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21/03/2019 | FRANCE | N°18-10408

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 mars 2019, 18-10408


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 mars 2019

Cassation partielle

Mme FLISE, président

Arrêt n° 385 F-P+B

Pourvoi n° K 18-10.408

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme J... G..., domiciliée

[...], contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société CA Con...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 21 mars 2019

Cassation partielle

Mme FLISE, président

Arrêt n° 385 F-P+B

Pourvoi n° K 18-10.408

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par Mme J... G..., domiciliée [...], contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2017 par la cour d'appel d'Amiens (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société CA Consumer finance, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 13 février 2019, où étaient présents : Mme Flise, président, M. de Leiris, conseiller référendaire rapporteur, Mme Brouard-Gallet, conseiller doyen, Mme Mainardi, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. de Leiris, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme G..., de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société CA Consumer finance, l'avis de Mme Vassallo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se prévalant d'un jugement, assorti de l'exécution provisoire et ultérieurement partiellement confirmé, ayant condamné Mme G... à lui payer diverses sommes, la société CA Consumer finance a fait procéder, les 4 février et 3 avril 2015, à la saisie-attribution de comptes bancaires ouverts au nom de Mme G... auprès de la Caisse d'épargne de Picardie ; que par actes des 16 mars et 20 avril 2015, Mme G... a fait assigner la société CA Consumer finance à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester ces saisies-attributions, qui lui avaient été respectivement dénoncées les 5 février et 9 avril 2015 ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme G... fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses autres demandes ayant trait à la procédure de saisie-attribution diligentée par procès-verbal en date du 3 avril 2015, de la débouter de sa demande de report des sommes dues et d'imputation des paiements sur le capital et de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen, que lorsque le créancier fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom de deux cotitulaires dont seulement l'un est son débiteur, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de son débiteur ; qu'en retenant qu'il appartenait au cotitulaire non débiteur de démontrer que les fonds au crédit du compte sur lequel avait été pratiquée la saisie-attribution lui appartenaient en propre, quand il incombait à la société CA Consumer finance de démontrer que les fonds déposés sur le compte ouvert au nom de Mme G... et de M. H... étaient personnels à Mme G..., sa débitrice, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil ;

Mais attendu que l'acte de saisie-attribution pratiqué entre les mains d'un établissement habilité à tenir des comptes de dépôt porte sur l'ensemble des comptes du débiteur qui représentent des créances de sommes d'argent de ce dernier contre cet établissement ; que dans le cas d'un compte joint, cet établissement étant débiteur de la totalité du solde de ce compte à l'égard de chacun de ses cotitulaires, l'effet attributif de la saisie s'étend, sous réserve des règles propres aux régimes matrimoniaux entre époux, à la totalité du solde créditeur, sauf pour le débiteur saisi ou le cotitulaire du compte, avisé de la saisie dans les conditions prévues par l'article R. 211-22 du code des procédures civiles d'exécution, à établir que ce solde est constitué de fonds provenant de ce dernier, en vue de les exclure de l'assiette de la saisie ;

Qu'ayant constaté qu'il n'était pas établi que les fonds se trouvant sur le compte joint dont M. H..., concubin de Mme G..., était le cotitulaire, lui appartenaient en propre, c'est à bon droit que la cour d'appel a débouté Mme G... de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 3 avril 2015 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu, selon ce texte, que lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant une juridiction du premier degré l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : a) de la notification de la décision d'admission provisoire ; b) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ;

Attendu que pour déclarer Mme G... irrecevable en son recours à l'encontre de la saisie-attribution diligentée par la société CA Consumer finance le 4 février 2015, l'arrêt retient que les contestations relatives à la saisie-attribution sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de celle-ci au débiteur, que Mme G... reconnaît que le délai qui lui était imparti pour contester la saisie-attribution régularisée le 4 février 2015 expirait le 9 mars 2015, alors qu'elle n'a été contestée que le 16 mars 2015 et qu'aucune disposition de la loi du 10 juillet 1991 ne prévoit que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle a pour effet de suspendre le délai d'un mois pour contester une saisie-attribution ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'assignation à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester une saisie-attribution, engage une action en justice à cette fin, de sorte que l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 susvisé est applicable au délai dans lequel cette contestation doit être formée, la cour d'appel, devant laquelle il était allégué la présentation, le 3 mars 2015, d'une demande d'aide juridictionnelle en vue de saisir le juge de l'exécution, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré Mme G... irrecevable en son recours entrepris à l'encontre de la saisie-attribution diligentée par la SA Consumer finance le 4 février 2015, l'arrêt rendu le 9 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne la société CA Consumer finance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à Mme G... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

:

Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme G....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré Mme G... irrecevable en son recours entrepris à l'encontre de la saisie-attribution diligentée par la société Consumer Finance le 4 février 2015 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la recevabilité du recours à l'encontre de la saisie attribution du 4 février 2015 : aux termes de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de celle-ci au débiteur ; en l'espèce, Mme J... G... reconnaître dans ses conclusions d'appel que compte tenu de la computation des délais édictée par les articles 640 et suivants du code civil, le délai qui lui était imparti pour contester la saisie attribution régularisée le 4 février 2015 expirait le 9 mars 2015 ; par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, aucune disposition de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne prévoit que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle a pour effet de suspendre le délai d'un mois pour contester une saisie-attribution ; il en résulte que l'assignation délivrée le 16 mars 2015 par Mme J... G... en contestation de la saisie-attribution du 4 février 2015 est postérieure au délai édicté par l'article R. 311-1 susvisé ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme J... res G... irrecevable en son recours à l'encontre de la saisie diligentée le 4 février 2015 ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la recevabilité du recours entrepris par Mme G... à l'encontre de la saisie-attribution diligentée le 4 février 2015 : l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de celle-ci au débiteur ; en l'espèce, il résulte des pièces produites que le procès-verbal de saisie attribution en date du 4 février 2015, dénoncé à Mademoiselle G... le 5 février 2015, n'a été contesté par l'assignation diligentée par la débitrice que le 16 mars 2015, soit postérieurement au délai susvisé ; dans ces conditions, Mademoiselle G... sera reconnue irrecevable en son recours entrepris à l'encontre de la saisie diligentée le 3 février 2015 ;

ALORS QUE lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la décision statuant sur cette demande d'aide juridictionnelle ; qu'en conséquence, le délai de contestation d'un mois d'une saisie attribution est interrompue par la demande d'aide juridictionnelle ; qu'en retenant le contraire pour en déduire que la contestation de la saisie-attribution dénoncée à Mme G... le 5 février 2015, formée le 16 mars, était irrecevable pour avoir été formée hors délai, quand cette contestation était recevable, le délai de contestation ayant été interrompue par la demande d'aide juridictionnelle, formée le 3 mars 2015, et rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 mars 2015, la cour d'appel a violé l'article 38 décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme G... de toutes ses autres demandes ayant trait à la procédure de saisie attribution diligentée par procès-verbal en date du 3 avril 2015, d'AVOIR débouté Mme G... de sa demande de report des sommes dues et d'imputation des paiements sur le capital et d'AVOIR débouté Mme G... de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la demande de mainlevée de la procédure de saisie attribution du 3 avril 2015 en raison de la nature des comptes bancaires : comme l'a justement rappelé le premier juge, le solde d'un compte bancaire n'est pas insaisissable du seul fait que le compte serait joint et qu'il ait deux titulaires, le co-titulaire non débiteur étant tenu de démontrer que les sommes figurant au crédit du compte lui appartiennent en propre ; en l'espèce, la saisie attribution a été porté sur deux comptes : - compte n° [...] ouvert auprès de la Caisse d'Epargne de Picardie, - compte n° [...] ouvert auprès de la Caisse d'Epargne de Picardie ; s'il ressort de la déclaration de l'employée de banque quel le compte n° [...] est un compte joint, M. K... H..., concubin de Mme J... G... en étant le co-titulaire, il n'est pas établi que les fonds se trouvant sur ce compte lui appartiennent en propre ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme J... G... de sa demande de mainlevée de la saisie entreprise à raison de la nature des comptes bancaires ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE sur la demande de mainlevée de la procédure de saisie attribution diligenté le 3 avril 2015 : il convient de rappeler que le solde d'un compte bancaire n'est pas insaisissable du seul fait que le compte serait joint et qu'il ait deux titulaires, le co-titulaire non débiteur étant tenu de démontrer que les sommes figurant au crédit du compte lui appartiennent en propre ; par ailleurs, la simple lecture du procès-verbal de saisie permet de relever que celui-ci est parfaitement conforme à l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution en ce qu'il porte mention d'un décompte explicite ; Mme G... sera en conséquence déboutée de sa demande de mainlevée de la saisie entreprise ;

ALORS QUE lorsque le créancier fait pratiquer une saisie sur un compte ouvert au nom de deux co-titulaires dont seulement l'un est son débiteur, il lui appartient d'identifier les fonds personnels de son débiteur ; qu'en retenant qu'il appartenait au co-titulaire non débiteur de démontrer que les fonds au crédit du compte sur lequel avait été pratiquée la saisie attribution lui appartenaient en propre, quand il incombait à la société CA Consumer Finance de démontrer que les fonds déposés sur le compte ouvert au nom de Mme G... et de M. H... étaient personnels à Mme G..., sa débitrice, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-10408
Date de la décision : 21/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

AIDE JURIDICTIONNELLE - Procédure d'admission - Demande d'aide juridictionnelle - Effets - Interruption du délai de contestation d'une saisie-attribution

L'assignation à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester une saisie-attribution, qui engage une action en justice à cette fin, entre dans le champ d'application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, selon lequel lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant une juridiction du premier degré, l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : a) de la notification de la décision d'admission provisoire ; b) de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) de la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné


Références :

Article 38 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans sa rédaction applicable au litige

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 09 novembre 2017

Sur le champ d'application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, à rapprocher :Soc., 8 février 2005, pourvoi n° 02-46044, Bull. 2005, V, n° 49 (cassation)

arrêt cité ;2e Civ., 22 février 2007, pourvoi n° 06-10559, Bull. 2007, II, n° 44 (rejet) ;3e Civ., 7 novembre 2012, pourvoi n° 11-22947, Bull. 2012, III, n° 164 (cassation) ;2e Civ., 18 février 2016, pourvoi n° 14-25790, Bull. 2016, II, n° 52 (rejet) ;2e Civ., 7 juin 2018, pourvoi n° 17-19449, Bull. 2018, II (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 mar. 2019, pourvoi n°18-10408, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10408
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