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08/06/2016 | FRANCE | N°15-19715

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 juin 2016, 15-19715


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, toute signification faite à la personne en curatelle l'est également à son curateur, à peine de nullité ; que, selon le second, l'assistance du curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X...a été placée sous curatelle le 11 s

eptembre 2007 ; que, le 27 août 2012, assistée de sa curatrice, elle a assigné la sociét...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, toute signification faite à la personne en curatelle l'est également à son curateur, à peine de nullité ; que, selon le second, l'assistance du curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que Mme X...a été placée sous curatelle le 11 septembre 2007 ; que, le 27 août 2012, assistée de sa curatrice, elle a assigné la société Franfinance aux fins d'obtenir la radiation de quatre inscriptions d'hypothèque judiciaire prises sur un immeuble lui appartenant, en exécution de quatre ordonnances d'injonction de payer du 10 avril 2009 la condamnant au paiement de certaines sommes ;

Attendu que, pour rejeter la demande, après avoir constaté que les ordonnances d'injonction de payer et les dénonciations d'inscriptions d'hypothèque n'avaient pas été signifiées à la curatrice, l'arrêt retient que la signification au curateur n'est pas nécessaire pour les actes que la personne en curatelle peut faire sans l'assistance de son curateur et que Mme X..., placée sous curatelle simple, conservait sa capacité à agir pour les actes d'administration, dont celui de former un recours contre les ordonnances du 10 avril 2009 et les inscriptions d'hypothèque ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 avril 2015, rectifié par un arrêt du 12 mai 2015 entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne la société Franfinance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme X...et Mme Y..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme X...et Mme Y..., ès qualités,

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, confirmant le jugement, rejeté les demandes de Mme Yvette X..., divorcée Y...et de Mme Fabienne Y..., épouse de M. Z..., visant à la radiation des inscriptions hypothécaires prises sur le fondement de quatre ordonnances d'injonction de payer ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme X...a souscrit quatre emprunts d'un montant respectif de 9. 000 € (29 avril 2003), 16. 000 € (4 mars 2004), 6. 000 € (25 mars 2005) et 5. 000 € (5 juillet 2005) ; qu'elle a bénéficié d'un plan de surendettement suivant jugement du 7 juin 2007 qu'elle n'a pas respecté et elle a été placée sous le régime de la curatelle simple par jugement du 11'` septembre 2007, cette " mesure ayant été renouvelée pour cinq ans par jugement du 12 octobre 2011 ; que Mme Fabienne Z..., sa fille, a été désignée comme curatrice. Ces quatre emprunts contractés ne pouvaient plus être remis en cause au regard du délai écoulé entre leur souscription et la mise sous curatelle (article 464 du code civil) ; que les quatre injonctions de payer ont été signifiées à la personne de Mme X...et les quatre dénonciations des inscriptions d'hypothèques ont donné lieu à une signification en l'étude d'huissier, il est constant qu'aucune d'entre elles n'a été signifiée à Mme Z...ès qualités ; que cependant, placée sous curatelle simple Mme X...conservait sa capacité d'exercer seule les actes d'administration et les actes d'usage, dont en tant que de besoin celui de former recours tant contre les ordonnances d'injonction de payer délivrées le 10 avril 2009 que contre les actes d'inscription d'hypothèques valablement dénoncées. En effet, ce n'est que dans les limites de l'article 467 du code civil (qui prévoit que la personne en curatelle ne peut sans l'assistance de son curateur, faire aucun acte qui en cas de tutelle requerrait l'autorisation du juge ou du conseil de famille et que pour la conclusion d'un acte écrit, l'assistance du curateur se manifeste par sa signature portée à côté de celle de la personne protégée) que toute signification faite à la personne protégée doit l'être à la personne du curateur, ce à peine de nullité » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « si l'absence de signification à la curatrice a empêché cette dernière de former un recours, il reste que la personne sous curatelle conserve elle-même lé pouvoir d'exercer un tel recours ; que la capacité d'agir de la personne protégée doit être appréciée selon l'article 464 du Code civil, qui évoque son aptitude à gérer et défendre seule ses intérêts et l'existence d'un préjudice ; qu'en l'espèce, Madame Yvette X...a été placée sous curatelle suivant ordonnance du Tribunal cl'instance de SAINT LO du 11 septembre 2007.
Conformément aux dispositions regardant la curatelle, cette décision mentionne que Madame Yvette X...a besoin d'être assistée ou contrôlée dans les actes de la vie civile ; Il s'agit d'une curatelle simple et non d'une curatelle renforcée, laissant Madame Yvette X...en capacité d'exercer les actes d'administration seule elles actes d'usage, et contraignant cette dernière à agir avec l'assistance du curateur pour les actes de disposition ; que cette mesure, qui a fait l'objet d'une révision par le juge des tutelles du Tribunal d'instance de COUTANCES le 12 octobre 2011, n'a pas remis en cause le principe de la curatelle simple, l'état de Madame X...ne s'étant ni aggravé ni amélioré ; que Madame Yvette X..., alors sous curatelle simple le 10 avril 2009, jour où les ordonnances d'injonction de payer ont été prononcées par le juge d'instance de SAINT LO, et conservant la capacité d'agir en Justice par elle-même, était en conséquence en capacité de contester les décisions qui lui ont été signifiées, tant sur le principe que sur le montant de la dette ; que de la même manière, si les actes d'inscription d'hypothèque ont été signifiées en l'Etude de Maître A..., huissier de Justice, tin courrier valant avis de signification a été adressé à Madame Yvette Y...pour l'informer de cette procédure, ainsi informée de ces actes, elle possédait la faculté de former un recours ; que possédant la capacité de contester lesdites ordonnances d'injonction de payer, le défaut de signification de celles-ci à la curatrice n'est ainsi pas de nature à lui cause un préjudice ; que l'absence de signification des injonctions de payer à la curatrice ne créant aucun grief à Madame Yvette X...divorcée Y..., ne saurait emporter la nullité des titres » ;

ALORS QUE, premièrement, dès lors que l'article 467 alinéa 3 du Code civil énonce : « à peine de nullité, toute signification faite à cette dernière la personne protégée elle l'est également au curateur » ; que le texte ne procède à aucune distinction s'agissant des significations ; qu'en décidant au contraire, qu'il convenait de distinguer selon qu'on était en présence d'un acte imposant l'assistance du curateur ou d'un acte ne requérant pas l'assistance du curateur, les juges du fond ont violé l'article 467 alinéa 3 du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'assistance du curateur, telle qu'envisagée par l'article 467 du code civil, concerne l'hypothèse où le majeur protégé prend l'initiative de conclure un acte susceptible de le lier en vertu des règles gouvernant les actes juridiques ; que le texte ne saurait donc s'appliquer à l'hypothèse où un tiers entend opposer unilatéralement un acte, telle qu'une signification, pour lui faire produire des effets à l'égard du majeur ; qu'en soumettant la signification à des règles qui ne lui étaient pas applicables, les juges du fond ont violé l'article 467 du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, aux termes de l'article 468 alinéa 3 du Code civil, « cette assistance celle du curateur est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre » ; qu'il est dès lors inexact d'énoncer que le recours à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer pouvait être formé par le majeur sans l'assistance du curateur ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 468 alinéa 3 du Code civil ;

ALORS QUE, quatrièmement, et en tout cas, dans l'hypothèse d'une procédure unilatérale qui laisse le débiteur dans l'ignorance de la condamnation, le porté à connaissance de la décision que réalise la signification, en tant qu'il permet l'exercice de l'action en justice, doit être soumis à un régime concordant avec celui gouvernant l'exercice de l'action en justice ; qu'il s'en suit que, l'action en justice supposant l'assistance du curateur, la décision à l'origine de l'action doit lui être signifiée ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 467 alinéa 3 et 468 alinéa 3 du code civil ;

ALORS QUE, cinquièmement, vainement objecterait-on que les motifs des premiers juges, à supposer qu'ils soient adoptés, confère une base légale à l'arrêt attaqué ; que la nullité procédant d'une violation de l'article 467 du code civil est une nullité de fond, opérant même sans grief ; qu'il s'en suit que c'est à tort que les premiers juges ont écarté la nullité au motif que l'absence de signification à la curatrice ne créait aucun grief à Mme Yvette Y...; que de ce point de vue également, l'arrêt a été rendu en violation de l'article 467 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-19715
Date de la décision : 08/06/2016
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Curatelle - Curateur - Acte de procédure - Signification - Défaut - Portée

PROCEDURE CIVILE - Acte de procédure - Nullité - Irrégularité de fond - Notification - Notification à un majeur en curatelle - Absence de notification au curateur ACTION EN JUSTICE - Capacité - Cas - Majeur protégé - Majeur en curatelle - Assistance du curateur - Nécessité

Toute signification faite à la personne en curatelle l'est également à son curateur, à peine de nullité, et l'assistance du curateur est requise pour introduire une action en justice ou y défendre


Références :

article 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 07 avril 2015

Dans le même sens que :1re Civ., 17 Décembre 1991, pourvoi n° 90-15687, Bull. 1991, I, n° 356 (cassation)

arrêt cité ;1re Civ., 6 février 1996, pourvoi n° 93-21053, Bull. 1996, I, n° 65 (cassation sans renvoi)

arrêt cité ;1re Civ., 23 février 2011, pourvoi n° 09-13867, Bull. 2011, I, n° 37 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités ;1re Civ., 23 septembre 2015, pourvoi n° 14-19098, Bull. 2015, I, n° 219 (cassation partielle), et les arrêts cités


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 jui. 2016, pourvoi n°15-19715, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard De La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Vincent et Ohl

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.19715
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