LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Nicole, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 3 mars 2009, qui a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile du chef d'abus de faiblesse ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 87, 427, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, et 731 du code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la constitution de partie civile de Nicole X... irrecevable ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage causé par l'infraction ; que l'action civile prévue par ce texte n'a pas été introduite par Emilie Y... et que l'action publique n'a pas été mise en mouvement du vivant de cette dernière ; que le préjudice dont Nicole X... se plaint, qu'il soit moral ou patrimonial, n'a pas été causé directement par l'infraction qu'elle dénonce et dont sa mère a été victime ; que Nicole X... est par conséquent irrecevable en sa constitution de partie civile qui est antérieure à la mise en mouvement de l'action publique et qui ne saurait se confondre avec l'action indemnitaire qu'elle détient personnellement ou qu'elle a recueillie dans la succession d'Emilie Y... (arrêt, page 5) ;
"alors que, d'une part, le droit à réparation du préjudice éprouvé, avant son décès, par la victime directe d'une infraction, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers, qui sont recevables à l'exercer devant la juridiction pénale, peu important que leur auteur n'ait pas introduit d'action à cette fin avant son décès, dès lors que l'action publique a été régulièrement mise en mouvement par le ministère public, même postérieurement à ce décès, et que la victime n'a pas renoncé à l'action civile ; qu'en l'espèce, il est constant qu'indépendamment de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la demanderesse en date du 5 janvier 2007, le parquet a sollicité l'ouverture d'une information pénale concernant les faits dénoncés par Nicole X..., aux termes d'un réquisitoire introductif en date du 12 février de la même année ; que, dès lors, en estimant que l'action civile n'a pas été introduite par Emilie Y... et que l'action publique n'a pas été mise en mouvement du vivant de cette dernière, pour en déduire que la demanderesse est irrecevable en sa constitution de partie civile, quand il résulte des constatations de l'arrêt que l'action publique a été régulièrement mise en mouvement par le ministère public, et que la victime directe n'a pas, de son vivant, renoncé à l'action civile, de sorte que le droit à réparation du préjudice éprouvé par celle-ci s'est transmis à la demanderesse, héritière d'Emilie Y..., la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;
"alors que, d'autre part, la constitution de partie civile pouvant, conformément à l'article 87 du code de procédure pénale, avoir lieu à tout moment au cours de l'instruction, la recevabilité de cette constitution s'apprécie au jour où le juge statue ; qu'ainsi, la circonstance qu'une plainte avec constitution de partie civile de l'héritier de la victime directe d'une infraction ait été déposée avant la mise en mouvement de l'action publique par le parquet n'a pas pour effet de rendre irrecevable cette constitution de partie civile, dès lors que celle-ci est maintenue au jour où le juge est invité à statuer sur sa recevabilité ; qu'en estimant au contraire que la constitution de partie civile de Nicole X... est antérieure à la mise en mouvement de l'action publique, résultant du réquisitoire introductif du parquet, pour en déduire que cette constitution est irrecevable, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale ;
Attendu que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir réparation de celui qui l'a causé par sa faute ; que le droit à réparation du préjudice éprouvé par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à ses héritiers ;
Attendu, par ailleurs, que, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public et que la victime n'a pas renoncé à l'action civile, ses ayants droit sont recevables à agir devant la juridiction saisie ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Nicole X... a porté plainte et s'est constituée partie civile contre son frère Marc Antoine X..., le 8 janvier 2007, du chef d'abus de faiblesse, en exposant que leur mère Emilie Y..., décédée le 27 novembre 2005, avait été dépouillée de ses biens par celui-ci ; qu'après avoir pris, le 12 février 2007, des réquisitions aux fins d'informer sur les faits visés par la plainte, le procureur de la République a requis, le 28 novembre 2008, que la constitution de partie civile de Nicole X... soit déclarée irrecevable, qu'il soit informé du chef susvisé contre personne non dénommée, et qu'il soit fait application de l'article 80-3 du code de procédure pénale à l'égard de la victime ; que, le 10 décembre 2008, le juge d'instruction a rendu une ordonnance d'irrecevabilité de la constitution de partie civile, dont Nicole X... a relevé appel ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient qu'au moment de la plainte, ni Emilie Y..., ni le ministère public n'avaient antérieurement mis en mouvement l'action publique, que le droit à réparation des héritiers ne peut, en un tel cas, être exercé que devant la juridiction civile, et que Nicole X... ne justifie pas avoir souffert personnellement d'un préjudice direct consécutif à l'infraction dénoncée ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les réquisitions initiales aux fins d'informer du procureur de la République avaient mis en mouvement l'action publique, peu important qu'elles aient suivi la plainte déposée par l'ayant droit de la victime, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et les principes ci-dessus énoncés ;
D'où il suit que la cassation est encourue :
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 3 mars 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Monfort conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;
Avocat général : M. Boccon-Gibod ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;