LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Mme Anne X..., épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 7 avril 2011, qui, pour entrave à l'exercice du droit syndical, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende dont 3 000 avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme L. 2146-1, L. 2146-10, L. 2263-1 du code du travail, 111-4 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y... coupable d'entrave à l'exercice du droit syndical ;
"aux motifs que selon l'article L. 2146-1 du code du travail, visé par la prévention, le fait d'apporter une entrave à l'exercice du droit syndical, défini par les articles L. 2141-4, L. 2141-9 et L. 2141-11 à L. 2143-22, est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3 750 euros ; que l'article L. 2263-1 du code du travail dispose que lorsqu'en application d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif de travail étendu déroge à des dispositions légales, les infractions aux stipulations dérogatoires sont punies des sanctions qu'entraîne la violation des dispositions légales en cause ; que l'article 7-8 de la convention collective des grands magasins qui a été étendue par arrêté du 20 décembre 2001, prévoit de nouvelles modalités d'application du droit syndical reconnu dans toutes les entreprises par l'article L. 2141-4 du code du travail, en imposant à l'employeur une négociation avec les délégués syndicaux à l'occasion de toute décision ayant pour effet de fixer, au-delà de 20 heures, l'heure de fermeture du magasin ; que l'article L. 2141-10 dispose que les dispositions du code du travail concernant l'exercice du droit syndical ne font pas obstacle aux Conventions ou accords collectifs de travail comportant des clauses plus favorables ; que l'article 7-8 de la Convention collective dérogeant plus favorablement au droit syndical en vertu de cette disposition légale expresse, sa violation est donc susceptible de recevoir la qualification pénale du délit d'entrave, conformément à l'article L. 2263-1 du code du travail précité ; que l'élément légal de l'infraction poursuivie est donc établi ; que les dispositions de l'article 7-8 de la Convention collective sont très claires, soumettant sans ambiguïté à la négociation toute décision ayant pour objet de fixer, au-delà de 20 heures, l'heure de fermeture d'un magasin ; qu'elles ne comportent aucune dérogation qui tiendrait compte du caractère exceptionnel et temporaire de la décision prise ; que par ailleurs, rien n'empêchait Mme Y... de la mettre en oeuvre en tenant compte du calendrier nécessaire à son déroulement, en vue d'un report de l'heure de fermeture pendant la saison estivale 2008 ; qu'il convient également de rappeler, que c'est à l'employeur qu'il appartient d'engager la négociation, sans attendre une manifestation expresse des délégués syndicaux et refuser sa mise en oeuvre au seul motif d'une opposition de principe manifestée par certains d'entre eux ; qui plus est, il est établi que Mme Y... a refusé cette négociation et persisté, malgré les interventions et demandes de l'inspecteur du travail qui a été saisi par une déléguée syndicale ; que les éléments matériel et intentionnel de l'infraction sont donc, eux aussi, établis ;
"1) alors qu'il résulte de la combinaison des articles L. 2146-1 et L. 2263-1 du code du travail que seuls caractérisent le délit d'entrave à l'exercice du droit syndical les manquements aux dispositions légales définissant les droits reconnus aux syndicats dans une matière déterminée au sein des entreprises, et aux conventions ou accords collectifs étendus dérogeant à ces dispositions légales en vertu d'une disposition législative expresse ; qu'en l'absence de disposition légale expresse en la matière, l'obligation de négociation avec les organisations syndicales en cas de modification de l'heure de fermeture d'un magasin imposée par les dispositions de l'article 7.8 de la Convention collective nationale des grands magasins, qui ajoutait un droit nouveau purement conventionnel, n'entrait pas dans les prévisions des textes précités ; qu'en retenant néanmoins sa violation comme constitutive du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des articles visés au moyen et privé sa décision de toute base légale ;
"2) alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 2263-1 du code du travail que la méconnaissance d'une disposition conventionnelle n'est susceptible d'être constitutive d'une entrave à l'exercice du droit syndical qu'à la condition que la convention ou l'accord collectif de travail étendu ait bien dérogé à des dispositions légales en vertu d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée ; qu'en affirmant que l'article L. 2141-10 du code du travail qui autorise, de façon générale, les accords ou conventions collectifs à adopter des clauses plus favorables, constituait bien en l'espèce cette disposition légale expresse, la cour d'appel a étendu la constitution du délit d'entrave à l'exercice du droit syndical à toute violation d'une disposition conventionnelle ouvrant des droits nouveaux supplémentaires à des organisations syndicales indépendamment de toute dérogation à un dispositif légal exprès, en violation du sens et de la portée du texte de l'article L. 2263-1 du code du travail et du principe de l'interprétation stricte de la loi pénale ;
"3) alors que l'obligation d'engager des négociations avec les organisations syndicales avant toute décision de fixer, au-delà de 20 heures, l'heure de fermeture d'un magasin, prévue à l'article 7.8 de la Convention collective nationale des grands magasins, n'est pas applicable lorsque le report de l'heure de fermeture revêt un caractère temporaire et exceptionnel ; qu'en condamnant, néanmoins, Mme Y... du chef d'entrave sur le fondement d'une disposition conventionnelle qui n'était pas applicable à l'espèce, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de toute base légale" ;
Vu l'article L. 2263-1 du code du travail ;
Attendu qu'aux termes de cet article, lorsqu'en application d'une disposition législative expresse dans une matière déterminée, une convention ou un accord collectif de travail étendu déroge à des dispositions légales, les infractions aux stipulations dérogatoires sont punies des sanctions qu'entraîne la violation des dispositions légales en cause ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et du procès-verbal de l'inspection du travail, fondement de la poursuite, que la convention collective des grands magasins en date du 30 juin 2000, étendue par arrêté ministériel du 20 décembre 2001, dispose en son article 7-8 qu'avant toute décision ayant pour objet de fixer au-delà de 20 heures l'heure de fermeture d'un magasin, la direction devra consulter le comité d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, les délégués du personnel et engager une négociation sur ses modalités avec les délégués syndicaux ;
Attendu que Mme Y..., directrice des Galeries Lafayette, est poursuivie du chef d'entrave à l'exercice du droit syndical pour avoir refusé de négocier avec les organisations syndicales les conditions du report, au delà de 20 heures, de l'heure de fermeture du magasin au cours de la période du 25 juin au 30 août 2008 ; que, pour la déclarer coupable de ce délit, les juges prononcent par les motifs repris au moyen ;
Mais attendu que, contrairement à ces énonciations, l'obligation de négocier avec les organisations syndicales le report de l'heure de fermeture du magasin n'ayant pas été instituée en l'espèce par une convention ou un accord collectif de travail étendu, en application d'une disposition législative expresse, dans une matière déterminée, comme le prévoit l'article L. 2263-1 du code du travail, la méconnaissance des dispositions conventionnelles invoquées, si elle pouvait donner lieu le cas échéant à des recours civils, n'était pas susceptible de recevoir la qualification pénale visée par la prévention ni aucune autre qualification ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé ;
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date du 7 avril 2011 ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale, présentée par le syndicat CFDT des services du pays basque et l'union locale CGT de Bayonne ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Finidori conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;