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12/05/2016 | FRANCE | N°15-15158

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 12 mai 2016, 15-15158


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2015), que la société I-Sys APS a fait pratiquer entre les mains de l'association Paris bibliothèques (l'association) une saisie conservatoire des biens qui lui avaient été confiés par M. X..., pour obtenir paiement d'une certaine somme, et lui a demandé, en exécution d'une ordonnance sur requête rendue par un juge de l'exécution, de remettre les biens saisis à un huissier de justice désigné en qualité de séquestre ; q

ue M. X... a contesté ces mesures devant un juge de l'exécution ;
Attendu...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2015), que la société I-Sys APS a fait pratiquer entre les mains de l'association Paris bibliothèques (l'association) une saisie conservatoire des biens qui lui avaient été confiés par M. X..., pour obtenir paiement d'une certaine somme, et lui a demandé, en exécution d'une ordonnance sur requête rendue par un juge de l'exécution, de remettre les biens saisis à un huissier de justice désigné en qualité de séquestre ; que M. X... a contesté ces mesures devant un juge de l'exécution ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer valable la saisie conservatoire pratiquée à son préjudice le 28 juin 2013 entre les mains de l'association Paris bibliothèques et de le débouter de sa demande indemnitaire, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à peine de caducité l'acte de saisie est signifié au débiteur dans un délai de huit jours ; qu'en se fondant, pour écarter la caducité de la saisie conservatoire pratiquée le 28 juin 2013, sur la circonstance inopérante que M. X..., qui faisait valoir que l'acte qui lui avait été dénoncé n'était pas identique à l'acte délivré au tiers saisi, de sorte que cette dénonciation n'avait pu interrompre le délai de huit jours, ne sollicitait pas la nullité de l'acte de dénonciation et n'invoquait aucun grief résultant de l'anomalie qu'il invoquait, la cour d'appel a violé l'article R. 522-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que sont des souvenirs à caractère personnel ou familial, insaisissables, les objets ayant un rapport direct avec le débiteur ou sa famille et présentant une grande valeur affective ; que la cour d'appel, qui, après avoir constaté que les biens saisis avaient appartenu à Charles Trénet, qui les a légués à M. X..., et qu'il existait des liens d'affection unissant les deux hommes, ce dont il résultait que les conditions permettant de qualifier les biens saisis de souvenirs de famille étaient réunies, a néanmoins jugé que les deux circonstances qu'elle avait relevées étaient insuffisantes, a violé les articles L. 112-2 et R. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ qu'en tout état de cause, dans ses conclusions d'appel, M. X... décrivait les objets saisis, consistant en des photographies de Charles Trénet, des lettres et cartes postales écrites par lui, des coupures de presse ou encore un dessin de M. X... réalisé par l'artiste, qui sont par nature « éminemment personnels et représentent (…) une immense valeur affective » pour celui qui a été décrit par un biographe comme le « fils spirituel de Charles Trénet » ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la qualification de souvenirs à caractère personnel ou de famille, que M. X... n'étayait nullement ses allégations et n'expliquait pas les raisons pour lesquels ces objets, en rapport direct avec le poète disparu, ne seraient pas des souvenirs familiaux ou personnels, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que M. X... faisait encore valoir que les objets saisis étaient de ceux qu'il n'avait pas cédé à la société Nest en 2006 et qu'il avait conservés par la suite malgré la situation financière très critique dans laquelle il s'était retrouvé, ce qui démontrait l'importance sentimentale toute particulière qu'il leur accordait ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, de nature à établir que les objets litigieux constituaient des souvenirs présentant un caractère personnel ou familial, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., qui indiquait que l'acte de saisie qui lui avait été dénoncé n'était pas en tous points identique à celui remis à l'association, ne sollicitait pas la nullité de l'acte de dénonciation et constaté que la saisie conservatoire lui avait été dénoncée dans le délai de huit jours prévu à l'article R. 522-5 du code des procédures civiles d'exécution, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel a décidé que la caducité de la mesure n'était pas encourue ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a exactement retenu que, pas plus la circonstance que les biens saisis aient été légués par Charles Trénet à M. X..., ni davantage les liens d'affection unissant les deux hommes, ne suffisaient à établir que chacun de ces documents ou objets avait la qualité de souvenir à caractère personnel pour celui-ci ;
Et attendu, enfin, que c'est par une appréciation souveraine des éléments de preuve soumis à son examen, que la cour d'appel, a, sans dénaturation et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, retenu que M. X... n'établissait pas que les objets concernés avaient la qualité de souvenir à caractère personnel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour M. X...

M. X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valable la saisie conservatoire pratiquée à son préjudice le 28 juin 2013 entre les mains de l'association Paris bibliothèques et de l'avoir débouté de sa demande indemnitaire ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article R. 112-1 du code des procédures civiles d'exécution « tous les biens mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels appartenant au débiteur peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution forcée ou d'une mesure conservatoire, si ce n'est dans les cas où la loi prescrit leur insaisissabilité » ; que figurent parmi les biens insaisissables, en vertu des articles L. 112-2 et R. 112-2 du même code, les souvenirs à caractère personnel ou familial ; qu'il appartient par ailleurs le cas échéant au débiteur de rapporter la preuve que les biens saisis constituent des souvenirs présentant un caractère personnel ou familial ; qu'en l'espèce, les biens saisis ont appartenu à Charles Trenet qui les a légués à Monsieur X... ; que cependant cette circonstance, ni davantage les liens d'affection unissant les deux hommes, ne suffisent à les considérer comme des souvenirs personnels ou familiaux et Monsieur X... n'étaie nullement ses allégations à ce titre ; qu'il n'explique en particulier pas les raisons pour lesquelles chacun des documents ou objets saisis, ou l'un d'entre eux, serait un souvenir personnel ; qu'en l'absence de preuve du caractère insaisissable des biens en cause, la saisie conservatoire diligentée le 28 juin 2013 sera déclarée valable et le jugement infirmé de ce chef ; que la saisie conservatoire pratiquée le 28 juin 2013 a été dénoncée au débiteur saisi, l'association PARIS BIBLIOTHEQUE, par acte d'huissier du 4 juillet 2013, conformément aux dispositions de l'article R. 522-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, l'huissier ayant en outre joint les 117 photographies des objets saisis et de leurs descriptifs ; que Monsieur X... qui indique que l'acte de saisie qui lui a été dénoncé n'est pas en tous points identique à celui remis à l'association PARIS BIBLIOTHEQUE, ne sollicite pas la nullité de l'acte de dénonciation, étant observé qu'il n'invoque aucun grief résultant de l'anomalie qu'il invoque ; que la saisie ayant été dénoncée dans le délai, la caducité de la mesure n'est pas encourue ;
1°) ALORS QU'à peine de caducité l'acte de saisie est signifié au débiteur dans un délai de huit jours ; qu'en se fondant, pour écarter la caducité de la saisie conservatoire pratiquée le 28 juin 2013, sur la circonstance inopérante que M. X..., qui faisait valoir que l'acte qui lui avait été dénoncé n'était pas identique à l'acte délivré au tiers saisi, de sorte que cette dénonciation n'avait pu interrompre le délai de huit jours, ne sollicitait pas la nullité de l'acte de dénonciation et n'invoquait aucun grief résultant de l'anomalie qu'il invoquait, la cour d'appel a violé l'article R. 522-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°) ALORS QUE sont des souvenirs à caractère personnel ou familial, insaisissables, les objets ayant un rapport direct avec le débiteur ou sa famille et présentant une grande valeur affective ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que les biens saisis avaient appartenu à Charles Trenet, qui les a légués à M. X..., et qu'il existait des liens d'affection unissant les deux hommes, ce dont il résultait que les conditions permettant de qualifier les biens saisis de souvenirs de famille étaient réunies, a néanmoins jugé que les deux circonstances qu'elle avait relevées étaient insuffisantes, a violé les articles L. 112-2 et R. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, dans ses conclusions d'appel, M. X... décrivait les objets saisis, consistant en des photographies de Charles Trenet, des lettres et cartes postales écrites par lui, des coupures de presse ou encore un dessin de M. X... réalisé par l'artiste, qui sont par nature « éminemment personnels et représentent (…) une immense valeur affective » pour celui qui a été décrit par un biographe comme le « fils spirituel de Charles Trenet » ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la qualification de souvenirs à caractère personnel ou de famille, que M. X... n'étayait nullement ses allégations et n'expliquait pas les raisons pour lesquels ces objets, en rapport direct avec le poète disparu, ne seraient pas des souvenirs familiaux ou personnels, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE M. X... faisait encore valoir que les objets saisis étaient de ceux qu'il n'avait pas cédé à la société Nest en 2006 et qu'il avait conservés par la suite malgré la situation financière très critique dans laquelle il s'était retrouvé, ce qui démontrait l'importance sentimentale toute particulière qu'il leur accordait ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, de nature à établir que les objets litigieux constituaient des souvenirs présentant un caractère personnel ou familial, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 15-15158
Date de la décision : 12/05/2016
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

MEUBLE - Souvenir à caractère personnel - Qualification - Critère - Liens d'affection - Insuffisance

MEUBLE - Souvenir à caractère personnel - Qualité - Preuve - Appréciation souveraine POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Preuve - Valeur des éléments de preuve PREUVE (règles générales) - Force probante - Appréciation souveraine

Le legs de biens par une personne unie à une autre par des liens d'affection, ne suffit pas à établir que chacun de ces meubles ait pour cette dernière, la qualité de souvenir à caractère personnel. C'est dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation qu'une cour d'appel, après avoir relevé les liens d'affection unissant deux personnes, retient que les éléments produits par l'intéressé n'établissent pas que chacun des objets concernés a pour lui la qualité de souvenir à caractère personnel


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 janvier 2015

Sur la notion de souvenir de famille, à rapprocher :1re Civ., 12 novembre 1998, pourvoi n° 96-20236, Bull. 1998, I, n° 311 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 12 mai. 2016, pourvoi n°15-15158, Bull. civ. d'information 2016, n° 850, II, n° 1306
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles d'information 2016, n° 850, II, n° 1306

Composition du Tribunal
Président : M. Liénard (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat général : M. Girard
Rapporteur ?: Mme Lemoine
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2016:15.15158
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