La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2011 | FRANCE | N°10-19905

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 octobre 2011, 10-19905


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 décembre 2008), que Mme X..., de nationalité française, et M. Y..., de nationalité américaine, se sont mariés, le 28 juillet 2000, aux Etats-Unis ; qu'une enfant, Emma, est née de leur union, le 12 janvier 2005, au Michigan ; que Mme X..., enceinte d'un second enfant, a rejoint, le 11 novembre 2007, la France, accompagnée de l'enfant Emma, pour rendre visite à son père, gravement malade, qui est décédé le

16 novembre 2007 ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 décembre 2008), que Mme X..., de nationalité française, et M. Y..., de nationalité américaine, se sont mariés, le 28 juillet 2000, aux Etats-Unis ; qu'une enfant, Emma, est née de leur union, le 12 janvier 2005, au Michigan ; que Mme X..., enceinte d'un second enfant, a rejoint, le 11 novembre 2007, la France, accompagnée de l'enfant Emma, pour rendre visite à son père, gravement malade, qui est décédé le 16 novembre 2007 ; qu'elle s'est maintenue sur le territoire français et a accouché à Lyon, le 10 février 2008, d'Arthur, second enfant du couple ; que M. Y... a saisi, le 13 mars 2008, l'autorité centrale américaine d'une demande de retour de ses enfants Emma et Arthur ; que, par jugement du 3 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Lyon a ordonné leur retour immédiat aux Etats-Unis avec exécution provisoire ; que, saisi en référé par la mère, le premier président de la cour d'appel de Lyon, par ordonnance du 7 novembre 2008, a suspendu l'exécution provisoire à l'égard d'Arthur ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision de retour immédiat des enfants aux Etats-Unis, alors selon le moyen :
1°/ qu'en statuant ainsi au visa d'un courrier du bureau de l'entraide civile et commerciale, autorité centrale requise, impropre à établir l'étendue de la saisine de cette autorité par l'Autorité centrale requérante, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble ses articles 6 et 8 à 11 ;
2°/ que s'agissant de l'enfant Arthur, l'applicabilité de la Convention était contestée par Mme X... (assignation du 18 novembre 2008, p. 9) au motif que celui-ci étant né en France et ne s'étant jamais rendu aux Etats-Unis d'Amérique, il n'avait pu faire l'objet d'un « déplacement » depuis les Etats-Unis d'Amérique ou d'un « non-retour » vers cet Etat signataire de la Convention ; qu'en laissant ce moyen sans réponse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en tous cas, que l'application de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants suppose un « déplacement » ou un « non-retour » de l'enfant, ce qui suppose dans les deux cas que l'enfant ait voyagé d'un Etat signataire de la Convention vers un autre ; qu'en ordonnant sur le fondement de cette Convention le retour immédiat de l'enfant Arthur Y... au domicile de son père sis aux Etats-Unis d'Amérique, tout en ayant constaté que cet enfant était né en France et n'était jamais allé dans ce pays, ce dont résultait l'absence au cas d'espèce de « déplacement » ou de « non-retour », la cour d'appel a violé l'article 3 de la Convention ;
4°/ que l'application de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants suppose un « déplacement » ou un « non-retour » illicite ; que le déplacement ou le non-retour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'enfant Arthur était né en France et n'était jamais allé aux Etats-Unis d'Amérique où il n'avait a fortiori jamais résidé ; qu'en ordonnant sur le fondement de cette Convention le retour immédiat de l'enfant Arthur Y... au domicile de son père sis aux Etats-Unis d'Amérique, au motif que la résidence habituelle de l'enfant s'y trouvait pour cela qu'avant sa naissance, ses parents y avaient fixé leur domicile, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
5°/ que par ailleurs, que Mme X... se prévalait devant les juges du fond de l'acquiescement de M. Y... au non-retour des enfants Arthur et Emma ; qu'en laissant ce moyen sans réponse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ qu'en outre, que l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; que seul compte le danger auquel peut être exposé l'enfant à raison de son retour et que ce danger peut être avéré quand bien même le parent demandeur au retour aurait eu par le passé une attitude irréprochable et quand bien même le parent défendeur à la demande de retour aurait eu par le passé une attitude critiquable ; qu'en statuant ainsi aux motifs inopérants que Mme X... avait exposé ses enfants à un danger en effectuant un déplacement illicite et que M. Y... avait agi dans l'intérêt supérieur des enfants si bien que Mme X... ne pouvait en conséquence se prévaloir de l'existence d'un danger pour ses enfants alors même qu'elle avait, selon la cour, mis par son fait ses enfants en danger affectif et moral en les éloignant de leur père, alors qu'à supposer même avérées ces circonstances, seul comptait le danger, notamment psychique, auquel pouvaient être exposés les enfants à raison de leur retour, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
7°/ qu'à cet égard, qu'en ne recherchant pas si le retour aux Etats-Unis d'Emma, âgée de 4 ans et vivant en France auprès de sa mère et de son entourage français depuis plus d'un an, n'était pas incompatible avec un tel enracinement, et ne présentait pas de ce fait un danger psychique pour l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
8°/ qu'en outre, qu'en ne recherchant pas si le fait de séparer un enfant de 10 mois (Arthur) de sa mère ne présentait pas un danger psychique pour l'enfant de ce simple fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
9°/ que par ailleurs, que la cassation du chef de dispositif ayant ordonné le retour d'Arthur emportera la censure du chef de dispositif ayant ordonné le retour d'Emma par voie de conséquence, par application de l'article 625, alinéa 2 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs adoptés, retenu que les deux enfants étaient visés dans l'acte introductif d'instance, la cour d'appel, par une décision motivée, a relevé, d'abord, que Mme X... et M. Y... disposaient tous deux du plein et entier exercice de la responsabilité parentale et avaient leur résidence habituelle aux Etats-Unis dans l'Etat du Michigan, ensuite que cette résidence n'avait pas changé du seul fait de la naissance d'Arthur en France et de la volonté unilatérale de sa mère d'y demeurer, enfin, que le père n'avait pas autorisé son épouse à s'installer avec ses enfants sur le territoire français mais avait seulement consenti à un déplacement ponctuel limité dans le temps ; qu'elle en a justement déduit que le non-retour des enfants était illicite, en application de l'article 3 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ; qu'ayant en outre relevé que les deux parents étaient en mesure de prodiguer aux enfants une éducation et des conditions de vie décentes, et que la mère ne pouvait se prévaloir d'aucun danger pour ses enfants alors même qu'elle les avait, de son fait, placés en danger affectif et moral en les éloignant de leur père, la cour d'appel n'a pu qu'en déduire que l'article 13 b de la Convention n'avait pas à recevoir application ; que le moyen qui vise dans sa première branche un motif inopérant, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour Mme X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR ordonné le retour immédiat d'Arthur et Emma Y... au domicile de leur père sis à Royal Oak (Etat du Michigan-Etats Unis d'Amérique) ;
AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE sur l'existence ou non d'un déplacement ou non retour illicite des mineurs Emma et Arthur Y... la Convention de LA HAY du 25 octobre 1980 relative aux aspects civils des enlèvements internationaux d'enfants a été publiée en France par décret du 29 novembre 1980 et a fait l'objet d'une adhésion de la part des Etats-Unis d'Amérique ; qu'elle stipule, en ses articles 3 et 4 que le déplacement ou le non-retour d'un mineur de moins de 16 ans est illicite lorsqu'il a eu lieu en violation du droit de garde attribué par l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence effective au moment du déplacement lorsque ce droit était exercé de façon effective au moment du déplacement ou de son nonretour ; que l'article 5 de la dite convention précise la notion de droit de garde en ce que ce droit comprend la prise en charge du mineur et de ses besoins par le biais des soins qui lui sont nécessaires et la fixation de sa résidence ; que l'article 13 prévoit que l'autorité requise aux fins de retour du mineur n'est pas tenue d'ordonner le dit retour lorsque la personne qui s'oppose à ce retour établit que la personne qui avait le soin du mineur : soit n'exerçait pas le droit de garde de façon effective au moment du déplacement, soit a acquiescé postérieurement à ce déplacement ou à ce non-retour, soit qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique ou ne le place de toute autre manière dans une situation intolérable ; que sur les enfants concernés par la saisine, la Cour ne peut que constater que le Procureur de la République était saisi de la situation des deux enfants communs du couple X...-Y... ; qu'en effet, la production par Nathalie X... de la copie d'un courrier adressé à son conseil par celui de son mari, courrier ne visant que la mineure Emma, est complétée par les termes du courrier adressé à sa demande au conseil de Nathalie X... par le bureau de l'entraide civile et commerciale, avec copie au Procureur général de la Cour d'Appel de Lyon ct au conseil de Jamie Y... ; que ce courrier indique sans ambiguïté possible que la demande de retour adressée à l'autorité centrale française par l'autorité centrale américaine concernait les deux enfants du couple X...-Y... ; que sur la qualification du déplacement ou non retour au sens de la convention, Nathalie X... conteste l'application de la Convention en ce qu'Arthur est né sur le territoire français le 10 février 2008 et n'a jamais eu de résidence aux Etats-Unis d'Amérique ; que s'il ne peut être contesté qu'Arthur n'a jamais résidé sur le continent américain, il ne peut être retenu de définition communautaire de la notion de résidence autre que celle élaborée de façon jurisprudentielle, la Convention faisant rappel de ce que le droit de garde comporte les soins donnés au mineur ainsi que la fixation de sa résidence ; que la résidence d'un enfant est déterminée par ses parents qui lorsqu'ils sont mariés 1'élèvent dans le plein exercice de leur responsabilité parentale, notion plus large que celle de 1'autorité parentale et qui est reconnue en droit communautaire et dans le vocabulaire ordinaire des textes internationaux ; que Nathalie X... et Jamie Y... ont, dans le plein et entier exercice de cette responsabilité parentale fixé la résidence de leur couple devenue famille avec la naissance de leur fille Emma aux Etats-Unis d'Amérique à Royal Oak, Etat du Michigan ;
que selon ses propres écrits, la demanderesse s'est rendue en France alors qu'elle était enceinte et a prolongé son séjour avec l'accord de son mari ; qu'il ne peut en être présumé alors même qu'aucune procédure de séparation judiciaire n'était en cours aux USA ou en France que le couple avait décidé de fixer la résidence de leur second enfant en France et non au domicile qu'ils avaient choisi comme celui de leur famille ; que la résidence d'Arthur, était en conséquence celle de sa soeur et de ses parents soit Royal Oak et ne peut dépendre de son lieu de naissance qui est le fait conjugué du hasard et de la seule volonté de la mère à demeurer sur le territoire français, Nathalie X... devant revenir au Michigan le 25 novembre 2007 ainsi que l'établissent les billets retour financés par Jamie Y... au profit de sa femme et sa fille ; que la décision entreprise sera en conséquence confirmée sur l'application des dispositions de l'article trois de la Convention de LA HAYE aux deux enfants issus du couple ; qu'elle soutient qu'elle n'a pas agi en fraude ; que cependant le tribunal a justement retenu que c'est dans un cadre de confiance que Jamie Y... a signé, conformément au droit en vigueur dans le Michigan, une autorisation de sortie de l'enfant commune Emma afin de permettre à l'enfant d'accompagner sa mère, Nathalie X..., au chevet du père de celle-ci, par ailleurs décédé le 16 novembre 2007 ; que cette autorisation prévoyait comme terme la date du 25 novembre, ce qui démontre qu'il ne s'agissait que d'une autorisation destinée à une situation particulière et non une autorisation d'installation de l'enfant sur le territoire français ; que le fait que le père sache où contacter mère et fille allégué par la mère est démonstratif de l'entière confiance faite par Jamie Y... en tant que mari et père en commun ; qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir tout d'abord tenté une phase de discussion avec son épouse, phase qui résulte des pièces communiquées par les parties ; que Jamie Y... poursuivait l'objectif de faire revenir au domicile conjugal et familial femme et enfants, objectif tout autant respectable que sa volonté de prendre en considération l'impossibilité médicale de prendre l'avion de son épouse ; que Jamie Y..., conscient de cette nécessité médicale a ainsi signé une prolongation le 9 novembre 2007 du séjour de sa fille jusqu'au 11 février 2008 sur le territoire français et s'est vu confronté à la naissance de son fils le 10 février sur le territoire français, élément objectif ne permettant pas le retour en immédiateté de la mère et des deux enfants communs ; qu'il s'est ensuite rendu en France du 28 février au 10 mars 2008, le dépôt d'une requête en divorce par son épouse étant survenu entre la naissance d'Arthur et sa venue, qu'il a apparemment été reçu par son épouse lors de son séjour et n'a déposé une plainte et une demande de retour des deux mineurs que le 13 mars 2008 ; que Nathalie X... ne démontre pas en conséquence que le père ait donné un accord autre que déterminé dans le temps ni n'ait consenti à la prolongation de son séjour sans réaction ni souhait clairement énoncé d'un retour de ses enfants et aussi de son épouse ; que le déplacement d'Emma et le non retour des deux enfants est en conséquence illicite ; que sur les exceptions au droit de retour, la Cour ne peut que constater que la mère d'Emma et d'Arthur a allégué un certain nombre de griefs à l'encontre de Jamie Y... dans sa requête en divorce, griefs adressés à Jamie Y... en tant que mari qui seront appréciés par le seul juge du divorce dont la détermination, ainsi que celle de la loi applicable reste en suspens en raison de la saisine pendante de la Cour de cassation ; qu'aux termes de son assignation saisissant la Cour d'appel, Nathalie X... estime que ses enfants seraient en danger psychique et physique du fait de la séparation d'avec leur mère en raison de leur très jeune âge ; qu'elle appuie son affirmation sur des extraits de décisions de justice, ce qui conduit à faire rappel de ce que l'appréciation souveraine de la notion de danger psychique ou physique par une juridiction doit être faite par référence aux enfants sujets de la procédure, vivant la situation familiale qui est la leur au regard des capacités éducatives respectives de leurs parents ; qu'il ressort des nombreuses pièces produites par les parents d'Emma et d'Arthur que chacun de leurs deux parents éprouvent envers eux une affection sincère et un intérêt que ne démentent pas les procédures en cours ; que chacun d'entre eux est à même de prodiguer aux enfants une éducation et des conditions de vie décentes ; que la mère ne dispose d'aucune prérogative ni en terme d'affectif ni en terme de prise en charge de jeunes enfants alors qu'elle a tenté de les soustraire à l'affection de leur père par le biais d'un déplacement illicite afin de les élever dans sa culture et auprès de sa famille, son installation au domicile de son frère étant un élément éclairant de cette volonté ; que la mise en avant du jeune âge d'Arthur lui permettrait de se préconstituer un droit dans l'hypothèse d'une demande future de changement de résidence d'Arthur par son père : la mère pourrait légitimement faire valoir l'intérêt de son fils à ne pas subir un déracinement qui compromettrait une scolarité et des habitudes de vie établies depuis sa naissance en France ; qu'un mineur de quelques mois ne connaît pas l'enracinement culturel et social susceptible de rendre toute nouvelle installation impossible sauf à nier la portée de la notion de déplacement illicite de jeunes enfants et à fixer un seuil d'âge en dessous duquel aucun déplacement ne pourrait être qualifié d'illicite du seul fait de l'âge du mineur concerné ce qui reviendrait à vider partiellement la convention de La Haye de sa substance en ajoutant au texte une condition qu'il n'édicte pas ; que le danger psychique d'une séparation de jeunes enfants d'avec un parent se doit d'être retenu non pas seulement au profit de la mère mais au profit des père et mère et également de la séparation d'une fratrie ainsi que le souligne les écritures de la mère et la décision entreprise ; que le droit positif français reconnaît cependant la possibilité légale de faire courir ce danger de sentiment d'abandon à de jeunes enfants dans le cadre de la mise en oeuvre de la procédure d'assistance éducative et de l'accueil des mineurs par un service ou des tiers lorsqu'ils sont manifestement en danger du fait de leur maintien avec leurs parents ; qu'il appartient alors à la juridiction saisie d'apprécier le danger le moins obérant pour le mineur en cernant son intérêt présent et à venir en terme d'évolution ; que cette démarche est similaire à celle que se doit de suivre la Cour ; que force est de constater que l'attitude de la mère est porteuse d'un danger grave en ce qu'elle a illicitement éloigné les enfants communs de leur père et mis père et institution devant la toute puissance qu'elle estime être sienne en étant 1a mère et n'a nullement démontré ainsi son sens de la responsabilité parentale ; qu'il lui était loisible compte tenu de l'existence d'une législation de plus en plus consciente des problématiques des couples bi-nationaux de privilégier le Droit et non la Force ; qu'elle ne peut en conséquence se prévaloir de l'existence d'un danger pour ses enfants alors même qu'elle a par son fait mis ses enfants en danger affectif et moral en les éloignant de leur père ; que de son coté, le père n'a déposé aucune plainte pénale à l'encontre de sa femme et cela alors qu'il était en droit de le faire, démontrant ainsi qu'il ne souhaitait pas préjudicier à la mère de ses enfants ; qu'il a également offert à plusieurs reprises, y compris dans le cadre de la médiation mise en place par le magistrat délégué du Premier Président de la Cour d'Appel de Lyon, à la mère de revenir dans le Michigan en y accompagnant les mineurs et s'est engagé à lui permettre d'exercer dans les meilleurs conditions son droit de visite et d'hébergement, ou encore une garde alternée, ce que l'absence d'activité actuelle de la mère et l'absence de scolarité obligatoire des mineurs faciliteraient ; que Jamie Y... a agi ainsi dans le respect de l'intérêt supérieur des enfants communs qui est d'avoir l'accès à chacun de ses parents et de bénéficier d'une continuité affective indispensable à leur équilibre présent et à venir et d'entretenir des liens avec chaque famille dans une connaissance égalitaire de leur double culture ; qu'il convient en conséquence de constater que les exceptions soulevées par la mère ne sont pas fondées et que l'article 13b de la Convention n'a pas matière à s'appliquer ;
1°) ALORS QU'en statuant ainsi au visa d'un courrier du Bureau de l'entraide civile et commerciale, Autorité centrale requise, impropre à établir l'étendue de la saisine de cette autorité par l'Autorité centrale requérante, la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble ses articles 6 et 8 à 11 ;
2°) ALORS QUE s'agissant de l'enfant Arthur, l'applicabilité de la Convention était contestée par Madame X... (assignation du 18 novembre 2008, p. 9) au motif que celui-ci étant né en France et ne s'étant jamais rendu aux Etats-Unis d'Amérique, il n'avait pu faire l'objet d'un « déplacement » depuis les Etats-Unis d'Amérique ou d'un « non-retour » vers cet Etat signataire de la Convention ; qu'en laissant ce moyen sans réponse, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
3°) ALORS, en tous cas, QUE l'application de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants suppose un « déplacement » ou un « non-retour » de l'enfant, ce qui suppose dans les deux cas que l'enfant ait voyagé d'un Etat signataire de la Convention vers un autre ; qu'en ordonnant sur le fondement de cette Convention le retour immédiat de l'enfant Arthur Y... au domicile de son père sis aux Etats-Unis d'Amérique, tout en ayant constaté que cet enfant était né en France et n'était jamais allé dans ce pays, ce dont résultait l'absence au cas d'espèce de « déplacement » ou de « non-retour », la Cour a violé l'article 3 de la Convention ;
4°) ALORS QUE l'application de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants suppose un « déplacement » ou un « non-retour » illicite ; que le déplacement ou le nonretour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour ; qu'en l'espèce, la Cour a constaté que l'enfant Arthur était né en France et n'était jamais allé aux Etats-Unis d'Amérique où il n'avait a fortiori jamais résidé ; qu'en ordonnant sur le fondement de cette Convention le retour immédiat de l'enfant Arthur Y... au domicile de son père sis aux Etats-Unis d'Amérique, au motif que la résidence habituelle de l'enfant s'y trouvait pour cela qu'avant sa naissance, ses parents y avaient fixé leur domicile, la Cour, qui a statué par des motifs inopérants et n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
5°) ALORS, par ailleurs, QUE Madame X... se prévalait devant les juges du fond de l'acquiescement de Monsieur Y... au nonretour des enfants Arthur et Emma ; qu'en laissant ce moyen sans réponse, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS, en outre, QUE l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; que seul compte le danger auquel peut être exposé l'enfant à raison de son retour et que ce danger peut être avéré quand bien même le parent demandeur au retour aurait eu par le passé une attitude irréprochable et quand bien même le parent défendeur à la demande de retour aurait eu par le passé une attitude critiquable ; qu'en statuant ainsi aux motifs inopérants que Madame X... avait exposé ses enfants à un danger en effectuant un déplacement illicite et que Monsieur Y... avait agi dans l'intérêt supérieur des enfants si bien que Madame X... ne pouvait en conséquence se prévaloir de l'existence d'un danger pour ses enfants alors même qu'elle avait, selon la Cour, mis par son fait ses enfants en danger affectif et moral en les éloignant de leur père, alors qu'à supposer même avérées ces circonstances, seul comptait le danger, notamment psychique, auquel pouvaient être exposés les enfants à raison de leur retour, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
7°) ALORS, à cet égard, QU'en ne recherchant pas si le retour aux Etats-Unis d'Emma, âgée de 4 ans et vivant en France auprès de sa mère et de son entourage français depuis plus d'un an, n'était pas incompatible avec un tel enracinement, et ne présentait pas de ce fait un danger psychique pour l'enfant, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
8°) ALORS, en outre, QU'en ne recherchant pas si le fait de séparer un enfant de 10 mois (Arthur) de sa mère ne présentait pas un danger psychique pour l'enfant de ce simple fait, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
9°) ALORS, par ailleurs, QUE la cassation du chef de dispositif ayant ordonné le retour d'Arthur emportera la censure du chef de dispositif ayant ordonné le retour d'Emma par voie de conséquence, par application de l'article 625, alinéa 2 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 10-19905
Date de la décision : 26/10/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - Article 3 - Déplacement illicite - Définition - Cas

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - Article 13 § b - Non-retour de l'enfant - Obligation d'ordonner le retour de l'enfant - Exclusion - Cas - Exposition de l'enfant à un risque grave de danger physique ou psychique - Caractérisation - Défaut - Applications diverses

Relevant que le père et la mère disposent tous deux du plein et entier exercice de la responsabilité parentale et ont leur résidence habituelle aux Etats-Unis et que le père n'a pas autorisé son épouse à s'installer définitivement avec ses enfants sur le territoire français, une cour d'appel en déduit justement que le non-retour des enfants est illicite en application de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le seul fait de la naissance en France du dernier enfant n'ayant pas pour conséquence de modifier le lieu de cette résidence habituelle. Par ailleurs, relevant que les deux parents sont en mesure de prodiguer aux enfants une éducation et des conditions de vie décentes, et que la mère ne peut se prévaloir d'aucun danger pour ses enfants, alors même qu'elle les a, de son fait, placés en danger affectif et moral en les éloignant de leur père, une cour d'appel ne peut qu'en déduire que l'article 13 b de la Convention ne peut recevoir application


Références :

articles 3 et 13 b de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 09 décembre 2008

Sur la notion de déplacement illicite au sens de l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, à rapprocher : 1re Civ., 14 novembre 2006, pourvoi n° 05-15692, Bull. 2006, I, n° 473 (1) (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 10 juillet 2007, pourvoi n° 07-10190, Bull. 2007, I, n° 261 (rejet)

arrêt cité. Sur le défaut d'application de l'exception au retour de l'enfant au lieu de sa résidence habituelle, à rapprocher : 1re Civ., 13 juillet 2005, pourvois n° 05-10.519 et 05-10.521, Bull. 2005, I, n° 334 (3) (rejet)

arrêt cité ;

1re Civ., 14 novembre 2006, pourvoi n° 05-15692, Bull. 2006, I, n° 473 (2) (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 oct. 2011, pourvoi n°10-19905, Bull. civ. 2011, I, n° 178
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, I, n° 178

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Chevalier
Rapporteur ?: Mme Vassallo
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.19905
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award