LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n°s H 10-14.651 et M 10-15.000 ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 10 novembre 2009), que la société civile immobilière Cavok 2 (la SCI) a, par acte sous seing privé du 7 mars 2006, vendu aux époux X... un bien immobilier, sous conditions suspensives relatives notamment à l'obtention d'un prêt ; que l'acte de vente n'ayant pas été réitéré dans le délai prévu, la SCI a assigné les époux X... en paiement de la clause pénale et en dommages-intérêts ; que ceux-ci soutenant, à titre principal, que les conditions suspensives n'étant pas réalisées, la vente était caduque, se sont opposés à ces demandes et ont invoqué, à titre subsidiaire, la nullité de la vente pour erreur sur la substance ;
Attendu que pour prononcer la nullité du "compromis de vente", l'arrêt retient que bien que les époux X... ne soulèvent la nullité du contrat qu'à titre subsidiaire, la question de sa validité doit être nécessairement examinée en premier lieu, qu'en effet, la nullité entraînant l'anéantissement rétroactif du contrat, il n'est pas possible d'examiner si les conditions suspensives contenues dans l'acte se sont réalisées alors que les époux X... prétendent par ailleurs que ledit contrat est nul et n'a donc jamais existé ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne les époux X... et la société Bourse de l'immobilier aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X... et la société Bourse de l'immobilier à payer à la société Cavok 2 la somme de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens identiques n°s M 10-15.000 et H 10-14.651 produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la société Cavok 2,
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE , après avoir confirmé par substitution des motifs le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI CAVOK 2 de ses demandes et ordonné à la SAS BOURSE DE L'IMMOBILIER de restituer aux époux X... la somme de 20.000 € remise à titre de garantie, il a, infirmant le jugement, prononcé la nullité du compromis de vente du 7 mars 2006 et dit que la somme de 20.000 € portera intérêts à compter du 31 octobre 2007, condamné la SCI CAVOK 2 au paiement de ces intérêts et débouté les parties du surplus de leurs demandes,
AUX MOTIFS D'ABORD QUE, « bien que les époux X... ne soulèvent la nullité du contrat qu'à titre subsidiaire, la question de sa validité doit être nécessairement examinée en premier lieu ; qu'en effet, la nullité entraînant l'anéantissement rétroactif du contrat, il n'est pas possible d'examiner si les conditions suspensives contenues se sont réalisées alors qu'on prétend par ailleurs que ledit contrat est nul et n'a donc jamais existé».
AUX MOTIFS ENCORE QUE « la nullité étant prononcée, la somme de 20.000 € devra être restituée avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2007 » ;
ALORS QUE, premièrement, en vertu du principe dispositif que rappelle l'article 4 du Code de procédure civile, les parties ont l'entière maîtrise de leur demande ; que dans l'hypothèse où une partie formule deux demandes en indiquant que l'une est formée à titre principal et doit être examinée prioritairement cependant que l'autre est formée à titre subsidiaire pour le cas où la demande principale ne serait pas accueillie, les juges du fond sont tenus de se conformer à la manière dont l'auteur des demandes entend les voir examinées ; qu'en l'espèce, il résulte des conclusions de Monsieur et Madame X... (20 avril 2009) qu'ils ont demandé à titre principal la confirmation du jugement entrepris en tant que, sur le fondement de l'accord, il avait ordonné à la SCI CAVOK de leur restituer la somme de 20.000 € et n'ont sollicité la nullité de la convention que pour le cas où la demande principale ne serait pas accueillie ; qu'en examinant en premier lieu la demande subsidiaire visant à la nullité de la convention sans statuer au préalable sur la demande principale, les juges du fond ont violé le principe dispositif et l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, si d'un point de vue intellectuel la question de la nullité prend place antérieurement à la question de l'exécution de la convention, cette circonstance est indifférente au regard du principe dispositif ; que de ce point de vue également, les juges du fond ont violé le principe dispositif et l'article 4 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé la convention et ordonné à la société BOURSE DE L'IMMOBILIER la restitution de la somme de 20.000 €,
AUX MOTIFS QUE, « même si le classement du bien en zone inondable n'était applicable que le 1er juillet 2006 comme le soutient la SCI CAVOK, il n'est pas contesté qu'à la date de signature du compromis ce classement avait déjà fait l'objet d'un arrêté préfectoral et que les époux X... n'ont pas été informés du caractère inondable du bien qu'ils acquéraient ; qu'il est incontestable par ailleurs que le caractère inondable ou non d'un immeuble est une qualité substantielle du bien susceptible notamment d'influer sur sa valeur et que, dans l'ignorance où ils étaient du classement de celui-ci en zone inondable, les époux X... n'ont pas pu donner valablement leur accord ; que leur consentement ayant été vicié, c'est donc à bon droit qu'ils invoquent l'erreur sur la qualité substantielle du bien et concluent à la nullité du contrat » ;
ALORS QU'il incombe au demandeur à la nullité, qui a la charge de la preuve, d'établir l'existence de l'erreur sur les qualités substantielles ; que si, en l'espèce, Monsieur et Madame X... faisaient état, dans leurs conclusions du 20 avril 2009, d'un arrêté de prescription d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) comportant enquête publique, ils n'ont jamais fait état de l'intervention, après enquête publique, d'un arrêté approuvant le PPRI et identifiant les zones inondables (p. 8, alinéas 1 et 2) ; qu'en décidant d'office qu'un arrêté préfectoral était intervenu, approuvant le plan et identifiant les zones inondables puisque seule l'existence d'un arrêté prescrivant une enquête publique était invoquée, les juges du fond ont relevé un moyen d'office sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, et partant ont violé l'article 16 du Code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé la convention et ordonné à la société BOURSE DE L'IMMOBILIER la restitution de la somme de 20.000 €,
AUX MOTIFS QUE « même si le classement du bien en zone inondable n'était applicable que le 1er juillet 2006 comme le soutient la SCI CAVOK, il n'est pas contesté qu'à la date de signature du compromis ce classement avait déjà fait l'objet d'un arrêté préfectoral et que les époux X... n'ont pas été informés du caractère inondable du bien qu'ils acquéraient ; qu'il est incontestable par ailleurs que le caractère inondable ou non d'un immeuble est une qualité substantielle du bien susceptible notamment d'influer sur sa valeur et que, dans l'ignorance où ils étaient du classement de celui-ci en zone inondable, les époux X... n'ont pas pu donner valablement leur accord ; que leur consentement ayant été vicié, c'est donc à bon droit qu'ils invoquent l'erreur sur la qualité substantielle du bien et concluent à la nullité du contrat » ;
ALORS QUE la procédure se décompose en deux temps ; que dans un premier temps le préfet prescrit une enquête publique ; que dans un second temps, il procède à l'adoption du plan en déterminant si le secteur est classé en zone inondable et en précisant dans l'affirmative les terrains pouvant être identifiés comme inondables ; qu'en l'espèce Monsieur et Madame X... se bornaient à faire état d'un arrêté préfectoral prescrivant une enquête publique ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur le point de savoir si l'arrêté qu'ils entendaient retenir se bornait à prescrire l'enquête publique ou au contraire, après enquête publique, à approuver le plan en y identifiant les zones inondables, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1110 du Code civil, L.562-1 à L.562-9 du Code de l'environnement.