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14/03/2012 | FRANCE | N°11-81274

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 2012, 11-81274


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Pascal X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 16 février 2011, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'agression sexuelle aggravée et tentative, administration de substances nuisibles avec préméditation, s'est déclarée incompétente et a renvoyé le ministère public à se pourvoir ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des piè

ces de procédure que M. X... a fait l'objet d'une convocation par le procureur de la Rép...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Pascal X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 16 février 2011, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'agression sexuelle aggravée et tentative, administration de substances nuisibles avec préméditation, s'est déclarée incompétente et a renvoyé le ministère public à se pourvoir ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a fait l'objet d'une convocation par le procureur de la République, devant le tribunal correctionnel, pour des faits commis sur les personnes de Mme Y... et de Mme Z..., qualifiés d'agressions sexuelles et d'administration de substances nuisibles aggravées ; qu'à la demande des parties civiles, après avoir joint l'incident au fond, le tribunal a constaté la nature criminelle des faits dont il était saisi, s'est déclaré incompétent et a invité le ministère public à mieux se pourvoir ; que, saisie de l'appel du ministère public et du prévenu, la cour d'appel a confirmé le jugement ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire, 63 et suivants, 385 du code de procédure pénale, 5, 6, 13 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré l'exception de nullité de la garde à vue irrecevable ;
"aux motifs que, suivant les dispositions de l'article 385 dernier alinéa du code de procédure pénale, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond ; que, dès lors, l'exception de nullité invoquant, pour la première fois devant la Cour d'Appel, la nullité de la garde à vue, est irrecevable ;
"alors qu'il ne saurait être fait reproché à un justiciable de ne pas avoir soulevé la nullité de la garde à vue dont il a fait l'objet à une époque où le grief tiré du défaut d'assistance d'un avocat lors des auditions en garde à vue n'était pas opérant ; qu'ainsi, la cour d'appel ne pouvait déclarer irrecevable l'exception de nullité de la garde à vue de M. X... soulevée à l'audience du 12 janvier 2001 sans violer tout à la fois les droits de la défense et le droit à un recours effectif ainsi que le principe d'égalité entre les justiciables" ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'exception de nullité soulevée pour la première fois devant la cour d'appel, prise de ce que le prévenu n'avait pas bénéficié du droit d'être assisté d'un avocat au cours de ses auditions en garde à vue, l'arrêt énonce que, selon les dispositions de l'article 385, dernier alinéa, du code de procédure pénale, les exceptions de nullité doivent être soulevées avant toute défense au fond ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de ce texte et n'a pas méconnu les principes conventionnels invoqués au moyen ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure pénale, 222-22, 222-27, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48 du code pénal, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a requalifié les faits d'agression sexuelle en fait de viol et tentative de viol en se fondant sur les déclarations de M. X... en garde à vue ;
"aux motifs qu'à juste titre les premiers juges ont considéré que les faits sont de nature à entraîner une peine criminelle sous la qualification de viol ou tentative de viol ; qu'en effet le docteur A..., expert gynécologique, ayant examiné Mme Y... le 4 septembre 2009, soit environ un mois après les faits du 6 août 2009, sous coloscopie et au bleu de toluidine, a conclu qu'elle avait eu une relation sexuelle dans le mois précédant l'examen suffisamment intense pour laisser des traces, soit une large bande d'abrasion au niveau de la partie postérieure de la vulve avec une plaque de coloration particulièrement intense sur le versant interne de la petite lèvre à droite ; qu'or, elle a déclaré que depuis le 6 août elle n'avait pas eu de relation sexuelle ; que le docteur B... a certes contredit les conclusions du docteur A... ; qu'il avait examiné Mme Y... le 11 août 2009 ; que, cependant il n'est pas expert gynécologue et n'a effectué qu'un examen à l'oeil nu à l'aide d'un spéculum ; qu'en outre, les conclusions du docteur A... sont beaucoup plus étayées ; que la crédibilité de Mme Y... ne paraît pas pouvoir être mise en doute et les conclusions du docteur A... permettent de qualifier les faits de viol ; qu'au demeurant en fin de garde à vue, M. X... a reconnu un début de pénétration, ayant introduit son sexe et effectué deux ou trois mouvements avant que Mme Y... reprenne ses esprits ; qu'à l'audience, il a reconnu qu'il avait l'intention d'avoir une relation sexuelle avec elle après lui avoir administré une substance somnifère ; que rien ne permet non plus de douter de la crédibilité de Mme Z... qui a déclaré que c'était la pénétration vaginale qui l'avait réveillée ;
"alors que les déclarations de la personne gardée à vue recueillies sans l'assistance d'un avocat et sans avoir reçu notification du droit de se taire ne peuvent servir de support à une décision de condamnation, pas plus qu'à une requalification de faits délictuels en faits criminels ; qu'en se fondant sur les déclarations de M. X... selon lesquels il reconnaissait un début de pénétration sexuelle pour requalifier le délit d'agression sexuelle en crime de viol et tentative de viol, la cour d'appel a méconnu le droit de toute personne de ne pas contribuer à sa propre incrimination qui découle du droit à un procès équitable" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles préliminaire du code de procédure pénale, 111-4, 222-22, 222-27, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48 du Code pénal, 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a dit que les faits d'agression sexuelle, administration de substance nuisible avec préméditation ou guet-apens suivi d'incapacité n'excédant pas 8 jours étaient de nature à entraîner une peine criminelle et a renvoyé le ministère public à mieux se pourvoir ;
"aux motifs qu'à juste titre, les premiers juges ont considéré que les faits sont de nature à entraîner une peine criminelle sous la qualification de viol ou tentative de viol ; qu'en effet, le docteur A..., expert gynécologique, ayant examiné Mme Y... le 4 septembre 2009, soit environ un mois après les faits du 6 août 2009, sous coloscopie et au bleu de toluidine, a conclu qu'elle avait eu une relation sexuelle dans le mois précédant l'examen suffisamment intense pour laisser des traces, soit une large bande d'abrasion au niveau de la partie postérieure de la vulve avec une plaque de coloration particulièrement intense sur le versant interne de la petite lèvre à droite ; qu'or elle a déclaré que depuis le 6 août elle n'avait pas eu de relation sexuelle ; que le docteur B... a certes contredit les conclusions du docteur A... ; qu'il avait examiné Mme Y... le 11 août 2009 ; que cependant, il n'est pas expert gynécologue et n'a effectué qu'un examen à l'oeil nu à l'aide d'un spéculum. En outre les conclusions du docteur A... sont beaucoup plus étayées. La crédibilité de Mme Y... ne paraît pas pouvoir être mise en doute et les conclusions du docteur A... permettent de qualifier les faits de viol ; qu'au demeurant en fin de garde à vue, M. X... a reconnu un début de pénétration, ayant introduit son sexe et effectué deux ou trois mouvements avant que M. Y... reprenne ses esprits ; qu'à l'audience, il a reconnu qu'il avait l'intention d'avoir une relation sexuelle avec elle après lui avoir administré une substance somnifère ; que rien ne permet non plus de douter de la crédibilité de Mme Z... qui a déclaré que c'était la pénétration vaginale qui l'avait réveillée ;
"alors qu'une expertise effectuée un mois après les faits ne pouvait justifier la requalification des faits d'agression sexuelle en faits criminels lorsqu'une expertise postérieure de cinq jours seulement après les faits concluait à l'absence de pénétration sexuelle ; qu'ainsi, l'arrêt ne pouvait décider que les faits étaient susceptibles de recevoir une qualification criminelle sans s'expliquer sur cette contradiction manifeste" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour retenir la nature criminelle des faits dont elle était saisie, la cour d'appel prononce par les motifs suffisants et non contradictoires repris aux moyens, desquels il résulte qu'elle ne s'est fondée ni exclusivement ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros, la somme globale que M. X... devra payer à Mme Z... et à Mme Y... au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Foulquié conseiller rapporteur, M. Pometan conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-81274
Date de la décision : 14/03/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception d'incompétence - Nature criminelle des faits - Motifs - Motifs suffisants et non contradictoires - Motifs non fondés sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue sans l'assistance de l'avocat

GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Assistance de l'avocat - Défaut - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Absence - Portée DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Assistance de l'avocat - Défaut - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Absence - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droits de la défense - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Droit à l'assistance d'un avocat - Valeur probante des déclarations de la personne gardée à vue - Compatibilité - Cas - Motifs non fondés sur les déclarations faites au cours de la garde à vue sans l'assistance de l'avocat

Une cour d'appel, saisie d'une exception d'incompétence en raison de la nature criminelle des faits et devant laquelle est invoquée l'inopposabilité des déclarations du prévenu, reçues, sans l'assistance d'un avocat, pendant la garde à vue, prononce sur l'exception par des motifs suffisants et non contradictoires, dès lors qu'il en résulte qu'elle ne s'est fondée, ni exclusivement, ni même essentiellement, sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue


Références :

articles 63 et suivants du code de procédure pénale

article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 16 février 2011

Sur les motifs non fondés sur les déclarations recueillies au cours d'une garde à vue sans l'assistance d'un avocat, à rapprocher :Crim., 7 février 2012, pourvoi n° 11-83676, Bull. crim. 2012, n° 37 (rejet) ;Crim., 6 mars 2012, pourvoi n° 11-84711, Bull. crim. 2012, n° 60 (1) (cassation partielle)

arrêt cité ;Crim., 14 mars 2012, pourvoi n° 11-85827, Bull. crim. 2012, n° 73 (2) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mar. 2012, pourvoi n°11-81274, Bull. crim. criminel 2012, n° 72
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2012, n° 72

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: M. Foulquié
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.81274
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