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27/11/2019 | FRANCE | N°19-80578

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 novembre 2019, 19-80578


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 19-80.578 F-D

N° 2694

27 NOVEMBRE 2019

CK

NON LIEU À RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

M. V... T... a présenté, par mémoire spécial reçu le 5 septembre 2019, une question prioritai

re de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-2, qui, pou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 19-80.578 F-D

N° 2694

27 NOVEMBRE 2019

CK

NON LIEU À RENVOI

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

M. V... T... a présenté, par mémoire spécial reçu le 5 septembre 2019, une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 8-2, qui, pour vols et tentatives de vols aggravés, en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, l'a condamné à sept ans d'emprisonnement et rejeté sa demande de réduction de peine au maximum légal.

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 novembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale: M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, Mme Drai, Mme Slove, M. Guéry, Mme Issenjou, M. Turbeaux, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, Mme Barbé, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Philippe ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller de LAROSIÈRE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général PHILIPPE ;

1. La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

L'article 132-4 du code pénal - posant le principe de la réduction de peines au maximum légal en cas de concours d'infractions dans des procédures distinctes et la confusion des peines - tel qu'il est interprété par la Cour de cassation qui en exclut l'application lorsque l'une des peines a été prononcée par une juridiction étrangère hors Union européenne, méconnaît-il le principe d'égalité devant la loi, le principe de nécessité et de proportionnalité des peines, la liberté individuelle et la liberté d'aller et venir ainsi que le principe de sauvegarde de la dignité humaine garantis par les articles 1, 2, 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et 1 et 66 de la Constitution et le préambule de la Constitution de 1946 ?" ;

2. Selon les articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, une question prioritaire de constitutionnalité ne peut être renvoyée au Conseil constitutionnel que lorsque la disposition contestée est applicable au litige ou constitue le fondement des poursuites, qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

3. La disposition législative critiquée est applicable à la procédure et n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. La question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

5. Cette question ne présente pas de caractère sérieux pour les raisons suivantes :

6. Cette question concerne l'application, par la Cour de cassation, du principe de réduction des peines au maximum légal, en cas de condamnation prononcée à l'étranger.

7. Selon l'article 132-4 du code pénal, lorsque, à l'occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s'exécutent dans la limite du maximum légal le plus élevé, la confusion partielle ou totale des peines pouvant être ordonnée. La définition du concours d'infractions est contenue à l'article 132-2 du même code, qui prévoit qu'il y a concours d'infractions lorsqu'une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction.

8. La Cour de cassation interprète cet article comme excluant de la réduction au maximum légal ou de la confusion les peines prononcées par les juridictions étrangères, situées hors de l'Union européenne, sauf dispositions spéciales (Crim., 26 mai 1964, n° 63-90.945, Bul. n° 177 ; Crim., 26 octobre 2005, n° 05-82.408, Bul. n°271).

9. Il ne peut être soutenu que cette jurisprudence, qui trouve son fondement dans le principe de la territorialité de la loi pénale et de la souveraineté des Etats, porte une atteinte inconstitutionnelle au principe d'égalité, sauf à priver le Gouvernement français de la faculté de négocier des accords internationaux permettant l'organisation d'un ordre juridique intégré, en renforçant la coopération judiciaire avec certains Etats.

10. De même, il ne peut être considéré que cette jurisprudence méconnaisse les principes à valeur constitutionnelle de nécessité et de proportionnalité des peines, de liberté individuelle et de liberté d'aller et venir, ainsi que de sauvegarde de la dignité humaine, sans porter atteinte à la souveraineté des Etats, qui, sauf dispositions spéciales, interdit à une juridiction française de modifier une peine prononcée à l'étranger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept novembre deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 19-80578
Date de la décision : 27/11/2019
Sens de l'arrêt : Qpc incidente - non-lieu à renvoi au cc
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PEINES - Non-cumul - Poursuites séparées - Confusion - Peines prononcées l'une par une juridiction française et l'autre par une juridiction étrangère, même exécutée en France - Application (non)

En cas de poursuites successives devant une juridiction étrangère d'un pays situé hors de l'Union européenne et devant une juridiction française, il n'y a pas lieu, à défaut de dispositions spéciales, d'appliquer le principe du non-cumul des peines. Tel est le cas, notamment, lorsqu'il s'agit de peines successivement prononcées par une juridiction marocaine et par une juridiction française, l'article 132-4 du code pénal n'étant pas applicable à une condamnation prononcée à l'étranger, et la convention bilatérale du 10 août 1981 modifiée, conclue entre la France et le Maroc, portant sur l'assistance aux personnes détenues et l'assistance des condamnés, si elle permet de substituer à la peine prononcée par la juridiction d'un Etat celle prévue par l'Etat de transfert du détenu et d'exécution de la sanction, n'autorisant pas la confusion de la peine française avec une peine étrangère


Références :

article 132-4 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 novembre 2018

Concernant l'exclusion de la confusion de peines, à défaut de dispositions spéciales, en cas d'exécution en France d'une peine prononcée par une juridiction étrangère, à rapprocher de :Crim., 19 novembre 2014, pourvoi n° 13-80161, Bull. crim. 2014, n° 247 (rejet) ;Crim., 7 février 2007, pourvoi n° 06-84852, Bull. crim. 2007, n° 38 (rejet) ;Crim., 26 octobre 2005, pourvoi n° 05-82408, Bull. crim. 2015, n° 271 (rejet) ;Crim., 6 février 1996, pourvoi n° 95-82408, Bull. crim. 1996, n° 61 (rejet)

arrêt cité ;

Crim., 20 août 1991, pourvoi n° 90-87706, Bull. crim. 1991, n° 310 (rejet)

arrêt cité.Concernant la confusion de peine dans l'espace pénal européen et la possibilité d'ordonner la confusion d'une peine prononcée par une juridiction française et d'une peine prononcée par une juridiction d'un Etat membre de l'Union européenne dès lors que la seconde a été intégralement exécutée au jour où il est statué sur la requête en confusion, à rapprocher de :Crim., 2 novembre 2017, pourvoi n° 17-80833, Bull. crim. 2017, n° 244 (rejet), et les arrêts cités ;CJUE, arrêt du 21 septembre 2017, Trayan Beshkov/Sofiyska rayonna prokuratura, C-171/16


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 nov. 2019, pourvoi n°19-80578, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:19.80578
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