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19/01/2022 | FRANCE | N°20-19351

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 janvier 2022, 20-19351


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 46 FS-B

Pourvoi n° X 20-19.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société SODIAC, société anonyme, dont le siège est [Adre

sse 1], a formé le pourvoi n° X 20-19.351 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de [Localité 7] (chambre civile tribunal de grand...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 janvier 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 46 FS-B

Pourvoi n° X 20-19.351

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JANVIER 2022

La société SODIAC, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-19.351 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de [Localité 7] (chambre civile tribunal de grande instance), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [W] [D], domicilié [Adresse 3],

2°/ à la société Icade Promotion, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la commune de [Localité 7] représentée par son maire en exercice, domicilié [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société SODIAC, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la commune de [Localité 7], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [D], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société Icade Promotion, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, M. Nivôse, Mme Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 19 mai 2020), par ordonnance du 9 septembre 2004, le juge de l'expropriation du département de la Réunion a exproprié, au profit de la Société dionysienne d'aménagement et de construction (la SODIAC), une parcelle appartenant à M. [D].

2. Le terrain n'ayant pas reçu la destination prévue par l'acte déclaratif d'utilité publique, M. [D] a assigné la commune de [Localité 7], puis la SODIAC et la société Icade promotion, devant le tribunal de grande instance et, alléguant que la rétrocession de son bien était devenue impossible, a demandé l'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La SODIAC fait grief à l'arrêt de dire que M. [D] est fondé à réclamer la rétrocession de la parcelle expropriée, alors :

« 1°/ que la renonciation à un droit né et acquis est valable ; que le droit de rétrocession des biens exproprié naît de l'expropriation elle-même, et que l'exproprié peut donc y renoncer dès que le transfert de propriété a été prononcé ; qu'en jugeant que M. [D] n'avait pu renoncer, le 28 juin 2007, à son droit de rétrocession d'un bien qui avait été exproprié par une ordonnance du 9 septembre 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 12-6, devenu L. 421-1, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°/ que le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, le moyen tiré de ce que le droit à rétrocession n'était pas né au moment où l'exproprié y avait renoncé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, selon l'article L. 421-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, si les immeubles expropriés n'ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique.

5. L'exproprié peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l'ordre public de protection, une fois celui-ci acquis.

6. Ce droit ne peut être acquis tant que les conditions de sa mise en oeuvre ne sont pas réunies, soit cinq ans après l'ordonnance d'expropriation si les biens n'ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d'utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant même l'expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d'utilité publique.

7. Il s'ensuit que la cour d'appel a retenu, à bon droit, que M. [D] n'avait pu valablement renoncer à son droit de rétrocession dans une convention conclue le 28 juin 2007 avec l'expropriant, dès lors que son droit n'était pas encore né à cette date.

8. D'autre part, M. [D] ayant fait valoir, dans ses conclusions, qu'il n'avait pu valablement renoncer, dans la convention du 28 juin 2007, à son droit de rétrocession qui était d'ordre public, la cour d'appel, qui était tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit applicables, s'est bornée, sans introduire un nouveau moyen dans le débat, à examiner si les conditions d'une telle renonciation étaient réunies.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société dionysienne d'aménagement et de construction aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société dionysienne d'aménagement et de construction et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros, à la société Icade promotion la somme de 3 000 euros et à la commune de [Localité 7] la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille vingt-deux

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société SODIAC

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que M. [D] était fondé à réclamer la rétrocession de la parcelle expropriée, constaté l'impossibilité de rétrocéder, et condamné la société Sodiac à payer à M. [D] la somme de 278 000 € à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QUE le droit à rétrocession ne saurait être dénié à [W] [D] au motif qu'il y a renoncé dans le traité d'adhésion du 28 juin 2007 réglant les conséquences de l'expropriation du bien cadastré AE [Cadastre 4] ; QUE, portant sur un droit qui n'était pas encore né au moment de la signature du traité, la clause de renonciation est nulle et ne peut en tout cas produire aucun effet ; (...) QUE cette rétrocession étant impossible en nature puisque le terrain a fait l'objet de diverses cessions et l'exproprié ne disposant d'aucun droit de suite sur son bien contre les divers acquéreurs, seuls des dommages-intérêts peuvent être alloués à [W] [D] ; QUE ces dommages-intérêts doivent compenser d'une part la plus-value acquise par la parcelle AE [Cadastre 4] et correspondant à la différence entre la valeur actuelle du bien diminué de l'indemnité qu'il a perçue et d'autre part à la privation de jouissance dudit bien depuis l'assignation introductive d'instance jusqu'à ce jour ; QUE, sur la plus-value, suivant attestation notariée du 29 novembre 2013, la parcelle AE [Cadastre 5] de 325 m² a été vendue par la commune de [Localité 7] à la SODIAC pour le prix de 234 000 €, soit 700 € le mètre carré ; QUE la hausse des prix pouvant être évaluée en moyenne à 2 % par an depuis 2013, le prix du mètre carré en 2020 peut être fixé à 800 € le mètre carré ; QUE la valeur actuelle de la parcelle AE [Cadastre 4] d'une superficie de 532 m sera fixée à 425 600 € ; QUE l'indemnité d'expropriation s'est élevée à 317 000 € mais elle était globale, c'est-à-dire qu'elle englobait la valeur du terrain et les indemnités d'éviction dues aux 4 commerçants qui occupaient les locaux expropriés ; QUE la valeur des indemnités d'éviction qui, au regard des pièces versées au dossier et notamment de la lettre du 7 avril 2006 adressée de la SODIAC à la SARL ZIVRAGE, peuvent être estimées à 150 000 euros, seront déduites de l'indemnité de dépossession globale versée à l'exproprié pour déterminer la valeur du terrain au jour de l'expropriation : celle-ci s'élève à 167 000 euros.

1- ALORS QUE la renonciation à un droit né et acquis est valable ; que le droit de rétrocession des biens exproprié naît de l'expropriation elle-même, et que l'exproprié peut donc y renoncer dès que le transfert de propriété a été prononcé ; qu'en jugeant que M. [D] n'avait pu renoncer, le 28 juin 2007, à son droit de rétrocession d'un bien qui avait été exproprié par une ordonnance du 9 septembre 2004, la cour d'appel a violé l'article L. 12-6, devenu L. 421-1, du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2- ALORS QUE le juge doit respecter et faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, le moyen tiré de ce que le droit à rétrocession n'était pas né au moment où l'exproprié y avait renoncé, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-19351
Date de la décision : 19/01/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

EXPROPRIATION - Rétrocession - Renonciation - Loi d'ordre public - Renonciation antérieure à la naissance du droit - Validité (non)

L'exproprié ne peut renoncer au droit de rétrocession, qui relève de l'ordre public de protection, avant que les conditions de sa mise en oeuvre ne soient réunies, soit cinq ans après l'ordonnance d'expropriation si les biens n'ont pas reçu la destination prévue par la déclaration d'utilité publique ou ont cessé de recevoir cette destination, soit, avant l'expiration de ce délai, si le projet réalisé est incompatible avec celui déclaré d'utilité publique


Références :

Article L. 421-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 19 mai 2020

A rapprocher : 3e Civ., 27 octobre 1975, pourvoi n° 74-11656, Bull. 1975, III, n° 310 (cassation) ;

2e Civ., 25 mars 1991, pourvoi n° 89-21181, Bull. 1991, II, n° 102 (rejet) ;

3e Civ., 19 février 1992, pourvoi n° 90-12652, Bull. 1992, III, n° 48 (rejet) ;

3e Civ., 27 septembre 2006, pourvoi n° 05-13598, Bull. 2006, III, n° 190 (rejet) ;

3e Civ., 30 mars 2017, pourvoi n° 16-13914, Bull. 2017, III, n° 45 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 jan. 2022, pourvoi n°20-19351, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.19351
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