LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, après avis donné aux parties :
Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
Attendu que si l'autorisation de licenciement accordée par l'autorité administrative ne permet plus au salarié de demander au juge prud'homal l'annulation de son licenciement en raison d'un harcèlement, elle ne le prive pas du droit de demander réparation du préjudice qui est résulté du harcèlement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... engagée le 23 août 2000 en qualité d'opératrice hôtesse bilingue et petit secrétariat par la société Télécom assistance, devenue selon avenant du 1er novembre 2001 opératrice bilingue, a été désignée déléguée syndicale le 12 mars 2003 ; qu'après autorisation de licenciement pour inaptitude médicale du directeur du travail le 27 août 2008, elle a été licenciée le 2 septembre 2008 ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt retient que si les changements d'affectation avec permutation d'horaires suivant les besoins, qui entrent dans le cadre des dispositions contractuelles, ont été effectivement répétitifs, la salariée n'en produit pas pour autant les éléments objectifs permettant d'en conclure que l'employeur a agi intentionnellement pour lui nuire et entraîner les conséquences visées à l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Attendu cependant, qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que selon l'article L. 1154-1 du code du travail la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ;
Qu'en statuant comme elle a fait en faisant peser sur la salariée la charge de la preuve du harcèlement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral, l'arrêt rendu le 7 mai 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Télécom assistance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Télécom assistance à payer à Mme X... la somme de 61,18 euros ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Télécom assistance à payer à la SCP Vincent et Ohl la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils pour Mme X....
En ce que l'arrêt attaqué déboute l'exposante de ses demandes tendant à voir la Société TELECOM ASSISTANCE condamnée à lui verser des dommages intérêts pour harcèlement moral et à voir prononcer la nullité de son licenciement.
Aux motifs que l'article 1152-1 du code du travail dispose : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel » ; que Madame Hafida X... a prétendu avoir fait l'objet de la part de son employeur d'agissements répétés consistant en des "mutations" qui lui étaient imposées, en un durcissement de son attitude lorsque il avait appris sa désignation en qualité de délégué syndical qui s'était manifesté notamment par deux avertissements, que ce comportement répétitif de son employeur aurait entraîné une souffrance morale et la dégradation de sa santé constaté par le médecin du travail ; que selon la salariée l'ensemble de ces faits serait constitutif du harcèlement moral prévu par la loi ; que l'employeur doit dès lors rapporter la preuve que ces agissements reprochés ne sont pas constitutifs du harcèlement et s'expliquent par des éléments objectifs ; Qu'il incombe donc à la Cour d'examiner les éléments factuels qui lui sont soumis pour en tirer les conséquences quant à la réalité du harcèlement moral invoqué ; Que sur ce point les dispositions du contrat de travail de Hafida X... sont très explicites sur les conditions d'exercice de son emploi, la direction de la société s'étant en effet réservée le droit de modifier le lieu de son implantation selon les besoins de la clientèle, que la salariée a accepté expressément cette clause de mobilité ; Que les changements d'affectation avec permutation d'horaires suivant les besoins invoqués par la salariée au soutien de sa demande entrent dans le cadre de ces dispositions contractuelles ; Que ces faits, s'ils ont été effectivement répétitifs, la salariée n'en produit pas pour autant les éléments objectifs permettant d'en conclure que l'employeur a agi intentionnellement pour lui nuire et entraîner les conséquences visés à l'article152- 1 susvisé du code du travail ; que dans le cas présent il y a lieu de constater que l'employeur n'a fait qu'exercer son pouvoir de direction qu'il tient du contrat de travail dont les termes en l'espèce ont été rappelés ; Qu'aucune discrimination à l'égard de Hafida X... de la part de l'employeur n'a été objectivement établi ; que les deux avertissements notifiés sont des sanctions disciplinaires régulièrement prononcées qui ne peuvent s'intégrer dans un processus de harcèlement moral, qu'enfin les arrêts de maladie, le mal être professionnel constatés par le médecin du travail, ne peuvent suffire à établir l'existence d'un quelconque harcèlement moral tel que défini par la loi ; Que dès lors les éléments constitutifs du harcèlement moral ne sont pas établis ; Qu'en l'absence de harcèlement moral, il y a lieu de débouter Madame Hafida X... de sa demande de dommages intérêts pour nullité du licenciement ;
Alors, d'une part, que la Cour d'appel constate elle-même sur les « agissements reprochés » consistant en « changements d'affectations » imposés à l'exposante « que ces faits … ont été effectivement répétitifs » ; qu'en retenant cependant que « la salariée n'en produit pas pour autant les éléments objectifs permettant d'en conclure » que l'employeur a fait preuve de harcèlement moral la Cour d'appel a fait peser sur la salariée la charge de la preuve et a ainsi violé l'article L.1154-1 du code du travail ;
Alors, d'autre part, que la Cour d'appel constate également que « les arrêts de maladie et le mal être professionnel constaté par le médecin du travail ne peuvent suffire à établir l'existence d'un quelconque harcèlement moral tel que défini par la loi » ; qu'en se bornant à de telles constatations sur la dégradation de l'état de santé de l'exposante, sans relever que l'employeur s'était expliqué sur le fait qu'elle imputait cet état au traitement dont elle était l'objet, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1152-1 du code du travail ;
Alors, de troisième part, qu'en retenant que les changements d'affectation entraient dans le cadre des dispositions du contrat de travail, sans répondre aux conclusions de l'exposante faisant valoir que l'employeur avait abusé de la clause de mobilité, tout en constatant que les faits invoqués étaient « effectivement répétitifs », la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors, de quatrième part, qu'en retenant que les changements d'affectation entraient dans le cadre des dispositions du contrat de travail sans se prononcer sur l'abus de la clause de mobilité invoqué par l'exposante, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L.1152-1 du code du travail ;
Alors enfin, que l'exposante faisait également valoir que le 20 mars 2008 une initiative des délégués du personnel avait dénoncé la situation de harcèlement moral dont elle était victime et demandait à l'employeur d'y mettre fin ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code civil ;