 12 de la loi n° 57-1344 du 30 décembre 1957 et attribue le boni de liquidation qui résulte de l'application de cette mesure à l'État ;
17. Considérant que même si les dispositions des articles 16 et 17 ont pour conséquence de procurer à l'État des ressources nouvelles pour l'année 1991, leur création ne nécessitait pas l'intervention d'un texte ayant le caractère de loi de finances, pour les motifs énoncés ci-dessus et qui sont relatifs aux hypothèses dans lesquelles le recours à une loi de finances rectificative revêt un caractère obligatoire ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens mettant en cause la régularité de la procédure d'adoption de la loi déférée doivent être écartés ;
- SUR LE CONTENU DES ARTICLES 7-I, 33, 41 ET 44 DE LA LOI :
. En ce qui concerne l'article 7 relatif à certaines opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée :
19. Considérant que le paragraphe I de l'article 7, contesté par les auteurs des deuxième et troisième saisines, est ainsi rédigé : "Pour l'application de l'article 256 du code général des impôts, les opérations mentionnées aux d et e du 1° de l'article 261 C du même code sont considérées comme des prestations de service. Le chiffre d'affaires afférent à ces opérations est constitué par le montant des profits et autres rémunérations. Cette disposition présente un caractère interprétatif sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée" ;
20. Considérant qu'il est soutenu par les auteurs des deuxième et troisième saisines que ces dispositions sont inconstitutionnelles en ce que, sous couvert d'un texte interprétatif, elles modifient rétroactivement le droit positif applicable en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que cette rétroactivité revêt une ampleur qui n'est pas justifiée par l'intérêt général ; qu'elle est de nature à créer des inégalités de traitement entre les contribuables ; qu'indépendamment de ces critiques, les auteurs de la troisième saisine font valoir que le paragraphe I de l'article 7 serait contraire à l'article 2, alinéa 4, de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959, qu'il porterait atteinte à la séparation des pouvoirs et méconnaîtrait enfin la directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;
.Quant au moyen tiré de la méconnaissance d'engagements internationaux :
21. Considérant qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution "les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ; que, dans le cadre de leurs compétences respectives, il incombe aux divers organes de l'État de veiller à l'application des conventions internationales ; que s'il revient au Conseil constitutionnel, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article 61 de la Constitution, de s'assurer que la loi respecte le champ d'application de l'article 55, il ne lui appartient pas en revanche d'examiner la conformité de celle-ci aux stipulations d'un accord international ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner la conformité de l'article 7, paragraphe I, de la loi déférée aux stipulations du traité instituant la Communauté économique européenne non plus qu'aux actes pris par les institutions communautaires sur le fondement de ce traité ;
.Quant au moyen tiré de la violation de l'article 2, alinéa 4, de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 :
22. Considérant que pour les motifs indiqués ci-dessus les dispositions fiscales ne sont pas au nombre de celles qui sont réservées à la compétence exclusive des lois de finances ; qu'elles peuvent figurer dans d'autres textes législatifs sans qu'il y ait à distinguer selon que ces dispositions affectent ou non l'exécution du budget de l'exercice en cours ;
.Quant aux autres moyens invoqués :
23. Considérant que, par exception aux dispositions de valeur législative de l'article 2 du code civil, le législateur peut, pour des raisons d'intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l'administration fiscale et le juge de l'impôt ont pour mission d'appliquer ; que, toutefois, l'application rétroactive de la législation fiscale se heurte à une double limite ; que, d'une part, conformément au principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle ne saurait permettre aux autorités compétentes d'infliger des sanctions à des contribuables en raison d'agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions, qui ne tombaient pas également sous le coup de la loi ancienne ; que, d'autre part, l'application rétroactive de la loi fiscale ne saurait préjudicier aux contribuables dont les droits ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ou qui bénéficient d'une prescription légalement acquise à la date d'entrée en vigueur de la loi ; que la prise en compte de ces situations, à l'exclusion de celles d'autres contribuables, n'est pas contraire au principe constitutionnel de l'indépendance des juridictions et ne méconnaît pas le principe d'égalité ;
24. Considérant, au cas présent, que le législateur, en précisant avec effet rétroactif la portée de certaines dispositions de la loi fiscale, a entendu éviter que ne se développent des contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner pour l'État des conséquences dommageables ; que sont expressément sauvegardés les droits nés de décisions de justice passées en force de chose jugée ; que le texte de l'article 7, paragraphe I, ne permet pas d'inférer que le législateur a dérogé au principe de non-rétroactivité des textes à caractère répressif non plus qu'aux règles relatives à la prescription ;
25. Considérant, par ailleurs, que l'application de l'article 7-I ne saurait avoir pour conséquence, par ses effets sur le patrimoine des contribuables, de porter atteinte au droit de propriété ; que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ;
26. Considérant qu'il suit de là que les moyens invoqués à l'encontre de l'article 7-I doivent être écartés ;
.En ce qui concerne l'article 33 relatif à la taxe départementale sur le revenu :
27. Considérant que par l'effet des modifications apportées à l'article 56 de la loi n° 90-669 du 30 juillet 1990 par l'article 33 de la loi présentement examinée, sont, à compter du 1er janvier 1992, assujetties à une taxe départementale sur le revenu les personnes physiques fiscalement domiciliées en France, au sens donné à cette notion par l'article 4 B du code général des impôts ; qu'il est fait exception à cet assujettissement pour les agents de l'État exerçant leurs fonctions à l'étranger à la condition qu'ils n'aient pas en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; que l'article 33 de la loi déférée ne modifie pas la disposition du 2. du paragraphe II de l'article 56 de la loi précitée du 30 juillet 1990, suivant laquelle la taxe est assise, chaque année, sur le montant net des revenus et plus-values pris en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu établi au titre de l'année précédente, sous réserve d'abattements fixés par la loi ; que demeurent en vigueur les dispositions du 3. du paragraphe II de l'article 56 de la loi précitée, aux termes desquelles "la taxe est due au lieu où l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente est établi" ; que reste également inchangée la règle édictée par le paragraphe III de l'article 56, suivant laquelle "les personnes passibles de la taxe départementale sur le revenu sont exonérées, pour leur habitation principale, de la taxe d'habitation perçue par les départements en application de l'article 1586 du code général des impôts" ;
28. Considérant que les auteurs de la première saisine estiment que la définition par la loi des personnes assujetties à la taxe départementale sur le revenu est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques ; qu'en effet n'est pas prévu le cas des personnes qui, tout en ayant leur domicile en France, exercent leur profession à l'étranger et y sont passibles de l'impôt sur le revenu ;
29. Considérant qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette, sous la réserve des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ;
30. Considérant que pour la définition des personnes physiques assujetties à la taxe départementale sur le revenu le législateur s'est référé à la détermination faite par l'article 4 B du code général des impôts des personnes qui, pour l'application de l'impôt sur le revenu perçu au profit de l'État, sont regardées comme ayant leur domicile fiscal en France ; qu'eu égard notamment à la circonstance que la taxe départementale sur le revenu est due au lieu où l'impôt sur le revenu au titre de l'année précédente est établi, la définition des personnes assujetties à cette nouvelle taxe n'est pas contraire au principe d'égalité ;
.En ce qui concerne l'article 41 relatif à la procédure de démission d'office applicable aux élus locaux déclarés comptables de fait :
31. Considérant que l'article 41 comporte trois paragraphes ; que ces derniers ont pour objet de compléter des dispositions du code électoral s'appliquant, respectivement, aux conseillers municipaux et aux membres du Conseil de Paris, aux conseillers généraux, ainsi que, par l'effet des dispositions combinées des articles L. 341 et L. 367 du code précité, aux conseillers régionaux et aux conseillers à l'Assemblée de Corse ; qu'il résulte de l'article 41 que la procédure de démission d'office applicable à un élu qui, pour une cause postérieure à son élection, se trouve dans un cas d'inéligibilité, ne sera mise en oeuvre, lorsque l'intéressé a été "déclaré comptable de fait par un jugement du juge des comptes statuant définitivement", que si quitus ne lui a pas été délivré de sa gestion dans les six mois de l'expiration du délai de production des comptes imparti par ledit jugement ;
32. Considérant que les auteurs de la deuxième saisine demandent au Conseil constitutionnel de bien vouloir interpréter les dispositions de l'article 41 relatives au "jugement du juge des comptes statuant définitivement" ;
33. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution d'une loi soumise à son examen ; qu'il ne lui appartient de procéder à l'interprétation du texte qui lui est déféré que dans la mesure où cette interprétation est nécessaire à l'appréciation de sa constitutionnalité ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel de donner suite à la demande en interprétation dont il a été saisi ;
.En ce qui concerne l'article 44 portant suppression de l'affectation au profit de la ville de Paris du prélèvement sur les sommes engagées au pari mutuel :
34. Considérant que l'article 44 de la loi abroge l'article 15 de l'ordonnance n° 45-2674 du 2 novembre 1945 mettant des ressources nouvelles à la disposition des départements et des communes et portant simplification des procédures d'autorisation en matière de finances locales ;
35. Considérant que cette abrogation a pour objet de supprimer l'affectation au profit de la ville de Paris d'un prélèvement de 1 p. 100 sur les sommes engagées au pari mutuel, sur les hippodromes et hors les hippodromes, à l'occasion des courses organisées sur le territoire de la ville ; que, par l'effet des dispositions de l'article 51 de la loi n° 47-520 du 21 mars 1947, l'article 44 de la loi déférée a également pour conséquence de rendre l'État, à compter de l'entrée en vigueur de l'article 44, bénéficiaire du produit du prélèvement ;
36. Considérant que les auteurs de la seconde saisine font grief à l'article 44 de porter une entrave à la libre administration de la ville de Paris et de méconnaître, par suite, l'article 72 de la Constitution ;
37. Considérant que si, en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus", chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi" ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ainsi que la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;
38. Considérant que les règles édictées par le législateur sur le fondement de ces dispositions ne doivent pas avoir pour effet de restreindre les ressources fiscales des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ; qu'eu égard au montant du prélèvement en cause par rapport à l'ensemble des recettes de fonctionnement du budget de la Ville de Paris, sa suppression n'est pas contraire au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales ;
39. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'argumentation des auteurs des saisines ne saurait être accueillie ;
Décide :
Article premier :
La loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier n'est pas contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.