LA COUR,
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29, 33, 50 ET 53 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LE PREVENU COUPABLE D'INJURES PUBLIQUES ENVERS UN GROUPE DE PERSONNES A RAISON DE LEUR ORIGINE OU DE LEUR APPARTENANCE A LA NATION ALGERIENNE, EN SE FONDANT SUR QUELQUES PHRASES EXTRAITES D'UN ARTICLE DE JOURNAL ; " ALORS QUE CES PHRASES NE POUVAIENT ETRE ISOLEES DU CONTEXTE ET QUE L'ARTICLE, DANS SON ENSEMBLE, NE CONCERNE PAS LES ALGERIENS EN TANT QU'APPARTENANT A CETTE NATION, MAIS UNIQUEMENT CEUX D'ENTRE EUX, ET DES AUTRES PAYS D'AILLEURS, QUI FONT PARTIE DE LA PEGRE ET METTENT EN DANGER LA SECURITE DE LA POPULATION, QUE LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L'INFRACTION POURSUIVIE NE SONT DONC PAS REUNIS " ;ATTENDU QUE X..., DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DE L'HEBDOMADAIRE MINUTE, ETAIT POURSUIVI SOUS LA PREVENTION D'INJURES PUBLIQUES ENVERS UN GROUPE DE PERSONNES A RAISON DE LEUR ORIGINE ET DE LEUR APPARTENANCE A UNE NATION DETERMINEE, POUR AVOIR PUBLIE DANS LE CORPS D'UN ARTICLE INTITULE " A CEUX QUI PARLENT DE RACISME " ET DONT IL ETAIT L'AUTEUR, LES PASSAGES SUIVANTS : " NOUS EN AVONS ASSEZ. ASSEZ DES VOLEURS ALGERIENS, ASSEZ DES CASSEURS ALGERIENS, ASSEZ DES FANFARONS ALGERIENS, ASSEZ DES TRUBLIONS ALGERIENS, ASSEZ DES SYPHILITIQUES ALGERIENS, ASSEZ DES VIOLEURS ALGERIENS, ASSEZ DES PROXENETES ALGERIENS, ASSEZ DES FOUS ALGERIENS, ASSEZ DES TUEURS ALGERIENS "... " EST- IL RACISTE LE PERE DE FAMILLE QUI S'INSURGE CONTRE CES CASBAHS INSTALLEES DANS NOS CITES, CES " SOUKS " ET CES " RAITAS " NOCTURNES OU L'ECUME DES ENVAHISSEURS, L'INSULTE A LA BOUCHE ET LA MAIN PRESTE, SE CONDUIT EN PAYS CONQUIS "... " EST- IL RACISTE CELUI QUI FERME SA PORTE AUX TRAINE- SAVATES EN QUETE DE BAGARRES OU DE CHAPARDAGES, OU QUI REMET A SA PLACE, COMME IL LE MERITE, LE FAINEANT BASANE UN PEU TROP EMPRESSE AUPRES DE NOS COMPAGNES ? "... " ARRIERE LES ENVAHISSEURS ! " ;
ATTENDU QUE DEVANT LES JUGES, X... A SOLLICITE SA RELAXE EN SOUTENANT, PAR DES CONCLUSIONS REPRISES AU MOYEN, QUE, DU FAIT QU'ILS ETAIENT ISOLES DE LEUR CONTEXTE, LES PASSAGES INCRIMINES NE CORRESPONDAIENT PAS AU SENS VERITABLE DE L'ARTICLE DONT ILS ETAIENT EXTRAITS ; QUE CELUI- CI, REDIGE A L'OCCASION D'UN MEURTRE QUI AVAIT EMU L'OPINION, N'AVAIT POUR OBJET QUE D'ATTIRER L'ATTENTION DES POUVOIRS PUBLICS SUR UNE IMMIGRATION INCONTROLEE D'ELEMENTS INDESIRABLES ET DE RECLAMER DES MESURES URGENTES AFIN " D'EVITER AU PAYS UNE FLAMBEE DE VIOLENCES " ; QUE L'ARTICLE, CONSIDERE DANS SON ENSEMBLE, MARQUAIT UNE " DISTINCTION TRES NETTE " ENTRE " LES TRAVAILLEURS HONNETES " ET " LA PEGRE ALGERIENNE OU AUTRE " ET QUE C'ETAIT SEULEMENT CONTRE CELLE- CI, EN RAISON DES DANGERS QU'ELLE PRESENTAIT, QU'ETAIENT DIRIGEES SES ATTAQUES ;
ATTENDU QUE POUR ECARTER CE MOYEN DE DEFENSE, RECONNAITRE X... COUPABLE DU DELIT PREVU PAR L'ARTICLE 33, ALINEA 3, DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DECLARER CIVILEMENT RESPONSABLE LA SOCIETE " EDITIONS PARISIENNES ASSOCIEES ", EDITRICE DE L'HEBDOMADAIRE PRECITE, L'ARRET ATTAQUE, QUI ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES DU JUGEMENT ENTREPRIS, RELEVE QUE, DANS LES PASSAGES INCRIMINES, L'ACCUMULATION, SANS REFERENCE A DES FAITS PRECIS, D'EPITHETES OFFENSANTES, INFAMANTES ET MEPRISANTES VISANT LES ALGERIENS ET LA REPETITION CONTINUELLE DE CE DERNIER MOT FONT NAITRE DANS L'ESPRIT DU LECTEUR UNE ASSOCIATION ENTRE CEUX- CI ET " TOUTES SORTES D'EXCES ET DE VICES " ; QUE RIEN DANS L'ENSEMBLE DE L'ARTICLE NE PERMET D'ADMETTRE QUE CES EXPRESSIONS OUTRAGEANTES NE CONCERNERAIENT QUE LES IMMIGRES EN SITUATION IRREGULIERE ; QUE D'AUTRE PART, LE SEMBLANT DE GENERALISATION RESULTANT DES MOTS " PEGRE ALGERIENNE OU AUTRE " NE SAURAIT FAIRE ILLUSION DES LORS QUE SEULS LES ALGERIENS SONT PRIS A PARTIE ET QU'AUCUN PASSAGE DE L'ARTICLE NE MET EN CAUSE LES IMMIGRES CLANDESTINS APPARTENANT A D'AUTRES NATIONALITES ; QU'AINSI LA DIATRIBE APPARAIT COMME ETANT DIRIGEE CONTRE LES ALGERIENS, GLOBALEMENT, ET QUE LOIN D'ETABLIR LA BONNE FOI DU PREVENU, L'ETUDE DE L'ARTICLE, DANS SON ENTIER, MONTRE, AU CONTRAIRE, QUE S'IL CONTIENT UNE CRITIQUE DE LA POLITIQUE D'IMMIGRATION, IL TEND, AU PRETEXTE D'UN MEURTRE, A SOULEVER L'INDIGNATION CONTRE LES ALGERIENS RESIDANT EN FRANCE ET A PRESENTER COMME DE LEGITIMES " PHENOMENES DE REJET " OU D'" AUTODEFENSE " LES REACTIONS LES PLUS RACISTES ;
ATTENDU QUE LES JUGES ONT AINSI PROCEDE, COMME ILS EN ETAIENT REQUIS ET COMME IL LEUR APPARTENAIT D'AILLEURS DE LE FAIRE, A L'EXAMEN DE L'ENSEMBLE DE L'ARTICLE DONT ETAIENT EXTRAITS LES PASSAGES INCRIMINES ET AU RAPPROCHEMENT DE CEUX- CI AVEC LE CONTEXTE ; QU'EN SE FONDANT SUR LES CONSTATATIONS AINSI FAITES ET SUR LES TERMES MEMES DESDITS PASSAGES, ILS ONT EXACTEMENT APPRECIE, AU REGARD DE L'ARTICLE 33, ALINEA 3, DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, LE SENS ET LA PORTEE DES ECRITS VISES PAR LA PREVENTION ; QUE, DES LORS, L'ARRET ATTAQUE NE SAURAIT ENCOURIR LES GRIEFS ALLEGUES AU MOYEN, LEQUEL DOIT ETRE ECARTE ;
MAIS SUR LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 33 ET 48-1 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DES ARTICLES 2, 3 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A REJETE L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITE DE L'ACTION CIVILE SOULEVEE AVANT TOUTE DEFENSE AU FOND EN PREMIERE INSTANCE ET EN APPEL ET A ALLOUE DES REPARATIONS CIVILES AU MRAP ; " ALORS QUE SI LES ASSOCIATIONS DE LUTTE CONTRE LE RACISME ONT L'EXERCICE DES DROITS RECONNUS A LA PARTIE CIVILE EN CE QUI CONCERNE, NOTAMMENT, LES INFRACTIONS PREVUES A L'ARTICLE 33, ALINEA 3, DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, ELLES SONT SOUMISES AU DROIT COMMUN DE L'ACTION CIVILE QUI N'EXISTE QU'EN CAS DE PREJUDICE PERSONNEL NE DIRECTEMENT DE L'INFRACTION, ET QUE, LE PREVENU N'ETANT PAS POURSUIVI POUR INJURES PUBLIQUES A RAISON DE LA RACE, MAIS UNIQUEMENT A RAISON DE L'ORIGINE ET DE LA NATIONALITE, LE MRAP, DONT L'OBJET SOCIAL EST LIMITE A LA LUTTE CONTRE LE RACISME, NE PEUT SUBIR AUCUN PREJUDICE DE NATURE A RENDRE RECEVABLE SON ACTION CIVILE " ;VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE SI TOUTE ASSOCIATION REGULIEREMENT DECLAREE DEPUIS AU MOINS CINQ ANS A LA DATE DES FAITS ET SE PROPOSANT, PAR SES STATUTS, SE COMBATTRE LE RACISME, TIENT, SANS AUTRE CONDITION, DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 48-1 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, LE POUVOIR D'EXERCER LES DROITS RECONNUS A LA PARTIE CIVILE EN CE QUI CONCERNE LES INFRACTIONS PREVUES PAR L'ARTICLE 33, ALINEA 3, DE LADITE LOI ET COMMISES ENVERS UN GROUPE DE PERSONNES, LES DEMANDES D'UNE TELLE ASSOCIATION TENDANT A L'ATTRIBUTION DE DOMMAGES- INTERETS EN REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR CES INFRACTIONS NE SAURAIENT POURTANT ETRE ACCUEILLIES QU'AUTANT QU'IL EST JUSTIFIE D'UN PREJUDICE DIRECT ;
ATTENDU QUE DEVANT LES JUGES, X... A CONTESTE LA RECEVABILITE DE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE L'ASSOCIATION DITE " MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTISEMITISME ET POUR LA PAIX " (MRAP) EN FAISANT VALOIR QU'IL ETAIT POURSUIVI NON PAS POUR INJURES RACIALES, MAIS POUR INJURES ENVERS UN GROUPE DE PERSONNES A RAISON DE LEUR ORIGINE ET DE LEUR APPARTENANCE A UNE NATION DETERMINEE ET QUE L'ASSOCIATION PRECITEE N'AVAIT D'AUTRE OBJET, SELON SES STATUTS, QUE LA LUTTE CONTRE LE RACISME ; QUE, POUR REJETER CETTE ARGUMENTATION ET CONFIRMER LA DECISION DES PREMIERS JUGES DECLARANT RECEVABLE LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DU " MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTISEMITISME ET POUR LA PAIX ", L'ARRET ATTAQUE CONSTATE QUE CETTE ASSOCIATION REMPLIT LES CONDITIONS EXIGEES PAR L'ARTICLE 48-1 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, PUIS OBSERVE, A JUSTE RAISON, QUE CE TEXTE CONFERE A DE TELLES ASSOCIATIONS L'EXERCICE DES DROITS RECONNUS A LA PARTIE CIVILE, EN CE QUI CONCERNE, NOTAMMENT, LE DELIT PREVU PAR L'ARTICLE 33, ALINEA 3, DE LA MEME LOI, SANS DISTINGUER SUIVANT LA NATURE DE L'APPARTENANCE OU DE LA NON- APPARTENANCE A RAISON DE LAQUELLE L'INJURE A ETE COMMISE ;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES MOTIFS ET ALORS D'AILLEURS QUE LA PREVENTION D'INJURES PUBLIQUES ENVERS UN GROUPE DE PERSONNES A RAISON DE LEUR ORIGINE RENDAIT A ELLE SEULE APPLICABLE EN L'ESPECE LES DISPOSITIONS DE L'ALINEA 1ER DE L'ARTICLE 48-1 PRECITE, LA DECISION DE L'ARRET, SUR CE POINT, SE TROUVE JUSTIFIEE ;
MAIS ATTENDU QUE POUR CONDAMNER LE PREVENU A DES REPARATIONS CIVILES, LES JUGES SE BORNENT A ENONCER QUE LES INJURES PUBLIQUES COMMISES PAR X... CONSTITUENT UNE MANIFESTATION DE RACISME ET QUE, DES LORS, LE MRAP EST FONDE A OBTENIR CES REPARATIONS ;
ATTENDU QUE CES ENONCIATIONS NE PRECISENT PAS QUELLE A PU ETRE, EN DEHORS DE L'ATTEINTE PORTEE A SA MISSION GENERALE ET QUI NE SAURAIT JUSTIFIER DES REPARATIONS CIVILES, LA NATURE DU PREJUDICE DIRECTEMENT CAUSE A L'ASSOCIATION PARTIE CIVILE PAR LE DELIT RETENU EN L'ESPECE ; D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 11 JUIN 1975, MAIS SEULEMENT EN CELLES DE SES DISPOSITIONS QUI ONT STATUE SUR LA DEMANDE DE REPARATIONS CIVILES PRESENTEE PAR L'ASSOCIATION DITE " MOUVEMENT CONTRE LE RACISME, L'ANTISEMITISME ET POUR LA PAIX ", TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES ; ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU, CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE ;
RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES.