LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 décembre 2021
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1404 FS-B
Pourvoi n° M 19-22.810
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 DÉCEMBRE 2021
1°/ la société Korbey d'Or, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ la société AJ Partenaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, prise en la personne de M. [L], aux droits de laquelle vient la société [R] [S], dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [R] [S], agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Korbey d'Or,
ont formé le pourvoi n° M 19-22.810 contre l'arrêt rendu le 19 juin 2019 par la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion (chambre sociale), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme [K] [P], épouse [T], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à l'AGS, Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Korbey d'Or et de la société [R] [S], ès qualités, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [P], et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Pietton, Seguy, Mme Grandemange, conseillers, Mmes Prache, Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 19 juin 2019), la société Korbey d'or et le commissaire à l'exécution du plan de redressement ont relevé appel le 9 avril 2018 de la décision du conseil de prud'hommes ayant fixé au passif de la société les créances de Mme [P] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité légale de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors :
« 1°/ que les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, que la société Korbey d'Or et la société AJ Partenaires "disposaient d'un délai de trois mois expirant le 9 juillet 2018 pour conclure et remettre leurs conclusions, ce qu'ils [avaient] fait en l'espèce le 6 juillet 2018", que "le défenseur syndical a[vait] communiqué sa constitution à l'avocat des appelants le 9 mai 2018" et qu' "il appartenait aux appelants de signifier au défenseur syndical leurs conclusions d'appel au plus tard le 9 juillet 2018, ce qu'ils n' [avaient] fait que le 17 juillet 2018", quand elle constatait elle-même qu'aucun avocat ne s'était constitué pour Mme [P], en sorte que l'appelante disposait d'un mois supplémentaire pour notifier ses premières conclusions au défenseur syndical qui la représentait, et que ce délai avait été observé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 911 et 930-3 du code de procédure civile et, par fausse application, l'article R. 1461-1 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; en prononçant la caducité de la déclaration d'appel de la société Korbey d'Or, après avoir constaté qu'elle avait remis ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai requis et qu'elle avait notifié huit jours plus tard ses conclusions au défenseur syndical constitué pour l'intimée, et en amputant ainsi le délai pour conclure des jours matériellement nécessaires à l'acheminement d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou à la signification des conclusions par le ministèr e d'un huissier de justice, en raison de l'impossibilité pour l'avocat constitué de notifier ses conclusions au défenseur syndical par RPVA, la cour d'appel a, par excès de formalisme, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel et violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
3. Aux termes de l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
4. Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à cet article aux parties qui n'ont pas constitué avocat. Cependant, si celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
5. L'article 930-3 du code de procédure civile dispose que les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.
6. Il résulte enfin de l'article R. 1461-1 du code du travail que les actes de la procédure d'appel qui sont mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par le défenseur syndical de même que ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical.
7. Ayant relevé que la société et le commissaire à l'exécution du plan qui avaient formé appel le 9 avril 2018, avaient signifié le 17 juillet 2018 leurs conclusions au défenseur syndical, constitué le 9 mai 2018, la cour d'appel en a exactement déduit que la déclaration d'appel était caduque.
8. La caducité de la déclaration d'appel résultant de ce que ces conclusions n'ont pas été signifiées au défenseur syndical dans le délai imparti par la loi ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel, et n'est pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, les délais prescrits aux parties pour effectuer les actes de procédure ne les privent pas de leur droit d'accès au juge.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Korbey d'or et [R] [S], ès qualités, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Korbey d'or et [R] [S], ès qualités, et les condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Korbey d'Or et la société [R] [S], ès qualités
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé la caducité de la déclaration d'appel du jugement rendu le 8 mars 2018 par le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre formée par la société Korbey d'Or, Me [L] et la Selarl AJ Partenaires, ès qualités ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions des articles 908 et 911 du code de procédure civile et R. 1461-1 du code du travail, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure ; que si l'intimé a constitué avocat devant la cour avant le dépôt des conclusions en appel, l'appelant doit notifier à cet avocat ses conclusions d'appel dans le délai de leur remise au greffe ; que si l'intimé n'a pas constitué avocat devant la cour d'appel au moment où les conclusions d'appel sont transmises au greffe, l'appelant doit lui signifier ses conclusions dans le délai d'un mois à compter de l'expiration du délai pour conclure ; qu'en application de l'article R. 1461-1 du code du travail, les actes mis à la charge de l'avocat sont valablement accomplis par un défenseur syndical et ceux destinés à l'avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical ; qu'en l'espèce, il sera relevé que la SARL Korbey d'Or, Me [L] et la Selarl AJ Partenaires, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société, ont interjeté appel le 9 avril 2018 du jugement rendu le 8 mars 2018 par le conseil des prud'hommes de Saint-Pierre, de sorte qu'ils disposaient d'un délai de trois mois expirant le 9 juillet 2018 pour conclure et remettre leurs conclusions, ce qu'ils ont fait en l'espèce le 6 juillet 2018 ; qu'à cette date, Mme [H] [P] épouse [T] avait désigné, conformément aux dispositions de l'article R. 1461-1 du code du travail, M. [C] [N], défenseur syndical, pour la représenter en instance d'appel, lequel s'est constitué par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel le 16 mai 2018, conformément aux dispositions de l'article 930-2 qui dispose que les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe ; qu'il sera relevé que le défenseur syndical a communiqué sa constitution à l'avocat des appelants le 9 mai 2018 par remise en main propre contre émargement, conformément aux dispositions de l'article 961 alinéa 2 du code de procédure civile ; que dès lors, il appartenait aux appelants de signifier au défenseur syndical leurs conclusions d'appel au plus tard le 9 juillet 2018, les dispositions de l'article 930-2 alinéa 1 du code de procédure civile disposant que la remise des actes par voie électronique ne sont pas applicables au défenseur syndical, ce qu'ils n'ont fait que le 17 juillet 2018 ; qu'il appartenait en tout état de cause aux appelants de prendre en considération, conformément aux dispositions de l'article 669 du code de procédure civile, le cas échéant, l'absence de communication par la voie électronique, afin de signifier les conclusions au défenseur syndical constitué au plus tard le 9 juillet 2018 ; que par conséquent, il résulte de ce qui précède qu'il convient de rapporter la décision ne prononçant pas la caducité de la procédure d'appel opposant la société Korbey d'Or, Me [L] et la Selarl AJ Partenaires, ès qualités d'administrateur judiciaire, à Mme [H] [P], épouse [T] ; que la caducité de la procédure d'appel doit également être prononcée à l'égard de la Selarl Hirou, intimée ès qualités de mandataire judiciaire de la Sarl Korbey d'Or, et l'AGS compte tenu de l'indivisibilité du litige ;
1°) ALORS QUE les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois suivant l'expiration du délai de leur remise au greffe de la cour ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, que la société Korbey d'Or et la société AJ Partenaires « disposaient d'un délai de trois mois expirant le 9 juillet 2018 pour conclure et remettre leurs conclusions, ce qu'ils [avaient] fait en l'espèce le 6 juillet 2018 » (arrêt, p. 3, § 7), que « le défenseur syndical a[vait] communiqué sa constitution à l'avocat des appelants le 9 mai 2018 » (arrêt, p. 3, § 8) et qu'« il appartenait aux appelants de signifier au défenseur syndical leurs conclusions d'appel au plus tard le 9 juillet 2018 [...], ce qu'ils n'[avaient] fait que le 17 juillet 2018 » (arrêt, p. 3, § 8), quand elle constatait elle-même qu'aucun avocat ne s'était constitué pour Mme [T], en sorte que l'appelante disposait d'un mois supplémentaire pour notifier ses premières conclusions au défenseur syndical qui la représentait, et que ce délai avait été observé, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 911 et 930-3 du code de procédure civile et, par fausse application, l'article R. 1461-1 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'application des règles de procédure ne peut conduire à un formalisme excessif portant atteinte à l'équité de la procédure ; en prononçant la caducité de la déclaration d'appel de la société Korbey d'Or, après avoir constaté qu'elle avait remis ses conclusions au greffe de la cour d'appel dans le délai requis et qu'elle avait notifié huit jours plus tard ses conclusions au défenseur syndical constitué pour l'intimée, et en amputant ainsi le délai pour conclure des jours matériellement nécessaires à l'acheminement d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou à la signification des conclusions par le ministère d'un huissier de justice, en raison de l'impossibilité pour l'avocat constitué de notifier ses conclusions au défenseur syndical par RPVA, la cour d'appel a, par excès de formalisme, porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge d'appel et violé l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.