LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que Claude X..., de nationalité française, est décédé à Madrid (Espagne) le 3 avril 2006 où il était domicilié ; qu'il laisse pour lui succéder Mme Ana Maria X...
Y..., sa fille naturelle, et Mme Véronique X... née de son mariage avec Mme Jeanne Z... ; que sa succession se compose d'un appartement à Montpellier, d'un appartement à Madrid et de divers meubles et comptes bancaires ; que les parties n'ayant pu s'entendre sur un règlement amiable de la succession, Mme Z...-X... a assigné sa fille Véronique et Mme X...
Y... devant le tribunal de grande instance de Montpellier à fin de liquidation et partage de la succession ; que Mme X...
Y... a soulevé l'incompétence des juridictions françaises ;
Attendu que Mme X...
Y... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Montpellier, 25 novembre 2008) d'avoir déclaré le tribunal de grande instance de Montpellier compétent pour connaître de la succession de Claude X... concernant l'immeuble situé en Espagne, alors, selon le moyen :
1° / que les tribunaux français ne sont pas compétents pour ordonner la licitation et le partage d'un immeuble situé à l'étranger ; qu'il n'est pas dérogé à cette règle lorsque, par l'effet du renvoi de la loi étrangère du lieu de situation de l'immeuble, la succession sur celui-ci est régie par la loi française, la détermination de la juridiction compétente ne dépendant pas de la loi applicable ; que dès lors, en retenant la compétence du tribunal de grande instance de Montpellier pour connaître de la succession concernant l'immeuble situé en Espagne, par le motif que la loi française était applicable à la succession sur cet immeuble, la cour d'appel a violé les articles 3 du code civil, ensemble les articles 44 et 45 du code de procédure civile ;
2° / que le renvoi de la loi du lieu de situation de l'immeuble à la loi nationale du défunt ne peut justifier la compétence de la juridiction française que si celle-ci est fondée par ailleurs sur le lieu du dernier domicile du défunt, et non sur le privilège de juridiction des articles 14 et 15 du code civil ou sur le lieu de situation en France d'un autre immeuble successoral ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et de la décision confirmée que Claude X... avait son dernier domicile en Espagne, et que la compétence des juridictions françaises était fondée sur la seule nationalité française des parties pour la succession mobilière, et sur la situation en France d'un immeuble successoral ; qu'en retenant dans ces conditions la compétence de la juridiction française pour connaître de l'action en partage portant sur un autre immeuble successoral situé en Espagne, la cour d'appel a violé les articles 3, 14 et 15 du code civil, 44 et 45 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que les juridictions françaises étaient compétentes pour connaître partiellement des opérations de liquidation et partage de la succession, tant mobilière en vertu de l'article 14 du code civil, qu'immobilière en raison de la situation d'un immeuble en France, la cour d'appel, constatant que la loi espagnole applicable aux dites opérations relatives aux meubles et à l'immeuble situés en Espagne, renvoyait à la loi française, loi nationale du défunt, en a exactement déduit que les juridictions françaises étaient, par l'effet de ce renvoi, compétentes pour régler l'ensemble de la succession à l'exception des opérations juridiques et matérielles découlant de la loi réelle de situation de l'immeuble en Espagne ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Ana Maria X...
Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Y...
Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir déclaré le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER compétent pour connaître de la succession de M. Claude X... concernant l'immeuble situé en Espagne,
Aux motifs que « c'est par une bonne analyse de l'ensemble des éléments du dossier démontrant que, si les époux avaient conservé des liens, ils avaient des vies séparées, que le juge de la mise en état a, dans un premier temps, jugé que M. X... avait son domicile au sens de l'article 102 du Code civil en Espagne où il s'était établi, y travaillant durant plusieurs années et ce jusqu'à sa retraite en 1996, continuant ensuite à habiter à MADRID où il était recensé par la municipalité comme résidant, depuis le 1er mars 1991, Calle Jazmin, numero 38, et où il est décédé ; que c'est après avoir régulièrement invité les parties à présenter leurs observations sur ces textes, par une bonne application combinée des articles 14 et 16 du Code civil, et des articles 9. 1 et 9. 8 du Code civil espagnol, que le premier juge :
«- a relevé que la loi espagnole renvoyait à la loi nationale du défunt (en l'occurrence de nationalité française) sans distinguer selon la nature des biens ou leur localisation,
«- a dit que la loi française se trouvait dès lors applicable pour régir le sort de l'immeuble dont le de cujus avait la propriété en Espagne,
«- a considéré qu'il s'induisait du lien à opérer entre les compétences législatives et juridictionnelles en la matière que la compétence de la loi française par l'effet du renvoi opéré par la règle de conflit étrangère du lieu de situation de l'immeuble entraînait la compétence des juridictions françaises pour l'essentiel des questions successorales, à l'exception des opérations juridiques et matérielles en découlant, relevant de la loi réelle et non de la loi successorale ;
que l'ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions,
Alors, d'une part, que les tribunaux français ne sont pas compétents pour ordonner la licitation et le partage d'un immeuble situé à l'étranger ; qu'il n'est pas dérogé à cette règle lorsque, par l'effet du renvoi de la loi étrangère du lieu de situation de l'immeuble, la succession sur celui-ci est régie par la loi française, la détermination de la juridiction compétente ne dépendant pas de la loi applicable ; que dès lors en retenant la compétence du Tribunal de grande instance de MONTPELLIER pour connaître de la succession concernant l'immeuble situé en Espagne, par le motif que la loi française était applicable à la succession sur cet immeuble, la Cour d'appel a violé les articles 3 du Code civil, ensemble les articles 44 et 45 du Code de procédure civile,
Alors, d'autre part, que le renvoi de la loi du lieu de situation de l'immeuble à la loi nationale du défunt ne peut justifier la compétence de la juridiction française que si celle-ci est fondée par ailleurs sur le lieu du dernier domicile du défunt, et non sur le privilège de juridiction des article14 et 15 du Code civil ou sur le lieu de situation en France d'un autre immeuble successoral ; qu'en l'espèce, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et de la décision confirmée que Claude X... avait son dernier domicile en Espagne, et que la compétence des juridictions françaises était fondée sur la seule nationalité française des parties pour la succession mobilière, et sur la situation en France d'un immeuble successoral ; qu'en retenant dans ces conditions la compétence de la juridiction française pour connaître de l'action en partage portant sur un autre immeuble successoral situé en Espagne, la Cour d'appel a violé les articles 3, 14 et 15 du Code civil, 44 et 45 du Code de procédure civile.