LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 décembre 2009) que par acte du 11 août 2005, Mme X... a cédé aux époux Y... une parcelle de terre cadastrée section D, n° 651, que les époux Z..., propriétaires du fonds voisin, ont fait assigner Mme X... en faisant valoir que celle-ci était convenue de constituer à leur profit une servitude de passage sur cette parcelle, suivant acte sous seing privé du 18 octobre 1993, non publié à la conservation des hypothèques, et ont demandé qu'il soit jugé que le fonds constitué de la parcelle n° 651 était débiteur d'une servitude de passage de quatre mètres au profit de leur propriété, que par acte du 7 novembre 2005 les époux Z... ont dénoncé la procédure aux époux Y..., que les deux instances ont été jointes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les époux Y... font grief à l'arrêt de dire que le protocole d'accord du 18 octobre 1993 est opposable aux ayants droit de Mme X..., alors, selon le moyen, que pour être opposable aux tiers, toute constitution de servitude par titre doit être publiée au bureau des hypothèques de la situation des immeubles ; qu'un ayant droit à titre particulier a la qualité de tiers au sens des règles relatives à la publicité foncière des servitudes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a jugé que la servitude créée en 1993 était parfaitement opposable aux acquéreurs du fonds servant même à défaut de publication, en précisant que la publication n'est exigée que pour l'opposabilité de la servitude aux tiers ; qu'en statuant ainsi, sans dire en quoi les acquéreurs, ayants droit à titre particulier, n'auraient pas eu la qualité de tiers, cependant que cette qualité commandait la publication de ladite servitude pour leur être opposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30 1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la convention du 18 octobre 1993 était annexée à l'acte de vente et faisait l'objet d'une mention particulière dans cet acte aux termes de laquelle le vendeur déclarait qu'il n'avait créé ni laissé acquérir aucune servitude sur le bien en dehors de la servitude constituée au profit des époux Z... et que l'acquéreur déclarait avoir été informé du protocole d'accord annexé à l'acte de vente, établi entre Mme X..., vendeur et M. et Mme Z... concernant la constitution d'une servitude grevant le terrain cédé et d'une lettre de M. A..., avocat, confirmant l'intention des époux Z... de régulariser ladite servitude, la cour d'appel a légalement justifié sa décision en retenant que la servitude créée en 1993 était opposable aux acquéreurs, même à défaut de publication ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, que le tracé de la servitude figurait sur le document d'arpentage annexé à l'acte de vente des époux Y..., que l'implantation de leur maison d'habitation par rapport à ce tracé déjà connu leur incombait et que ce tracé avait été déplacé plus à l'ouest sans que les époux Z... ne s'y opposent, la cour d'appel, sans dénaturation, a pu en déduire qu'en l'absence de préjudice, la demande de dommages-intérêts formée par les époux Y... devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les époux Y... à payer aux époux Z... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour les époux Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les termes du protocole d'accord du 18 octobre 1993 étaient opposables aux ayants droit de Mademoiselle X... ;
AUX MOTIFS propres QUE la convention du 18 octobre 1993 est annexée à l'acte de vente et fait l'objet d'une mention particulière dans cet acte, aux termes de laquelle le vendeur déclare « qu'il n'a crée ni laissé acquérir aucune servitude sur ce bien, en dehors de ce qui est dit ci-après sous le paragraphe information de l'acquéreur » et l'acquéreur déclare « avoir été parfaitement informé du protocole d'accord ci-annexé établi entre Mademoiselle X..., vendeur aux présentes et Monsieur et Madame Z..., concernant l'établissement d'une servitude grevant le terrain vendu et d'une lettre ci-annexée de Maître A... avocat à Draguignan, confirmant l'intention de Monsieur et Madame Z... de régulariser ladite servitude ; que la servitude créée en 1993 leur est donc parfaitement opposable, même à défaut de publication, celle-ci n'étant exigée que pour l'opposabilité aux tiers (arrêt attaqué, p. 5, § 8 et 9) ;
Et AUX MOTIFS, éventuellement adoptés, QUE le protocole, dans l'attente d'être consacré, quant à la nature de la servitude par la décision dont s'agit, a été annexé accessoirement au contrat de vente X.../ Y... du 11 août 2005 ; qu'une mention expresse insérée dans leur titre de propriété indique que « l'acquéreur déclare avoir été parfaitement informé du protocole d'accord ci annexé entre Mademoiselle X... vendeur aux présentes et Monsieur et Madame Z... concernant l'établissement d'une servitude grevant le terrain vendu et d'une lettre annexée de Maître A... avocat au barreau de Draguignan confirmant l'intention de Monsieur et Madame Z... de régulariser ladite servitude ; que les époux Y... soutiennent pour leur défense que le terrain Z... n'est plus enclavé et qu'à ce titre, la servitude non régularisée consentie n'a plus lieu d'être ; que ce moyen sera écarté en ce que la motivation de la servitude n'a pas été celui de l'état d'enclave du fonds des requérants ; que Mademoiselle X... a transmis avec la vente de son terrain les engagements qu'elle avait pris initialement avec les époux Z... ; qu'en leur qualité d'ayants droit de la venderesse, les époux Y... se trouvent engagés au même titre qu'elle vis à vis des époux Z..., c'est-à -dire qu'ils devront supporter les conséquences du protocole d'accord du 18 octobre 1993 ; qu'ils sont donc fondés à réclamer sur le fonds Y... cadastré D 651 une servitude de passage d'une largeur de 4 mètres et ce au profit de la parcelle D. 678 propriété Z... (jugement entrepris, p. 5 et 6) ;
ALORS QUE pour être opposable aux tiers, toute constitution de servitude par titre doit être publiée au bureau des hypothèques de la situation des immeubles ; qu'un ayant droit à titre particulier a la qualité de tiers au sens des règles relatives à la publicité foncière des servitudes ; qu'au cas présent, la cour d'appel a jugé que la servitude créée en 1993 était parfaitement opposable aux acquéreurs du fonds servant, même à défaut de publication, en précisant que la publication n'est exigée que pour l'opposabilité de la servitude aux tiers ; qu'en statuant ainsi, sans dire en quoi les acquéreurs, ayants droit à titre particulier, n'auraient pas eu la qualité de tiers, cependant que cette qualité commandait la publication de ladite servitude pour leur être opposable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué, D'AVOIR débouté les époux Y... de leur demande de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QUE les époux Y... invoquent d'abord un trouble de jouissance né de la présence de cette servitude qui passerait au milieu de leur propriété ; qu'il convient cependant de rappeler que le tracé de cette servitude figure sur le document d'arpentage annexé à leurs actes de vente et que l'implantation de leur maison d'habitation par rapport à ce tracé déjà connu leur incombe entièrement ; que par ailleurs, ce tracé a été déplacé plus à l'ouest sans que les époux Z... ne s'y opposent de sorte que cette demande de dommages intérêts est infondée (arrêt attaqué, p. 5, § 10) ;
1°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer un acte écrit clair et précis en lui donnant un contenu ou un sens qui n'est pas le sien ; qu'au cas présent, pour juger infondée la demande de dommages-intérêts que les époux Y... avaient formée pour trouble de jouissance, la cour d'appel a relevé que le tracé de la servitude figurait sur le document d'arpentage annexé à leurs actes de vente de sorte que l'implantation de la maison d'habitation des exposants par rapport à ce tracé déjà connu leur incombait entièrement (arrêt attaqué, p. 5, § 10) ; qu'en statuant ainsi, cependant que les époux Y... n'ont jamais été partie qu'à un seul acte de vente, en date du 11 août 2005, qu'ils ont produit aux débats (pièce n° 3) et auquel n'a été annexé aucun document d'arpentage ; qu'en statuant ainsi la cour a dénaturé l'acte de vente des exposants ; qu'elle a, par conséquent, violé l'article 1134 du Code civil ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE la dénaturation est constituée lorsque les juges donnent aux éléments qui leur sont soumis une portée différente de celle qui ressort clairement et précisément de leur contenu ; qu'au cas présent, à supposer que la cour d'appel se soit fondée sur le document d'arpentage du 17 juillet 2005 (non annexé à l'acte de vente) versé aux débats (pièce n° 16), il ressort manifestement de son examen que le tracé de la servitude y a été ajouté à la main par les époux Y..., sur une photocopie de ce document coloriée et légendée par les exposants, pour les seuls besoins de la procédure ; qu'avant le procès, ce document ne comportait aucun tracé de la desserte de sorte qu'il ne pouvait qu'en être déduit que les époux Y... n'avaient pas connaissance de ce tracé à l'époque de la construction de leur maison ; qu'en se fondant néanmoins sur ce document pour en déduire que les époux Y... connaissaient l'existence du tracé de ladite servitude lors de l'implantation de leur maison de sorte que leur demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance devait être rejetée, la cour d'appel a donné à ce document une portée différente de celle, pourtant claire et précise, qui en ressortait, et a violé l'article 1134 du Code civil.