LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 septembre 2013), que M. X..., de nationalité suisse, et Mme Y..., de nationalités française et suisse, se sont mariés en Suisse en 1992, où ils ont vécu jusqu'à leur séparation en 2009, ce qui a donné lieu au prononcé, le 4 août 2009, d'une décision suisse portant homologation de leur convention de séparation ; que, le 27 juillet 2012, M. X... a déposé une requête en divorce devant une juridiction française, sur le fondement de l'article 15 du code civil, en raison de la nationalité française de Mme Y... ; que cette dernière a ultérieurement déposé une requête en divorce devant une juridiction suisse ;
Sur le premier moyen :
Attendu que ce moyen, qui fait grief à l'arrêt de retenir la compétence des juridictions françaises, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que, si le cumul de nationalités se résout en principe au profit de la nationalité du for, il en va autrement en cas de défaut d'effectivité de la nationalité française ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les époux, tous deux de nationalité suisse, avaient toujours résidé en Suisse où ils s'étaient mariés, s'étaient séparés, avaient obtenu l'homologation de leur convention de séparation et où ils résidaient séparément depuis cette séparation ; qu'en fondant la compétence des juridictions françaises pour connaître de la requête en divorce de l'époux suisse, sur la double nationalité franco-suisse de l'épouse, en dépit de l'absence manifeste d'effectivité de la nationalité française de cette dernière, les juges d'appel n'ont pas tiré de leurs propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et ont violé l'article 15 du code civil ;
2°/ que les privilèges de juridiction institués par les articles 14 et 15 du code civil ne peuvent fonder la compétence des juridictions françaises qu'en présence d'un lien suffisant avec la France ; qu'en estimant que la compétence française était fondée à raison de la nationalité française de l'épouse, quand le seul lien avec la France était constitué par la double nationalité franco-suisse de l'épouse, laquelle contestait cette compétence et invoquait le défaut d'effectivité de sa nationalité française en rappelant que les époux, tous deux de nationalité suisse, avaient toujours résidé en Suisse où ils s'étaient mariés, s'étaient séparés, avaient obtenu l'homologation de leur convention de séparation et où ils résidaient séparément depuis cette séparation, les juges d'appel ont violé l'article 15 du code civil ;
3°/ que la renonciation au bénéfice des privilèges de juridiction fondés sur la nationalité française des parties résulte de la participation à une procédure judiciaire étrangère, sans contestation de la compétence du juge étranger ; qu'en concluant à l'absence de renonciation au privilège de juridiction institué au profit des citoyens français, tout en constatant que la procédure tendant à la rupture du lien conjugal avait été initiée en Suisse où les parties avaient conjointement demandé l'homologation de leur convention de séparation et s'étaient présentées devant le tribunal de Bâle aux fins d'engager une procédure de divorce, la cour d'appel a violé l'article 15 du code civil ;
4°/ que la renonciation au bénéfice des privilèges de juridiction fondés sur la nationalité française des parties résulte de la participation à une procédure judiciaire étrangère, sans contestation de la compétence du juge étranger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la procédure tendant à la rupture du lien conjugal avait été initiée en Suisse où les parties avaient conjointement demandé l'homologation de leur convention de séparation et s'étaient présentées devant le tribunal de Bâle aux fins d'engager une procédure de divorce ; qu'en concluant à l'absence de renonciation au privilège de juridiction institué par l'article 15 du code civil sans relever aucune réserve ou contestation soulevée par M. X... à l'encontre de la compétence des juridictions suisses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
Mais attendu qu'en l'absence de Convention internationale applicable et de réalisation des critères ordinaires de compétence résultant du règlement n° 2201/ 2003 (Bruxelles II bis) et, à défaut, de l'article 1070 du code de procédure civile, la nationalité française du défendeur suffisant, selon l'article 15 du code civil, à fonder la compétence des juridictions françaises, c'est à bon droit qu'après avoir exactement déduit de la distinction entre les procédures de séparation et de divorce et de l'existence d'une simple convocation de M. X... devant une juridiction suisse, à la demande de Mme Y..., en vue d'engager une procédure de divorce, l'absence de renonciation de celui-ci au bénéfice de l'article 15 du code civil, la cour d'appel en a fait application et a retenu, sur ce fondement, la compétence des juridictions françaises ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer M. X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le contredit de compétence de Mme Y... mal fondé, et d'AVOIR en conséquence confirmé la compétence des juridictions françaises pour connaître du divorce de M. X... et Mme Y... ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE par requête déposée le 27 juillet 2012, M. Daniel X... a sollicité le divorce d'avec son épouse. Mme Josiane Y... épouse X... ayant accusé réception de sa convocation devant la présente juridiction par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 octobre 2012 n'a pas comparu. Son conseil allemand, par fax en date du 9 janvier 2012, a confirmé que Mme Josiane Y... épouse X... ne se présenterait pas à l'audience et qu'elle ne reconnaissait pas la compétence des juridictions françaises ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme Y... soutient que la convocation qui lui a été adressée à Bâle était irrégulière comme non traduite en langue allemande ; que les juridictions suisses sont seules compétentes pour statuer sur son divorce, parce que les deux époux sont de nationalité suisse, n'ont jamais habité en France et sont séparés depuis 2009 ; qu'elle précise que leur convention de séparation du 1er août 2009 a été enregistrée à Bâle le 4 août 2009, ainsi que l'engagement d'une procédure de divorce ; qu'elle justifie de la réalité de son domicile à Bâle depuis juillet 2009 ; mais qu'il n'est pas contesté que Mme Y... possède également la nationalité française ; qu'il doit dès lors être fait application des dispositions de l'article 15 du code civil ; qu'il est établi par la production de documents fiscaux, d'un compromis de vente de 2006 et d'une photographie de sonnettes que Mme Y... est propriétaire d'un appartement ... ; que l'homologation de la convention de séparation des parties par le Tribunal de Bâle le 4 août 2009, ne permet pas de déclarer que M. X... a opté pour la compétence des juridictions suisses pour une procédure de divorce ultérieure ; qu'il n'est pas non plus justifié que M. X... ait opté pour cette compétence suisse lorsqu'il a été convoqué à la demande de Mme Y... devant le Tribunal de Bâle le 20 novembre 2012 pour engager une procédure de divorce ; qu'en l'absence de renonciation au bénéfice de l'article 15 du code civil émanant à la fois de M. X... et de Mme Y..., la compétence des juridictions françaises pour connaître de la procédure de divorce les opposant doit être retenue ;
1) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusion constitue un défaut de motif ; que dans ses conclusions sur contredit de compétence (p. 3, § 3), Mme Y... dénonçait l'irrégularité de la requête en divorce lui ayant été notifiée, faute de traduction en langue allemande, étant précisé que Mme Y... n'était ni présente, ni représentée lors de l'audience de non conciliation ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pourtant expressément rappelé par eux, les juges d'appel ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE conformément à la Déclaration souscrite par la Suisse lors de son adhésion à la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale, lorsque le destinataire de l'acte n'accepte pas volontairement la remise de celui-ci, il ne pourra lui être notifié formellement que s'il est rédigé en langue allemande, française ou italienne en fonction de la région de Suisse dans laquelle l'acte doit être notifié ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur la régularité de la notification adressée en langue française à Mme Y... qui résidait dans une région suisse de langue allemande, irrégularité expressément dénoncée par Mme Y..., les juges d'appel ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 5 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le contredit de compétence de Mme Y... mal fondé, et d'AVOIR en conséquence confirmé la compétence des juridictions françaises pour connaître du divorce de M. X... et Mme Y... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme Y... soutient que la convocation qui lui a été adressée à Bâle était irrégulière comme non traduite en langue allemande ; que les juridictions suisses sont seules compétentes pour statuer sur son divorce, parce que les deux époux sont de nationalité suisse, n'ont jamais habité en France et sont séparés depuis 2009 ; qu'elle précise que leur convention de séparation du 1er août 2009 a été enregistrée à Bâle le 4 août 2009, ainsi que l'engagement d'une procédure de divorce ; qu'elle justifie de la réalité de son domicile à Bâle depuis juillet 2009 ; mais qu'il n'est pas contesté que Mme Y... possède également la nationalité française ; qu'il doit dès lors être fait application des dispositions de l'article 15 du code civil ; qu'il est établi par la production de documents fiscaux, d'un compromis de vente de 2006 et d'une photographie de sonnettes que Mme Y... est propriétaire d'un appartement ... ; que l'homologation de la convention de séparation des parties par le Tribunal de Bâle le 4 août 2009, ne permet pas de déclarer que M. X... a opté pour la compétence des juridictions suisses pour une procédure de divorce ultérieure ; qu'il n'est pas non plus justifié que M. X... ait opté pour cette compétence suisse lorsqu'il a été convoqué à la demande de Mme Y... devant le Tribunal de Bâle le 20 novembre 2012 pour engager une procédure de divorce ; qu'en l'absence de renonciation au bénéfice de l'article 15 du code civil émanant à la fois de M. X... et de Mme Y..., la compétence des juridictions françaises pour connaître de la procédure de divorce les opposant doit être retenue ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'espèce, la résidence habituelle des époux étant fixée en Suisse, aucune juridiction d'un état membre, française ou autre, n'est compétente en vertu des articles précités. En application de l'article 7 du règlement, la compétence doit dès lors être réglée par la loi de l'état membre saisi, soit la loi française et en particulier les articles 1070 du code de procédure civile ou les articles 14 et 15 du code civil lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé sur le territoire français. En l'absence de résidence de l'un des époux en France, il convient de faire application de l'article 15 du code civil, lequel précise qu'un français pourra être traduit devant un tribunal en France pour des obligations par lui contractée en pays étranger même avec un étranger. D'une part, même si Mme Josiane Y... épouse X... possède une autre nationalité, seule la nationalité française peut être prise en considération. D'autre part, s'il n'est pas contesté que Mme Josiane Y... épouse X... a envisagé de saisir les juridictions suisses d'une demande en divorce, aucun élément ne permet de retenir que cette procédure en cours et que M. Daniel X... aurait accepté la compétence de cette juridiction et présenté une défense au fond. En l'absence de renonciation au bénéfice de l'article 15 du code civil émanant à la fois de M. Daniel X..., demandeur étranger, et de Mme Josiane Y... épouse X..., défenderesse française, précisément établie, il convient dès lors de se reconnaître compétent au plan international en application de ce même article ;
1) ALORS QUE si le cumul de nationalités se résout en principe au profit de la nationalité du for, il en va autrement en cas de défaut d'effectivité de la nationalité française ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les époux, tous deux de nationalité suisse, avaient toujours résidé en Suisse où ils s'étaient mariés, s'étaient séparés, avaient obtenu l'homologation de leur convention de séparation et où ils résidaient séparément depuis cette séparation ; qu'en fondant la compétence des juridictions françaises pour connaître de la requête en divorce de l'époux suisse, sur la double nationalité franco-suisse de l'épouse, en dépit de l'absence manifeste d'effectivité de la nationalité française de cette dernière, les juges d'appel n'ont pas tiré de leurs propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et ont violé l'article 15 du code civil ;
2) ALORS QUE les privilèges de juridiction institués par les articles 14 et 15 du code civil ne peuvent fonder la compétence des juridictions françaises qu'en présence d'un lien suffisant avec la France ; qu'en estimant que la compétence française était fondée à raison de la nationalité française de l'épouse, quand le seul lien avec la France était constitué par la double nationalité franco-suisse de l'épouse, laquelle contestait cette compétence et invoquait le défaut d'effectivité de sa nationalité française en rappelant que les époux, tous deux de nationalité suisse, avaient toujours résidé en Suisse où ils s'étaient mariés, s'étaient séparés, avaient obtenu l'homologation de leur convention de séparation et où ils résidaient séparément depuis cette séparation, les juges d'appel ont violé l'article 15 du code civil ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE la renonciation au bénéfice des privilèges de juridiction fondés sur la nationalité française des parties résulte de la participation à une procédure judiciaire étrangère, sans contestation de la compétence du juge étranger ; qu'en concluant à l'absence de renonciation au privilège de juridiction institué au profit des citoyens français, tout en constatant que la procédure tendant à la rupture du lien conjugal avait été initiée en Suisse où les parties avaient conjointement demandé l'homologation de leur convention de séparation et s'étaient présentées devant le Tribunal de Bâle aux fins d'engager une procédure de divorce, la cour d'appel a violé l'article 15 du code civil.
4) ALORS QUE la renonciation au bénéfice des privilèges de juridiction fondés sur la nationalité française des parties résulte de la participation à une procédure judiciaire étrangère, sans contestation de la compétence du juge étranger ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la procédure tendant à la rupture du lien conjugal avait été initiée en Suisse où les parties avaient conjointement demandé l'homologation de leur convention de séparation et s'étaient présentées devant le Tribunal de Bâle aux fins d'engager une procédure de divorce ; qu'en concluant à l'absence de renonciation au privilège de juridiction institué par l'article 15 du code civil sans relever aucune réserve ou contestation soulevée par M. X... à l'encontre de la compétence des juridictions suisses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.