LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que s'estimant victimes d'actes de concurrence déloyale de la part de la société Openfield, créée par deux anciens salariés, M. X... et M. Patrick Y..., ce dernier ayant également été cogérant-associé, la société Le Vériscope et M. Olivier Y..., détenteur de 99 % du capital social de cette dernière, l'ont assignée en paiement de dommages-intérêts ; que la société Le Vériscope a été mise en iquidation judiciaire le 31 août 2010, la société EMJ étant nommée liquidateur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Openfield fait grief à l'arrêt de la condamner à payer les sommes de 150 000 euros à la société EMJ, ès qualités, et à M. Y...alors, selon le moyen :
1°/ que la société Openfield faisait valoir que la faillite de la société Le Vériscope, lourdement endettée, dont les capitaux propres étaient négatifs depuis plusieurs années, était en toute hypothèse inéluctable ; qu'en statuant comme ci-dessus, sans rechercher si la situation irrémédiablement compromise de la société Le Vériscope n'aurait pas inévitablement entraîné sa liquidation, quels que soient les comportements susceptibles d'être reprochés à la société Openfield, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel a elle-même constaté que la société Amazone, qui représentait deux tiers du chiffre d'affaires de la société Le Vériscope, avait rompu ses relations avec cette dernière au cours du premier semestre 2010 ; qu'en décidant que la faillite de la société Le Vériscope était imputable aux agissements de la société Openfield et en condamnant cette dernière à payer à ce titre au mandataire liquidateur de la société Le Vériscope une somme de 150 000 euros, sans relever aucun fait d'où résulterait que la société Openfield aurait détourné ce client à son profit ou commis un quelconque acte destiné à provoquer la rupture des relations entre les sociétés Le Vériscope et Amazone, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que le chiffre d'affaires et le résultat net réalisés par la société Le Vériscope entre 2007 et 2009 démontraient sa pleine croissance avant la création de la société Openfield, et que M. Patrick Y...avait été le cogérant de la société Le Vériscope jusqu'à sa démission le 10 mars 2010, l'arrêt relève que les copies d'écran de ses courriels montrent que ce dernier a transféré de la messagerie professionnelle dont il disposait dans l'agence exploitée par la société Le Vériscope, à sa messagerie personnelle, entre le 5 et le 10 mars 2010, de très nombreux dossiers appartenant à la société Le Vériscope, et que les copies de ces dossiers ont révélé qu'il s'agissait de documents datant de 2007 à 2010 relatifs aux principaux clients de l'agence, notamment Amazone, Delta Force et Altec ; qu'il relève encore que la production des courriels échangés entre M. Olivier Y...et la société Amazone démontre que la rupture des relations commerciales avec ce client est postérieure au 5 mars 2010 ; qu'il relève enfin que la réception, par erreur, de courriels en provenance d'un fournisseur, traduit la confusion existant dans l'esprit des partenaires commerciaux de la société Le Vériscope durant les mois de mars et avril 2010 ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches prétendument omises, a pu déduire que les agissements de la société Openfield avaient permis le détournement des principaux clients de la société Le Vériscope ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, dans leur version applicable, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire M. Y...recevable à réclamer la réparation de son préjudice financier et lui allouer une somme de 150 000 euros, l'arrêt retient que celui-ci justifie d'un préjudice personnel résultant de la perte du capital social qu'il a apporté, ainsi que des revenus qu'il tirait de la société Le Vériscope en sa qualité de dirigeant ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans distinguer entre la perte des apports de M. Y..., qui n'était qu'une fraction du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers, et la perte pour l'avenir des rémunérations qu'il aurait pu percevoir en tant que dirigeant social, à l'origine d'un préjudice distinct qui lui était personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Openfield à payer à M. Olivier Y...la somme de 150 000 euros au titre de son préjudice financier, l'arrêt rendu le 9 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société EMJ, prise en sa qualité de liquidateur de la société Le Vériscope, et M. Olivier Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Openfield
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Openfield à payer une somme de 150. 000 euros à la société EMJ, es qualité de mandataire liquidateur de la société Le Vériscope, et une autre de 150. 000 euros, à M. Olivier Y...,
AUX MOTIFS QU'il résulte de l'attestation rédigée par le comptable de la société Le Vériscope que l'agence NNH réalisait en 2009 un chiffre d'affaire de 1. 459. 967 euros, dont 1. 438. 383 avec ses trois principaux clients représentants 98 % de son chiffre d'affaire : Altec (54. 351 euros), Delta Force (299. 847 euros), Amazone (1. 080. 185 euros) ; que la société Openfield, qui a une activité d'agence de communication, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 9 avril 2010, mais a commencé son activité le 26 mars 2010 ; qu'il résulte des pièces du dossier que, dès le 1er mars 2010, un tiers est intervenu auprès de l'hébergeur Sivit, au nom d'une agence Openfield, à l'insu de la société Le Vériscope et de son client Altec, pour changer les codes d'accès au site www. altec. fr ; que les copies d'écran des courriels envoyés par M. Patrick Y...montrent que celui-ci a transféré de sa messagerie professionnelle NNH à sa messagerie personnelle : le 5 mars 2010, 88 dossiers appartenant à la société Le Vériscope, le 8 mars 2010 un dossier Catalogue DF Print 2010 (liste des adhérents Delta Force), le 10 mars 2010 un dossier « Drapeau Flamme DF commandes NNH 26-02-2010 » ; que les copies de ces dossiers versés aux débats par les appelants font apparaître qu'il s'agit de documents, datant de 2007 à 2010, bilans fichiers clients et fournisseurs, devis courriers, catalogues, commande, BAT relatifs aux principaux clients de l'agence NNH, notamment Amazone, Delta Force, et Aletc ; que le détournement de ces dossiers a permis à l'agence Openfield de prendre immédiatement la suite de l'agence NNH dans la gestion et le suivi des dossiers des principaux clients de la société Le Vériscope et reprendre les marchés en cours dès le mois de mars 2010 ; que la production de courriels en date des 31 mars et 8 juin 2010 échangés entre M. Olivier Y...et la société Amazone démontre que la rupture des relations commerciales avec ce client est postérieure au mars 2010 ; que la société Openfield ne produit aucun élément de nature à justifier d'une rupture des relations commerciales entre la société Le Vériscope et la société Amazone dès le 5 mars ; qu'il apparaît ainsi que la société Openfield a commencé officiellement ses activités le 26 mars 2010, mais que dès le 1er mars 2010 des données commerciales relatives aux trois principaux clients de l'agence NNH étaient détournées par M. Patrick Y...au profit de la société Openfield ; qu'à cette même date, les codes d'accès au site professionnel du client Altec étaient modifiés à la demande de l'agence Openfield, avant même sa création ; que ces agissements qui ont été commis alors que M. Patrick Y...et M X... n'avaient pas encore donné leur démission à la société Le Vériscope, avaient pour objet de détourner et d'usurper les documents commerciaux appartenant à la société Le Vériscope afin de détourner ses clients ; qu'il résulte de l'attestation rédigée par le comptable de la société Le Vériscope, que la société Le Vériscope a réalisé un chiffre d'affaire de 1. 459. 967 euros en 2009, 1. 043. 703 euros en 2008, 855. 425 euros en 2007 ; que la société Le Vériscope a réalisé les chiffres d'affaire suivants avec ses principaux clients : en 2009, avec Altec 54351 euros, avec Delta Force 299 847 euros, et avec Amazone 1 080 185 euros ; en 2010 avec Altec 10 415 euros, avec Delta Force 151 731 euros, et avec Amazon 97 106 euros ; que ces chiffres démontrent que dès l'année 2010 la société Le Vériscope a perdu l'essentiel des commandes de ses principaux clients ; que les comptes de la société Openfield qui n'ont pas été produits aux débats, font apparaître que dès l'exercice 2010, soit du 1er avril au 31 décembre 2010, cette société, qui n'a été créée que le 9 avril 2010, a réalisé un chiffre d'affaire net de 233. 478 euros et un résultat net de 2. 449 euros ; que pour l'exercice 2011 la société Openfield a réalisé un chiffre d'affaires de 547. 249 euros ; que par courriel non motivé du 23 avril 2010 la société Altec a mis fin à la collaboration avec la société Le Vériscope, à compter du 30 juin 2010 ; que cette rupture doit être rattachée au comportement des dirigeants de la société Openfield, qui dès le début d'activités de la société ont détourné les commandes passées à la société LE VERISCOPE afin de se substituer à elle ; que le courriel en date du 18 mars 2010 émanant de la société Delta Force atteste de la désorganisation générée par le départ subi et successif de M. Patrick Y...et de M. X... a provoqué le mécontentement de ce client et a été préjudiciable à la société Le Vériscope, entraînant la perte de certaines commandes de catalogues et jetant un discrédit sur la société ; que l'implication de la société Openfield dans l'état de cessation de paiement de la société Le Vériscope ne doit pas conduire à lui faire supporter des dettes nées antérieurement à sa création, ainsi que les sommes impayées au titre de la TVA, en 2007 et 2008, à hauteur de 185. 803 euros, ou une partie de la créance URSSAF concernant l'année 2009 ou de celle de La Poste ; que la société Openfield, qui a détourné les clients et une partie des commandes destinées à la société Le Vériscope, sera condamnée à indemniser le préjudice subi par la société Le Vériscope à hauteur de la somme de 150. 000 euros ; que M. Olivier Y..., qui justifie d'un préjudice personnel résultant de la perte du capital social qu'il avait apporté ainsi que des revenus qu'il tirait de la société Le Vériscope est recevable à réclamer la réparation du préjudice financier qu'il a subi, lequel sera fixé à la somme de 150 000 euros ;
1°- ALORS QUE la société Openfield faisait valoir que la faillite de la société Le Vériscope, lourdement endettée, dont les capitaux propres étaient négatifs depuis plusieurs années, était en toute hypothèse inéluctable ; qu'en statuant comme ci-dessus, sans rechercher si la situation irrémédiablement compromise de la société Le Vériscope n'aurait pas inévitablement entraîné sa liquidation, quels que soient les comportements susceptibles d'être reprochés à la société Openfield, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
2° ALORS QUE la cour d'appel a elle-même constaté que la société Amazone, qui représentait deux tiers du chiffre d'affaires de la société Le Vériscope, avait rompu ses relations avec cette dernière au cours du premier semestre 2010 ; qu'en décidant que la faillite de la société Le Vériscope était imputable aux agissements de la société Openfield et en condamnant cette dernière à payer à ce titre au mandataire liquidateur de la société Le Vériscope une somme de 150. 000 euros, sans relever aucun fait d'où résulterait que la société Openfield aurait détourné ce client à son profit ou commis un quelconque acte destiné à provoquer la rupture des relations entre les sociétés Le Vériscope et Amazone, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Openfield à payer à M. Olivier Y...une somme de 150. 000 euros à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE la société Openfield s'est rendue coupable d'agissements de concurrence déloyale à l'encontre de la société Le Vériscope, dont il était le gérant et qui a été placée en liquidation judiciaire ; que M. Olivier Y..., qui justifie d'un préjudice personnel résultant de la perte du capital social qu'il avait apporté ainsi que des revenus qu'il tirait de la société Le Vériscope est recevable à réclamer la réparation du préjudice financier qu'il a subi, lequel sera fixé à la somme de 150 000 euros ;
ALORS QUE l'action en responsabilité dont disposent les associés d'une société contre laquelle a été ouverte une procédure collective à l'encontre des tiers ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel, direct et distinct de celui subi par la collectivité des créanciers de la société ; qu'en condamnant la société Openfield à payer indemniser M. Y...de la perte du capital social qu'il avait apporté et des revenus qu'il tirait de la société Le Vériscope la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser un préjudice distinct de celui subi par la collectivité des créanciers, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 621-39 du code de commerce et 1382 du code civil.