LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 412-1 du code rural ;
Attendu que le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, sauf le cas d'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place ; que ce droit est acquis au preneur même s'il a la qualité de copropriétaire du bien mis en vente ; que ces dispositions ne sont pas applicables s'il s'agit de biens dont l'aliénation, faite en vertu soit d'actes de partage intervenant amiablement entre cohéritiers, soit de partage d'ascendants, soit de mutations, profite, quel que soit l'un de ces trois cas, à des parents ou alliés du propriétaire jusqu'au troisième degré inclus et sauf dans ces mêmes cas si l'exploitant preneur en place est lui-même parent ou allié du propriétaire jusqu'au même degré ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 avril 2008), qu'à la suite du décès de leurs parents, les consorts X... se sont trouvés en indivision ; qu'aucun accord n'ayant pu aboutir entre les parties, M. Michel X... a assigné ses coindivisaires afin que soit ordonné la vente sur licitation en quatre lots séparés des biens immeubles dépendant de la succession ; que M. Gratien X... titulaire d'un bail ferme sur une propriété "La Lauze", a demandé l'attribution préférentielle de cette propriété à son profit et la confirmation de son droit de préemption ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que l'adjudication au profit d'un cohéritier ne constitue pas une aliénation à titre onéreux ouvrant droit à la préemption du preneur en place ;
Qu'en statuant, par ces seuls motifs, alors que si l'adjudicataire est un tiers étranger à l'indivision, le preneur en place pourra, lorsque les résultats de la licitation et l'identité de l'adjudicataire seront connus, faire valoir dans cette hypothèse son droit de préemption, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Gratien X... de sa demande d'exercice d'un droit de préemption en ses qualités de fermier exploitant et de coindivisaire, l'arrêt rendu le 28 avril 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que M. Gratien X... pourra exercer son droit de préemption si l'adjudicataire est un tiers étranger à l'indivision ;
Maintient la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;
Condamne les consorts X... et M. Y..., ès qualités, aux dépens du présent arrêt ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. Gratien X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur Gratien X... de sa demande d'exercice d'un droit de préemption en sa qualité de fermier exploitant ;
AUX MOTIFS QUE l'article L. 412-1 du Code rural dispose que le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux, ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte du droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place qui lui est acquis, même s'il a la qualité de copropriétaire du bien mis en vente ; que si l'existence et la validité du bail à ferme, consenti le 27 novembre 1964 par Gédéon X... à son fils Gratien, ne sont pas discutables dans la mesure où le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER a, par jugement du 22 juin 1988, confirmé par un arrêt de cette Cour du 30 mai 1989, consacré la validité du contrat initial et de ses renouvellements successifs par tacite reconduction et où il n'est pas démontré que ce bail a, depuis l'arrêt précité, fait l'objet d'un congé ou d'une opposition à renouvellement, il apparaît, en raison de l'effet déclaratif du partage, que l'adjudication au profit d'un cohéritier ne constitue pas une aliénation à titre onéreux ouvrant droit à la préemption du preneur en place ; que c'est donc à juste titre que les premiers Juges dont la décision sera confirmée de ce chef, ont décidé que l'article L 412-1 précité était sans application ;
ALORS QU'en raison de l'effet déclaratif du partage, l'adjudication au profit d'un cohéritier ne constitue pas une aliénation à titre onéreux ouvrant droit à la préemption du preneur en place et que l'exception et la contre-exception prévues par l'article L. 412-1 ne visent que la licitation pouvant intervenir, à l'occasion d'un partage au profit de tiers, parents des copartageants, mais étrangers à l'indivision ; qu'il en résulte que l'exercice du droit de préemption du preneur en place est seulement subordonné au résultat de l'adjudication ; qu'en déboutant dès lors Monsieur Gratien X... de sa demande d'exercice d'un droit de préemption, après avoir constaté qu'il avait la qualité d'exploitant preneur en place, alors que l'adjudication du bien avait été ordonnée mais n'avait pas encore eu lieu, quant elle aurait dû lui accorder le droit demandé tout en subordonnant son exercice au résultat de l'adjudication, la Cour d'appel a violé les articles L. 412-1 et L. 412-2 du Code rural, ensemble l'article 883 du Code civil.