Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler le titre de perception émis le 2 août 2018 ainsi que la décision implicite de rejet de son opposition à l'exécution de ce titre de perception formée le 24 janvier 2019 et les actes de poursuites afférents à ce titre de perception et d'autre part, de le décharger de l'obligation de payer la somme de 139 374,03 euros mise à sa charge par ce titre de perception ainsi que des frais de majoration.
Par un jugement n° 1908580 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a, à l'article 1er, annulé le titre de perception émis le 2 août 2018 et la décision implicite de rejet et, à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 juillet 2021 et 1er septembre 2021, sous le n° 21MA02575, M. C..., représenté par Me Anton, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler le titre de perception émis le 2 août 2018, la décision implicite de rejet de son opposition à l'exécution de ce titre de perception formée le 24 janvier 2019, ainsi que les actes de poursuites afférents à ce titre de perception ;
3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 139 374,03 euros mise à sa charge par ce titre de perception ainsi que des frais de majoration ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
A titre principal :
- un délai supérieur à cinq ans s'étant écoulé entre le fait générateur de la créance et la notification du nouveau titre exécutoire, la prescription quinquennale applicable à l'assiette de la créance de l'Etat est acquise, en application de l'article 2224 du code civil ;
- l'administration ayant connaissance de la créance depuis le mois de février 2013, les actes de poursuites portant recouvrement de cette créance sont prescrits, en application de l'article L. 274 du code des procédures fiscales ;
- l'autorisation temporaire ayant été accordée à sa défunte mère, il ne peut être recherché en paiement de frais de démolition d'un bâtiment dont il n'a jamais hérité ;
A titre subsidiaire :
- le titre en litige est irrégulier en ce qui concerne la signature de l'auteur de l'acte ;
- il ne mentionne pas les voies et délais de recours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2021, la directrice régionale des finances publiques (DRFIP) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, conclut au rejet de la requête de M. C....
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... qui exploitait le restaurant " chez Dédé " à Marseille, a été déféré au tribunal administratif de Marseille comme prévenu d'une contravention de grande voirie et condamné, par un jugement du 4 novembre 2009 de ce tribunal devenu irrévocable, à remettre en état le domaine public maritime par la démolition des constructions irrégulièrement maintenues et par l'évacuation des matériaux hors du domaine public maritime dans un délai de 90 jours à compter de la notification de ce jugement et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, avec la possibilité pour l'administration d'intervenir d'office, en lieu et place du contrevenant et à ses frais et risques à l'expiration du délai pour exécuter ce jugement. A la suite d'une mise en demeure du 24 janvier 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône, restée vaine, ordonnant la démolition des constructions érigées sur le domaine public maritime, les services de la direction départementale des territoires et de la mer des Bouches-du-Rhône ont confié le soin à la société SPAC aux termes d'un marché de travaux de procéder à la démolition des ouvrages, laquelle a eu lieu au cours de l'année 2013. Un titre de perception d'un montant de 139 374,03 euros a été émis le 17 décembre 2013 par le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur aux fins de recouvrement des frais correspondant aux travaux de démolition exécutés par cette société. Par un arrêt n° 17MA00979 du 1er juin 2018 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement n° 1406735 du 12 janvier 2017 du tribunal administratif de Marseille et a prononcé l'annulation du titre de perception émis le 17 décembre 2013 ainsi que la décharge de M. C... de l'obligation de payer la somme de 139 374,03 euros mise à sa charge par ce titre de perception. Le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur a émis, le 2 août 2018, un nouveau titre de perception d'un montant identique. M. C... relève appel du jugement du 6 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille.
Sur l'étendue du litige :
2. En premier lieu, M. C... reprend en appel ses conclusions tendant à l'annulation du titre de perception émis le 2 août 2018 et de la décision implicite de rejet de son opposition à l'exécution de ce titre de perception formée le 24 janvier 2019. Toutefois, il résulte du jugement attaqué que le tribunal a, à l'article 1er, annulé ce titre de perception ainsi que la décision implicite précités. Ainsi, il doit être regardé comme relevant appel de l'article 3 du jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de la requête, en particulier sa demande tendant à ce qu'il soit déchargé du paiement de la somme de 139 374,03 euros mentionnée par ce titre.
3. En second lieu, le tribunal a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation des actes de poursuites afférents au titre exécutoire en litige au motif qu'il ne résulte pas de l'instruction que la direction régionale des finances publiques de Provence-alpes Côte d'Azur aurait adressé des actes de poursuites au requérant. Ce dernier ne contestant pas ce motif opposé par les premiers juges, ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Si le jugement est susceptible d'appel, le requérant est recevable à relever appel en tant que le jugement n'a pas fait droit à sa demande de décharge. Il appartient alors au juge d'appel, statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, de se prononcer sur les moyens, soulevés devant lui, susceptibles de conduire à faire droit à cette demande.
En ce qui concerne les prescriptions opposées par M. C... :
5. Aux termes de l'article 2224 du code civil : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". L'article 2241 du même code énonce que : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. (...) ". Selon l'article 2242 du code précité : " L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ".
6. En l'absence de toute autre disposition applicable, les personnes publiques sont soumises aux mêmes prescriptions que les particuliers. Il en résulte qu'un titre exécutoire émis par l'administration en vue de recouvrer une somme au titre d'une occupation sans titre du domaine public interrompt la prescription à la date de sa notification et que la preuve de celle-ci incombe à l'administration.
7. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réception des travaux intervenue le 4 juillet 2013, date à laquelle l'administration a eu connaissance de l'étendue de la créance, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur (DRFIP PACA) a adressé à M. C... un certificat administratif actant des dépenses réalisées dans le cadre de l'opération de démolition du restaurant " Chez Dédé " pour un montant de 139 374,03 euros et l'a informé de ce qu'un titre exécutoire de ce montant avait été émis à son encontre le 17 décembre 2013. M. C... a contesté ce titre devant le tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande par un jugement du 12 janvier 2017. Toutefois, ce jugement et le titre précité ont été annulés par un arrêt n° 17MA00979 du 1er juin 2018 de la Cour en raison de l'existence d'un vice de forme. Cette annulation contentieuse a pour conséquence que ce titre est réputé n'avoir jamais existé et fait obstacle à ce que lui soit attaché un effet interruptif de prescription.
8. En revanche, il résulte des principes dont s'inspirent les articles 2241 et 2242 du code civil, qu'un recours juridictionnel, quel que soit l'auteur du recours, interrompt le délai de prescription et que l'interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. Par suite, quand bien même le titre exécutoire notifié le 17 décembre 2013 a disparu de l'ordonnancement juridique, le recours juridictionnel exercé par M. C... à son encontre le 18 septembre 2014 devant le tribunal administratif de Marseille a interrompu le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, par la lecture de l'arrêt de la Cour le 1er juin 2018. Dès lors, la créance en litige n'était pas prescrite lorsque le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur a émis, le 2 août 2018, le titre exécutoire contesté.
9. Aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Sauf dispositions contraires et sous réserve de causes suspensives ou interruptives de prescription, l'action en recouvrement des créances de toute nature dont la perception incombe aux comptables publics se prescrit par quatre ans à compter du jour de la mise en recouvrement du rôle ou de l'envoi du titre exécutoire tel que défini à l'article L. 252 A. / Le délai de prescription de l'action en recouvrement prévu au premier alinéa est augmenté de deux années pour les redevables établis dans un Etat non membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucun instrument juridique relatif à l'assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l'assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures. ". Aux termes de l'article L. 252 A du livre précité : " Constituent des titres exécutoires les arrêtés, états, rôles, avis de mise en recouvrement, titres de perception ou de recettes que l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements publics dotés d'un comptable public délivrent pour le recouvrement des recettes de toute nature qu'ils sont habilités à recevoir. ".
10. M. C... ne peut utilement se prévaloir de la prescription prévue par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales dès lors que le titre exécutoire en litige ne relève pas d'une action en recouvrement visée par ces dispositions.
En ce qui concerne le bien-fondé de la créance :
11. Il résulte de l'instruction que par un arrêt n° 10MA00029 du 3 octobre 2011 confirmant le jugement du 4 novembre 2009 du tribunal administratif de Marseille, tous deux devenus définitifs et revêtus de l'autorité de chose jugée, M. C... a été condamné à remettre en état le domaine public maritime par la démolition des constructions irrégulièrement maintenues et par l'évacuation des matériaux hors du domaine public maritime. Par cet arrêt, la Cour a estimé que M. C... exploite le restaurant " Chez Dédé " depuis le décès de Mme A..., sa mère et que, par suite, alors même qu'il n'est pas inscrit au registre du commerce et des sociétés et que l'autorisation d'occupation du domaine public, venue à expiration le 31 décembre 2005 sans être renouvelée, avait été accordée à Mme A..., il doit être regardé comme l'exploitant et l'occupant de l'établissement commercial en cause et donc son gardien. Ainsi, c'est à bon droit que les poursuites ont été dirigées à son encontre.
12. Les moyens tirés de ce que le signataire du titre en litige n'est pas la même personne que celle mentionnée sur le bordereau du titre exécutoire contesté et de l'absence de mention des voies et délais de recours sur l'accusé de réception du titre précité sont insusceptibles d'entraîner la décharge de l'obligation de payer la somme mise à la charge de M. C....
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- M. Prieto, premier conseiller,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 février 2023.
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N° 21MA02575
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