REJET et CASSATION PARTIELLE sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... Mohamed,
- Y... Gilbert,
- Z... André,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 27 février 1990, qui a condamné le premier à la peine de 4 ans d'emprisonnement pour escroqueries, le deuxième à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis pour escroqueries, le troisième à la peine de 3 ans d'emprisonnement dont 1 an avec sursis pour complicité d'escroqueries, et a prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour X... et Y... (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour X... et Y... pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, renversement de la charge de la preuve :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... et Y... coupables d'escroqueries ;
" alors que les juges du fond ne pouvaient, sans insuffisance et sans contradiction, déclarer établi en tous ses éléments notamment intentionnel le délit d'escroquerie à l'encontre de X... et Y... en déduisant la connaissance qu'ils avaient du fait qu'aucun pourcentage des fonds qu'ils collectaient ne reviendrait aux handicapés des seules circonstances qu'en raison de ses relations étroites avec Mme A..., représentante des associations Association mondiale d'aide aux accidentés de la route (AMAAR) et Arc-en-Ciel, X... ne pouvait ignorer que celle-ci n'avait jamais affecté une partie des fonds collectés à une quelconque action humanitaire et que Y..., acolyte de longue date de X..., ne pouvait être tenu, comme il tentait de le soutenir, dans une parfaite ignorance de ces faits " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Z... et pris de la violation des articles 59, 60, 405 et 460 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Z... coupable de complicité d'escroquerie et de recel ;
" au motif propre à la Cour que si une légère incertitude peut subsister sur la connaissance par certains prévenus de la destination des fonds collectés, le rôle joué par les autres prévenus et le niveau auquel ils se situaient dans l'entreprise délictueuse excluent toute possibilité d'accorder créance à leur proclamation de bonne foi ;
" et aux motifs adoptés des premiers juges que Z... est entré au service de l'association AMAAR par l'intermédiaire de celui de ses coprévenus qui l'a réorganisée, que grâce à ses diligences un bureau a été créé à Nice où il se déplaçait pour en surveiller le fonctionnement, qu'il dirigeait déjà le bureau de Bois-Colombes, qu'il a été l'instigateur de la campagne de prospection " Sentier Fleuri " pour laquelle il conservait personnellement les tracts, que proche collaborateur de la fondatrice des associations et ancienne connaissance de X..., Z... qui était considéré par les employés de la régie parisienne comme l'un des " chefs ", ne pouvait ignorer que les fonds à la collecte desquels il participait très activement, n'étaient destinés qu'à l'enrichir, lui et ses amis, qu'en participant effectivement et de manière de plus en plus active à cette entreprise, le prévenu s'est rendu complice des délits d'escroquerie commis par ses coprévenus ;
" alors que le fait que le prévenu ait déployé une activité relativement importante d'organisation des campagnes de prospection au sein de l'association prétendument destinée à aider les accidentés de la route, mais en fait ayant seulement permis à sa fondatrice de s'approprier les fonds versés par des donateurs, n'impliquant aucune connaissance des détournements commis par cette dernière, les juges du fond, qui n'ont même pas recherché si le demandeur avait perçu des rémunérations suspectes parce qu'excédant la valeur de son travail, n'ont pas caractérisé à la charge de ce prévenu l'existence de l'élément intentionnel des infractions de complicité d'escroquerie et de recel dont ils l'ont déclaré coupable " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que pour déclarer X... et Y... coupables d'escroqueries, et Z... coupable de complicité d'escroqueries, l'arrêt attaqué énonce, par motifs adoptés des premiers juges, qu'en 1986, X... et son principal collaborateur Y..., lequel se présentait habituellement sous de faux noms, ont mis sur pied un réseau de collecte de fonds par des démarcheurs se faisant passer pour des étudiants bénévoles et sollicitant la charité publique au profit d'une Association mondiale d'aide aux accidentés de la route dépourvue en fait de toute action humanitaire ; que la cour d'appel relève que X... et Y... savaient pertinemment qu'aucun pourcentage des dons ne reviendrait aux handicapés ;
Qu'elle précise que Z..., " vieille connaissance de X..." et proche collaborateur de la " présidente " de l'AMAAR, prospectait la région parisienne où il était considéré comme l'un des " chefs ", et qu'il " ne pouvait ignorer que les fonds à la collecte desquels il participait très activement n'étaient destinés qu'à l'enrichir, lui et ses amis " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'escroqueries et complicité d'escroqueries retenus à la charge des demandeurs au pourvoi ;
Que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond des circonstances de la cause contradictoirement débattues, ne sauraient être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour X... et Y... pris de la violation des articles 2, 2-8, 3, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Association des paralysés de France, a condamné les prévenus à lui payer solidairement la somme de 200 000 francs au titre de réparation de son préjudice moral et a fait droit à sa demande de publication de la décision de condamnation dans la presse nationale et locale ;
" alors, d'une part, que l'arrêt, qui n'a pas constaté l'existence d'un préjudice direct et personnel subi par la partie civile, n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, qu'il ressort des conclusions de l'Association des paralysés de France que celle-ci invoquait un préjudice indirect puisqu'elle faisait valoir que son image de marque aurait été ternie par les agissements de Mme A... et ses complices, et qu'il ressort clairement des énonciations de l'arrêt que les personnes susvisées n'ont à aucun moment agi au nom ou dans le cadre de l'Association des paralysés de France ;
" alors, enfin, qu'il résulte de la décision attaquée et des conclusions de l'Association des paralysés de France que la partie civile n'a pas agi dans le cadre de l'article 2-8 du Code de procédure pénale " ;
Vu les textes précités ;
Attendu que l'action en réparation du préjudice causé par une infraction n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par cette infraction ;
Attendu que l'Association des paralysés de France s'est constituée partie civile en invoquant le préjudice résultant pour elle des agissements des prévenus de nature à " salir non seulement ses dirigeants mais l'action même de ses volontaires et bénévoles " ;
Attendu que, pour faire droit à cette demande et allouer à la partie civile une indemnité à titre de réparation de son préjudice moral, la cour d'appel relève que les prévenus ont collecté des fonds pour une association d'apparence philanthropique qui prétendait faussement oeuvrer pour les handicapés ;
Mais attendu qu'en l'état de ces motifs, dont il résulte que le préjudice allégué comme découlant de l'infraction retenue, n'était pas réalisé au détriment de la personne morale partie civile, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
Par ces motifs :
REJETTE le pourvoi d'André Z... ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt précité de la cour d'appel de Montpellier, en date du 27 février 1990, sur les seuls intérêts civils, en faveur de X... et Y... ;
Et attendu qu'il ne reste plus rien à juger ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.