LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 octobre 2011), que Mme X..., épouse Y..., a été engagée à compter du 1er avril 1984 en qualité de caissière par la société Stromboni, exploitant un commerce d'alimentation de type supérette ; qu'elle a été promue chef de magasin le 1er novembre 1991 ; que son contrat de travail a été repris par la société Garancières services en 1999, puis par la société Distribution casino France (la société) le 15 février 2008 ; que par lettre datée du 16 février 2008, M. Z...a indiqué à l'intéressée qu'en qualité de cogérant non salarié du magasin, il était devenu son nouvel employeur ; que Mme Y...a été licenciée le 17 juillet 2008 par M. Z...et son épouse Mme A...pour motif économique ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes à l'encontre de M. et Mme Z...et de la société ;
Sur le premier moyen du pourvoi, lequel est recevable :
Attendu que Mme Y...fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes à l'encontre de la société, tendant au paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul et à la reconstitution de sa carrière pour l'année 2008 auprès de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, alors, selon le moyen :
1°/ qu'est nul le licenciement prononcé par une autre personne que l'employeur ou son représentant ; que le mandataire gérant non salarié d'une succursale de commerce de détail a la qualité de chef d'établissement vis-à-vis du propriétaire de la succursale ; que celui-ci a la qualité d'employeur tant à l'égard du mandataire gérant qu'à l'égard des salariés de la succursale qu'il a engagés antérieurement à la conclusion de la convention de mandat gérance ; que le mandataire gérant non salarié ne peut procéder en son nom propre au licenciement de ces salariés, peu important que la convention de mandat gérance ait par ailleurs accordé au gérant la possibilité d'embaucher du personnel en son nom propre à compter de la conclusion de la convention de mandat gérance ; qu'en décidant le contraire aux motifs erronés que la preuve d'un lien de subordination entre Mme Y...et la société Distribution Casino, propriétaire de la succursale, n'était pas rapportée, et que le contrat de travail avait été transféré aux époux Z...par l'effet de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé les articles L. 7322-2, alinéa 1, et L. 7322-1, dernier alinéa, du code du travail ;
2°/ que le juge est lié par les conventions légalement conclues ; que la convention de mandat gérance ne prévoit pas que les époux Z...avaient le pouvoir de licencier en leur nom propre les salariés déjà présents sur le fonds de commerce lors de la conclusion de cette convention ; qu'en relevant que M. Z...et Mme Z..., qui avaient, selon la convention de mandat-gérance, le pouvoir d'embaucher du personnel, avaient dès lors également celui de licencier les salariés déjà présents dans le magasin lors de la conclusion de la convention de mandat-gérance à défaut de dispositions en sens contraire dans les actes en cause, la cour d'appel, qui a déduit des termes de cette convention un droit propre de licenciement au bénéfice des mandataires gérants ne figurant pas dans cette convention a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, les contrats de travail ne sont transférés à un nouvel employeur qu'à la condition qu'ait été transférée une entité économique ayant un caractère autonome ; que tel n'est pas le cas lorsque le propriétaire d'une succursale de commerce de détail ayant la qualité d'employeur en confie la gérance à un mandataire-gérant non salarié dans le cadre des dispositions de l'article L. 7322-2 du code du travail, le gérant ayant alors la qualité de mandataire du propriétaire de la succursale et partant, celle de chef d'établissement ; que le propriétaire de la succursale a la qualité d'employeur, tant à l'égard du mandataire gérant, qu'à l'égard des salariés de la succursale qu'il a engagés ; qu'en considérant que le fonds de commerce de la succursale avait été transféré aux mandataires gérants, ce qui avait entraîné le transfert légal des contrats de travail, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait a violé l'article L. 1224-1 du code du travail ;
4°/ que ce n'est que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, que les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'une telle modification n'intervient qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'en se bornant à retenir de manière inopérante que le contrat de travail de l'exposante avait été transféré aux cogérants du seul fait que ceux-ci avaient le pouvoir d'embaucher du personnel et, en conséquence, selon les motifs de l'arrêt, de licencier les salariés présents dans l'entreprise, sans rechercher si la convention de mandat gérance avait entraîné le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité était poursuivie ou reprise, quand Mme Y...avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il n'y avait eu en l'espèce ni succession, ni vente, ni fusion, ni transformation du fonds de commerce, ni mise en société du magasin, dès lors que les mandataires gérants, qui n'étaient pas des locataires gérants, étaient légalement soumis au droit du travail et aux dispositions des articles 1984, 1987 et 1988 du code civil relatives au mandat, et qu'en outre, les litiges entre eux et la société propriétaire ressortaient de la compétence de la juridiction prud'homale et non de la juridiction commerciale, ce dont il se déduisait que ces mandataires gérants ne disposaient d'aucune autre autonomie que celle qui leur était conférée expressément par la convention de mandat gérance et qu'ils étaient dès lors placés sous un lien de subordination par rapport à leur mandant, le transfert du contrat de travail de Mme Y...aux cogérants étant ainsi exclu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'après avoir retenu à bon droit que le contrat de cogérance avait entraîné le transfert aux gérants non salariés de l'exploitation de la succursale, emportant transfert du contrat de travail de la salariée qui y était affectée, la cour d'appel a constaté que le maintien d'un lien de subordination entre cette dernière et la société, après ce changement d'employeur, n'était pas démontré et que le contrat de cogérance ne privait pas le gérant du pouvoir de licencier le personnel passé à son service ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen, qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Madame Y...(salariée) de sa demande principale, tendant à ce que la Société DISTRIBUTION CASINO (employeur) soit condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, et à reconstituer sa carrière sous astreinte pour l'année 2008 auprès de la CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE ;
AUX MOTIFS QUE Madame Y...a été engagée à compter du 1er avril 1984 en qualité de caissière par la Société Stromboni, qui exploitait un commerce d'alimentation ; que, le 1er novembre 1991, elle est devenue chef de magasin ; que son contrat de travail a été repris par la Société GRANCIERES services en 1999, puis par la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en 2008 ; que, par courrier du 16 février 2008, Monsieur Z...a indiqué à la salariée avoir accepté la cogérance du magasin ; qu'en application de l'article L. 122-12 du code du travail, il y avait transfert du contrat de travail et qu'il devenait son nouvel employeur ; qu'elle a été licenciée le 17 juillet 2008 par Monsieur et Madame Z...pour motif économique ; que les termes du contrat de cogérance et de son avenant du 22 mars 2008 entre la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE et les époux Z...répondent à la définition de l'article L. 7322-2 du Code du travail ; qu'à partir de la conclusion de ce contrat et de son avenant, le contrat de travail de la salariée, selon l'article L. 1224-1 du Code du travail, s'est poursuivi de plein droit avec Monsieur Z...et Madame Z..., lesquels avaient le pouvoir d'embaucher du personnel et dès lors, celui de licencier les salariés présents dans l'entreprise, à défaut de dispositions en sens contraire dans les actes en cause ; qu'il n'est pas démontré au moment du licenciement l'existence d'un lien de subordination à l'égard de la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE dont il résulterait que l'activité de Madame Y...était exercée sous l'autorité de cette société qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements ; que les demandes dirigées par Madame Y...à l'encontre de la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE doivent être rejetées ; que la demande de reconstitution de carrière formée en cause d'appel par Madame Y...ne peut donc également être accueillie en ce qui concerne cette société ;
ALORS, D'UNE PART, QU'est nul le licenciement prononcé par une autre personne que l'employeur ou son représentant ; que le mandataire gérant non salarié d'une succursale de commerce de détail a la qualité de chef d'établissement vis-à-vis du propriétaire de la succursale ; que celui-ci a la qualité d'employeur tant à l'égard du mandataire gérant qu'à l'égard des salariés de la succursale qu'il a engagés antérieurement à la conclusion de la convention de mandat gérance ; que le mandataire gérant non salarié ne peut procéder en son nom propre au licenciement de ces salariés, peu important que la convention de mandat gérance ait par ailleurs accordé au gérant la possibilité d'embaucher du personnel en son nom propre à compter de la conclusion de la convention de mandat gérance ; qu'en décidant le contraire aux motifs erronés que la preuve d'un lien de subordination entre Madame Y...et la Société DISTRIBUTION CASINO, propriétaire de la succursale, n'était pas rapportée, et que le contrat de travail avait été transféré aux époux Z...par l'effet de l'article L. 1224-1 du Code du travail, la Cour d'appel, qui na pas tiré les conséquences légales de ses constatations de fait, a violé les articles L. 7322-2, alinéa 1, et L. 7322-1, dernier alinéa, du Code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le juge est lié par les conventions légalement conclues ; que la convention de mandat gérance ne prévoit pas que les époux Z...avaient le pouvoir de licencier en leur nom propre les salariés déjà présents sur le fonds de commerce lors de la conclusion de cette convention ; qu'en relevant que Monsieur Z...et Madame Z..., qui avaient, selon la convention de mandat-gérance, le pouvoir d'embaucher du personnel, avaient dès lors également celui de licencier les salariés déjà présents dans le magasin lors de la conclusion de la convention de mandat-gérance à défaut de dispositions en sens contraire dans les actes en cause, la Cour d'appel, qui a déduit des termes de cette convention un droit propre de licenciement au bénéfice des mandataires gérants ne figurant pas dans cette convention a violé l'article 1134 du Code civil ;
ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en application de l'article L. 1224-1 du Code du travail, les contrats de travail ne sont transférés à un nouvel employeur qu'à la condition qu'ait été transférée une entité économique ayant un caractère autonome ; que tel n'est pas le cas lorsque le propriétaire d'une succursale de commerce de détail ayant la qualité d'employeur en confie la gérance à un mandataire-gérant non salarié dans le cadre des dispositions de l'article L. 7322-2 du Code du travail, le gérant ayant alors la qualité de mandataire du propriétaire de la succursale et partant, celle de chef d'établissement ; que le propriétaire de la succursale a la qualité d'employeur, tant à l'égard du mandataire gérant, qu'à l'égard des salariés de la succursale qu'il a engagés ; qu'en considérant que le fonds de commerce de la succursale avait été transféré aux mandataires gérants, ce qui avait entraîné le transfert légal des contrats de travail, la Cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations de fait a violé l'article L. 1224-1 du Code du travail ;
ET ALORS, AU DEMEURANT, QUE ce n'est que lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, que les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise ; qu'une telle modification n'intervient qu'en cas de transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'en se bornant à retenir de manière inopérante que le contrat de travail de l'exposante avait été transféré aux cogérants du seul fait que ceux-ci avaient le pouvoir d'embaucher du personnel et, en conséquence, selon les motifs de l'arrêt, de licencier les salariés présents dans l'entreprise, sans rechercher si la convention de mandat gérance avait entraîné le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité était poursuivie ou reprise, quand Madame Y...avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il n'y avait eu en l'espèce ni succession, ni vente, ni fusion, ni transformation du fonds de commerce, ni mise en société du magasin, dès lors que les mandataires gérants, qui n'étaient pas des locataires gérants, étaient légalement soumis au droit du travail et aux dispositions des articles 1984, 1987 et 1988 du Code civil relatives au mandat, et qu'en outre, les litiges entre eux et la société propriétaire ressortaient de la compétence de la juridiction prud'homale et non de la juridiction commerciale, ce dont il se déduisait que ces mandataires gérants ne disposaient d'aucune autre autonomie que celle qui leur était conférée expressément par la convention de mandat gérance et qu'ils étaient dès lors placés sous un lien de subordination par rapport à leur mandant, le transfert du contrat de travail de Madame Y...aux cogérants étant ainsi exclu, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1224-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR fixé à la somme de 6 000 euros seulement le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alloué à Madame Y...(salariée) et D'AVOIR débouté celle-ci de sa demande tendant à ce que les époux Z...(employeurs) soient condamnés à lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 50 000 euros ;
AUX MOTIFS QUE Madame Y...a été engagée à compter du 1er avril 1984 en qualité de caissière par la Société Stromboni qui exploitait un commerce d'alimentation ; que, le 1er novembre 1991, elle est devenue chef de magasin ; que son contrat de travail a été repris par la Société GARANCIERES services en 1999, puis par la Société DISTRIBUTION CASINO FRANCE en 2008 ; que, par courrier du 16 février 2008, Monsieur Z...a indiqué à la salariée avoir accepté la cogérance du magasin ; qu'en application de l'article L. 122-12 du Code du travail, il y avait transfert du contrat de travail et qu'il devenait son nouvel employeur ; qu'elle a été licenciée le 17 juillet 2008 par Monsieur et Madame Z...pour motif économique ; que ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail, et compte tenu des pièces produites, la Cour est en mesure de fixer à 6 000 euros le montant de l'indemnité due à la salariée en réparation du préjudice qu'elle a subi ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les juges du fond doivent réparer l'intégralité du préjudice subi du fait d'un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse ; qu'ils doivent motiver leur décision, leur appréciation n'étant pas discrétionnaire ; que la Cour d'appel, qui a fixé à 6 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à Madame Y...en se bornant à viser les pièces produites, sans motiver autrement sa décision, quand Monsieur et Madame Z...avaient eux-mêmes soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que, pour les années 2009 et 2010, le préjudice subi était de 10 332, 36 euros compte tenu du niveau du dernier salaire mensuel et des indemnités de chômage perçues, ce dont il se déduisait nécessairement que le préjudice subi depuis le licenciement devait être évalué à une somme supérieure à 6 000 euros, en application du principe de la réparation intégrale du préjudice, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 1235-5 du Code du travail, ensemble l'article 1147 du Code civil ;
ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE Madame Y...avait soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'à la suite de son licenciement du 17 juillet 2008, elle était restée sans emploi jusqu'au 15 juin 2009, date à laquelle elle avait été engagée comme aide à domicile jusqu'au 30 septembre suivant, qu'ensuite elle avait été au chômage jusqu'au 9 novembre, date à laquelle elle avait été engagée par l'ADMR d'HOUDAN comme aide à domicile à mi-temps, et qu'enfin, ses pertes financières équivalaient à la somme de 50 000 euros, telle qu'elle lui avait été allouée en première instance, étant entendu qu'ayant atteint l'âge de 53 ans, elle n'avait pour ainsi dire plus aucune chance de retrouver une situation équivalente à celle qu'elle avait eue avant son licenciement ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, sauf par un visa insuffisant des pièces produites, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en méconnaissance de l'article 455 du Code de procédure civile.