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25/11/2008 | FRANCE | N°07/3903

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0050, 25 novembre 2008, 07/3903


PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 11 juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN, qui a déclaré irrecevable l'action diligentée par Michèle X... épouse Y... et Laurence X... épouse Z... contre l'Etat Français en raison du fonctionnement de la tutelle d'Armand A... ; dit que le moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription de l'action est devenu sans objet ; sursis à statuer sur l'action en responsabilité contre Daniel B... et la S. A. AVIVA et fait injonction à l'avocat des demanderesses de préciser le fondement juridique de l'action

en responsabilité à leur encontre ; renvoyé l'affaire à la mise ...

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 11 juin 2007 par le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN, qui a déclaré irrecevable l'action diligentée par Michèle X... épouse Y... et Laurence X... épouse Z... contre l'Etat Français en raison du fonctionnement de la tutelle d'Armand A... ; dit que le moyen d'irrecevabilité tiré de la prescription de l'action est devenu sans objet ; sursis à statuer sur l'action en responsabilité contre Daniel B... et la S. A. AVIVA et fait injonction à l'avocat des demanderesses de préciser le fondement juridique de l'action en responsabilité à leur encontre ; renvoyé l'affaire à la mise en état ; condamné les demanderesses à payer à l'Etat français la somme de 1. 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et à prendre en charge les dépens exposés par l'Etat français ; pour le surplus, réservé les frais, dépens et autres demandes ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par Michèle X... épouse Y... et Laurence X... épouse Z... et leurs conclusions du 11 octobre 2007 tendant à réformer le jugement, dire recevable l'action dirigée contre l'Etat ; dire que c'est à tort que Daniel B..., autorisé par ordonnance du Juge des Tutelles, a effectué le rachat des contrats d'assurances vie souscrits par Armand A... auprès de la Cie AVIVA VIE, laquelle compagnie a également payé en méconnaissance des dispositions de l'art. L. 132-9 du Code des Assurances, dire Monsieur Daniel B..., l'Etat représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor, et la Cie AVIVA VIE solidairement responsables du préjudice subi par elles et les condamner en conséquence solidairement à payer à chacune d'elles la somme de 45. 735 € en réparation de leur préjudice, sauf à parfaire cette somme en fonction des précisions qui seront apportées par la Cie AVIVA VIE, à leur payer la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'art. 700 du N. C. P. C. et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 16 juin 2008 par l'Etat français, tendant à confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable ; subsidiairement, la dire mal fondée ; en toutes hypothèses, condamner les appelantes au paiement de la somme de 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 21 décembre 2007 par Daniel B..., tendant à déclarer irrecevables les demandes telles que dirigées à son encontre, renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN par ailleurs saisi du litige, et condamner les appelantes à lui payer la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 12 octobre 2007 par la SA AVIVA VIE, demandant à la cour de déclarer la demande irrecevable et condamner les appelantes à lui payer les sommes de 2. 000 € sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil et 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens ;

MOTIVATION
I-SUR L'ACTION EN RESPONSABILITE CONTRE L'ETAT FRANÇAIS
Sur la procédure
Par les dispositions de l'article 473 alinéa 2 du code civil transposables à la tutelle des majeurs, le législateur a entendu instaurer un régime de responsabilité spécifique qui permet à la victime d'un dommage résultant d'une faute quelconque dans le fonctionnement de la tutelle d'en demander réparation à l'Etat.
En l'espèce, le préjudice invoqué par les dames X... consiste en la perte du bénéfice des contrats d'assurance vie souscrits à leur profit par leur oncle, du fait que son gérant de tutelle a procédé au rachat de ces contrats pour réaliser un autre placement.
S'agissant d'un dommage résultant directement du fonctionnement de la tutelle d'Armand A..., elles sont recevables à en demander réparation à l'Etat, même alors qu'elles agissent en leur nom propre et non en qualité d'ayants droit de la personne protégée.
L'Etat ne peut valablement invoquer l'application de la prescription quadriennale édictée par l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 selon laquelle « sont prescrites au profit de l'Etat les créances non payées dans un délai de quatre ans à dater du 1er jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué », alors que cet article ne vise que la prescription, au profit de l'Etat, des créances qui n'ont pas été payées dans un délai de 4 ans, et que le droit à indemnisation d'un particulier dépend nécessairement de l'action qu'il doit engager pour faire consacrer l'existence et le montant de sa créance.
Ainsi, ce texte, qui ne concerne que l'action en recouvrement des créances à l'encontre de l'Etat et ne s'étend pas à l'action en responsabilité tendant à faire reconnaître la créance, ne peut trouver application qu'autant qu'une juridiction a retenu préalablement la responsabilité de l'Etat et prononcé à son égard une condamnation constituant un titre de créance, de sorte que la prescription de la demande ne peut être acquise que 4 ans après le premier jour de l'année suivant cette condamnation.
Sur le fond
Le rachat par le gérant de tutelle des contrats d'assurance-vie souscrits par Armand A... au bénéfice de ses nièces est intervenu en violation des dispositions de l'article L 132-9 du Code des Assurances qui réserve au seul déclarant le droit de révoquer cette stipulation tant que son acceptation par les bénéficiaires n'a pas eu lieu, ce qui engage la responsabilité de l'Etat et l'oblige à indemniser le préjudice financier qui en est résulté pour les dames X..., et qui correspond exactement au capital d'assurance vie qu'elles auraient perçu chacune si cette faute n'avait pas été commise, soit un montant non discuté de 45. 735 €.
II-SUR L'ACTION EN RESPONSABILITE CONTRE DANIEL B... ET LA S. A. AVIVA VIE
En poursuivant en cause d'appel la condamnation solidaire avec l'Etat de Daniel B... et de la société AVIVA VIE à réparer leur préjudice, les dames X... demandent à la cour d'évoquer puisque le premier juge a sursis à statuer sur ce point.
Cette prétention est contraire aux dispositions des articles 568 et 380 du Code de Procédure Civile dès lors que la cour n'est saisie de l'appel, ni d'un jugement ayant ordonné une mesure d'instruction, ni d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, et que le sursis à statuer n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 380 dudit code. Il n'y a donc pas lieu d'évoquer.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement déféré sur l'action en responsabilité dirigée contre l'Etat français et, statuant à nouveau :
Déclare l'action recevable.
Condamne l'Etat français à payer à Michèle X... épouse Y... et Laurence X... épouse Z..., à chacune d'elles, la somme de 45. 735 € à titre de dommages et intérêts.
Dit n'y avoir lieu à évocation sur l'action en responsabilité dirigée contre Daniel B... et la S. A. AVIVA VIE et renvoie les parties de ce chef devant la juridiction de premier degré.
Condamne l'Etat français aux dépens, ceux d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer aux dames X..., prises ensemble, la somme de 1. 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du même code.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0050
Numéro d'arrêt : 07/3903
Date de la décision : 25/11/2008

Analyses

MAJEUR PROTEGE - Tutelle - Gérant de tutelle - Faute commise dans l'exécution de sa mission de protection - Action en responsabilité intentée contre l'Etat ou un établissement public de soins en raison des fautes commises par le gérant de tutelle

Par les dispositions de l'article 473 alinéa 2 du code civil transposable à la tutelle des majeurs, le législateur a entendu instaurer un régime de responsabilité spécifique qui permet à la victime d'un dommage, résultant d'une faute quelconque dans le fonctionnement de la tutelle, d'en demander réparation à l'Etat.Le préjudice consistant en la perte par les demandeurs du bénéfice des contrats d'assurance vie, souscrits à leur profit par leur oncle, du fait que son gérant de tutelle a procédé au rachat de ces contrats pour réaliser un autre placement, constitue un dommage résultant directement du fonctionnement de la tutelle.Dès lors, ils sont recevables à en demander réparation à l'Etat, même alors qu'ils agissent en leur nom propre et non en qualité d'ayants droit de la personne protégée.


Références :

ARRET du 17 mars 2010, Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 mars 2010, 09-11.271, Publié au bulletin

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Perpignan, 11 juin 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-11-25;07.3903 ?
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