LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 2009) rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 janvier 2008, pourvoi n° B 07-12.081), que Mme X..., propriétaire d'un fonds sur lequel elle a entrepris la construction de deux villas, a consenti, le 4 juin 1992, un bail emphytéotique à Mme Y... portant sur l'une des deux villas "en cours d'édification" ; que M. X..., venant aux droits de sa mère, Mme X..., décédée en cours d'instance, a formé une action en déclaration de simulation aux fins d'obtenir l'annulation du bail emphytéotique ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de cette action, alors, selon le moyen :
1°/ que l'action en déclaration de simulation peut être exercée par une partie au contrat sans qu'elle ait à justifier d'une fraude ; qu'en retenant que Mme X... "ne peut se plaindre d'une fraude par simulation alors qu'elle est une partie au contrat et non un tiers", la cour d'appel a violé l'article 1321 du code civil ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. X... a exercé une action en déclaration de simulation sans invoquer l'existence d'une fraude ; qu'en affirmant qu'il se plaignait d'une fraude par simulation, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de M. X... en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par M. X..., si la simulation n'était pas établie par les propres déclarations de Mme Y... qui, alors qu'elle s'était vu consentir un bail emphytéotique, avait déclaré que Mme X... était seule "bénéficiaire" des travaux et qu'elle -même n'était "propriétaire" de rien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que le fait que, pendant le cours du bail, compte tenu des relations entre Mme X... et Mme Y..., Mme X... ait fait preuve de faiblesse vis à vis de Mme Y... en n'exigeant pas l'application stricte des termes du bail emphytéotique ne signifiait pas que les parties étaient convenues à l'origine d'une simulation de bail emphytéotique pour cacher une autre opération, la cour d'appel, qui, en l'absence d'invocation d'un écrit, n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant et sans dénaturation, que l'absence de rigueur au cours de l'exécution du bail ne permettait pas de dire que les parties avaient passé une convention simulée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le second moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer à Mme Y... la somme de 2 500 euros, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze septembre deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Pierre X... qui agissait en sa qualité d'héritier de Madeleine X... de son action en déclaration de simulation,
AUX MOTIFS QUE la convention prétendue nulle a été établie devant Maître Z..., notaire associé à Nice ; qu'elle est présentée comme étant un bail emphytéotique. Ce bail est d'une durée de quarante ans. Il porte sur la parcelle cadastrée KI n° 206 de 1.393 m² comprenant une maison d'un étage sur rez-de-chaussée en cours d'édification. Les conditions en sont fixées :
- le preneur prendra l'immeuble en l'état ;
- il l'entretiendra à ses frais ;
- il abandonnera au bailleur toutes les constructions et augmentations qui existeront à la fin du bail sans indemnité ;
- il acquittera les charges de l'immeuble ;
- il assurera l'immeuble.
Une redevance annuelle de 6.433 francs, indexée sur l'indice du coût de la construction est due par le preneur.
L'indice de référence est celui du coût de la construction du quatrième trimestre 1991 : 1.002. Aujourd'hui, selon le dernier indice du quatrième trimestre 2007 : 1.474, la redevance est de 9.463 francs ou 1.402 € pour 2008 ;
QUE selon ce contrat, le preneur assume l'entière charge de la parcelle, paie une redevance et abandonne au bailleur tout ce qu'il aura construit ; que tel qu'il est rédigé, il s'agit bien d'un contrat à titre onéreux ; qu'il ne s'agit pas d'une simple jouissance quasi gratuite du bien ; que cette convention légalement formée tient lieu de loi entre les parties ; que Monsieur X... fait alors référence, non plus aux termes du contrat mais à la réalité de fait des rapports entre les parties qui ne correspondrait pas ces termes ; qu'il prétend que c'est sa mère qui a assumé les frais de construction et les charges ; qu'il fait valoir que lors d'un procès pour infraction d'urbanisme, la situation juridique du bail emphytéotique était ignorée ; que des constructions furent réalisées dont l'une sur l'emprise du bail emphytéotique, mais selon Monsieur X... le coût des travaux était supporté par sa mère ; que Madame X... s'est installée dans la villa Le Mas qui correspondrait au bail emphytéotique sans tenir du bail ; que suite à un dépassement de surface constructible autorisée, l'existence du bail emphytéotique ne fut pas mentionnée dans le contentieux pénal ; que par ailleurs, selon Monsieur X..., sa mère ne s'est pas préoccupée de percevoir la redevance et a assumé des charges relatives au bien ; que Monsieur X... a initié son action ès-qualités d'administrateur légal de sa mère, et au nom de celle-ci ; que Madame Madeleine A... veuve X... ne peut se plaindre d'une fraude par simulation, alors qu'elle est une partie au contrat et non un tiers ; qu'à cet égard, il convient d'observer qu'il appartenait au bailleur emphytéotique d'exiger l'application des termes du bail et non de laisser dériver les relations entre les parties dans des conditions de fait différentes qui semblent maintenant, selon le fils de la bailleresse, avoir été déséquilibrées entre les parties ; que le fait que, pendant le cours du bail, du vivant de Madame veuve X..., compte tenu des relations de fait entre Madame veuve X... et Madame Y..., Madame veuve X... ait fait preuve de faiblesse vis-à -vis de Madame Y... en n'exigeant pas l'application stricte des termes du bail emphytéotique ne signifie pas que les parties avaient convenu à l'origine d'une simulation de bail emphytéotique pour cacher une autre opération ; que cette absence de rigueur au cours de l'exécution du bail ne permet pas de dire que les parties ont passé une convention simulée ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'action en déclaration de simulation peut être exercée par une partie au contrat sans qu'elle ait à justifier d'une fraude ; qu'en retenant que Madeleine A... veuve X... «ne peut se plaindre d'une fraude par simulation alors qu'elle est une partie au contrat et non un tiers», la Cour d'appel a violé l'article 1321 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses conclusions d'appel, Monsieur X... a exercé une action en déclaration de simulation sans invoquer l'existence d'une fraude ; qu'en affirmant qu'il se plaignait d'une fraude par simulation, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de Monsieur X... en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS ENFIN QU'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée par Monsieur X... (conclusions d'appel page 15 et page 17) si la simulation n'était pas établie par les propres déclarations de Madame Y... qui, alors qu'elle s'était vue consentir un bail emphytéotique, avait déclaré que Madame X... était seule «bénéficiaire» des travaux et qu'elle-même n'était «propriétaire» de rien, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté Monsieur Pierre X... de sa demande en nullité du bail emphytéotique du 4 juin 1992 pour défaut de prix sérieux ;
AUX MOTIFS QUE la convention prétendue nulle a été établie devant Maître Z..., notaire ; qu'elle est présentée comme étant un bail emphytéotique ; que ce bail est d'une durée de 40 ans ; qu'il porte sur la parcelle cadastrée KI n° 206, 2393 m² compre nant une maison d'un étage sur rez-de-chaussée en cours d'édification ; que les conditions sont fixées :
- le preneur prendra l'immeuble en l'état,
- il l'entretiendra à ses frais,
- il abandonnera au bailleur toutes les constructions et augmentations qui existeront à la fin du bail sans indemnité,
- il acquittera les charges de l'immeuble,
- il assurera l'immeuble,
- qu'une redevance annuelle de 6.433 francs, indexée sur l'indice du coût de la construction est due par le preneur ; que l'indice de référence est celui du coût de la construction du quatrième trimestre 1991 : 1002 ; qu'aujourd'hui, selon le dernier indice du quatrième trimestre 2007 : 1474 la redevance est de 9.463 francs ou 1.442 euros pour 2008 ;
que selon ce contrat, le preneur assume l'entière charge de la parcelle, paie une redevance et abandonne au bailleur tout ce qu'il aura construit ; que tel qu'il est rédigé, il s'agit bien d'un contrat à titre onéreux ; qu'il ne s'agit pas d'une simple jouissance gratuite du bien ; que cette convention légalement formée tient lieu de loi entre les parties ;
ALORS QUE l'existence d'un bail, quelle qu'en soit la durée, implique la stipulation d'un loyer sérieux ; qu'en l'espèce, Monsieur X... faisait valoir (conclusions d'appel et spécialement pages 18, 20, 22 et 23) que le montant de la redevance (82 € par mois) était dérisoire et que si le preneur avait l'obligation d'entretenir l'immeuble et de payer les charges fixes et impôts afférents à cet immeuble, toutes les constructions avaient été financées par le seul bailleur (pour un coût de 1.647.600 €) ; qu'en se bornant à relever que le bail était un contrat à titre onéreux et qu' «il ne s'agit pas d'une jouissance quasi gratuite», au lieu d'apprécier, au regard de l'économie générale du contrat, si la contrepartie stipulée à la charge de l'emphytéote était sérieuse, la Cour d'appel a violé l'article 1131 du Code civil, ensemble l'article L 451-1 du Code rural.