LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de contredit (Paris, 25 juin 2015) et les productions, rendu en matière de contredit, que M. X... a contacté la société Tédis (la société), exportatrice de médicaments, de produits pharmaceutiques et de matériels médicaux, pour lui proposer, en tant qu'apporteur d'affaires, de participer aux appels d'offres du "Medical Supply Organization" chargé par le ministère de la santé libyen de subvenir aux besoins de la population en médicaments ; qu'à l'occasion de cette relation d'affaires, la société a versé à M. X... des commissions au titre de plusieurs commandes ; qu'estimant que la rémunération perçue n'était pas conforme aux termes de leurs discussions, M. X... a assigné la société devant le tribunal de commerce d'Evry, par acte du 3 juin 2013, invoquant, notamment, l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ; que statuant sur l'exception d'incompétence soulevée par la société, ce tribunal s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce de Paris, lequel a, par un jugement du 6 octobre 2014, constaté la caducité de l'assignation délivrée le 3 juin 2013 et le désistement d'instance de M. X... ; que M. X... ayant, avant même ce jugement, à nouveau assigné la société devant le tribunal de commerce d'Evry, par acte du 4 juin 2014, ce tribunal de commerce s'est dessaisi au profit du tribunal de commerce de Paris, par un jugement du 19 novembre 2014, prononcé à l'issue de débats tenus le 3 septembre 2014, contre lequel M. X... a formé un contredit ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de retenir la compétence du tribunal de commerce d'Evry et de renvoyer les parties devant cette juridiction, après avoir déclaré recevable et fondé le contredit formé par M. X... alors, selon le moyen :
1°/ que saisie par la voie d'un contredit de compétence contre la décision rendue sur la litispendance, la juridiction du second degré est tenue d'en apprécier les conditions au jour où le tribunal initialement saisi de cette exception a statué sans qu'il soit permis au contredisant d'invoquer un fait nouveau survenu a posteriori ; qu'il résulte des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé que les conditions de la litispendance étaient réunies au jour où le tribunal de commerce d'Evry a statué sur cette exception, à la date de clôture des débats, avant que le tribunal de commerce de Paris ne constate l'extinction de l'instance du fait de la caducité de l'assignation ; qu'en décidant cependant que la litispendance avait cessé postérieurement à la clôture des débats devant le tribunal de commerce d'Evry, du moment que le tribunal de commerce de Paris avait constaté la caducité de l'assignation initiale du 3 juin 2013, quand le contredit de compétence dont elle était saisie lui interdisait de se fonder sur un fait nouveau pour en déduire que la litispendance avait cessé, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir ; qu'ainsi, elle a violé les articles 561 et 562 du code de procédure civile par fausse application, et les articles 79, 81, 100 et 104 du code de procédure civile par refus d'application ;
2°/ qu'en cas de renvoi devant une autre juridiction dans l'hypothèse prévue à l'article 79 du code de procédure civile, l'instance régulièrement engagée devant le tribunal initialement saisi se poursuit devant le tribunal de renvoi ; qu'il s'ensuit que le prononcé de la caducité de l'assignation initiale par le tribunal de renvoi n'a d'effet que pour l'avenir sans la priver de son efficacité pour la période antérieure à la caducité ; qu'en affirmant, pour décider que la litispendance avait cessé, que la caducité de l'assignation initiale du 3 juin 2013 entraînerait nécessairement l'anéantissement rétroactif de tous ses effets, bien qu'elle ait été prononcée par le tribunal de commerce de Paris qui avait été saisi sur déclaration d'incompétence du tribunal de commerce d'Evry par un jugement définitif du 8 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles 100 et 853 du code de procédure civile ;
3°/ que, la litispendance ne cesse que pour autant que la juridiction saisie en premier ait mis fin définitivement à l'instance dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de vérifier qu'il avait été mis fin définitivement à l'instance suivie devant le tribunal de commerce de Paris par la caducité de l'assignation initiale qu'il était encore au pouvoir du juge de rapporter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 100 et 407 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la société n'ayant pas soutenu devant la cour d'appel que le tribunal de commerce de Paris avait rapporté la caducité de l'assignation ayant introduit l'instance dont il était saisi le moyen est, en sa troisième branche, nouveau et mélangé de fait et de droit ;
Et attendu que la cour d'appel, investie de la connaissance de l'exception de litispendance par l'effet du contredit, apprécie l'existence d'une situation de litispendance au jour où elle statue ; qu'ayant relevé que le tribunal de commerce de Paris avait prononcé la caducité de l'assignation et exactement retenu que la caducité de la citation entraîne l'extinction de l'instance, mettant ainsi en évidence qu'au jour où elle statuait seul le tribunal de commerce d'Evry demeurait saisi d'une instance, la cour d'appel a par ces seuls motifs justifié sa décision de renvoyer les parties devant ce tribunal de commerce ;
D'où il suit que le moyen irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article D. 442-3 du code de commerce que seules les juridictions commerciales énumérées à l'annexe 4-2-1, sont investies du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, même dans le silence du demandeur qui s'abstient de citer les termes de ce texte au soutien de ses prétentions ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le tribunal de commerce d'Evry était saisi par M. X... d'une action identique par son objet et par sa cause à celle qu'il avait renvoyée devant le tribunal de commerce de Paris, en application des articles D. 442-3 et L. 442-6 du code de commerce ; qu'en retenant la compétence du Tribunal de commerce d'Evry pour statuer sur la seconde assignation de M. X... qui ne vise pas expressément les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, sans rechercher, au besoin d'office, si ce texte n'est pas relatif à l'application du litige, ce qui prive le tribunal de commerce d'Evry de toute aptitude à en connaître, même en cas de dessaisissement du tribunal de commerce de Paris, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 125 du code de procédure civile ;
Mais attendu que pour apprécier les droits à commissions tirés d'un contrat d'apporteur d'affaires au titre de commandes qui ont déjà été honorées, les juges du fond n'ont pas à faire application de l'article L. 442-6,I,5° du code de commerce ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tédis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par laSCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Tédis
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR retenu la compétence du Tribunal de commerce d'Evry et D'AVOIR renvoyé les parties devant cette juridiction, après avoir déclaré recevable et fondé le contredit formé par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE M. X... fait, pour l'essentiel, valoir qu'à la date du délibéré du tribunal de commerce d'Evry, il n'y avait pas de litige pendant devant deux juridictions, mais uniquement devant le tribunal de commerce d'Evry ; qu'ainsi, ce dernier ne pouvait se dessaisir au profit du tribunal de commerce de Paris ; que la société TEDIS réplique qu'au jour où le juge du tribunal de commerce d'Evry a statué le 3 septembre 2014, date de clôture des débats, la même affaire était pendante devant deux juridictions, le tribunal de commerce de Paris n'ayant rendu sa décision que le 6 octobre 2014 ; que l'article 100 du Code de procédure civile dispose : « Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office » ; qu'il n'est pas contesté que les affaires soumises aux tribunaux de commerce de Paris et d'Evry relèvent d'un litige identique ni que ceux-ci étaient compétents pour connaître du litige, le tribunal de commerce de Paris, le premier saisi par assignation du 3 juin 2013 au visa de l'article L 442-6 du Code de commerce et le tribunal de commerce d'Evry saisi par acte du 4 juin 2014 en raison du lieu du siège social de la défenderesse, la société TEDIS ; qu'une exception de litispendance doit être appréciée par le juge au jour où il statue ce qui s'entend de la date de clôture des débats et qu'une régularisation n'est recevable qu'avant que le juge statue sauf à ce qu'une note en délibéré ait été autorisée conformément à l'article 445 du Code de procédure civile, ce qui n'est pas le cas de la note en délibéré adressée par M. X... au greffe de la juridiction le 7 novembre 2014 alors que les débats avaient été clôturés le 3 septembre 2014 ; que le tribunal de commerce d'Evry a statué sans tenir compte de cette pièce comme le lui demandait la SA TEDIS dans son courrier du 12 novembre 2014 ; qu'à la date de clôture des débats devant le tribunal de commerce d'Evry, le 3 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris n'avait pas encore rendu sa décision ; que par jugement du 6 octobre 2014, cette juridiction a prononcé la caducité de l'assignation du 3 juin 2013 devant le tribunal de commerce d'Evry ; que la caducité d'un acte de procédure entraîne l'anéantissement rétroactif de tous ses effets et qu'en particulier la caducité de la citation entraîne à titre principal l'extinction de l'instance ; que le tribunal de commerce d'Evry saisi par l'assignation du 4 juin 2014 est compétent pour statuer sur la demande ; qu'il convient de déclarer recevable et bien fondé le contredit formé par M. X..., de déclarer le Tribunal de commerce d'Evry compétent et de renvoyer les parties devant cette juridiction ;
1. ALORS QUE saisie par la voie d'un contredit de compétence contre la décision rendue sur la litispendance, la juridiction du second degré est tenue d'en apprécier les conditions au jour où le tribunal initialement saisi de cette exception a statué sans qu'il soit permis au contredisant d'invoquer un fait nouveau survenu a posteriori ; qu'il résulte des constatations auxquelles les juges du fond ont procédé que les conditions de la litispendance étaient réunies au jour où le Tribunal de commerce d'Evry a statué sur cette exception, à la date de clôture des débats, avant que le Tribunal de commerce de Paris ne constate l'extinction de l'instance du fait de la caducité de l'assignation ; qu'en décidant cependant que la litispendance avait cessé postérieurement à la clôture des débats devant le Tribunal de commerce d'Evry, du moment que le Tribunal de commerce de Paris avait constaté la caducité de l'assignation initiale du 3 juin 2013, quand le contredit de compétence dont elle était saisie lui interdisait de se fonder sur un fait nouveau pour en déduire que la litispendance avait cessé, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir ; qu'ainsi, elle a violé les articles 561 et 562 du Code de procédure civile par fausse application, et les articles 79, 81, 100 et 104 du Code de procédure civile par refus d'application ;
2. ALORS subsidiairement QU'en cas de renvoi devant une autre juridiction dans l'hypothèse prévue à l'article 79 du Code de procédure civile, l'instance régulièrement engagée devant le tribunal initialement saisi se poursuit devant le tribunal de renvoi ; qu'il s'ensuit que le prononcé de la caducité de l'assignation initiale par le tribunal de renvoi n'a d'effet que pour l'avenir sans la priver de son efficacité pour la période antérieure à la caducité ; qu'en affirmant, pour décider que la litispendance avait cessé, que la caducité de l'assignation initiale du 3 juin 2013 entrainerait nécessairement l'anéantissement rétroactif de tous ses effets, bien qu'elle ait été prononcée par le Tribunal de commerce de Paris qui avait été saisi sur déclaration d'incompétence du Tribunal de commerce d'Evry par un jugement définitif du 8 janvier 2014, la cour d'appel a violé les articles 100 et 853 du Code de procédure civile ;
3. ALORS plus subsidiairement QUE la litispendance ne cesse que pour autant que la juridiction saisie en premier ait mis fin définitivement à l'instance dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de vérifier qu'il avait été mis fin définitivement à l'instance suivie devant le Tribunal de commerce de Paris par la caducité de l'assignation initiale qu'il était encore au pouvoir du juge de rapporter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 100 et 407 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR retenu la compétence du Tribunal de commerce d'Evry, D'AVOIR renvoyé les parties devant cette juridiction, après avoir déclaré recevable et fondé le contredit formé par M. X... ;
AUX MOTIFS QUE M. X... fait, pour l'essentiel, valoir qu'à la date du délibéré du tribunal de commerce d'Evry, il n'y avait pas de litige pendant devant deux juridictions, mais uniquement devant le tribunal de commerce d'Evry ; qu'ainsi, ce dernier ne pouvait se dessaisir au profit du tribunal de commerce de Paris ; que la société TEDIS réplique qu'au jour où le juge du tribunal de commerce d'Evry a statué le 3 septembre 2014, date de clôture des débats, la même affaire était pendante devant deux juridictions, le tribunal de commerce de Paris n'ayant rendu sa décision que le 6 octobre 2014 ; que l'article 100 du Code de procédure civile dispose : « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office » ; qu'il n'est pas contesté que les affaires soumises aux tribunaux de commerce de Paris et d'Evry relèvent d'un litige identique ni que ceux-ci étaient compétents pour connaître du litige, le tribunal de commerce de Paris, le premier saisi par assignation du 3 juin 2013 au visa de l'article L 442-6 du Code de commerce et le tribunal de commerce d'Evry saisi par acte du 4 juin 2014 en raison du lieu du siège social de la défenderesse, la société TEDIS ; qu'une exception de litispendance doit être appréciée par le juge au jour où il statue ce qui s'entend de la date de clôture des débats et qu'une régularisation n'est recevable qu'avant que le juge statue sauf à ce qu'une note en délibéré ait été autorisée conformément à l'article 445 du Code de procédure civile, ce qui n'est pas le cas de la note en délibéré adressée par M. X... au greffe de la juridiction le 7 novembre 2014 alors que les débats avaient été clôturés le 3 septembre 2014 ; que le tribunal de commerce d'Evry a statué sans tenir compte de cette pièce comme le lui demandait la SA TEDIS dans son courrier du 12 novembre 2014 ; qu'à la date de clôture des débats devant le tribunal de commerce d'Evry, le 3 septembre 2014, le tribunal de commerce de Paris n'avait pas encore rendu sa décision ; que par jugement du 6 octobre 2014, cette juridiction a prononcé la caducité de l'assignation du 3 juin 2013 devant le tribunal de commerce d'Evry ; que la caducité d'un acte de procédure entraîne l'anéantissement rétroactif de tous ses effets et qu'en particulier la caducité de la citation entraîne à titre principal l'extinction de l'instance ; que le tribunal de commerce d'Evry saisi par l'assignation du 4 juin 2014 est compétent pour statuer sur la demande ; qu'il convient de déclarer recevable et bien fonde le contredit formé par M. X..., de déclarer le tribunal de commerce d'Evry compétent et de renvoyer les parties devant cette juridiction ;
ALORS QU'il résulte de l'article D 442-3 du Code de commerce que seules les juridictions commerciales énumérées à l'annexe 4-2-1, sont investies du pouvoir juridictionnel de statuer sur les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce, même dans le silence du demandeur qui s'abstient de citer les termes de ce texte au soutien de ses prétentions ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que le Tribunal de commerce d'Evry était saisi par M. X... d'une action identique par son objet et par sa cause à celle qu'il avait renvoyée devant le Tribunal de commerce de Paris, en application des articles D. 442-3 et L. 442-6 du Code de commerce ; qu'en retenant la compétence du Tribunal de commerce d'Evry pour statuer sur la seconde assignation de M. X... qui ne vise pas expressément les dispositions de l'article L 442-6 du Code de commerce, sans rechercher, au besoin d'office, si ce texte n'est pas relatif à l'application du litige, ce qui prive le Tribunal de commerce d'Evry de toute aptitude à en connaître, même en cas de dessaisissement du Tribunal de commerce de Paris, la cour d'appel a violé les dispositions précitées, ensemble l'article 125 du Code de procédure civile.