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12/10/2010 | FRANCE | N°10-80825

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 octobre 2010, 10-80825


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Hervé X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 21 janvier 2010, qui, pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoi

re produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Hervé X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 21 janvier 2010, qui, pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 23, 24, 48-1, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevables les constitutions de parties civiles, par intervention, de la ligue pour la défense des droits de l'homme et du citoyen et de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme ;

" aux motifs qu'il serait paradoxal au prétexte que l'action a été initiée par le ministère public, ou par une autre partie, qu'une association, visée par les dispositions particulières de l'article 48-1 de la loi sur la presse, qui s'est donnée pour but de défendre des valeurs protégées par cette loi et qui a été spécialement habilitée à cet effet, soit empêchée d'agir et de faire évaluer le montant du préjudice résultant de la commission d'une infraction ayant porté atteinte aux intérêts qu'elle défend ; que, s'il est vrai qu'en matière de presse, l'acte de poursuite fixe irrévocablement la nature, l'étendue et l'objet de celle-ci, aucune disposition ne fait obstacle, ainsi que l'a rappelé le tribunal, à l'intervention d'une association, habilitée par l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, qui entend se constituer partie civile dans une procédure initiée par une autre partie ou le ministère public, dès lors que les faits objets de la poursuite, et leur qualification, qui doit correspondre à l'une des infractions énumérées par ce texte, ne subissent aucune modification ou extension et qu'ils sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts qu'elle a pour objet de défendre ;

" alors qu'en matière de presse, l'acte initial de poursuite fixe irrévocablement, la nature, l'étendue et l'objet de celle-ci, ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre ; qu'il s'en déduit qu'aucune personne ne saurait être admise à intervenir comme partie civile dans la procédure déjà engagée à l'initiative d'une autre partie civile ou du ministère public ; qu'ainsi la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, que M. X... a été cité directement devant le tribunal correctionnel, par le procureur de la République du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, sur le fondement des articles 27 alinéas 8, 9, 10 et 11, 42, 43 et 47 de la loi du 29 juillet 1881, pour avoir les 21 et 22 septembre 2007 en réponse à un article de M. Y... diffusé sur un site internet les propos suivants : " Le texte de Michel Y... présente aussi les caractères très spécifiques de l'intellectuel juif, qui transfère instinctivement ses tares sur les autres. En l'occurrence, les " dangereux individus qui mettent en péril la cohésion sociale " du pays ne sont pas les immigrés mais les intellectuels et les décideurs juifs, en tout premier lieu. C'est bien le judaïsme qui est " le produit corrosif qui dissout la communauté nationale " ; et non l'immigré. Et ce sont encore les juifs qui nous excitent le plus à un " affrontement entre l'islam et l'occident ". Et qui " regarde les autres comme inférieurs " ? Qui " exclut l'autre " ? Qui est " enfermé ", " replié sur ses angoisses ", ses " peurs " et ses " haines " ? Le juif, bien sûr ! " ;

Attendu que le tribunal a déclaré la prévention établie, reçu les constitutions de partie civile formées par voie d'intervention de la ligue pour la défense des droits de l'homme (LDH) et de la ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), et leur a alloué à chacune des dommages-intérêts ; que les parties civiles et le ministère public ont relevé appel ;

Attendu que pour rejeter l'argumentation du prévenu qui faisait valoir qu'en matière de presse l'acte initial de poursuite fixe irrévocablement, la nature, l'étendue et l'objet de celle-ci et qu'aucune autre personne ne saurait être admise à intervenir comme partie civile, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte susvisé ;

Qu'en effet, aucune disposition ne fait obstacle à l'intervention d'une association habilitée par l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 et qui entend se constituer partie civile dans une procédure engagée par une autre partie ou le ministère public du chef des infractions visées par ce texte ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 24, 48-1, 50 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le prévenu à payer à chacune des parties civiles la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs que c'est en vain qu'il est soutenu que les parties civiles n'auraient subi aucun préjudice, en raison du fait que seul était visé Michel X..., alors que les propos et illustrations objets de la prévention portent atteinte aux valeurs défendues par ces associations qui se sont données pour objet de lutter contre toutes les formes de racisme et d'antisémitisme ;

" aux motifs adoptés que les propos poursuivis et l'illustration retenue comme délictueuse ayant nécessairement porté atteinte aux intérêts moraux que ces associations ont pour objet de défendre, il leur sera alloué la somme de 1 000 euros chacune à titre de dommages-intérêts ;

" alors que si toute association, autorisée par ses statuts à agir pour la poursuite du délit de provocation à la discrimination raciale, tient des dispositions de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 le pouvoir d'exercer les droits reconnus à la partie civile, les demandes d'une telle association tendant à l'attribution de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par cette infraction ne sauraient pourtant être accueillies qu'autant qu'il est justifié d'un préjudice direct ; que les énonciations de l'arrêt attaqué ne précisent pas quelle a pu être, en dehors de l'atteinte portée à sa mission générale et qui ne saurait justifier des réparations civiles, la nature du préjudice directement causé à chacune des associations parties civiles, par le délit retenu ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que, pour allouer des dommages et intérêts à la LDH et à la LICRA, parties civiles intervenantes, l'arrêt relève par motifs propres et adoptés que les propos et illustrations objet de la prévention portent directement atteinte aux intérêts moraux et aux valeurs défendues par ces associations ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Louvel président, Mme Palisse conseiller rapporteur, M. Blondet, Mmes Koering-Joulin, Guirimand, MM. Beauvais, Guerin, Finidori conseillers de la chambre, Mmes Divialle, Degorce conseillers référendaires, M. Maziau, conseiller référendaire stagiaire ayant prêté serment ;

Avocat général : M. Boccon-Gibod ;

Greffier de chambre : Mme Villar ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 10-80825
Date de la décision : 12/10/2010
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Procédure - Action publique - Mise en mouvement - Ministère public - Association - Association se proposant de combattre le racisme - Constitution de partie civile par voie d'intervention - Recevabilité - Condition

PRESSE - Procédure - Action civile - Préjudice - Préjudice direct - Association - Association se proposant de combattre le racisme - Constatations nécessaires

Aucune disposition ne fait obstacle à l'intervention d'une association habilitée par l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 et qui entend se constituer partie civile dans une procédure engagée par une autre partie ou le ministère public du chef des infractions visées par ce texte. En conséquence, justifie sa décision la cour d'appel qui reçoit en leur constitution de partie civile les associations habilitées par ledit article et leur alloue des dommages-intérêts, les propos incriminés portant directement atteinte aux intérêts moraux et aux valeurs défendus par ces associations


Références :

article 27, alinéas 8, 9, 10 et 11 de la loi du 29 juillet 1881

articles 42, 43, 47 et 48-1 de la loi du 29 juillet 1881

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 21 janvier 2010

Sur les conditions de recevabilité de la constitution de partie civile par voie d'intervention d'une association agissant sur le fondement de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, évolution par rapport à :Crim., 10 mai 2006, pourvoi n° 05-81403, Bull. crim. 2006, n° 125 (irrecevabilité et rejet). Sur la possibilité pour une association, recevable à se constituer partie civile, en application de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, d'obtenir des dommages-intérêts, évolution par rapport à :Crim., 27 juin 1978, pourvoi n° 77-92859, Bull. crim. 1978, n° 215 (cassation partielle) ;Crim., 20 novembre 1978, pourvoi n° 75-92333, Bull. crim. 1978, n° 321 (cassation partielle) ;Crim., 10 juin 1991, pourvoi n° 90-85003, Bull. crim. 1991, n° 247 (rejet) ;Crim., 9 avril 2002, pourvoi n° 01-81142, Bull. crim. 2002, n° 82 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 oct. 2010, pourvoi n°10-80825, Bull. crim. criminel 2010, n° 157
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2010, n° 157

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Boccon-Gibod
Rapporteur ?: Mme Palisse
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:10.80825
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