LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 octobre 2009) que suivant promesse sous seing privé du 22 avril 2002, la société civile immobilière Lacanau Clemenceau (la SCI) a vendu un immeuble à Mme X... ; que la réitération de l'acte authentique prévue au plus tard le 30 septembre 2002 n'est pas intervenue et que par assignation du 27 février 2003 Mme X... a fait assigner la venderesse en perfection de la vente ; que par acte authentique du 13 mars 2003, publié à la conservation des hypothèques de Bordeaux le 18 mars 2003, la SCI a vendu le bien aux époux Y... ; que par arrêt du 24 septembre 2007 la cour d'appel de Bordeaux, infirmant le jugement, a dit la vente parfaite au profit de Mme X... ; que le 30 octobre 2007 les époux Y... ont formé tierce opposition à l'arrêt du 24 septembre 2007 contre lequel aucun pourvoi en cassation n'a été formé et que par arrêt du 29 octobre 2009 la cour d'appel de Bordeaux a déclaré les époux Y... recevables en leur tierce opposition et constaté que l'immeuble litigieux était leur propriété ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer la tierce opposition des époux Y... recevable, alors, selon le moyen :
1°/ que l'ayant cause à titre particulier est représenté par son auteur, pour tous les actes accomplis antérieurement à l'accomplissement de la formalité de la publicité foncière ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a décidé que la tierce opposition formée par M. et Mme Y... était recevable, car leur acte authentique avait été publié le 18 mars 2003, quand l'assignation en régularisation forcée de vente avait été délivrée dès le 27 février 2003, par Mme X... à la société civile immobilière Lacanau Clemenceau, ce dont il résultait que celle-ci avait représenté ses ayants-cause à titre particulier à la procédure, peut important que celle-ci ait abouti à un arrêt du 24 septembre 2007, a violé l'article 583 du code de procédure civile ;
2°/ qu'une tierce opposition n'est recevable que si le tiers concerné s'est trouvé dans l'impossibilité de faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, la cour qui a déclaré recevable la tierce opposition de M. et Mme Y..., sans rechercher si ceux-ci n'étaient pas, depuis le jour de la seconde vente dont ils avaient bénéficié, parfaitement informés de la vente précédemment consentie à Mme X... par la SCI Lacaneau Clemenceau, ainsi que de la procédure judiciaire les opposant et à laquelle ils avaient délibérément choisi de ne pas intervenir, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel retient à bon droit que si les ayants cause à titre particulier sont considérés comme représentés par leur auteur pour les actes accomplis par celui-ci avant la naissance de leurs droits, lorsqu'un acte est soumis à publicité foncière, la représentation prend fin à compter de l'accomplissement des formalités de publicité foncière ; qu'ayant constaté que les époux Y... avaient publié leur titre à la conservation des hypothèques le 18 mars 2003 et exactement retenu qu'ils n'étaient plus représentés à la date de l'arrêt, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a justement déduit que la tierce opposition formée par les époux Y... était recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rétracter l'arrêt rendu le 24 septembre 2007, alors, selon le moyen, "que la connaissance, par un second acquéreur, de l'existence d'une première cession constatée par acte sous seing privé non soumis à publicité foncière, lui interdit de tirer avantage des règles de la publicité foncière, que la cour d'appel, qui a rétracté l'arrêt du 24 septembre 2007 constatant le caractère parfait de la vente consentie sous seing privé à Mme X..., en se fondant sur le simple fait que M. et Mme Y... avaient acquis le même immeuble de la société civile immobilière Lacanau Clémenceau par acte authentique du 13 mars 2003, publié dès le 18 mars suivant, sans rechercher si ces seconds acquéreurs n'avaient pas signé leur acte en toute connaissance de l'existence de la première vente intervenue au profit de Mme X..., ce qui les privait du bénéfice des règles de la publicité foncière, a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955,ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'aux termes de l'article 30-1 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, les actes et décisions judiciaires portant ou constatant entre vifs mutation ou constitution de droits réels immobiliers sont, s'ils n' ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble ont acquis du même auteur des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés et constaté que Mme X..., dont les droits étaient nés d'une promesse de vente sous seing privé, ne pouvait justifier d'une publication, la cour d'appel, en rétractant l'arrêt du 24 septembre 2007, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer aux époux Y... la somme de 2 500 euros ; Rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux conseils pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:- PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a déclaré recevable la tierce opposition formée par les seconds acquéreurs (monsieur et madame Y...) d'un immeuble qui avait déjà été vendu, une première fois, par leur propriétaire (la SCI LACANAU CLEMENCEAU), à un premier acquéreur (Mademoiselle X...),
- AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article 583 du code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que si les ayants cause à titre particulier sont considérés comme représentés par leur auteur pour les actes accomplis par celui-ci avant la naissance de leurs droits, il est de jurisprudence constante que lorsqu'un acte est soumis à publicité foncière, la représentation ne prend fin qu'à compter de l'accomplissement des formalités de publicité ; qu'en l'espèce, monsieur et madame Y... ayant publié leur titre à la Conservation des hypothèques de Bordeaux (ler bureau) volume B 2003, sous le numéro 8334, le 18 mars 2003, ils étaient représentés jusqu'à cette date par la S.C.I. LACANAU CLEMENCEAU ; qu'il s'ensuivait qu'à la date de l'arrêt attaqué (24 septembre 2007), la S.C.I. LACANAU CLEMENCEAU ne représentait plus monsieur et madame Y..., ceux-ci ayant ainsi la qualité de tiers à la décision qui consacrait le transfert de propriété de leur immeuble à mademoiselle X... ; que, par conséquent, monsieur et madame Y... non représentés à l'arrêt qui leur faisait grief en les expropriant, étaient recevables à former tierce opposition,
ALORS QUE D'UNE PART l'ayant cause à titre particulier est représenté par son auteur, pour tous les actes accomplis antérieurement à l'accomplissement de la formalité de publicité foncière ; qu'en l'espèce, la cour, qui a décidé que la tierce opposition formée par Monsieur et Madame Y... était recevable, car leur acte authentique avait été publié le 18 mars 2003, quand l'assignation en régularisation forcée de vente avait été délivrée, dès le 27 février 2003, par Mademoiselle X... à la SCI LACANAU CLEMENCEAU, ce dont il résultait que celle-ci avait représenté ses ayants cause à titre particulier à la procédure, peu important que celle-ci ait abouti à un arrêt du 24 septembre 2007, a violé l'article 583 du code de procédure civile,
ALORS QUE D'AUTRE PART une tierce opposition n'est recevable que si le tiers concerné s'est trouvé dans l'impossibilité de faire valoir ses droits ; qu'en l'espèce, la cour, qui a déclaré recevable la tierce opposition de Monsieur et Madame Y..., sans rechercher si ceux-ci n'étaient pas, depuis le jour de la seconde vente dont ils avaient bénéficié, parfaitement informés de la vente précédemment consentie à Mademoiselle X... par la SCI LACANAU CLEMENCEAU, ainsi que de la procédure judiciaire les opposant et à laquelle ils avaient délibérément choisi de ne pas intervenir, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 583 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué a rétracté, sur tierce opposition formée par des seconds acquéreurs (monsieur et madame Y...), un précédent arrêt ayant décidé que le premier acquéreur (mademoiselle X...) était le propriétaire de l'immeuble vendu
- AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article 30 alinéa 1 du décret numéro 55-22 du 4 janvier 1955, les actes et décisions judiciaires portant ou constatant entre vifs mutation ou constitution de droits réels immobiliers sont, s'ils n'ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d'actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés ; qu'en fait, Mademoiselle X... dont les droits étaient nés d'un compromis de vente sous seing privé, ne pouvait justifier d'une publication antérieure à celle de Monsieur et Madame Y... ; qu'il s'ensuivait que la vente conclue entre la SCI LACANAU CLEMENCEAU et Mademoiselle X..., par compromis en date des 8 et 9 juillet 2002 et consacrée par l'arrêt de cette cour en date du 24 septembre 2007, était inopposable à Monsieur et Madame Y..., propriétaires de l'immeuble à l'égard des tiers en vertu de la publication de leur titre ; que l'arrêt de cette cour en date du 24 septembre 2007 devait donc être rétracté,
ALORS QUE la connaissance, par un second acquéreur, de l'existence d'une première cession constatée par acte sous seing privé non soumis à publicité foncière, lui interdit de tirer avantage des règles de la publicité foncière ; qu'en l'espèce, la cour, qui a rétracté l'arrêt du 24 septembre 2007 constatant le caractère parfait de la vente consentie sous seing privé à Mademoiselle X..., en se fondant sur le simple fait que Monsieur et Madame Y... avaient acquis le même immeuble de la SCI LACANAU CLEMENCEAU par acte authentique du 13 mars 2003 publié dès le 18 mars suivant, sans rechercher si ces seconds acquéreurs n'avaient pas signé leur acte en toute connaissance de l'existence de la première vente intervenue au profit de Mademoiselle X..., ce qui les privait du bénéfice des règles de la publicité foncière, a privé sa décision de base légale au regard des articles 28 et 30 du décret du 4 janvier 1955, ensemble l'article 1382 du code civil.