LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à MM. X..., Y... et Z... du désistement de leur pourvoi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, pour favoriser la restructuration du groupe General Trailers, la société Bank of Scotland (la banque) a mis en place, au cours de l'année 2000, un montage financier ; qu'après le redressement judiciaire, ouvert le 24 novembre 2003, de la société General Trailers France, filiale française du groupe, un plan de cession partielle a été arrêté, prévoyant le licenciement de six cents salariés ; que MM. A... et B..., désignés commissaires à l'exécution du plan, ont assigné la banque en responsabilité pour octroi de crédits ruineux et cent neuf des salariés licenciés sont intervenus volontairement à l'instance en réparation de leurs préjudices consécutifs à la perte de leur emploi, soit la perte pour l'avenir des rémunérations qu'ils auraient pu percevoir et l'atteinte à leur droit de voir leurs chances de retrouver un emploi optimisées, faute d'avoir pu bénéficier de formations qualifiantes ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu l'article L. 621-39 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005, de sauvegarde des entreprises, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l' intervention volontaire des salariés, l'arrêt retient que les préjudices allégués par eux sont inhérents à la procédure collective, dont ils sont la conséquence directe, et qu'ils sont subis indistinctement et collectivement par tous les créanciers ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'action en réparation des préjudices invoqués par les salariés licenciés, étrangère à la protection et à la reconstitution du gage commun des créanciers, ne relevait pas du monopole du commissaire à l'exécution du plan, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 31 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'intervention volontaire des salariés, l'arrêt retient encore que leur préjudice a déjà été réparé par l'allocation d'indemnités de rupture, par un autre arrêt, devenu irrévocable, de la cour d'appel de Paris ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare irrecevable l'intervention volontaire des salariés, l'arrêt rendu le 18 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Bank of Scotland aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. C... et autres
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'intervention volontaire des salariés exposants irrecevable ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article 329 du code de procédure civile, l'intervenant principal élève une prétention propre ; qu'il n'emprunte à aucune partie son rôle de demandeur ; que l'intervention principale confère à son auteur la qualité de demandeur relativement à sa propre prétention ; qu'il doit justifier de son droit à agir relativement à celle-ci ; qu'aux termes de l'article L. 621-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, le représentant des créanciers a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt des créanciers ; que seul le créancier qui justifie d'un préjudice propre, distinct de celui pour lequel le représentant des créanciers exerce son action, est recevable à agir en indemnisation contre un tiers ; que les salariés définissent leur préjudice comme étant la perte de leur emploi, outre l'atteinte à leur droit de voir leurs chances de retrouver un emploi optimisées ; que toutefois le préjudice allégué est inhérent à la procédure collective en ce qu'il en est la conséquence directe ; qu'il est subi indistinctement et collectivement par tous les créanciers ; que, d'autre part, le préjudice, conséquence de la rupture, a été réparé par l'allocation d'indemnités de rupture décidée par décision irrévocable de la cour d'appel de Paris, de sorte que les salariés ne justifient pas non plus d'un intérêt à agir, le préjudice susceptible d'être indemnisé ayant déjà été réparé ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'une intervention volontaire n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention et qu'une action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime à son succès, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie à cet effet ; que le préjudice dont les intervenants volontaires poursuivent l'indemnisation est la perte de leur emploi qui résulte du licenciement pour motif économique dont ils ont fait l'objet ; qu'un licenciement fût-ce pour motif économique, s'analyse en une rupture unilatérale du contrat de travail mettant à la charge de l'employeur une indemnité de licenciement ; que les intervenants volontaires tous licenciés pour motif économique par General Trailers France ont nécessairement été indemnisés au moins à hauteur de la couverture de l'AGS ; que, parmi les créances admises prises en compte pour le calcul de l'insuffisance d'actif de General Trailers France, figurent la créance de l'AGS pour la partie des indemnités de licenciement prise en charge par celle-ci et les créances des intervenants volontaires au titre de ces indemnités de licenciement pour la partie de celles-ci qui n'est pas prise en charge par l'AGS ; que d'ailleurs, à titre d'exemple, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 janvier 2009, versé aux débats, a décidé que le licenciement économique de M. Patrick C..., le premier dans la liste des intervenants volontaires, était sans cause réelle et sérieuse en ce que le plan de sauvegarde de l'emploi intégré à l'accord d'entreprise du 19 avril 2004 était insuffisant et que de surcroît l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ; que cet arrêt a fixé la créance de M. Patrick C... à l'encontre de General Trailers France à la somme de 55.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement alors qu'il demandait 88.315,38 euros et que cette dernière somme correspond très exactement à celle dont il demande le paiement à Bank of Scotland par son intervention volontaire dans la présente instance ; qu'en conséquence l'admission des demandes des intervenants volontaires à l'encontre de Bank of Scotland permettrait, par principe, à ceux-ci d'être indemnisés deux fois pour le même préjudice ; que, dès lors, les intervenants volontaires ne justifient pas d'un intérêt légitime, juridiquement protégé, en ce que leur action tend à obtenir une seconde indemnisation pour le même préjudice ; que, par ailleurs, il est de principe que seul le représentant des créanciers a qualité pour demander réparation du préjudice causé aux créanciers d'une société soumise à une procédure collective ; qu'il est admis que le créancier qui justifie d'un préjudice propre, distinct de celui pour lequel le représentant des créanciers exerce son action, puisse intervenir parallèlement à celui-ci et qu'un préjudice peut être considéré comme distinct du préjudice résultant de la diminution de l'actif ou de l'aggravation du passif dont la réparation est demandée par le représentant des créanciers s'il n'est pas inhérent à la procédure collective ; que, toutefois, si General Trailers France n'avait pas fait l'objet d'un redressement judiciaire les intervenants volontaires n'auraient pas produit à son passif ; que les créances des intervenants volontaires comme celles des autres créanciers ont fait l'objet d'une production au passif de General Trailers France comme il est rappelé ci-dessus ; qu'en invoquant comme préjudice la perte de leur emploi consécutive à leur licenciement les intervenants volontaires visent à obtenir réparation de la perte de créances au même titre que les autres créanciers ; qu'ainsi un tel préjudice est inhérent à la procédure collective et ne peut être considéré par nature distinct de celui éprouvé par les autres créanciers de General Trailers France ; qu'enfin la situation des intervenants volontaires ne saurait être comparée à celle qu'ils invoquent, à savoir celle des salariés d'une filiale constitutive d'une branche d'activité, cédée par la société mère d'un groupe qui la détenait à 99,99 %, salariés, qui du fait de cette cession qui avait précédé l'ouverture d'une procédure collective de cette filiale, se sont vus privés des avantages liés à l'appartenance à ce groupe ; que, dès lors, les intervenants volontaires ne justifient pas de leur qualité à agir en ce que la seule qualité de salarié ne saurait permettre de fonder une action en réparation individuelle indépendamment de celle engagée par le représentant des créanciers ;
1°) ALORS QUE constitue un préjudice particulier et distinct de celui éprouvé par l'ensemble des créanciers de la procédure collective le préjudice résultant de la perte d'emploi ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 621-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2°) ALORS QUE les salariés exposants demandaient l'indemnisation du préjudice constitué par la diminution de leur chances de retrouver un emploi et résultant de ce qu'aucun plan de sauvegarde de l'emploi proportionné aux moyens financiers de la Bank of Scotland n'avait été mis en oeuvre et de ce qu'en raison de l'absence de tout moyen financier de la société General Trailers France depuis l'opération de LBO, ils n'avaient pu accéder à aucune formation qualifiante les préparant à un nouveau métier (concl. p. 25 et 26) ; qu'en jugeant qu'un tel préjudice n'était pas particulier et distinct de celui éprouvé par l'ensemble des créanciers de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 621-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, ensemble l'article 1382 du code civil ;
3°) ALORS QUE l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action ; que l'existence du préjudice invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès ; qu'en se fondant sur la circonstance que le préjudice invoqué par les salariés aurait déjà été indemnisé, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement, en affirmant que le préjudice, conséquence de la rupture, avait été réparé par l'allocation d'indemnités de rupture décidée par décision irrévocable de la cour d'appel de Paris sans répondre aux conclusions des exposants qui faisaient valoir que « nombre de salariés n'ont pu bénéficier des indemnités mises à la charge de la société General Trailers France, dont le règlement devait être assuré par l'Assurance Garantie des Salaire (AGS) compte tenu du fait que cette assurance n'est redevable que dans le cadre d'un certain plafond » et que « ces plafonds atteints du fait notamment du règlement des indemnités légales de rupture de contrat de travail et solde de tout compte, nombre de ces condamnations n'ont pu être pleinement exécutées au bénéfice des salariés », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.