LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 509 du code de procédure civile ;
Attendu qu'en l'absence d'exequatur, une décision de mise en liquidation judiciaire prononcée à l'étranger, ne peut produire, en France, aucun effet de suspension des poursuites individuelles ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables, en France, les actions en remboursement formées par M. X... et Mme Y... contre M. Elyas Hamed Alban Abdelwahed Z..., en exécution de reconnaissances de dettes contractées en 1993, la cour d'appel constate que celui-ci a été placé en liquidation judiciaire et a bénéficié le 21 août 1996, soit postérieurement aux reconnaissances de dettes litigieuses, de la part de l'United States Bankrupcy Court (District du Connecticut) d'une remise de dettes, qui le libérerait de toute dette antérieure à cette décision ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la décision américaine n'avait pas fait l'objet d'un exequatur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de répondre aux autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et de Mme Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X... et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré M. X... et Mme Y... irrecevables en leurs demandes et de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'eu égard à la date de clôture de l'affaire, il convient, afin de respecter le principe de la contradiction, d'écarter des débats les conclusions et les pièces déposées le 2 septembre 2010 par M. X... et Mme Y... ainsi que les conclusions au fond déposées le 10 septembre 2010 par Monsieur Z...,
ALORS QUE les écritures de dernière heure ne peuvent être écartées des débats que si elles ne sont pas régularisées en temps utile pour permettre au contradicteur d'y répondre ; qu'en ne recherchant pas si les conclusions de M. X... et Mme Y..., pour avoir été déposées le jour de la clôture, n'en avaient pas moins été régularisées en un temps suffisant pour permettre au contradicteur d'y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 15 et 16 du code de procédure civile. une violation du principe de la contradiction.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de remboursement des prêts et d'avoir rejeté la demande de condamnation à des dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE la loi applicable au présent litige doit être déterminée par référence à la convention de Rome du 19 juin 1980 ; que les quatre prêts ont tous été libellés en dollars ; que les reconnaissances de dette des 25 et 26 janvier 1993 ont prévu un remboursement sur un compte bancaire détenu par M. X... et Mme Y... à la Gateway Bank de Stanford aux Etats Unis d'Amérique ; que le prêt du 14 mai 1993 a fait l'objet d'un transfert depuis un compte ouvert à la Lewco Securitis de New York ; que le dernier prêt du 24 juin 1993 a donné lieu au profit des prêteurs à l'inscription d'une hypothèque sur un immeuble situé à Stanford propriété de l'emprunteur ; que l'obligation de remboursement supportée par M. Z... qui constitue la prestation caractéristique des prêts litigieux au sens de l'article 4 de la convention de Rome devant être exécutée dans l'Etat du Connecticut, c'est donc avec cet Etat que ces contrats présentaient les liens les plus étroits, peu important qu'il aient été rédigés en France et en français ; que 3 des reconnaissances de dettes litigieuses à savoir celles des 25 janvier, 26 janvier et 24 juin 1993 mentionnent que M. Z... demeure ... », que tant les correspondances des 9 avril et 31 mai 1993 émanant de M. Z... que la mise en demeure que lui ont adressée le 10 août 1994 les appelants portent cette même adresse aux Etats Unis d'Amérique ; qu'en revanche, M. X... et Mme Y... soutiennent sans pour autant en justifier que M. Z... aurait un domicile en France ; qu'il résulte également des pièces versées aux débats, fait non contesté, que M. Z... dirigeait alors la société PENDRICK REEVES ASSOCIATES domiciliée aux Etats-Unis ; que dans ces conditions, et alors que la quatrième reconnaissance de dette en cause a été passée le 14 mai 1993 soit concomitamment à l'ensemble des documents susmentionnés, il apparaît que M. Z... lors de la souscription des 4 engagements objet du présent litige, résidait effectivement de façon habituelle dans l'Etat du Connecticut ; que c'est donc à juste titre que M. Z... revendique l'application des dispositions de l'article 4 de la convention de Rome ainsi que de son article 19 qui énonce que « lorsqu'un Etat comprend plusieurs unités territoriales donc chacune a ses propres règles en matière d'obligations contractuelles, chaque unité territoriale est considérée comme un pays aux fins de la détermination de la loi applicable » ; que M. Z... indique avoir été placé sous le régime dit chapter 11 qui correspondrait à une mise en liquidation judiciaire et avoir bénéficié le 21 août 1996 soit postérieurement aux reconnaissances de dettes litigieuse de la part de l'United States Bankrupcy Court » d'une remise de dettes qui le libérerait de toute dette antérieure à cette décision ; qu'il produit à cet effet un document intitulé « discharge of debtor » émanant du district du Connecticut, ainsi que la traduction assermentée des textes de loi applicables quant aux effets juridiques d'une telle décision ; que M. X... et Mme Y... ne contestent pas qu'une « discharge of debtor » a été effectivement prononcée en faveur de M. Z... ; qu'ils ne discutent pas davantage les effets d'une telle décision sur le sort des dettes nées antérieurement ; que l'argument qu'ils opposent relatif à l'absence de toute exequatur est dépourvu d'intérêt dès lors que le litige ne porte pas sur l'exécution en France d'une décision étrangère ; qu'en conséquence, en raison de l'arrêt des poursuites résultant de la décision du 21 août 1996, M. X... et Mme Y... ne sont pas recevables en leurs prétentions visant à obtenir le remboursement des sommes prêtées,
1. ALORS QU'en l'absence de choix de la loi applicable par les parties, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, lequel est celui de la résidence habituelle, au moment du contrat, du débiteur de la prestation caractéristique ; qu'en énonçant, pour retenir l'application de la loi du Connecticut, que l'obligation de remboursement, caractéristique du contrat de prêt, devait être exécutée au Connecticut, la cour d'appel, qui s'est déterminée au regard du lieu d'exécution de la prestation caractéristique et non de la résidence du débiteur de la prestation caractéristique, a violé l'article 4 de la convention de Rome ;
2. ALORS QUE la faillite prononcée à l'étranger ne produit, en l'absence d'exéquatur, aucun effet en France ; que notamment, les poursuites en France sur les biens situés en France ne sont pas affectées par le jugement de faillite étranger qui n'a pas fait l'objet d'une décision d'exequatur ; qu'en déclarant irrecevables les poursuites exercées en France par M. X... et Mme Y... sur le fondement d'un jugement de faillite américain qui n'avait pas fait l'objet d'une exequatur, la cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile.