LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 mars 2021
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 340 FS-P
Pourvoi n° Y 19-21.349
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MARS 2021
M. X... L..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° Y 19-21.349 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2019 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société CetK Components, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. L..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société CetK Components, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller doyen, M. Pietton, Mme Mariette, M. Barincou, conseillers, Mme Duvallet, M. Le Corre, Mmes Prache, Marguerite, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 18 juin 2019), rendu en référé, M. L... a saisi le 30 septembre 2018 la juridiction prud'homale de diverses demandes.
2. Le salarié a interjeté appel de l'ordonnance rendue le 16 novembre 2018. La cour d'appel a invité les parties à s'expliquer sur le moyen de nullité de la déclaration d'appel tiré de ce que le salarié, par ailleurs défenseur syndical, avait, seul, interjeté appel de la décision de première instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer nulle sa déclaration d'appel, alors :
« 1°/ que le défenseur syndical, qui peut représenter toute partie à un litige prud'homal, que ce soit en première instance ou en appel, dans la région où il a été désigné, peut également se représenter lui-même en justice dans les mêmes conditions et limites ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer nulle la déclaration d'appel formée et déposée par M. L... en son nom, la cour d'appel a violé l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
2°/ que les dispositions relatives au mandat qui interdiraient au défenseur syndical de se représenter lui-même en justice constituent une restriction injustifiée du droit d'accès au juge ; qu'en retenant que les dispositions relatives au mandat excluent que ''les personnes du mandant et du mandataire soient confondues'', la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
3°/ que le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office que M. L... ne justifiait pas d'un pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en conduisant la procédure d'appel à son terme, le défenseur syndical est réputé avoir ratifié le mandat qu'il s'est donné à lui-même pour interjeter appel d'une décision à laquelle il est partie ; qu'il n'est pas tenu, en conséquence, de justifier d'un pouvoir spécial à ce titre ; qu'en opposant dès lors à M. L... l'absence de pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, à laquelle il était partie, quand elle constatait que le salarié avait déposé des conclusions d'appel au soutien de sa déclaration d'appel et conduit la procédure d'appel jusqu'à son terme, la cour d'appel a violé l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
5°/ que l'exigence imposée au défenseur syndical d'assortir la déclaration d'appel, faite à son nom et dans le cadre d'une instance à laquelle il est partie, d'un pouvoir spécial, constitue également une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en déclarant nulle la déclaration d'appel déposée par M. L..., faute de justifier d'un pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, à laquelle il était partie, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
4. D'abord, selon l'article R. 1461-2 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, l'appel porté devant la chambre sociale de la cour d'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, prévue par le code de procédure civile, sous réserve de dispositions particulières. Selon l'article L. 1453-4 du même code, dans sa version issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, les parties doivent s'y faire représenter par un avocat ou par un défenseur syndical.
5. Ensuite, la représentation en justice, prévue par l'article 411 du code de procédure civile, est fondée sur un mandat. Aux termes de l'article 1984 du code civil, le mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.
6. Il résulte de la combinaison de ces textes qu'un salarié, défenseur syndical, partie à une instance prud'homale, ne peut pas assurer sa propre représentation en justice.
7. Ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence l'efficacité de la procédure d'appel et une bonne administration de la justice. Elles ne constituent pas une atteinte au droit à l'accès au juge d'appel dans sa substance même.
8. La cour d'appel a dès lors fait l'exacte application des textes invoqués en énonçant que le défenseur syndical, qui exerce un mandat de représentation en justice, ne peut pas confondre en sa personne les qualités de mandant et de mandataire et en a déduit à bon droit que la déclaration d'appel, formée par une personne qui n'en avait pas le pouvoir, était nulle.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. L... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. L...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré nulle la déclaration d'appel de M. L... à l'encontre de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018 ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 29 du décret n° 2016-660 du 26 mai 2016, modifiant l'article R 1461-2 du code du travail, l'appel est porté devant la chambre sociale de la cour d'appel et il est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire, les défenseurs syndicaux étant habilités à représenter les parties en application de l'article R. 1461-1 du même code ; que le défenseur syndical exerce donc un mandat de représentation au sens de l'article 411 du code de procédure civile ; que le mandat est défini par l'article 1984 du code civil, comme l'acte par lequel une personne donne à l'autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant en son nom ; que cette définition exclut que les personnes du mandant et du mandataire soient confondues, l'application de l'ensemble des dispositions du titre XII du code de procédure civile relatives à la représentation en justice étant par ailleurs impossible dans ce cas ; qu'il en est de même de l'exigence d'un pouvoir spécial pour interjeter appel, dès lors que le représentant n'est pas avocat, M. X... L... n'en ayant d'ailleurs produit aucun ; que ce dernier s'appuie essentiellement sur les dispositions des articles L. 1453-1 à L. 1453-9 et R. 1453-2 et suivants du code du travail, qui définissent notamment le statut du défenseur syndical mais ne contiennent aucune disposition pertinente applicable au litige et il en est de même quant à ses développements relatifs à l'absence d'application aux défenseurs syndicaux des règles relatives à la déontologie des avocats ; que M. X... L... ne peut par ailleurs soutenir que la cour a d'ores et déjà validé une déclaration d'appel formée dans les mêmes conditions, l'instance à laquelle il se réfère s'étant terminée par le constat de la caducité de l'appel ; que selon l'article 17 du code de procédure civile constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice et il en résulte que la déclaration d'appel est nulle ;
1°) ALORS QUE le défenseur syndical, qui peut représenter toute partie à un litige prud'homal, que ce soit en première instance ou en appel, dans la région où il a été désigné, peut également se représenter lui-même en justice dans les mêmes conditions et limites ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer nulle la déclaration d'appel formée et déposée par M. L... en son nom, la cour d'appel a violé l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE les dispositions relatives au mandat qui interdiraient au défenseur syndical de se représenter lui-même en justice constituent une restriction injustifiée du droit d'accès au juge ; qu'en retenant que les dispositions relatives au mandat excluent que « les personnes du mandant et du mandataire soient confondues », la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
3°) ALORS QUE le juge est tenu de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office que M. L... ne justifiait pas d'un pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur cette fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°) ALORS, subsidiairement, QU'en conduisant la procédure d'appel à son terme, le défenseur syndical est réputé avoir ratifié le mandat qu'il s'est donné à lui-même pour interjeter appel d'une décision à laquelle il est partie ; qu'il n'est pas tenu, en conséquence, de justifier d'un pouvoir spécial à ce titre ; qu'en opposant dès lors à M. L... l'absence de pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, à laquelle il était partie, quand elle constatait que le salarié avait déposé des conclusions d'appel au soutien de sa déclaration d'appel et conduit la procédure d'appel jusqu'à son terme, la cour d'appel a violé l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige ;
5°) ET ALORS, plus subsidiairement, QUE l'exigence imposée au défenseur syndical d'assortir la déclaration d'appel, faite à son nom et dans le cadre d'une instance à laquelle il est partie, d'un pouvoir spécial, constitue également une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en déclarant nulle la déclaration d'appel déposée par M. L..., faute de justifier d'un pouvoir spécial pour interjeter appel de l'ordonnance rendue par le conseil de prud'hommes de Besançon le 16 novembre 2018, à laquelle il était partie, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article R. 1461-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige.