LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 425, alinéa 1er, et 440, alinéa 1er, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., née le 19 mars 1982, a été placée sous curatelle renforcée par jugement du 1er décembre 2011 ; qu'un jugement a rejeté sa demande tendant à la mainlevée de la mesure ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'arrêt retient, d'une part, que Mme X... doit rapporter la preuve d'une évolution notable de sa situation, ce qu'elle ne fait pas, le certificat médical produit, qui indique que son état de santé est compatible avec la mainlevée de la mesure, étant succinct et n'émanant pas d'un médecin inscrit, d'autre part, que le rapport du curateur, qui est assez « sombre », fait état de dettes, de l'opposition au dialogue du compagnon de l'intéressée, du refus de ce dernier d'indiquer le montant de ses ressources et de la signature d'un bail sans l'accord du curateur ; qu'il en déduit l'absence d'élément médical suffisant pour reconsidérer la situation de Mme X..., en présence d'un rapport du curateur mettant en évidence une situation toujours fragile ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater la persistance de l'altération des facultés mentales de l'intéressée et la nécessité pour celle-ci d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour Mme X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement du tribunal d'instance de Bordeaux du 22 novembre 2012 rejetant la demande de mainlevée de la mesure de curatelle renforcée prononcée le 1er décembre 2011 à l'égard de Mme Fanny X... ;
AUX MOTIFS QUE "pour demander la mainlevée de la mesure de protection, Mme X... qui doit rapporter la preuve d'une évolution notable de sa situation, produit un certificat médical du docteur Y... du 25 septembre 2012 qui indique que "son état de santé est compatible avec la mainlevée de sa mesure de curatelle renforcée, mainlevée qu'elle réclame" ; attendu qu'outre le fait que ce médecin n'est pas inscrit sur la liste spéciale établie par le procureur de la république, le libellé de ce certificat est des plus succinct et ne peut, à lui seul, constituer l'élément nouveau qui permettrait la mainlevée de la mesure de protection ; qu'il convient de rappeler que la mesure de protection a été prise par jugement du 1er décembre 2011 sur la base d'un certificat médical circonstancié établi par le docteur Z... ; que le rapport de l'AOGPE en date du 8 octobre 2012 est assez sombre, et fait apparaitre de multiples problèmes (beaucoup de dettes, Mme X... est démunie face à son ami, celui-ci reste opposé à tout dialogue, il refuse d'indiquer le montant de ses ressources, son souhait est que Mme X... bénéficie d'une mainlevée, il serait alors à même de gérer le budget sans avoir de compte à rendre) et, par ailleurs, Mme X... a signé un bail avec son compagnon sans l'accord de l'AOGPE ; attendu, par conséquent, qu'en l'absence d'élément médical suffisant pour reconsidérer la situation de Mme X... et en présence d'un rapport de l'AOGPE mettant en évidence une situation toujours fragile, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la mainlevée de la mesure de protection" ;
AUX MOTIFS adoptés QUE le maintien de la mesure de curatelle renforcée est nécessaire en raison des difficultés sociales rencontrées par Mme Fanny X..., qui attend un enfant pour le mois de janvier 2013, et dont les droits doivent être préservés dans le cadre de démarches précises ;
1° ALORS QUE la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité ; que la personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425 du code civil, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle ; que les juges du fond doivent constater une altération des facultés mentales ou corporelles de la personne à protéger, outre la nécessité de celle-ci d'être contrôlée ou conseillée de manière continue dans les actes importants de la vie civile ; que la curatelle cesse avec les causes qui l'ont déterminée ; qu'il en résulte que le juge doit constater que les conditions de maintien de la mesure de protection sont réunies pour écarter une demande de mainlevée de la mesure ; qu'en prétendant, pour rejeter la demande de mainlevée de la mesure de curatelle renforcée de l'intéressée, qu'il revenait à Mme X... de "rapporter la preuve d'une évolution notable de sa situation", la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 440, alinéa 1er, du code civil ;
2° ALORS QUE la personne qui, sans être hors d'état d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou contrôlée d'une manière continue dans les actes importantes de la vie civile peut être placée en curatelle ; que la mesure prend fin, en l'absence de renouvellement, à l'expiration du délai fixé, en cas de jugement de mainlevée passé en force de chose jugée ou en cas de décès de l'intéressé ; qu'il en résulte que le maintien de la mesure de protection exige la constatation par le juge de la persistance de l'altération des facultés mentales ou corporelles de la personne protégée, et de son besoin d'être assistée ou contrôlée ; que cette recherche s'effectue à la date à laquelle le juge statue ; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer "qu'en l'absence d'élément médical suffisant pour reconsidérer la situation de Mme X... et en présence d'un rapport de l'AOGPE mettant en évidence une situation toujours fragile", sans constater que le besoin de Mme X... d'être assistée ou contrôlée dans la gestion de ses biens et de sa personne était continu, ou que l'altération de ses facultés mentales était persistante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 440, alinéa 1er, du code civil ;
3° ALORS QU'une personne ne peut être placée sous curatelle renforcée que si elle est inapte à percevoir des revenus et à en faire une utilisation normale ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour décider le maintien de Mme X... sous le régime de la curatelle renforcée, à relever "l'absence d'élément médical suffisant pour reconsidérer la situation de Mme X..." et la "présence d'un rapport de l'AOGPE mettant en évidence une situation toujours fragile" et que le rapport de l'AOGPE "fait apparaître de multiples problèmes", sans rechercher si Mme X... était ou non apte à percevoir ses revenus et à en faire une utilisation normale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 472 du code civil ;
4° ALORS QUE la mesure de protection ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité ; que la mesure est proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé ; qu'en l'espèce, Mme Fanny X... faisait valoir que la mesure de protection était disproportionnée avec sa situation ; qu'en se bornant à énoncer que "en l'absence d'élément médical suffisant pour reconsidérer la situation de Mme X... et en présence d'un rapport de l'AOGPE mettant en évidence une situation toujours fragile, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la mainlevée de la mesure de protection", sans rechercher si une telle mesure de protection était toujours proportionnée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 428 alinéa 3 du code civil.