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02/09/2008 | FRANCE | N°07-81661

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 septembre 2008, 07-81661


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Richard,
- Y... Philippe,
- LA SOCIÉTÉ EURL BELLEDONNE CONSEILS, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 14 février 2007, qui, pour discrimination syndicale, a condamné les deux premiers, chacun, à 3 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur l

e moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau pour Richard X.....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Richard,
- Y... Philippe,
- LA SOCIÉTÉ EURL BELLEDONNE CONSEILS, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 14 février 2007, qui, pour discrimination syndicale, a condamné les deux premiers, chacun, à 3 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Gatineau pour Richard X..., pris de la violation des articles L. 412-2 alinéa 3, L. 481-3 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Richard X... au paiement d'une amende délictuelle de 3 500 euros ainsi qu'à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de discrimination syndicale, et déclaré la société Nextiraone civilement responsable ;

"aux motifs que Richard X..., Philippe Y... et la société Belledonne Conseils contestent le fait que la convention de décembre 2002 ait eu un autre objectif que la « normalisation des relations avec les élus du personnel » ; que la société Nextiraone conclut dans le même sens ; que les qualités de Philippe Y... en tant que « coach » ayant précédemment en 1995, mis en place une politique de déconcentration « afin de limiter l'influence de la CGT » ont été mises en exergue dans ce document de référence accepté par Richard X... ; que, questionné sur le rééquilibrage qu'il souhaitait, Richard X... a précisé que cela voulait dire « réduction de l'influence de la CGT » ; que, les différentes réunions avec l'encadrement, organisées et animées par Philippe Y..., ainsi que le libellé du compte rendu de la réunion du 18 juin 2003, confirment que le plan d'action de ce dernier était focalisé sur la nécessité de neutraliser la CGT en informant les cadres sur la vacuité de son action, sur la nécessité de prendre ce syndicat à contrepied et de favoriser l'émergence de syndicats tels que la CGC ; que Richard X... prétend avoir procédé lui-même à la rectification du document contractuel proposé par Philippe Y... en supprimant la mention « désaffectation de l'électorat CGT aux prochaines élections » ; qu'il n'est cependant pas en mesure de préciser quand il a procédé à cette modification et ne produit pas non plus l'exemplaire dont il dit que c'est lui qui l'a modifié ; qu'en toute hypothèse, quel que soit le moment où cette phrase a été retirée, il existe suffisamment d'éléments de preuve démontrant que l'objectif visé par les prévenus était bien de réduire l'influence de la CGT ; que sur le délit de discrimination syndicale, l'article L. 412-2, alinéa 3, du code pénal dispose que « le chef d'entreprise ou ses représentants, ne doivent employer aucun moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque » ; que le fait, pour Richard X..., représentant du chef d'entreprise en sa qualité de directeur régional, d'avoir sollicité et autorisé la mission de Philippe Y... ayant pour objet de réduire l'influence de la CGT au profit d'un autre syndicat, puis d'avoir fait connaître cet accord à l'encadrement lors de réunions organisées par Philippe Y... pour « informer le personnel sur la vacuité des actions de la CGT », caractérise un manque de neutralité délibéré de l'employeur et constitue la mise en oeuvre d'un moyen de pression à l'encontre de l'organisation syndicale CGT ; qu'en contractant avec Richard X... dans le but de réduire l'influence de la CGT, puis en informant les cadres de l'entreprise de ce contrat dont il était l'exécutant, Philippe Y... s'est rendu complice de ce délit ; qu'en conséquence, la décision du tribunal sera confirmée sur ce point, les éléments du délit prévu par l'alinéa 3 de l'article L. 412-2 du code du travail étant réunis, tant à l'égard de Richard X..., en tant qu'auteur, qu'à l'égard de Philippe Y... en tant que complice ; qu'en leur infligeant les peines d'amende ci-dessus rappelées, le tribunal a fait aux prévenus une juste application de la loi pénale qui tient compte tout à la fois des circonstances de l'infraction et de la personnalité de leurs auteurs ;

"alors que, d'une part, le délit de discrimination syndicale suppose que le chef d'entreprise ait employé un moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque ; que la simple conclusion d'un contrat de prestation de services, exécuté par un cabinet en ressources humaines auprès des cadres de l'entreprise, ayant expressément pour objet la normalisation des relations avec les élus du personnel ne saurait être constitutive d'une pression au sens de l'article L. 412-2 du code du travail ; qu'en se contentant, pour déclarer le délit constitué d'affirmer que la convention litigieuse avait pour objet de réduire l'influence de la CGT au profit d'un autre syndicat, la cour d'appel a dénaturé les termes de la convention sans pour autant démontrer l'existence d'une quelconque pression exercée à l'encontre de la CGT en application de cet accord, privant de ce fait sa décision de base légale ;

"alors que, d'autre part, le délit de discrimination syndicale est un délit matériel qui suppose que soit constatée une atteinte effective au libre exercice du droit syndical dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel « qu'aucun acte positif ne peut être retenu à l'encontre des prévenus en ce qui concerne la mise en oeuvre et l'accomplissement de cette mission, la proposition de la société Alpway de décembre 2002 et les réunions avec les cadres de l'entreprise étant restées au stade de l'analyse » ; qu'en affirmant néanmoins que le délit de discrimination syndicale était constitué en tous ses éléments alors qu'en l'absence de toute intervention défavorable exercée à l'encontre du syndicat CGT suite à la mission litigieuse, le délit de discrimination syndicale ne pouvait être matériellement constitué, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes visés au moyen ;

"alors qu' enfin, l'infraction de discrimination syndicale est une infraction intentionnelle dont l'auteur doit manifester son intention de porter atteinte au libre exercice du droit syndical ; que, dès lors, que les conclusions du prévenu mettaient en évidence non seulement la seule volonté du prévenu de normaliser les relations sociales, mais encore l'absence de toute pression ou tentative de pression de la part de Richard X... sur le syndicat CGT, la cour d'appel ne pouvait se borner à invoquer le manque de neutralité délibéré de l'employeur pour caractériser l'intention discriminatoire ; qu'en s'abstenant de démontrer l'existence d'une quelconque manifestation de sa volonté de porter effectivement atteinte au libre exercice du droit syndical de la CGT, les magistrats de la cour d'appel n'ont pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de discrimination et entaché leur décision d'un défaut de motif certain" ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour Philippe Y..., et la société Belledone Conseils pris de la violation des articles L. 412-2 et L. 481-3 du code du travail, 111-4 et 121-7 du code pénal, 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Philippe Y... coupable de complicité de discrimination syndicale et l'a condamné à une peine de 3 500 euros d'amende et, sur l'action civile, l'a condamné avec la société Belledonne Conseil, civilement responsable, à verser la somme de 10 000 euros au syndicat CGT/UFICT du personnel de la société Nextiraone France ;

"aux motifs que le fait pour Richard X... d'avoir sollicité et autorisé la mission de Philippe Y... ayant pour objet de réduire l'influence de la CGT au profit d'un autre syndicat puis d'avoir fait connaître cet accord à l'encadrement lors de réunions organisées par Philippe Y... pour « informer le personnel sur la vacuité des actions de la CGT » caractérise un manque de neutralité délibéré de l'employeur et constitue la mise en oeuvre de moyens de pression à l'encontre de l'organisation syndicale CGT ; qu'en contractant avec Richard X... dans le but de réduire l'influence de la CGT puis en informant les cadres de l'entreprise de ce contrat dont il était l'exécutant, Philippe Y... s'est rendu complice de ce délit ;

"alors que, d'une part, le délit principal de discrimination syndicale suppose la mise en oeuvre, par l'employeur, d'un moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'un syndicat ; que ne constitue pas un tel moyen de pression la réalisation d'une mission d'audit et de conseil sur la gestion des relations sociales dont la concrétisation s'est limitée à l'organisation par l'entreprise extérieure d'une réunion informant le personnel d'encadrement de la valeur des actions de la seule organisation syndicale présente dans l'entreprise ; que, dès lors, en se bornant à relever l'intention supposée de Richard X... d'utiliser la mission d'audit et de conseil, dont l'objet était la normalisation des relations sociales avec le personnel, pour défavoriser la CGT, sans constater l'existence matérielle d'un moyen de pression à l'encontre de cette organisation, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"alors que, d'autre part, le délit de discrimination syndicale ne peut pas résulter de la seule expression d'une critique, par l'employeur, de l'action de l'unique syndicat présent dans une entreprise, ni du choix d'un certain pluralisme syndical, l'employeur conservant le droit de critiquer l'action de son partenaire syndical, et aucun syndicat n'ayant un droit acquis à la conservation d'une position hégémonique dans une entreprise ; qu'en déduisant l'existence d'un « moyen de pression », du seul fait d'un manquement à « l'obligation de neutralité », parce que l'employeur aurait considéré que l'action de la CGT dans l'entreprise était « vide », et émis le souhait que plusieurs syndicats soient représentés dans cette entreprise, la cour d'appel a directement méconnu le sens et la porté des textes susvisés ;

"alors, encore, que la complicité doit être antérieure ou concomitante à l'infraction ; que la prévention de complicité concernant Philippe Y... ne visait qu'un fait postérieur au délit principal reproché à l'employeur, celui-ci se voyant reprocher d'avoir sollicité la mission de Philippe Y... et de l'avoir autorisé dans l'entreprise, et Philippe Y... étant poursuivi pour avoir exécuté les prestations en cause, c'est-à-dire pour des éléments postérieurs au délit principal ; que la complicité n'était donc pas légalement caractérisée ;

"alors, enfin, que la cour d'appel, en retenant comme délit principal à l'encontre de Richard X... son accord pour l'organisation de réunions dont la tenue par Philippe Y... serait constitutive d'une complicité concomitante, alors que la prévention ne retenait à l'encontre de Richard X... que les actes de recherche d'audit et de conclusion du contrat, et non ses actes d'exécution, a dépassé le cadre de sa saisine et excédé ses pouvoirs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Richard X..., directeur délégué de la société Nextiraone France, et Philippe Y..., dirigeant de la société Belledonne Conseils, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, pour entrave à l'exercice du droit syndical et pour discrimination syndicale sur le fondement de l'article L.412-2 alinéa 3, du code du travail devenu l'article L. 2141-7 ; que les juges du premier degré ont condamné les prévenus du seul chef de discrimination syndicale, le premier en qualité d'auteur, le second en qualité de complice ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris et déclarer constitué ce délit, l'arrêt énonce que le fait par Richard X... d'avoir sollicité et autorisé la mission de Philippe Y... ayant pour objet de réduire l'influence de la CGT au profit d'un autre syndicat, puis d'avoir fait connaître cet accord au personnel d'encadrement lors de réunions organisées par Philippe Y... pour "informer le personnel sur la vacuité des actions de la CGT" constitue la mise en oeuvre d'un moyen de pression à l'encontre de l'organisation syndicale CGT ; que les juges ajoutent qu'en contractant avec Richard X... et en exécutant le contrat litigieux Philippe Y... s'est rendu complice du délit ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs d'où il résulte, d'une part, que Richard X... a mis en oeuvre, par l'intermédiaire d'une société de prestation de services, des moyens de pression à l'encontre de la CGT afin de réduire l'influence de ce syndicat, peu important qu'il ne s'agisse pas du motif exclusif des mesures qu'il a prises et, d'autre part, que Philippe Y..., dirigeant de la société prestataire, lui a fourni les moyens de mettre en oeuvre ces mesures dont ils étaient préalablement convenus, la cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ;

D' où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 1 500 euros la somme que Richard X... et Philippe Y... devront payer, chacun, au syndicat CGT-UFICT au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, Mme Degorce conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Beauvais, Guérin, Straehli, Finidori conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. Lucazeau ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 07-81661
Date de la décision : 02/09/2008
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Droit syndical dans l'entreprise - Exercice - Discrimination syndicale - Emploi d'un moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale - Cas

Entre dans les prévisions de l'article L. 412-2, alinéa 3, devenu l'article L. 2141-7 du code du travail qui prohibe l'emploi d'un moyen de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale quelconque, le fait, par le dirigeant d'une société, de solliciter, autoriser et porter à la connaissance du personnel d'encadrement, la mission donnée à un prestataire de service visant, notamment, par des séances d'accompagnement professionnel (coaching) à réduire l'influence d'un syndicat au profit d'un autre, dans la perspective d'élections à venir. Constitue la complicité du délit le fait, par le dirigeant de la société prestataire de services, de fournir à ce chef d'entreprise les moyens de mettre en oeuvre ces mesures dont ils sont préalablement convenus


Références :

articles L. 412-2, alinéa 3, devenu L. 2141-7 et L. 481-3, devenu L. 2146-2 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 février 2007

Sur la notion de moyen de pression au sens de l'article L. 412-2, alinéa 3, du code de travail, à rapprocher : Crim., 2 juin 1976, pourvoi n° 75-90559, Bull. crim. 1976, n° 196 (1) (cassation partielle) ; Soc., 16 mars 1977, pourvoi n° 75-10041, Bull. 1977, V, n° 199 (rejet) ; Crim., 20 mars 1979, pourvoi n° 78-92967, Bull. crim. 1979, n° 114 (rejet) ; Crim., 27 novembre 1979, pourvoi n° 79-90788, Bull. crim. 1979, n° 338 (1) (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 sep. 2008, pourvoi n°07-81661, Bull. crim. criminel 2008, n° 174
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2008, n° 174

Composition du Tribunal
Président : M. Pelletier
Avocat général : M. Lucazeau
Rapporteur ?: Mme Degorce
Avocat(s) : SCP Gatineau, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:07.81661
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