La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2016 | FRANCE | N°14-18821

France | France, Cour de cassation, Assemblee pleniere, 08 avril 2016, 14-18821


Arrêt n° 628 P + B + R + I

Pourvoi n° X 14-18.821
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Philippe X..., domicilié ..., 78240 Chambourcy,
contre l'arrêt rendu le 9 avril 2014 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MP Financial Services France, dont le siège est 159 avenue Achille Peretti, 92200 Neuilly sur Seine,
défenderesse à la cassation ;
La chambre sociale a, par arrêt du 15 novembre 2015, décidé le renvoi de l

'affaire devant l'assemblée plénière ;
Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemb...

Arrêt n° 628 P + B + R + I

Pourvoi n° X 14-18.821
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Philippe X..., domicilié ..., 78240 Chambourcy,
contre l'arrêt rendu le 9 avril 2014 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MP Financial Services France, dont le siège est 159 avenue Achille Peretti, 92200 Neuilly sur Seine,
défenderesse à la cassation ;
La chambre sociale a, par arrêt du 15 novembre 2015, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;
Le demandeur au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Lyon-Caen et Thiriez ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat de la société MP Financial Services France ;
Le rapport écrit de Mme Farthouat-Danon, conseiller, et l'avis écrit de M. Petitprez, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 25 mars 2016, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, M. Guérin, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, M. Chauvin, présidents, Mme Farthouat-Danon, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, M. Chollet, Mme Bignon, MM. Prétot, Pers, Mme Fossaert, MM. Finidori, Liénard, Mme Dagneaux, MM. Marcus et Vigneau, conseillers, M. Petitprez, avocat général, Mme Morin, directeur de greffe adjoint ;
Sur le rapport de Mme Farthouat-Danon, conseiller, assisté de Mme Françoise Catton, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, de la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, l'avis de M. Petitprez, avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société MP Financial Services France, a démissionné le 24 avril 2008, pour être engagé par une société de droit suisse du même groupe afin d'exercer les fonctions de directeur exécutif à Genève ; qu'après la rupture de son contrat de travail avec cette société, M. X... a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes dirigées contre la société MP Financial Services France ; que, par jugement d'incompétence du 11 mai 2012, dont la date de prononcé a été portée à la connaissance des parties par leur émargement sur les notes d'audience, le conseil de prud'hommes a dit que les demandes de l'intéressé n'étaient pas recevables devant lui et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; que le greffe a notifié ce jugement à M. X... le 15 mai 2012, par une lettre mentionnant qu'il était susceptible d'appel, puis lui a adressé une " notification rectificative " reçue le 22 mai 2012, indiquant que la voie de recours ouverte était le contredit ; que M. X..., qui avait interjeté appel le 22 mai 2012, a formé le 29 mai 2012 un contredit reçu au greffe le 31 mai 2012 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire irrecevable son appel, alors, selon le moyen, que la décision du juge qui se prononce sur la compétence et tranche pour partie le fond ne peut être attaquée que par la voie de l'appel ; qu'en jugeant néanmoins que l'appel était irrecevable contre le jugement déféré, bien que le dispositif de celui-ci ne se soit pas borné à statuer sur la compétence mais tranchait également une partie du fond, la cour d'appel a violé l'article 80 du code de procédure civile ;
Mais attendu que le conseil de prud'hommes, qui, saisi d'une exception d'incompétence au profit d'une juridiction étrangère, a, au visa de l'article 96 du code de procédure civile, dit que les demandes n'étaient pas " recevables par le présent conseil " et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, a, en dépit de termes inappropriés, statué uniquement sur sa compétence, en sorte que la cour d'appel a exactement décidé que seule la voie du contredit était ouverte ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 82 du code de procédure civile ;
Attendu que le délai de contredit prévu par ce texte ne court pas contre la partie qui a reçu, avant son expiration, une notification du jugement, non prévue par ces dispositions, mentionnant une voie de recours erronée ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme tardif le contredit, l'arrêt retient que, lorsque les parties ont eu connaissance, comme en l'espèce, de la date à laquelle le jugement serait rendu, le délai pour former contredit court à compter du prononcé du jugement, l'erreur sur les modalités de notification étant inopérante ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le greffe du conseil de prud'hommes avait d'abord notifié le jugement à M. X... en mentionnant l'appel comme voie de recours, de sorte que le délai de quinze jours pour former contredit n'avait couru qu'à compter de la notification rectificative, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le contredit irrecevable, l'arrêt rendu le 9 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi sur la recevabilité du contredit ;
DÉCLARE le contredit recevable ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société MP Financial Services France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MP Financial Services France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé le huit avril deux mille seize par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOYENS ANNEXÉS au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. Philippe X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel formé par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE : « le jugement du conseil de prud'hommes a été notifié par le greffe, par lettre recommandée avec avis de réception signé le 15 mai 2012, avec la précision que la voie de recours était l'appel ; que M. X... a interjeté appel le 22 mai 2012 ; que, par lettre recommandée avec avis de réception signé le 22 mai 2012, le greffe a procédé à une « notification rectificative d'un jugement (erreur dans la qualification du jugement) » indiquant que la voie de recours ouverte était le contredit ; que cette notification ne constitue pas une modification de la décision comme le soutient M. X... ; que M. X... a formé un contredit par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 31 mai 2012 par le conseil de prud'hommes ; qu'en application de l'article 80 du code de procédure civile, lorsque le juge se prononce sur la compétence sans trancher le fond du litige, sa décision ne peut être attaquée que par la voie du contredit, quand bien même le juge aurait tranché la question de fond dont dépend la compétence ; que la seule voie du contredit étant ouverte contre le jugement déféré, l'appel de M. X... est irrecevable ; »
ALORS QUE la décision du juge qui se prononce sur la compétence et tranche pour partie le fond ne peut être attaquée que par la voie de l'appel ; qu'en jugeant néanmoins que l'appel était irrecevable contre le jugement déféré, bien que le dispositif de celui-ci ne se soit pas borné à statuer sur la compétence mais tranchait également une partie du fond, la cour d'appel a violé l'article 80 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable le contredit formé par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE : « le jugement du conseil de prud'hommes a été notifié par le greffe, par lettre recommandée avec avis de réception signé le 15 mai 2012, avec la précision que la voie de recours était l'appel ; que M. X... a interjeté appel le 22 mai 2012 ; que, par lettre recommandée avec avis de réception signé le 22 mai 2012, le greffe a procédé à une « notification rectificative d'un jugement (erreur dans la qualification du jugement) » indiquant que la voie de recours ouverte était le contredit ; que cette notification ne constitue pas une modification de la décision comme le soutient M. X... ; que M. X... a formé un contredit par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 31 mai 2012 par le conseil de prud'hommes ; (…) que le contredit doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci ; que, lorsque les parties ont eu connaissance de la date à laquelle le jugement serait rendu, comme en l'espèce, cela résulte de l'émargement par les parties des notes d'audience du bureau de jugement portant la date de la mise à disposition du jugement, 11 mai 2012, le délai court à compter du prononcé du jugement ; qu'il en résulte que l'erreur sur les modalités de notification est inopérante ; que le contredit formé le 29 mai 2012 est tardif et donc irrecevable ; » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la mention erronée dans l'acte de notification de la voie de recours ouverte a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours ; que, pour juger que le contredit formé le 29 mai 2012 était tardif et partant irrecevable, la cour d'appel a considéré que le délai de contredit avait pour point de départ la date du prononcé du jugement, soit le 11 mai 2012, et qu'il avait continué à courir malgré le caractère erroné de la mention de la voie de recours ouverte figurant dans la notification du jugement du conseil de prud'hommes effectuée le 15 mai 2012 ; qu'en statuant ainsi, quand l'erreur ainsi commise avait eu pour effet d'interrompre le délai du contredit, la cour d'appel a violé les articles 82 et 680 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
ALORS, D'AUTRE PART et en tout état de cause, QUE le délai de recours ne court pas lorsque le jugement porte une mention erronée sur sa qualification ; qu'en retenant que le délai de contredit avait expiré au moment où M. X... avait régularisé son contredit, quand il résulte de l'arrêt attaqué que le jugement entrepris avait été inexactement qualifié, de sorte que le délai de contredit n'avait en l'espèce pas couru, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 82 et 536 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Assemblee pleniere
Numéro d'arrêt : 14-18821
Date de la décision : 08/04/2016
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi

Analyses

COMPETENCE - Décision sur la compétence - Notification - Notification non nécessaire - Voies de recours - Indication erronée - Effets

DELAIS - Voies de recours - Point de départ - Notification - Notification non nécessaire - Mentions - Indication erronée de la voie de recours ouverte - Portée JUGEMENTS ET ARRETS - Notification - Notification en la forme ordinaire - Mentions - Voies de recours - Indication erronée - Effet COMPETENCE - Décision sur la compétence - Contredit - Délai - Point de départ - Date de prononcé du jugement - Conditions - Détermination - Portée

Le délai de contredit prévu par l'article 82 du code de procédure civile ne court pas contre la partie qui a reçu, avant son expiration, une notification du jugement, non prévue par ces dispositions, mentionnant une voie de recours erronée. Viole ce texte la cour d'appel qui, pour déclarer irrecevable comme tardif le contredit, retient que, lorsque les parties ont eu connaissance de la date à laquelle le jugement serait rendu, le délai pour former contredit court à compter du prononcé du jugement, l'erreur sur les modalités de notification étant inopérante, alors qu'elle constatait que le greffe avait, pendant ce délai, notifié le jugement à l'intéressé en mentionnant l'appel comme voie de recours


Références :

Sur le numéro 1 : article 80 du code de procédure civile
Sur le numéro 2 : article 82 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 avril 2014

Sur le n°1 :Sur la recevabilité de l'appel lorsque le dispositif de la décision déclare la demande irrecevable, à rapprocher :2e Civ., 28 février 1996, pourvoi n° 93-16900, Bull. 1996, II, n° 39 (cassation)Sur le n°2 :Sur les conséquences d'une notification erronée des voies de recours ouvertes s'agissant d'un jugement d'incompétence n'ayant pas à être notifié, en sens contraire :2e Civ., 19 mai 1980, pourvoi n° 79-10319, Bull. 1980, II, n° 116 (rejet)Sur les conséquences d'une notification erronée des voies de recours ouvertes hors cette hypothèse, à rapprocher :Com., 23 mars 1993, pourvoi n° 91-10717, Bull. 1993, IV, n° 116 (1) (rejet) ;Soc., 27 novembre 1997, pourvoi n° 96-12751, Bull. 1997, V, n° 411 (cassation) ;2e Civ., 12 février 2004, pourvoi n° 02-13332, Bull. 2004, II, n° 57 (cassation), et les arrêts cités ;2e Civ., 9 avril 2015, pourvoi n° 14-18772, Bull. 2015, II, n° 91 (cassation)

arrêt cité ;2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 14-23768, Bull. 2015, II, n° ??? (cassation)

arrêt cité ;

2e Civ., 28 janvier 2016, pourvoi n° 15-11391, Bull. 2016, II, n° ??? (cassation)Sur la nécessité, lorsque le jugement n'est pas prononcé sur le champ, de porter à la connaissance des parties la date de prononcé du jugement pour faire courir le délai de contredit à compter de cette date :2e Civ., 11 janvier 1978, pourvoi n° 76-11237, Bull. 1978, II, n° 13 (1) (rejet) ;2e Civ., 23 avril 1980, pourvoi n° 79-13692, Bull. 1980, II, n° 78 (rejet) ;2e Civ., 7 juillet 1983, pourvoi n° 82-11760, Bull. 1983, II, n° 146 (cassation)

arrêt cité ;Soc., 11 octobre 1994, pourvoi n° 90-44122, Bull. 1994, V, n° 275 (rejet)

arrêt cité ;2e Civ., 11 juin 1997, n° 95-14.635, Bull. 1997, II, n° 172 (cassation partielle)

arrêt cité ;2e Civ., 24 juin 1998, n° 94-44.674, Bull. 1998, II, n° 208 (rejet) ;Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 11-27312, Bull. 2013, V, n° 57 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Ass. Plén., 08 avr. 2016, pourvoi n°14-18821, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (premier président), assisté de Mme Catton, auditeur au service de documentation, des études et du rapport
Avocat général : M. Petitprez
Rapporteur ?: Mme Farthouat-Danon, assistée de Mme Catton, auditeur au service de documentation, des études et du rapport
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:14.18821
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award