LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), que la société SLP logement et patrimoine (la société) a fait l'acquisition, en qualité de marchand de biens, au cours des années 1990, 1991 et 1992, de diverses parcelles de terrains, en prenant l'engagement d'y édifier des constructions dans le délai de quatre ans imparti par l'article 691, devenu l'article 1594-0 G A du code général des impôts ; qu'invoquant le défaut de respect de son engagement de bâtir, l'administration fiscale lui a notifié, le 31 mars 2006, une proposition de rectification portant rappels de droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière puis a émis à son encontre un avis de mise en recouvrement ; que sa réclamation ayant été rejetée, la société a saisi le tribunal afin d'être déchargée de cette imposition ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen, que l'article 34 de la Constitution énonce que « la loi est votée par le Parlement et fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ; que l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales prévoit la possibilité pour le seul contribuable de se prévaloir de la doctrine administrative ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'administration fiscale ne peut, en raison du principe de légalité de l'impôt, se prévaloir de sa propre doctrine pour changer le cours de la prescription de son droit de reprise ; qu'il résulte des articles 691 et 266 bis du code général des impôts en vigueur à l'époque des faits que le point de départ du délai de reprise de dix ans, prévu à l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, dont dispose l'administration fiscale en cas de non-respect par l'acquéreur d'un terrain de son engagement de construire dans le délai de quatre ans se situe à l'expiration du délai imparti à celui-ci pour justifier de l'achèvement des travaux, ce délai pouvant éventuellement être prorogé, uniquement sur demande du contribuable, par le directeur des impôts du lieu de situation des immeubles ; que, par suite, en jugeant que la prorogation accordée de manière générale et automatique par des circulaires émanant de l'administration fiscale, c'est-à-dire en dehors des prévisions de la loi fiscale, aurait eu pour effet de reporter d'autant le point de départ de la prescription décennale du droit de reprise de l'administration fiscale, la cour d'appel a violé l'ensemble des textes susvisés ;
Mais attendu qu'ayant relevé que par instructions administratives des 21 mars 1994, 3 janvier 1996 et 23 février 1999, régulièrement publiées, l'administration avait, pour tenir compte de la situation du marché immobilier, prorogé jusqu'au 30 juin 1999 le délai imparti pour construire, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'administration s'était trouvée jusqu'à cette dernière date, sauf à méconnaître sa propre doctrine en violation des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans l'impossibilité d'agir, de sorte que la prescription décennale n'était pas acquise lors de la proposition de rectification du 31 mars 2006 ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SLP logement et patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros au directeur général des finances publiques ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société SLP logement et patrimoine
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du 17 septembre 2010 par laquelle l'administration fiscale a rejeté la réclamation de l'exposante tendant à obtenir la décharge des suppléments de droits d'enregistrement et de taxe de publicité foncière procédant de la remise en cause du régime de faveur des marchands de biens pour défaut de respect de l'engagement de bâtir ;
AUX MOTIFS QUE « la société SLP ne peut tirer argument du fait que l'administration a, par instruction successives régulièrement publiées, prorogé automatiquement le délai pour construire s'agissant des terrains acquis avant le 1er janvier 1993 permettant ainsi aux professionnels de l'immobilier concernés, telle la société SLP, de disposer de délais allongés pour respecter l'engagement de construire pris dans l'acte d'acquisition et donc conserver le bénéfice de l'exonération des droits d'enregistrement pour se prévaloir d'un point de départ inchangé de la prescription alors même que la créance d'impôt demeurait affectée d'une condition suspensive et pour tenter ainsi de s'affranchir des conséquences fiscales résultant de l'inexécution de son fait de construction sur les terrains acquis avant le 1er janvier 1993 ; Considérant, en outre, que, contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée qui invoque l'article L. 80 A alinéa 2 du LPF, en allongeant les délais pour construire, l'administration n'a pas maintenu une imposition contestée, mais a, au contraire, permis à des constructions réalisées plus de quatre ans après l'acquisition d'échapper à l'imposition, le report du point de départ de la prescription en résultant n'étant que la conséquence et non l'objet de cette mesure de faveur qui, ainsi que le souligne l'administration, l'a mise dans l'impossibilité d'agir sans méconnaître sa propre doctrine jusqu'au 30 juin 1999 » ;
ALORS QUE l'article 34 de la Constitution énonce que « la loi est votée par le Parlement et fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ; que l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales prévoit la possibilité pour le seul contribuable de se prévaloir de la doctrine administrative ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes que l'administration fiscale ne peut, en raison du principe de légalité de l'impôt, se prévaloir de sa propre doctrine pour changer le cours de la prescription de son droit de reprise ; qu'il résulte des articles 691 et 266 bis du Code général des impôts en vigueur à l'époque des faits que le point de départ du délai de reprise de 10 ans, prévu à l'article L. 186 du Livre des procédures fiscales, dont dispose l'administration fiscale en cas de non respect par l'acquéreur d'un terrain de son engagement de construire dans le délai de 4 ans se situe à l'expiration du délai imparti à celui-ci pour justifier de l'achèvement des travaux, ce délai pouvant éventuellement être prorogé uniquement sur demande du contribuable, par le directeur des impôts du lieu de situation des immeubles ; que, par suite, en jugeant que la prorogation accordée de manière générale et automatique par des circulaires émanant de l'administration fiscale, c'est-à-dire en dehors des prévisions de la loi fiscale, aurait eu pour effet de reporter d'autant le point de départ de la prescription décennale du droit de reprise de l'administration fiscale, la Cour a violé l'ensemble des textes susvisés.