Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Patrick X..., - Mme Patricia Y..., épouse Z..., parties civiles,
contre l'arrêt, en date du 17 novembre 2014, par lequel la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, s'est déclarée incompétente pour connaître de l'action civile dans la procédure suivie contre M. Gabriel A... du chef de harcèlement moral ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle COUTARD et MUNIER-APAIRE, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme avocat général référendaire CABY ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Attendu que, par arrêt avant-dire droit en date du 15 mars 2016, il a été sursis à statuer sur les pourvois de M. X... et de Mme Y..., épouse Z..., afin que ceux-ci se prononcent sur leur intention de poursuivre leur action à la suite du décès, le 27 décembre 2015, de Gabriel A... et, dans l'affirmative, appellent à l'instance les ayants droit du défunt ; que, par acte d'huissier de justice en date du 13 juillet 2016, M. X... a signifié à M. Norbert A..., héritier du défendeur, son intention de reprendre l'instance à son endroit ; que, le 10 août 2016, la SCP Coutard et Munier-Apaire s'est constituée pour Norbert A... ;
I-Sur le pourvoi de Mme Y..., épouse Z... :
Vu l'article 606 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'en dépit de l'invitation qui lui était faite par l'arrêt avant-dire droit susmentionné, Mme Y..., épouse Z..., n'a pas manifesté son intention de poursuivre la présente instance contre les ayants droit de Gabriel A..., qu'elle n'a pas appelés à la cause ;
Que, dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur son pourvoi, devenu sans objet ;
II-Sur le pourvoi de M. X... :
Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation du décret du 16 fructidor an III, des articles 10 à 13 de la loi des 16-24 août 1790, 222-33-2 du code pénal, 2, 3, 485, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de la séparation des pouvoirs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que la cour d'appel était incompétente pour statuer sur l'indemnisation de M. X... ;
" aux motifs que le harcèlement moral commis par M. A... dans le cadre de ses fonctions de maire constitue une faute non détachable du service ;
" 1°) alors que l'agent d'un service public est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis lorsque cet acte constitue une faute personnelle détachable de ses fonctions ; qu'il en est ainsi d'actes de harcèlement commis par un maire à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, dès lors qu'il s'est livré personnellement, de manière intentionnelle et répétée, à des actes fautifs ayant gravement dégradé les conditions de travail d'un employé et ayant concouru à l'altération de son état de santé, qui constituent des manquements volontaires et inexcusables à des règles d'ordre professionnel et déontologique ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations des juges du fond que M. A..., maire de la commune du Castellet, a obligé M. X... à se retrancher dans un bureau sans aucune ouverture vers l'extérieur, fenêtres murées, sans moyen de locomotion pour se rendre sur les différents chantiers d'une commune très étendue, et sans moyen de contacter une équipe sur laquelle il n'avait de toute manière plus aucune autorité, ce qui l'a conduit à se mettre en arrêt maladie ; que, dès lors, en ne se reconnaissant pas compétente pour statuer sur la responsabilité civile de M. A..., bien que sa faute pénale présentât le caractère d'une faute personnelle détachable de ses fonctions, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;
" 2°) alors que la cour d'appel ne pouvait pas se borner à relever, pour se déclarer incompétente pour statuer sur la responsabilité civile de M. A..., que le harcèlement moral qu'il avait commis dans le cadre de ses fonctions de maire constitue une faute non détachable du service ; que ce faisant, en ne justifiant pas sa décision, notamment, au regard de la particulière gravité de la faute pénale commise intentionnellement par le maire, sans rapport avec les nécessités de l'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes et principe susvisés " ;
Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 3 du code de procédure pénale ;
Attendu que, si la responsabilité de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est engagée en raison des fautes commises par leurs agents lorsque ces fautes ne sont pas dépourvues de tout lien avec le service, cette responsabilité n'est pas exclusive de celle des agents auxquels est reproché un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d'ordre professionnel et déontologique ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme sur la culpabilité et des pièces de procédure que M. X... et Mme Y..., épouse Z..., ont porté plainte contre Gabriel A..., maire de la commune du Castellet (Var), pour harcèlement moral ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur les faits, Gabriel A... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de ce chef ; que les juges du premier degré l'ont retenu dans les liens de la prévention et condamné à réparer le préjudice subi par les parties civiles ; que le prévenu, le ministère public et M. X... ont relevé appel de la décision ;
Attendu que, pour déclarer la juridiction judiciaire incompétente aux fins de statuer sur l'action civile, après confirmation du jugement sur la déclaration de culpabilité s'agissant des faits non couverts par la prescription de l'action publique, l'arrêt énonce que le harcèlement moral commis par le prévenu dans le cadre de ses fonctions de maire a constitué une faute non détachable du service ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la seule circonstance que le prévenu avait commis les faits reprochés dans l'exercice de ses fonctions ne pouvait exclure que son comportement relevât d'un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d'ordre professionnel et déontologique et qu'en l'occurrence, il résulte des énonciations de l'arrêt sur l'action publique que, par ses agissements répétés, l'intéressé poursuivait un objectif sans rapport avec les nécessités du service, à savoir évincer les parties civiles de leurs responsabilités professionnelles, et que cette situation a altéré la santé de ces dernières, qui ont subi des arrêts de travail durant plusieurs mois, ainsi que compromis leur avenir professionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a fait une inexacte application des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et attendu que les règles régissant la compétence des juridictions sont d'ordre public ; qu'ainsi la cassation doit être étendue à Mme Y..., épouse Z... ;
Par ces motifs :
I-Sur le pourvoi de Mme Y..., épouse Z... :
DIT n'y avoir lieu à statuer sur le pourvoi ;
II-Sur le pourvoi de M. X... :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 17 novembre 2014, mais en ses seules dispositions relatives à la compétence pour connaître de l'action civile, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et l'ensemble des parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-neuf novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.