LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2015), que la société Pinchinats a fait édifier un groupe d'immeubles, qu'elle a vendu par lots en l'état futur d'achèvement ; que les travaux de construction ont été confiés à la société SUPAE, aux droits de laquelle vient la société Eiffage construction grand Paris (la société Eiffage) ; qu'une assurance dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SMABTP ; qu'ont participé à cette opération MM. X... et Y..., maîtres d'oeuvre, assurés auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la société Sénéchal, chargée du lot peinture, assurée auprès de la SMABTP, la société Rémi, chargée du lot plomberie, assurée auprès de la société GAN, puis de la MAAF, la société Albuquerque chapes et isolation par chapes, assurée auprès de la société MAAF, et la société Bureau Veritas, chargée du contrôle technique, assurée auprès de la société MMA ; que la réception est intervenue le 12 juillet 1995 ; que, se plaignant de désordres, la société Imefa 33, à laquelle la société Pinchinats a vendu des lots, a assigné les divers intervenants en indemnisation de ses préjudices ; que la société Imefa 33 s'est prévalue de l'effet interruptif de prescription d'un arrêt du 5 mai 2000 ayant annulé une ordonnance de référé du 23 juillet 1999 obtenue par la société SUPAE à l'encontre de l'ensemble des parties ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable, comme étant prescrite, l'action de la société Imefa 33, l'arrêt retient, après avoir constaté qu'il résulte de l'arrêt du 5 mai 2000 que la société Imefa 33 a demandé qu'il lui soit donné acte qu'elle s'en rapporte à justice sur l'appel régularisé par le GAN à l'encontre de l'ordonnance déférée et a sollicité au surplus la condamnation de celui-ci aux entiers dépens, qu'une demande de « donner acte » et de condamnation d'un appelant aux dépens, formée par un intimé, ne constitue pas une demande en justice susceptible d'interrompre la prescription de l'action de cet intimé, que ce soit à l'égard de l'appelant ou à l'égard des autres intimés à l'instance ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'une demande de donner acte étant dépourvue de toute portée juridique, la société Imefa 33, en s'en rapportant à justice sur le mérite de l'appel formé par la société GAN, avait non seulement contesté la recevabilité et le bien-fondé de cet appel, mais encore demandé, par application de l'article 954 du code de procédure civile, que le dispositif de l'ordonnance fût confirmé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la société Imefa 33 à l'encontre de M. Y..., M. X..., la MAF, la SMABTP, la société Pinchinats, la société Sénéchal, la société Allianz IARD, la MAAF et la société Eiffage, l'arrêt rendu le 30 janvier 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y..., M. X..., la MAF, la SMABTP, la société Pinchinats, la société Sénéchal, la société Allianz IARD, la MAAF et la société Eiffage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour la société IMEFA 33
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué, qui est en partie infirmatif, D'AVOIR déclaré irrecevable l'action que la société Imefa 33 formait contre la société Pinchinats, la Smabtp, la société Eiffage grand Paris sas, la société Sénéchal sa, M. Christian X..., la Mutuelle des architectes français, la société Allianz iard, la Maaf assurances sa et M. François Y... ;
AUX MOTIFS QUE « la sci Imefa 33 tient […] l'arrêt [rendu le] 5 mai 2000 [par la cour d'appel de Paris] pour interruptif de la prescription à l'égard de toutes les parties, se fondant sur les conclusions déposées par elle le 10 janvier 2000, tendant selon elle à la condamnation du Gan, partie appelante » (cf. arrêt attaqué, p. 7, § 2, 1er alinéa) ; qu'« il résulte de l'arrêt du 5 mai 2000 que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, la sci Imefa 33 et la sci Unidomo 7, tous trois intimés et défaillants en première instance, ont demandé par conclusions du 10 janvier 2010 "que leur soit donné acte qu'ils s'en rapportent à justice sur l'appel régularisé par le Gan à l'encontre de l'ordonnance déférée et sollicitent au surplus la condamnation aux entiers dépens" » (cf. arrêt attaqué, p. 7, § 2, 2nd alinéa) ; qu'« une demande de "donner acte" et de condamnation d'un appelant aux dépens, formée par un intimé, ne constitue pas une demande en justice susceptible d'interrompre la prescription de l'action de cet intimé, en l'espèce la sci Imefa 33, que ce soit à l'égard de l'appelant ou à l'égard des autres intimés à l'instance » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 1er alinéa) ; qu'« une citation en justice n'interrompant la prescription que si elle émane de la partie qui se prévaut d'un droit et si elle est délivrée à une partie qu'elle veut empêcher de se prévaloir de la prescription à son encontre, la sci Imefa 33 ne peut tenir [pour des] actes interruptifs de la prescription de son action ni la procédure introduite devant le juge des référés par la société Supae Île-de-France ayant abouti à l'ordonnance du 23 juillet 1999, ni la procédure introduite par le Gan devant la cour d'appel ayant abouti à l'arrêt du 5 mai 2000 » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 2e alinéa) ; que, société Imefa 33 « par conséquent le droit d'agir de la sci Imefa 33 sur le fondement des articles 1792 et 1382 du code civil était prescrit le 12 juillet 2005 à l'encontre de la sa Veritas, la Mma, M. Y..., M. X..., la Mutuelle des architectes français, Me Z..., mandataire liquidateur de la société Remi, la société Batipeint, la sa Sénéchal, la Smabtp, la Maaf et le 25 juin 2007 à l'encontre de la snc Pinchinats et la snc Eiffage construction grands projets, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui n'a pas pu avoir pour effet de faire renaître un droit d'action éteint à la date de son entrée en vigueur, aucune circonstance n'ayant empêché l'appelante d'agir pour la préservation de ses droits dès que l'existence des dommages a été connue, ce qu'elle ne soutient du reste pas» (cf. arrêt attaqué, p. 8, 3e alinéa) ; que « la sci Imefa 33, qui n'a pas introduit son action à l'intérieur du délai de garantie décennale, n'est pas recevable à agir après l'expiration de ce délai sur le fondement de la responsabilité contractuelle, l'extension éventuelle de la garantie des constructeurs audelà étant limitée à la responsabilité qu'ils peuvent encourir en cas de dol dans l'exécution de leurs obligations contractuelles, ce qui n'est pas invoqué dans l'espèce » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 4e alinéa) ; que « la fin de non-recevoir invoquée par les parties est bien fondée » (cf. arrêt attaqué, p. 8, 5e alinéa) ;
ALORS QUE la partie qui s'en rapporte à la justice sur le mérite d'une demande n'acquiesce pas à cette demande, mais au contraire la conteste ; que la cour d'appel énonce que la société Imefa 33, qui a, dans l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 5 mai 2000, demandé à la cour d'appel de Paris de lui donner acte qu'elle entendait s'en rapporter à la justice sur le mérite de l'appel régularisé par la compagnie Uap, n'a pas formé ainsi une demande en justice susceptible d'interrompre le délai de la prescription qui courait alors contre elle ; qu'elle méconnaît que la société Imefa 33, en s'en rapportant à la justice sur le mérite de l'appel formé par la compagnie Gan, a non seulement contesté la recevabilité et le bien-fondé de cet appel, mais encore, et par conséquent, demandé, par application de l'article 954 du code de procédure civile que le dispositif l'ordonnance qui en formait l'objet fût confirmé ; qu'elle a ainsi violé l'article 4 du même code de procédure civile.