La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2018 | FRANCE | N°16-21993

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 18 janvier 2018, 16-21993


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mai 2016), que, reprochant à la commune du X... (la commune) d'avoir aménagé, lors de la réalisation d'une ZAC dont l'arrêté de création a été annulé par le Conseil d'Etat, un parking public et une piste cyclable sur la parcelle [...] lui appartenant, l'Institution de retraite complémentaire Humanis Retraite ARRCO (l'IRC) l'a assignée, sur le fondement de la voie de fait,

en indemnisation de son préjudice ; que la commune a soulevé l'incompétence d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 mai 2016), que, reprochant à la commune du X... (la commune) d'avoir aménagé, lors de la réalisation d'une ZAC dont l'arrêté de création a été annulé par le Conseil d'Etat, un parking public et une piste cyclable sur la parcelle [...] lui appartenant, l'Institution de retraite complémentaire Humanis Retraite ARRCO (l'IRC) l'a assignée, sur le fondement de la voie de fait, en indemnisation de son préjudice ; que la commune a soulevé l'incompétence des juridictions de l'ordre judiciaire au profit des juridictions administratives ;

Attendu que l'IRC fait grief à l'arrêt de retenir l'incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif alors, selon le moyen :

1°/ qu'il y a voie de fait, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, dans le cas notamment où une décision de l'administration aboutit à l'extinction d'un droit de propriété et est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que la dépossession totale et définitive d'une parcelle a pour effet l'extinction du droit de propriété ; qu'en écartant l'existence d'une voie de fait tout en constatant que l'aménagement par la commune du X... sur la parcelle [...] d'un parking public et d'une piste cyclable aboutissait à une privation totale de l'usage du terrain concerné, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 544 et 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

2°/ que l'extinction du droit de propriété caractérisant la voie de fait s'entend de la dépossession totale et définitive de la propriété, privant de fait le propriétaire du droit d'en jouir et d'en disposer librement ; qu'en assimilant l'extinction du droit de propriété caractérisant la voie de fait à la destruction matérielle de la propriété immobilière, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait de l'expertise ordonnée judiciairement que les travaux réalisés par la commune avaient consisté à aménager sur la parcelle nue un parking, une piste cyclable séparée par une haie de lauriers et des espaces verts et que la remise en état des lieux était possible, la cour d'appel en a exactement déduit, en l'absence de dépossession définitive, que l'emprise irrégulière n'avait pas eu pour effet l'extinction du droit de propriété de l'IRC, de sorte que le juge judiciaire était incompétent pour connaître de l'action ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Institution de retraite complémentaire Humanis retraite ARRCO aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour l'Institution de retraite complémentaire Humanis retraite ARRCO

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré le tribunal de grande instance incompétent pour connaître de l'action engagée par une institution de retraite complémentaire (Humanis Retraite Arrco, l'exposante) contre une collectivité territoriale (la commune du X...), en renvoyant les parties à mieux se pourvoir ;

AUX MOTIFS QUE l'institution de retraite complémentaire Abelio, aux droits de laquelle venait l'institution de retraite complémentaire Humanis Retraite Arrco, pour la raison que la parcelle [...] dont elle était propriétaire avait été aménagée par la commune du X... à usage de parking et de piste cyclable dans le cadre de la réalisation de la ZAC de [...], dont l'arrêté de création avait été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat du 1er juillet 1994, avait saisi le tribunal de grande instance pour qu'il fût jugé que l'emprise par la commune constituait une voie de fait, que celle-ci fût condamnée en conséquence à lui payer une somme de 975 000 €, correspondant à la valeur vénale des 35 emplacements de parking à la réalisation desquels la parcelle était initialement destinée et au préjudice de jouissance subi depuis trente ans, et qu'il fût dit que le jugement à intervenir vaudrait vente et serait transmis aux fins de publication au service chargé de la publicité foncière ; que l'institution de retraite complémentaire Humanis Retraite Arrco n'était pas fondée à soutenir que la voie de fait imputable à la commune du X... aboutissait à l'extinction de son droit de propriété, dans la mesure où il apparaissait rigoureusement impossible d'envisager une remise en état des Société civile professionnelle lieux qui avaient été entièrement aménagés par la collectivité, quand elle se référait elle-même aux conclusions de l'expert, désigné en référé, selon lesquelles la parcelle [...] correspondait à « une partie de parking et de piste cyclable séparée par une haie de lauriers à l'ouest sur 20 m environ, à une piste cyclable en partie centrale sur 135 m environ et à une partie de piste cyclable et d'espaces verts en partie sur 30 m environ », ce dont il ne résultait pas une destruction de la propriété immobilière, en dépit de la privation totale de l'usage du terrain concerné, du fait des aménagements réalisés ; que, de même, pour conclure à la compétence du juge judiciaire pour connaître du litige, elle ne pouvait invoquer le fait que la demande dont elle avait saisi le tribunal de grande instance ne tendait pas à une remise en état ou à une restitution, mais au transfert de propriété et à son indemnisation corrélative, quand le transfert de propriété du bien faisant l'objet de la voie de fait ne pouvait constituer, sauf accord des parties intéressées, un mode de réparation de la voie de fait commise par l'administration ; que c'était donc à tort que le juge de la mise en état avait considéré, hors toute extinction du droit de propriété sur la parcelle [...] , que le tribunal de grande instance était compétent pour connaître de l'action engagée par l'institution de retraite complémentaire Humanis Retraite Arrco ;

ALORS QUE le transfert de propriété non demandé par le propriétaire ne peut intervenir qu'à la suite d'une procédure régulière d'expropriation ; qu'en l'espèce cependant, ainsi que l'a constaté l'arrêt attaqué, la demande de l'exposante tendait à ce que le juge ordonne le transfert de propriété, condamne la commune à lui régler le prix du terrain et l'indemnise du préjudice de jouissance subi ; que l'exposante soutenait (v. ses concl. déposées le 14 janvier 2016, p. 4) qu'un tel transfert était de la seule compétence du juge judiciaire dès lors qu'il s'agissait de statuer sur les conséquences de la dépossession définitive d'une parcelle affectée dans sa totalité à un usage public, la plaçant dans une situation analogue à celle d'un propriétaire exproprié, ce dont il se déduisait qu'elle demandait à ce que le juge prononçât une expropriation de fait de sa parcelle ; qu'en écartant cette demande au prétexte que le transfert de propriété du bien faisant l'objet de la voie de fait ne pouvait constituer, sauf accord des parties intéressées, un mode de réparation de la voie de fait commise par l'administration, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil ;

ALORS QUE, en toute hypothèse, il y a voie de fait, justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, dans le cas notamment où une décision de l'administration aboutit à l'extinction d'un droit de propriété et est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que la dépossession totale et définitive d'une parcelle a pour effet l'extinction du droit de propriété ; qu'en écartant l'existence d'une voie de fait tout en constatant que l'aménagement par la commune du X... sur la parcelle [...] d'un parking public et d'une piste cyclable aboutissait à une privation totale de l'usage du terrain concerné, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi les articles 544 et 545 du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

ALORS QUE, en outre, l'extinction du droit de propriété caractérisant la voie de fait s'entend de la dépossession totale et définitive de la propriété, privant de fait le propriétaire du droit d'en jouir et d'en disposer librement ; qu'en assimilant l'extinction du droit de propriété caractérisant la voie de fait à la destruction matérielle de la propriété immobilière, la cour d'appel a violé les article 544 et 545 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-21993
Date de la décision : 18/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Contentieux de la voie de fait - Voie de fait - Définition - Atteinte portée par l'administration au droit de propriété - Exclusion - Cas - Emprise irrégulière n'ayant pas pour effet l'extinction du droit de propriété

PROPRIETE - Atteinte au droit de propriété - Voie de fait - Caractérisation - Défaut - Cas - Emprise irrégulière n'ayant pas pour effet l'extinction du droit de propriété

Une cour d'appel qui relève qu'une commune a aménagé sur un terrain appartenant à une personne privée un parking, une piste cyclable séparée par une haie de lauriers et des espaces verts et qui retient que la remise en état des lieux est possible, en déduit exactement, en l'absence de dépossession définitive, que l'emprise irrégulière n'a pas eu pour effet l'extinction du droit de propriété, de sorte que le juge judiciaire est incompétent pour connaître de l'action


Références :

articles 544 et 545 du code civil

loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 26 mai 2016

Sur l'incompétence du juge judiciaire en cas d'emprise irrégulière n'ayant pas pour effet l'extinction du droit de propriété, à rapprocher :1re Civ., 13 mai 2014, pourvoi n° 12-28248, Bull. 2014, I, n° 87 (cassation sans renvoi) ;1re Civ., 9 décembre 2015, pourvoi n° 14-24880, Bull. 2015, I, n° 313 (2) (cassation partielle sans renvoi) ;1re Civ., 15 juin 2016, pourvoi n° 15-21628, Bull. 2016, I, n° 134 (3) (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 18 jan. 2018, pourvoi n°16-21993, Bull. civ.Bull. 2018, III, n° 6
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, III, n° 6

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21993
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award