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11/07/2017 | FRANCE | N°08-84989;10-80810;16-83588

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 08-84989 et suivants


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M.Sylvain X..., contre :

- l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 5 juin 2008, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de dégradations aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes et pièces de la procédure ;

- l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 3 décembre 2009, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de dég

radations aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes et pièces de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M.Sylvain X..., contre :

- l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 4e section, en date du 5 juin 2008, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de dégradations aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes et pièces de la procédure ;

- l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 6e section, en date du 3 décembre 2009, qui, dans l'information suivie contre lui du chef de dégradations aggravées, a prononcé sur sa demande d'annulation d'actes et pièces de la procédure ;

- l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 4-10, en date du 4 mai 2016, qui, pour dégradations aggravées, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 juin 2017 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Raybaud, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mme Drai, MM. Stephan, Guéry, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Wallon ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller RAYBAUD, les observations de Me BOUTHORS, de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général WALLON ;

Joignant les pourvois en raison de leur connexité ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte des arrêts attaqués qu'entre 2004 et 2007, des graffitis ont été constatés à plusieurs reprises sur des voitures du métropolitain parisien; que les investigations ont conduit les enquêteurs à soupçonner deux personnes, dont M. X... ; qu'une information a été ouverte au tribunal de grande instance de Paris ; que M. X... a été mis en examen du chef de dégradations commises sur des biens d'utilité publique et appartenant à une personne chargée d'un service public ; qu'il a présenté le 26 décembre 2007 une première requête en nullité, rejetée par un arrêt de la chambre de l'instruction du 5 juin 2008 ; qu'il a présenté le 23 septembre 2009 une seconde requête en nullité, rejetée par un arrêt du 3 décembre 2009 ; que deux pourvois ont été formés contre ces arrêts ; que le président de la chambre criminelle a déclaré les pourvois non immédiatement recevables ; qu'à l'issue de l'information, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel ; que par jugement du 19 décembre 2012, la juridiction l'a déclaré coupable et l'a condamné au plan pénal et au plan civil ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel du jugement ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, dirigé contre l'arrêt du 5 juin 2008, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, des articles 53, 60, 77-1, 100 et suivants, 170 et suivants, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, la chambre de l'instruction de la cour de Paris, dans son arrêt du "7" juin 2008, a rejeté la requête en nullité de la procédure d'enquête ;

"aux motifs que la cour, saisie de la première requête a jugé que la cellule Tags de la police régionale des transports a été saisie depuis octobre 2006 de plusieurs faits de dégradations sur des rames, commises sous les signatures Azyle et Vices par deux mêmes individus ; qu'une nouvelle plainte sera déposée le 26 avril 2007 pour des faits similaires et jointes, avec l'autorisation du parquet, avec les affaires précédentes ; qu'au cours de cette dernière procédure, suivie sous le régime de la flagrance, les services de police ont procédé à plusieurs réquisitions sans autorisation préalable du procureur de la République, laquelle n'est pas requise en matière de flagrance ; que passé le délai de huit jours fixé à l'alinéa 2 de l'article 53, l'enquête s'est poursuivie en préliminaire ; qu'entre temps des réquisitions avaient été adressées auprès de trois opérateurs de téléphonie mobile et de l'administration fiscale avec l'autorisation du parquet (PV du 13 avril 2007. D 324) ; que les surveillances exercées sous ce régime ont permis de surprendre le requérant avec un complice dans les locaux de la R.A.T.P. en flagrant délit le 25 Juin 2007 ; qu'eu égard à la gravité des dommages causés à la R.A.T.P., sont applicables les dispositions de l'article 322-1 du code pénal autorisant, conformément à celles de l'article 67 du code de procédure pénale, application de la procédure flagrante ; que la procédure est donc régulière, étant observé que dans toutes les procédures jointes, initialement ouvertes sur dénonciation de la R.A.T.P. dans les mêmes circonstances justifiant la flagrance et poursuivies, passé le délai de huit jours, en enquête préliminaire, toutes les réquisitions ont été délivrées sans autorisation du parquet mais dans le temps de la dite flagrance ; que toutes les recherches informatiques ou dans les "pages jaunes" de France Télécom ont été annexées aux procès-verbaux afférents… que la cour n'a relevé aucune autre cause de nullité ;

"1°) alors qu'en se bornant ainsi à valider la combinaison des enquêtes poursuivies tantôt sur le mode préliminaire, tantôt sur celui de la flagrance, la cour a délaissé le grief de la défense relatif à l'exploitation irrégulière par la RATP d'un fichier non déclaré à la CNIL portant sur l'identification des personnes suspectées de taguer les rames du métropolitain, privant ainsi son arrêt de motifs sur le grief correspondant ;

"2°) alors que la cour ne s'est pas davantage prononcée sur l'incompétence alléguée des agents de police rédacteurs de divers procès-verbaux (PV n° D 194, D 201, D 229, D 277, D 434, D 437, D 719, D 855 et leurs annexes) que seul un officier de police judiciaire pouvait établir, privant derechef son arrêt de motif sur le grief pris de l'incompétence des rédacteurs" ;

Attendu que le demandeur, à l'appui de son pourvoi formé contre l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction le 5 juin 2008, invoque des causes de nullité qu'il n'avait pas proposées à cette juridiction; qu'en application de l'article 595 du code de procédure pénale, il est irrecevable à les soulever pour la première fois devant la Cour de cassation ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation, dirigé contre l'arrêt du 3 décembre 2009, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire, 170 et suivants, 194 et suivants, 200, 206, 209, 216, 217, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la chambre de l'instruction de la cour de Paris, dans son arrêt du "30" décembre 2009, a dit n'y avoir lieu à annulation des interrogatoires des 18 mars et 7 avril 2009 ;

"aux motifs que la requête en annulation porte sur les interrogatoires des 18 mars et 7 avril 2009 en ce qu'ils procèdent d'actes et de pièces de procédure précédemment soumis par requête en nullité du 26 décembre 2007 au contrôle de la chambre de l'instruction de céans qui a rendu son arrêt le 5 juin 2008 ; que la partie demanderesse fait valoir que l'arrêt du 5 juin 2008 n'est pas définitif et qu'il appartient ici à la chambre de l'instruction d'apprécier les moyens d'annulation au regard de ceux développés dans la précédente requête ; que la chambre de l'instruction n'ayant pas pouvoir de réformer ses propres décisions, d'une part, l'arrêt de la chambre de céans étant, d'autre part, exécutoire en application des dispositions de l'article 571 al. 3 du code de procédure pénale après rejet de la requête article 570 du même code par le président de la chambre criminelle qui a ordonné la continuation de la procédure, le moyen pris de l'irrégularité d'interrogatoires ayant pour support des actes et pièces de la procédure dont l'annulation a été rejetée par l'arrêt précité du 5 juin 2008, est, en l'état, sans fondement ; qu'aucune irrégularité intrinsèque aux interrogatoires des 18 mars et 7 avril 2009 n'apparaissant à l'examen de la cour, la requête sera rejetée ;

"alors que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera par voie de conséquence la cassation sur le présent moyen, les interrogatoires litigieux des 18 mars et 7 avril 2009 ayant eu lieu sur la foi de pièces arguées de nullité" ;

Attendu que l'irrecevabilité du premier moyen rend sans objet le second, dirigé contre l'arrêt rendu par la chambre de l'instruction le 3 décembre 2009 ;

Sur le troisième moyen de cassation, dirigé contre l'arrêt du 4 mai 2016, pris de la violation des articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article préliminaire et des articles 179, 385 alinéa 3, 459, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;

"en ce que, la cour d'appel a condamné le requérant du chef de dégradation après avoir rejeté son « exception » d'inconventionnalité de la procédure ;

"aux motifs que la cour, saisie de l'exception de non-conventionnalité des articles 179 et 385 alinéa 3 du code de procédure pénale a, adoptant les motifs pertinents par lesquels le tribunal a estimé, au vu des éléments de la procédure, que les conditions d'un procès équitable et le principe de l'égalité des armes avaient été parfaitement respectés, a confirmé le rejet de l'exception de non conventionalité ;

"alors que n'est pas équitable le procès dont les pièces sont arguées de maintes nullités, non actuellement purgées, sur la régularité desquelles le juge du fond refuse de statuer lors même que le prévenu est invité à s'expliquer sur lesdites pièces qui ont servi de fondement à la déclaration de culpabilité prononcée à son encontre" ;

Attendu que M. X... a présenté, le 26 décembre 2007 et le 23 septembre 2009, deux requêtes en nullité visant des actes de la procédure d'enquête et de la procédure d'instruction, que la chambre de l'instruction les a rejetées par arrêts des 5 juin 2008 et 3 décembre 2009, contre lesquels deux pourvois en cassation ont été formés ; que par ordonnances des 17 juillet 2008 et 10 février 2010, le président de la chambre criminelle, en application des articles 570 et 571 du code de procédure pénale, a déclaré les pourvois non immédiatement recevables ; que par ordonnance du juge d'instruction du 12 avril 2011, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel ;

Attendu que M. X... a repris devant le tribunal correctionnel la requête en nullité déposée le 26 décembre 2007 et déposé une exception de non-conformité à la Convention européenne des droits de l'homme des articles 179 et 385 du code de procédure pénale en application desquels le tribunal, lorsqu'il est saisi par une juridiction d'instruction, n'a pas qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure ; que le tribunal correctionnel, après avoir déclaré ces dispositions législatives non contraires à la Convention, a déclaré irrecevable la requête en nullité; que pour écarter le grief de nullité invoqué par le prévenu, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, les articles 179 et 385 du code de procédure pénale ne portent aucune atteinte au principe du procès équitable prévu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme dés lors que, d'une part, la défense peut contester la régularité d'une procédure d'instruction en saisissant en temps utile la chambre de l'instruction, d'autre part, en cas de pourvoi formé contre l'arrêt de cette juridiction rejetant une requête en nullité, les articles 570 et 571 dudit code ont pour seul effet d'en différer le cas échéant, l'examen jusqu'à un éventuel pourvoi contre la décision statuant sur la culpabilité, la constatation d'une irrégularité ayant nécessairement pour effet de remettre en cause la décision sur le fond ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, dirigé contre l'arrêt du 4 mai 2016, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du Citoyen du 26 août 1789, 112-2, 112-4, 322-1 et R. 635-1 du code pénal, L. 111-1 et suivants et L. 112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, de l'article premier de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, de l'article préliminaire et des articles 465, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que, la cour a déclaré le requérant coupable de dégradation du bien d'autrui et l'a condamné à une peine principale de huit mois d'emprisonnement avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve dans les termes de l'article 132-45 3° et 5° du code pénal ;

"aux motifs que c'est par des motifs pertinents que la cour fait sien, et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont à bon droit retenu M. X... dans les liens de la prévention, étant observé que les multiples dégradations commises sont établies par les constatations régulières et précises des procès-verbaux des fonctionnaires de police et sont reconnus par le prévenu, tant au cours de l'information qu'à l'audience ; que les supports endommagés par peintures ou gravures ont été dégradés dans leur structure, interdisant toute qualification de dommages légers ; qu'en outre, le caractère prétendument artistique allégué n'efface aucunement la réalité des dégradations de la propriété d'autrui ; que la cour confirmera le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité ; qu'il sera également confirmé sur la peine de huit mois d'emprisonnement assortie en totalité d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans, qui tient compte de la nature et de la gravité des faits, de l'antécédent judiciaire du prévenu, condamné pour des faits similaires commis postérieurement, et des éléments connus de sa personnalité, avec, la cour ajoutant une obligation de soin, les obligations ci-après spécifiées au dispositif, M. X... ayant besoin d'être encadré ;

"1°) alors qu'une oeuvre de l'esprit dont le support n'appartient pas à son créateur ne peut en soi être constitutive d'une « dégradation » dudit support à raison seulement de la volonté d'une partie civile invoquant un droit de propriété mobilière ; qu'à tort la cour s'est en l'espèce refusée à qualifier l'oeuvre incriminée, motif erroné pris de son « caractère prétendument artistique » quand le code de la propriété intellectuelle ne distingue pas le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination d'une oeuvre ;

"2°) alors que le standard du « dommage léger » faisant échapper la dégradation poursuivie à une qualification délictuelle implique une motivation judiciaire précise sur le dommage allégué par la partie civile, lequel ne saurait être identifié au coût de l'effacement de l'oeuvre ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait par des motifs imprécis, la cour a derechef privé sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;

"3°) alors, en tout état de cause, que les atteintes à la liberté d'expression, à laquelle se rattache la création artistique, doivent être prévues par la loi, nécessaires et proportionnées à leur objet ; qu'une peine d'emprisonnement, serait-elle assortie d'un sursis assorti d'un contrôle judiciaire portant notamment obligation de soin, ne saurait être prononcée par le juge répressif sans autre justification qu'une déclaration de culpabilité du chef de dégradation mobilière" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de dégradations aggravées dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Sur le cinquième moyen de cassation, dirigé contre l'arrêt du 4 mai 2016, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 322-1 du code pénal, du règlement CE n° 1307/2007, 1199 (anciennement 1165) et 1583 du code civil, de l'article L. 2142-8 du code des transports, de l'article 13 du décret n° 2011-320 du 23 mars 2011, de l'article préliminaire et des articles 2, 427, 459, 464, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, violation de la loi et manque de base légale ;

"en ce que, saisie d'une fin de non-recevoir, la cour a déclaré recevable tant la constitution de partie civile de la RATP que ses demandes indemnitaires ;

"aux motifs que si le prévenu fait valoir que le matériel roulant appartient au syndicat des transports d'Ile de France de telle sorte que la constitution de partie civile de la Régie Autonome des Transports Parisiens est irrecevable faute de qualité pour agir, fondant cette information sur l'article L. 2142-8 du code des transports qui dispose « jusqu'à leur remise au Syndicat des transport d'Ile de France, la régie exerce son contrôle sur l'ensemble des biens réalisés ou acquis par elle ou qui ont été remis et qui sont nécessaires pour assurer l'exploitation des service mentionnés à l'article L.1241-6 dont elle est chargée au 1er janvier 2010 ; que ces biens qui comprennent notamment les matériels roulant et matériels d'entretien du matériel roulant appartiennent au syndicat dès leur achèvement ou leur acquisitions », il apparaît que ce même article poursuit ainsi : « le syndicat entre immédiatement en leur possession à l'expiration des contrats d'exploitation des services concernés et se trouve, à cette date, subrogés dans tous les droits et obligations de la régie afférents à ces contrats » ; que cependant, s'il apparaît que le STIF devient propriétaire du matériel roulant à l'expiration du contrat d'exploitation passé entre celui-ci et la RATP, l'article L.1241-6 du code des transports précise dans son 3°, concernant l'échéance de cette convention : « elle se termine […] pour les autres services réguliers de transports guidés : le 31 décembre 2039 » ; qu'ainsi, jusqu'au 31 décembre 2039, le matériel roulant appartient à la RATP ; que de plus, que l'article 13 du décret n° 2011-320 du 23 mars 2011 dispose que « jusqu'à leur remise au STIF en application de l'article L. 2142-8 du code des transports, la RATP utilise librement, pour les besoins de l'exploitation des services de transport dont l'exécution lui est confiée en application de l'article L. 1241-6 du même code, l'ensemble des matériels roulant […] ; que la RATP assure l'entretien de ces biens […] ; qu'elle supporte les charges nées des dommages subis par les tiers du fait de ces biens » ; qu'en conséquence, le matériel roulant étant la propriété de la RATP jusqu'au 31 décembre 2039, celle-ci démontre sa qualité à agir ; qu'en application de l'article 2 du code de procédure pénale, l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que la victime ainsi définie est fondée à réclamer et à obtenir la réparation intégrale de son préjudice ; que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité sans perte ni profit pour aucune des parties ; que les faits commis par M. X... ont directement causé à la Régie Autonome des Transports Parisiens, partie civile, un préjudice certain dont le prévenu doit réparation ; que c'est à juste titre que la juridiction de premier degré a reçu celle-ci en sa constitution de partie civile ; qu'il n'est pas contestable que la R.A.T.P, tenue de remettre les lieux en état après les dégradations commises, a subi de ce fait un préjudice matériel découlant directement des faits visés par la prévention et que M. X... sera tenu d'indemniser ;

"alors que l'intérêt protégé par l'article 322-1 du code pénal incriminant la destruction, la dégradation ou la détérioration d'un bien est celui du propriétaire dudit bien ; que le matériel litigieux étant, en vertu de la loi, la propriété du syndicat des transports d'Ile de France (STIF) et non pas de la R.A.T.P., simple exploitant, la cour n'a pu accorder à la R.A.T.P. l'indemnisation qu'elle réclamait pour l'entretien des rames" ;

Sur le sixième moyen de cassation, dirigé contre l'arrêt du 4 mai 2016, pris de la violation des articles 322-1 du code pénal, de l'article préliminaire et des articles 3, 459, 464, 485, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que la cour a rejeté la demande de supplément d'informations aux fins d'obtenir les justificatifs du préjudice allégué par la partie civile et a alloué à cette dernière 138 667,25 euros à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que d'une part que la cour, saisie d'une demande aux fins de supplément d'information, a jugé que le tribunal a justement estimé qu'une telle demande n'avait pour objet que la communication de documents relatifs à l'étendue du préjudice de la partie civile, communication n'ayant aucune incidence sur l'appréciation de la responsabilité pénale ;

"et aux motifs d'autre part que la R.A.T.P ne produit pas de factures correspondant aux frais de nettoyage et de remise en état, mais des devis réalisés par ses services, en expliquant qu'elle confie les prestations de nettoyage et de dégraffitage des installations et matériels de son entreprise à des sociétés extérieures dans le cadre d'un marché MPNR (marché de propreté et de netteté des réseaux) lequel fait l'objet d'une rétribution financière forfaitisée, calculée sur la base des coût unitaires et d'un volume global d'heures d'interventions ; qu'au regard des pièces produites par la R.A.T.P, soit les devis mentionnant chacun le coût horaire de travail retenu, le nombre d'heures devant être effectuées et le coût des fournitures correspondantes pour réparer les dommages causés, la cour dispose, contrairement à ce que le prévenu a soutenu à tort, des éléments suffisants d'appréciation pour se prononcer sur le préjudice matériel subi par la R.A.T.P ; que toutefois, il convient au regard des pièces de la procédure et des débats, notamment des observations pertinentes du prévenu, de réduire dans de plus justes proportions les sommes réclamées et ce compte tenu des dégradations constatées ; que la R.A.T.P. réclame également dans chaque devis, des « frais généraux réels » correspondant selon son argumentation, aux dépenses en termes de personnel, de sécurité ou de contentieux occasionnés par les dégradations commises, estimant que si les opérations nettoyage de graffitis sont effectuées à l'occasion de l'entretien régulier du train, il ne s'agit pas d'un entretien normal, qu'elle doit recourir à des produits très spécifiques pour remédier aux nuisances dont elle est l'objet, qu'elle doit être en outre obligée de mener une lutte incessante, mobilisant l'ensemble de son personnel pour suivre ce type de dossiers et d'adapter ses installations pour lutter contre les nouveaux modes de dégradations ; que toutefois ces frais, qui apparaissent pour une large part être déjà pris en compte dans l'évaluation du coût de remise en état des lieux et qui ne sont pas, pour le reste justifiés, ne seront pas retenus ; qu'il se déduit de cette analyse que le préjudice matériel de la R.A.T.P apparaît justifié à hauteur de 138 667,25 euros ; que la décision déférée sera partiellement infirmée quant à l'indemnisation du préjudice matériel résultant des dégradations et M. X... condamné au paiement de cette somme ;

"1°) alors que, c'est un droit strict pour le prévenu d'obtenir de la part de la partie civile les justificatifs complets du préjudice que celle-ci prétend avoir subi ; que la réticence de la RATP avait conduit la défense du requérant à solliciter un supplément d'information, lequel n'était pas indifférent sur le terrain de la qualification délictuelle ou contraventionnelle des faits et n'était pas non plus limité en droit aux seuls besoins de l'action publique mais pouvait également concerner l'action civile ;

"2°) alors que la réparation allouée à la partie civile sur la foi d'éléments incomplets ne permet aucun contrôle du lien de causalité entre les sommes demandées et le préjudice allégué" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant de l'infraction pour la Régie autonome des transports parisiens, qui établit l'existence d'un préjudice personnel en lien direct avec les faits poursuivis, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que les arrêts sont réguliers en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale que M. X... devra payer à la RATP au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze juillet deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 08-84989;10-80810;16-83588
Date de la décision : 11/07/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Saisine - Ordonnance de renvoi - Exception tirée de la nullité de la procédure antérieure - Irrecevabilité - Atteinte au principe du procès équitable (non)

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Equité - Procédure - Juridictions correctionnelles - Saisine - Ordonnance de renvoi - Exception tirée de la nullité de la procédure antérieure - Irrecevabilité - Compatibilité

Les articles 179 et 385 du code de procédure pénale, en application desquels le tribunal correctionnel, lorsqu'il est saisi par une juridiction d'instruction, n'a pas qualité pour constater les nullités de la procédure antérieure, ne portent pas atteinte au principe du procès équitable dès lors que, d'une part, la personne poursuivie peut contester la régularité de la procédure d'instruction en saisissant en temps utile la chambre de l'instruction, d'autre part, en cas de pourvoi formé contre l'arrêt de cette juridiction rejetant une requête en nullité, les articles 570 et 571 dudit code ont pour seul effet d'en différer l'examen jusqu'à un éventuel pourvoi contre la décision statuant sur la culpabilité


Références :

articles 179 et 385 du code de procédure pénale

article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 mai 2016

Sur l'irrecevabilité des exceptions de nullité de la procédure antérieure soulevées postérieurement à l'ordonnance de renvoi, à rapprocher : Crim., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-81199, Bull. crim. 2013, n° 18 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2017, pourvoi n°08-84989;10-80810;16-83588, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Wallon
Rapporteur ?: M. Raybaud
Avocat(s) : Me Bouthors, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:08.84989
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