LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Technogram (la société) a mis en vente un bien immobilier sur lequel l'administration des impôts avait inscrit une hypothèque légale ; que le service des impôts des particuliers de Paris 15e Javel (le comptable) ayant, par lettre du 8 août 2011, subordonné la mainlevée de l'inscription au séquestre au bénéfice du Trésor public d'une partie du prix de vente jusqu'au règlement du litige l'opposant à la société, relativement à un avis à tiers détenteur, il a été convenu, dans l'acte de vente, le séquestre d'une partie du prix de vente correspondant à la garantie de l'apurement de la situation hypothécaire ; qu'une décision d'un tribunal administratif, confirmée en appel, a rejeté une requête de la société en annulation de la décision du 8 août 2011, au motif qu'elle se rattachait à la contestation en la forme des poursuites et échappait à la compétence de la juridiction administrative ; que la société a alors saisi de cette demande un juge de l'exécution ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que l'intérêt de la société Technogram à se pourvoir en cassation est contesté par le comptable, aux motifs que les sommes séquestrées lui ont été versées le 6 août 2014 et que la décision attaquée ne fait pas grief à la société Technogram ;
Mais attendu que l'intérêt à former un recours s'apprécie au jour où il est formé ; que le versement, consécutif à l'arrêt attaqué, des sommes séquestrées est postérieur à la déclaration de pourvoi formée par la société Technogram ;
Et attendu que cette dernière a intérêt à former un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel n'ayant pas accueilli ses demandes et l'ayant condamnée au paiement des dépens et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ;
Attendu que le juge de l'exécution connaît des contestations relatives au recouvrement de l'impôt qui portent sur la régularité en la forme de l'acte ;
Attendu que, pour dire n'y avoir à saisine du juge de l'exécution, la cour d'appel retient que la lettre du 8 août 2011 ne constituait pas un acte de poursuite, ni une mesure de recouvrement, la mesure de séquestre litigieuse ayant été consentie d'un commun accord des parties à la vente à laquelle l'administration fiscale n'était pas partie ; que le juge de l'exécution et elle-même, statuant avec les mêmes pouvoirs, n'étant compétents qu'en matière de mesures d'exécution forcée ou de mesures conservatoires, ne peuvent connaître de la validité de la mesure relative à la garantie de l'apurement de la situation hypothécaire, ni statuer sur la mainlevée d'une hypothèque légale du Trésor inscrite à la requête d'un comptable chargé du recouvrement de l'impôt ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la contestation des conditions posées par le service des impôts, dans la lettre du 8 août 2011, à la mainlevée d'une hypothèque légale prise en vue de garantir le recouvrement de créances fiscales portait sur la régularité en la forme d'un acte de poursuite, de sorte que le juge de l'exécution était seul compétent pour en connaître, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne le comptable, responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15e aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société Technogram ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze et signé par Mme Robineau, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, et par Mme Genevey, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Technogram
Le pourvoi fait grief à l'arrêt confirinatif attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu à saisine du juge de l'exécution ;
AUX MOTIFS ADOPTES Qu'en vertu de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, inême si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ; qu'en l'espèce, la société TECHNOGRAM sollicite du juge de l'exécution de voir prononcer l'irrégularité de la décision du 8 août 2011 de la convention de séquestre du 31 août 2011 et en conséquence voir ordonner la mainlevée du séquestre conventionnel susvisé ; qu'il ressort des pièces produites aux débats que la Direction générale des finances publiques, service des impôts des particuliers de Paris XVe Javel a adressé à Maître Alain X..., notaire au MANS, chargé de la vente d'un bien immobilier situé au Mans ..., une réponse le 8 août 2011 faisant suite à la demande qui lui était faite de fixation par l'administration fiscale du quantum de la somme à lui verser afin d'obtenir main levée d'une inscription hypothécaire prise le 20 décembre 2002 en garantie d'une créance de 240 494, 42 euros ; que, sur ce point, le service des impôts, tout en visant que sa créance était désormais soldée, a fait état d'un litige pendant devant la cour d'appel de Paris relatif à une opposition à avis à tiers détenteur du 11 mai 2010 portant sur une somme de 134 892, 39 euros et dont l'exécution avait permis d'apurer une partie de la créance ; qu'eu égard à la décision de la cour d'appel de Paris susceptible d'intervenir annulant l'avis à tiers détenteur, le service des impôts a subordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque à la consignation au bénéfice du Trésor public de la somme de 134 892, 39 euros jusqu'à règlement du litige ; qu'il doit être observé que ce courrier ne constitue pas une mesure de recouvrernent ni un acte de poursuite, qu'il ne peut s'analyser comine une mesure d'exécution forcée ou conservatoire fondant la compétence du juge de l'exécution ; que l'acte notarié reçu le 31 août 2011 par Maître Alain X..., notaire au Mans (Sarthe) comprend en page 22 une convention de séquestre aux terines de laquelle la somme de 134 892, 39 euros provenant de la part du prix de la vente revenant à la société TECHNOGRAM est affectée en nantissement au profit de la fondation LA CENOMANE, acquéreur du bien immobilier à la garantie de l'apurement de la situation hypothécaire, cette somme étant remise entre les mains de la SCP de notaires, laquelle ayant pour mission, si la cour d'appel de Paris venait à faire droit à la demande de la société TECHNOGRAM à rencontre du Trésor public et si celui-ci devenait alors fondé à poursuivre à nouveau le recouvrement de cette soinme, à remettre les fonds aux créanciers inscrits ou aux titulaires des droits publiés, le notaire étant investi par le vendeur d'un mandat irrévocable effectué de tels paiements ; que le juge de l'exécution ne saurait connaître des conditions de validité d'un tel séquestre conventionnel qui ne constitue ni une voie d'exécution forcée ni une mesure conservatoire dans les terines du code des procédures civiles d'exécution ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la TRESORERIE PRINCIPALE DE PARIS 15EME a notifié le 19 mai 2010 à la société TECHNOGRAM un avis à tiers détenteur émis le 11 mai 2010 pour le recouvrement de la somme de 134 892, 39 euros correspondant à un reliquat d'impôt sur les sociétés au titre des années 1997 et 1998 ; que cet avis a été contesté devant le Juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de PARIS puis devant la Cour d'appel de PARIS par la société TECHNOGRAM ; qu'en réponse à une lettre du notaire chargé de la vente d'un bien immobilier situé au MANS appartenant à la société TECHNOGRAM, souhaitant connaître la soinme devant être adressée au service des impôts pour obtenir mainlevée entière et définitive de l'inscription d'hypothèque prise sur le dit bien le 20 décembre 2002 au profit du Trésor Public en garantie d'une créance de 240 494, 42 euros, le SERVICE DES IMPÔTS DES PARTICULIERS DE PARIS ÈMJAEVE L a fait connaître à l'intéressé par lettre du 8 août 2011 qu'il ne donnera mainlevée de l'inscription que si le montant de 134 892, 39 euros objet de la contestation pendante devant la Cour " est retenu sur le prix de vente et fait l'objet d'une consignation au bénéfice du Trésor Public jusqu'à règlement du litige portant sur l'avis à tiers détenteur " ; qu'en suite de cette lettre, il a été convenu dans l'acte de vente immobilière conclu le 3 1 août 201 1, d'affecter la soinme de 134 892, 39 euros provenant de la part du prix de la vente revenant à la société TECHNOGRAM en nantissement au profit de l'acquéreur, à la garantie de l'apurement de la situation hypothécaire, la somme étant remise au notaire, lequel ayant " pour mission de, si la Cour d'appel de PARIS venait à faire droit à la demande de la société TECHNOGRAM à l'encontre du TRÉSOR PUBLIC et si en outre celui-ci devenait fondé à poursuivre à nouveau le recouvrement de cette soinme, remettre les fonds aux créanciers inscrits ou aux titulaires des droits publiés étant investi dès à présent par le Vendeur d'un mandat irrévocable d'effectuer ces paiements " ; que par arrêt du 9 février 2012, la cour de ce siège a déclaré nul et de nul effet l'avis à tiers détenteur du 11 inai 2010 et en a ordonné la mainlevée ; que par lettre du 16 mai 2012 le service des impôts a demandé au notaire le versement de la somme séquestrée ; que la société TECHNOGRAM ne fournit aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision du premier juge qui a fait une exacte appréciation tant en droit qu'en fait des circonstances de la cause par des motifs pertinents que la cour fait siens, étant encore observé que :- la lettre adressée le 8 août 2011 par le service des impôts au notaire, ne peut s'analyser comme une " mesure de recouvrement " ou comme " un acte de poursuite " ainsi que soutenu par l'appelante, la mesure de séquestre litigieuse ayant un caractère conventionnel et ayant été consentie d'un commun accord des parties à la vente, acte auquel l'administration fiscale n'était pas partie ;- le juge de l'exécution n'est compétent qu'en matière de mesures d'exécution forcée ou de mesures conservatoires, de sorte qu'il n'a pas à connaître de la validité de ladite mesure, celle-ci, aux termes inêmes de l'acte, ayant été consentie par la société TECHNOGRAM au profit de l'acquéreur " de convention expresse "... " à la garantie de l'apurement de la situation hypothécaire " ;- la Cour statuant avec les mêmes pouvoirs ne saurait être liée par les deux décisions des juridictions administratives invoquées par l'appelante ;- de même, le juge de l'exécution et la Cour statuant avec les mêmes pouvoirs, ne sont en aucune manière compétents pour statuer sur la mainlevée d'une hypothèque légale du Trésor inscrite sur la requête d'un comptable chargé du recouvrement de l'impôt, ce qui rend inopérantes les allégations de l'appelante relatives à la violation de l'article 2488 du Code civil ; qu'enfin, faute de mesure d'exécution forcée en cours, sont tout aussi inopérants les moyens soulevés par la société TECHNOGRAM, tenant au non-respect du sursis de paiement reconnu par la cour dans son arrêt du 9 février 2012 ;
1. ALORS Qu'au sein de l'autorité judiciaire, il appartient au juge de l'exécution, et à lui seul, de se prononcer sur la régularité de l'ensemble des garanties prises par l'administration fiscale pour assurer le recouvrement des créances fiscales ; qu'en décidant, sur le fondement de l'article L 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, que le séquestre conventionnel ne figurerait pas au nombre des actes de poursuite ou des mesures de recouvrement qui relèveraient seuls de la compétence du juge de l'exécution au lieu de se déterminer en considération de l'article L 281-1 du Livre des procédures fiscales qui investit le juge de l'exécution du pouvoir de statuer sur la mainlevée du séquestre conventionnel dont l'administration fiscale avait imposé la constitution à la société TECHNOGRAM, lors de la vente de l'immeuble dont elle était propriétaire, la cour d'appel qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article L 213-6 du Code de l'organisation judiciaire par fausse application et l'article L 281-1 du Livre des procédures fiscales par refus d'application, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
2. ALORS Qu'au sein de l'autorité judiciaire, il appartient au juge de l'exécution, et à lui seul, de se prononcer sur la demande de mainlevée du séquestre conventionnel qui, en tant qu'il était constitué en garantie de la créance du Trésor Public, constitue une sûreté ; qu'en décidant que le juge de l'exécution ne saurait connaître des conditions de validité du séquestre conventionnel qui ne constitue ni une voie d'exécution forcée ni une mesure conservatoire dans les termes du Code des procédures civiles d'exécution, que la lettre du 8 août 2011 ne constituait ni une mesure de recouvrement ni un acte de poursuite et qu'elle ne pouvait s'analyser comme une mesure d'exécution forcée ou conservatoire fondant la compétence du juge de l'exécution, quand le séquestre figure au nombre des mesures que l'administration avait imposées à la société TECHNOGRAM pour le recouvrement de sa créance fiscale, à la place de l'hypothèque légale à laquelle elle avait renoncé en contrepartie, et qu'il constituait à tout le moins pour l'administration fiscale une garantie en tant qu'il affectait prioritairement une partie du prix au règlement de la créance fiscale, la cour d'appel qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article L 213-6 du Code de l'organisation judiciaire par fausse application et l'article L 281-1 du Livre des procédures fiscales par refus d'application, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
3. ALORS QU'il résulte des termes clairs et précis des conclusions de la société TECHNOGRAM qu'elle soutenait que la décision de recouvrement du 8 août 2011 était irrégulière dès lors qu'il n'était pas au pouvoir de l'administration fiscale d'imposer la constitution d'un séquestre en contrepartie de la mainlevée de l'hypothèque légale qui, en toute hypothèse, était éteinte en conséquence de l'extinction de la créance garantie, en application de l'article 2248 du Code civil, ainsi que le SIP l'avait lui-même reconnu dans sa décision du 8 août 2011 (conclusions, p. 19) ; qu'en décidant qu'elle était investie des mêmes pouvoirs que le juge de l'exécution, ce qui ne lui permettait pas de statuer sur la demande de mainlevée d'une hypothèque légale sur le fondement de l'article 2488 du Code civil, quant la société TECHNOGRAM a seulement contesté la régularité de la mesure de séquestre sans solliciter du juge qu'il ordonne la mainlevée de l'hypothèque, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des conclusions de la société TECHNOGRAM ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4. ALORS si tel n'est pas le cas QU'il appartient au juge de l'exécution de connaître d'une demande tendant à la mainlevée d'une hypothèque prise par le comptable des impôts ; qu'en tenant comme inopérant le moyen que la société TECHNOGRAM tirait de la violation de l'article 2488 du Code civil pour en déduire qu'il n'était pas au pouvoir de l'administration fiscale de subordonner la mainlevée de l'hypothèque légale à l'existence d'une convention de séquestre du moment que la créance fiscale était éteinte, la cour d'appel qui a subsidiairement violé 1 l'article L 281-1 du Livre des procédures fiscales par refus d'application, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
5. ALORS QUE la contestation du choix des actes de poursuites constitue une opposition à acte de poursuites de sorte qu'elle relève de la coinpétence des tribunaux judiciaires ; qu'en tenant pour inopérant le moyen que la société TECHNOGRAM tirait de la méconnaissance d'un sursis de paiement au titre de la créance litigieuse (conclusions, p. 21), quand la contestation du choix des actes de poursuites constitue une opposition à un acte de poursuites, la cour d'appel a violé 1 l'article L 281-1 du Livre des procédures fiscales par refus d'application, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
6. ALORS très subsidiairement Qu'à l'exception des cas où il estime que l'affaire relève de la compétence d'une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, le juge, qui se déclare incompétent, désigne la juridiction qu'il estiine coinpétente ; qu'il s'ensuit qu'à supposer que la Cour d'appel ait décliné sa compétence, il lui appartenait de désigner la juridiction coinpétente, qu'en omettant d'y procéder, la Cour d'appel qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article 96, alinéa 2, du Code de procédure civile ;
7. ALORS sous la même subsidiarité Qu'à supposer que l'arrêt attaqué ait implicitement considéré que le litige puisse échapper à la connaissance du juge d'exécution, l'effet dévolutif de l'appel impose à la juridiction du second degré de se prononcer sur la question de fond échappant à la compétence du juge de l'exécution dès lors qu'elle est juridiction d'appel relativement à celle de première instance qu'elle aurait estimée compétente ; qu'en décidant que la juridiction de second degré ne serait pas investie d'autres pouvoirs que ceux du juge de l'exécution pour refuser de se prononcer sur la demande de mainlevée de la mesure de séquestre, au lieu de vérifier que la plénitude de juridiction dont elle était investie lui imposait de régler l'affaire au fond comme si elle avait été juridiction d'appel, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs ; qu'ainsi, elle a subsidiairement violé l'article 79, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ensemble l'article L 281-1 du Livre des procédures fiscales par refus d'application.