LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en référé (Paris, 17 novembre 2010), que par un accord du 16 février 2000, une unité économique et sociale (UES) a été reconnue entre les sociétés du groupe Monoprix, avec mise en place d'un comité central d'entreprise ; que par un arrêté du 16 décembre 2008, le ministre du travail a étendu à l'ensemble des employeurs et salariés compris dans le champ d'application de la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires du 30 juin 2000, l'annexe du 31 mars 2008 relative à la classification des différents emplois de la profession ; qu'à la suite de la mise en oeuvre dans l'UES de la nouvelle classification, le comité central d'entreprise a saisi la juridiction des référés afin qu'il soit ordonné aux sociétés composant l'UES de procéder à la consultation du comité central d'entreprise ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés composant l'UES du groupe Monoprix font grief à l'arrêt de dire que le défaut de consultation du comité central d'entreprise sur la mise en oeuvre de la nouvelle classification constitue un trouble manifestement illicite et d'ordonner en conséquence la transmission d'un certain nombre de pièces au comité sous astreinte, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation pour l'employeur d'informer et de consulter le comité d'entreprise en application des articles L. 2323-6 du code du travail, « sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle » et L. 2323-27, « sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération, pour qu'il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur », ne concerne que les décisions, projets ou manifestations de volonté de l'employeur ; qu'en ayant décidé que la mise en place de la nouvelle classification professionnelle prévue par l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre du travail, obligatoire pour les entreprises rentrant dans son champ d'application, devait faire l'objet de l'information et de la consultation du comité d'entreprise prévues par ces textes et que leur absence caractérisait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel les a violés ainsi que l'article 809 du code de procédure civile ;
2°/ que l'employeur a seulement l'obligation, en application de l'article L. 2262-6 du code du travail, de fournir chaque année au comité d'entreprise la liste des modifications apportées aux conventions ou accords applicables dans l'entreprise ; que l'entrée en vigueur obligatoire d'un accord collectif étendu rentre dans le champ d'application de ce seul texte ; qu'en ayant décidé qu'elle devait conduire à l'information et la consultation prévues aux articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail, la cour d'appel a violé ces textes et l'article 809 du code de procédure civile ;
3°/ que selon l'article L. 2323-6 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle ; qu'en n'ayant pas caractérisé en quoi la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle en application de l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, dont il était expressément constaté qu'elle ne pouvait avoir pour effet une diminution des appointements nets mensuels d'un salarié ni un déclassement, intéressait l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, constituait une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;
4°/ que selon l'article L. 2323-27 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération ; qu'à cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions ; qu'en n'ayant pas caractérisé en quoi la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle en application de l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, dont il était expressément constaté qu'elle ne pouvait avoir pour effet une diminution des appointements nets mensuels d'un salarié ni un déclassement, intéressait les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération, et en quoi le comité d'entreprise pouvait être amené à étudier « les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa » à formuler des propositions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-27 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;
5°/ que la cour d'appel a statué par voie d'affirmation en ayant énoncé que la modification dans l'intitulé et le regroupement de certains emplois sous un même libellé « étaient susceptibles d'avoir des incidences sur les tâches exercées », violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 2323-6 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la mise en oeuvre de ces mesures résulte d'une décision unilatérale de l'employeur ou lui soit imposée par un accord collectif étendu ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'accord étendu du 30 mars 2008 avait pour objet l'évaluation et le positionnement des différents emplois de la profession selon des règles communes, la nouvelle classification devenant le support des appointements minimaux, qu'au sein du groupe Monoprix, le nombre des intitulés d'emplois avait été réduit des deux tiers tant pour le siège que pour les magasins et que le regroupement de certains emplois sous un même intitulé tel celui d'électricien hautement qualifié devenant agent de maintenance, était susceptible d'avoir une incidence sur les tâches exercées par les salariés, ce dont il se déduisait que les mesures en cause intéressaient la marche générale de l'entreprise et notamment étaient susceptibles d'affecter la structure des effectifs, la cour d'appel a pu décider, que le défaut de consultation du comité central d'entreprise constituait un trouble manifestement illicite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que les sociétés composant l'UES font grief à l'arrêt de les condamner à payer au comité central d'entreprise une provision, alors, selon le moyen, que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ; qu'en ayant énoncé que le seul constat de l'existence d'un trouble manifestement illicite du fait de l'atteinte aux prérogatives du CCE ouvrait droit à réparation, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'entrave aux prérogatives du comité d'entreprise, la cour d'appel a pu en déduire que l'obligation de réparer le préjudice qui en est résulté, n'était pas sérieusement contestable et allouer à celui-ci une provision à valoir sur cette réparation ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés demanderesses aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au comité central d'entreprise de l'UES du groupe Monoprix la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils pour les sociétés demanderesses
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt d'avoir décidé que le défaut d'information et de consultation du comité central d'entreprise (CCE) de l'Unité économique et sociale (UES) du groupe Monoprix, sur la mise en place des nouvelles qualifications, classifications et libellés d'emplois en application de l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre du travail, constituait un trouble manifestement illicite, et ordonné sous astreinte aux sociétés composant l'UES Monoprix de procéder à l'information et la consultation du CCE sur les nouvelles qualifications, classifications et libellés d'emplois mis en place depuis mai 2009 ;
Aux motifs propres que le différend portait sur le point de savoir si le CCE devait être consulté ou non sur la mise en place de la nouvelle classification professionnelle au sein des sociétés du groupe ; que le CCE se prévalait du trouble manifestement illicite causé par l'absence d'information et de consultation et les sociétés composant l'UES répliquaient que ces information et consultation n'étaient pas prévues sur l'application obligatoire d'un accord collectif de branche étendu ; que cependant, le caractère obligatoire de la mesure n'exonérait pas l'entreprise de son obligation de consulter le comité d'entreprise, dès lors que les mesures prises intéressaient la marche générale de l'entreprise et étaient de nature à affecter les conditions d'emploi des salariés au sens de l'article L. 2323-6 du code du travail ; que l'annexe à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires avait pour objet la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle dans les entreprises relevant de son champ d'application ; qu'elle rappelait en préambule que la classification des emplois avait pour objet l'évaluation et le positionnement des différents emplois de la profession selon des règles communes et servait de support aux appointements minimaux ; qu'en conséquence de cette nouvelle classification, les intitulés d'emplois étaient passés de 277 à 92 pour le siège et de 187 à 60 pour les magasins ; qu'il était établi par les bulletins de paie de quelques salariés produits à tire d'exemple que le libellé des métiers avait été revisité ; que cette modification dans l'intitulé de l'emploi (électricien devenu agent de maintenance) et le regroupement de certains emplois sous un même libellé (approvisionneur, caissier approvisionneur et caissier réassortisseur regroupés sous le même intitulé d'employé commercial libre service) étaient susceptibles d'avoir des incidences sur les tâches exercées et auraient dû faire l'objet d'une consultation du CCE ; Aux motifs éventuellement adoptés que selon l'article L. 2323-27, le comité d'entreprise était informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération ; qu'à cet effet, il étudiait les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formulait des propositions ; que l'application de la nouvelle classification avait été l'occasion de réviser l'ensemble des libellés d'emplois des sociétés du groupe ; que l'annexe avait permis la fixation de garanties minimales de rémunération par niveaux de qualification professionnelle par un accord collectif ; que bien qu'elle stipulait que la nouvelle classification ne pouvait avoir pour effet une diminution des appointements nets mensuels d'un salarié ni un déclassement, l'accord du 31 mars 2008 avait eu un impact sur les conditions d'emploi, de qualification et de rémunération des salariés des sociétés composant l'UES Monoprix et qu'à ce titre, le CCE aurait dû être consulté ;
Alors 1°) que l'obligation pour l'employeur d'informer et de consulter le comité d'entreprise en application des articles L. 2323-6 du code du travail, « sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise, et notamment les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle » et L. 2323-27, « sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération, pour qu'il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur », ne concerne que les décisions, projets ou manifestations de volonté de l'employeur ; qu'en ayant décidé que la mise en place de la nouvelle classification professionnelle prévue par l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension du ministre du travail, obligatoire pour les entreprises rentrant dans son champ d'application, devait faire l'objet de l'information et de la consultation du comité d'entreprise prévues par ces textes et que leur absence caractérisait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel les a violés ainsi que l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors 2°) que l'employeur a seulement l'obligation, en application de l'article L. 2262-6 du code du travail, de fournir chaque année au comité d'entreprise la liste des modifications apportées aux conventions ou accords applicables dans l'entreprise ; que l'entrée en vigueur obligatoire d'un accord collectif étendu rentre dans le champ d'application de ce seul texte ; qu'en ayant décidé qu'elle devait conduire à l'information et la consultation prévues aux articles L. 2323-6 et L. 2323-27 du code du travail, la cour d'appel a violé ces textes et l'article 809 du code de procédure civile ;
Alors 3°) et en tout état de cause, que selon l'article L. 2323-6 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle ; qu'en n'ayant pas caractérisé en quoi la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle en application de l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, dont il était expressément constaté qu'elle ne pouvait avoir pour effet une diminution des appointements nets mensuels d'un salarié ni un déclassement, intéressait l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et, notamment, constituait une mesure de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-6 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;
Alors 4°) et en tout état de cause, que selon l'article L. 2323-27 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération ; qu'à cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions ; qu'en n'ayant pas caractérisé en quoi la mise en place d'une nouvelle classification professionnelle en application de l'annexe du 31 mars 2008 à la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires, dont il était expressément constaté qu'elle ne pouvait avoir pour effet une diminution des appointements nets mensuels d'un salarié ni un déclassement, intéressait les conditions de travail résultant de l'organisation du travail, de la technologie, des conditions d'emploi, de l'organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération, et en quoi le comité d'entreprise pouvait être amené à étudier « les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l'employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa » à formuler des propositions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2323-27 du code du travail et 809 du code de procédure civile ;
Alors 5°) que la cour d'appel a statué par voie d'affirmation en ayant énoncé que la modification dans l'intitulé et le regroupement de certains emplois sous un même libellé « étaient susceptibles d'avoir des incidences sur les tâches exercées », violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)Il est reproché à l'arrêt d'avoir condamné in solidum les sociétés de l'UES du Groupe Monoprix à payer au comité Central d'entreprise une provision de 10.000 € ;
Aux motifs que le seul constat de l'existence d'un trouble manifestement illicite du fait de l'atteinte aux prérogatives du CCE ouvrait droit à réparation ;
Alors que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ; qu'en ayant énoncé que le seul constat de l'existence d'un trouble manifestement illicite du fait de l'atteinte aux prérogatives du CCE ouvrait droit à réparation, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile.