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03/10/2011 | FRANCE | N°10MA00029

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2011, 10MA00029


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 janvier 2010, sous le n°10MA00029, présentée pour M. Lionel A, demeurant 4 ..., par Me Ascencio, avocat ;

M. Lionel A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902736 du 4 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné a remettre en état le domaine public maritime par la démolition des constructions irrégulièrement maintenues et par l'évacuation des matériaux hors du domaine public maritime dans un délai de 90 jours à compter de la notif

ication du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, avec ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 5 janvier 2010, sous le n°10MA00029, présentée pour M. Lionel A, demeurant 4 ..., par Me Ascencio, avocat ;

M. Lionel A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902736 du 4 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné a remettre en état le domaine public maritime par la démolition des constructions irrégulièrement maintenues et par l'évacuation des matériaux hors du domaine public maritime dans un délai de 90 jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, avec possibilité pour l'administration d'intervenir d'office, en lieu et place du contrevenant et à ses frais et à ses risques à l'expiration du délai pour exécuter le jugement ;

2°) de prononcer à titre principal, l'annulation du procès-verbal de contravention de grande voirie, ou à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise en vue de délimiter le domaine public maritime, de ne pas prononcer d'astreinte en cas de démolition et de condamner l'Etat à l'indemniser de la perte du fonds de commerce en cas de démolition des constructions ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 septembre 2011 :

- le rapport de Mlle Josset, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant qu'un procès-verbal de constat d'infraction de grande voirie a été dressé le 1er décembre 2008 à l'encontre de M. A pour occupation sans droit ni titre d'un établissement de restauration Chez Dédé se trouvant sur une parcelle du domaine public maritime située 32 boulevard Bonne Brise à Marseille ; que M. A fait appel du jugement en date du 4 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, à la demande du préfet des Bouches-du-Rhône, l'a condamné à remettre en état le domaine public maritime illégalement occupé dans un délai de 90 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et en l'absence d'exécution, a autorisé l'administration à intervenir d'office, aux lieu et place du contrevenant et à ses frais et risques ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il est vrai qu'en première instance, M. A a soulevé le moyen tiré de ce que faute d'acte d'instruction ou de poursuites à son encontre dans un délai d'un an, la prescription annale lui était acquise ; que, toutefois, il est constant qu'aucune peine d'amende n'a été requise par le préfet, de sorte que le moyen soulevé à l'encontre de l'action domaniale, seule engagée à l'encontre de M. A, était inopérant ; qu'en ne répondant pas à un tel moyen, le tribunal n'a entaché son jugement d'aucune omission à statuer ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la régularité des poursuites :

Considérant, en premier lieu, que la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention ; qu'il résulte de l'instruction que M. A exploite le restaurant Chez Dédé depuis le décès de Mme B, sa mère ; que, par suite, alors même qu'il n'est pas inscrit au registre du commerce et des sociétés et que l'autorisation d'occupation du domaine public, venue à expiration le 31 décembre 2005 sans être renouvelée, avait été accordée à Mme B, M. A doit être regardé comme l'exploitant et l'occupant de l'établissement commercial en cause et donc son gardien ; que c'est donc à bon droit que les poursuites ont été dirigées à son encontre ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance, à la supposer même vraie, que l'agent verbalisateur ait donné auparavant une information selon laquelle l'autorisation d'occupation du domaine public serait reconduite, demeure sans incidence sur la régularité des poursuites ;

Considérant, en dernier lieu, que si le procès verbal de contravention de grande voirie dressé le 1er décembre 2008 a été notifié après l'expiration du délai de dix jours prévu à l'article L. 774-2 précité du code de justice administrative, ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité ; que M. A a été, en temps utile, mis à même de présenter sa défense ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure ne peut être qu'écarté ; que, pour le même motif, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-3 de la convention européenne doit être, en tout état de cause, également écarté ;

Sur l'action domaniale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques : Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. / Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ; qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; 2° Le sol et le sous-sol des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer ; 3° Les lais et relais de la mer (...) ; que si aucune limite n'a été fixée par l'Etat, par la voie réglementaire, en ce qui concerne le domaine public maritime dans ce secteur, il appartient au juge administratif, saisi d'un litige pour lequel une contravention de grande voirie a été dressée par procès-verbal, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si le terrain sur lequel ont été commis les faits se trouve ou non compris dans ces limites ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des photographies versées au dossier, et qu'il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que le terrain sur lequel sont situées les installations litigieuses est inclus dans le domaine public maritime ; que pour contester la domanialité publique, M. A ne peut utilement soutenir que l'établissement a bénéficié d'une autorisation depuis plus de trente-cinq ans et qu'il

s'acquitte, même tardivement, des redevances ; que M. A fait valoir qu'il dispose de contrats de location d'une cabine portant sur une superficie de 30 mètres carrés consentis par la société AML, qui serait considérée à tort comme étant située sur le domaine public maritime ; que, toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du plan de situation annexé au procès-verbal de contravention de grande voirie que celui porte sur les bâtiments et une terrasse d'une superficie totale de 281,80 mètres carrés tels que décrits par l'arrêté du 23 septembre 2003 qui autorisait Mme B à occuper ces locaux implantés sur le domaine public ; que M. A, qui n'apporte aucun élément relatif à la localisation des biens pris ainsi en location, ne peut valablement soutenir qu'ils auraient été compris à tort dans le domaine public maritime ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, les faits constatés sont constitutifs d'une occupation illicite du domaine public maritime et d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques ;

Considérant que l'intéressé ne peut être titulaire de titres en pleine propriété ou de droits réels sur le domaine public maritime, inaliénable et imprescriptible ; qu'en raison de cette imprescriptibilité, X la prescription de l'action publique invoquée par M. A ne s'applique pas à l'action en réparation du domaine public ;

Considérant qu'il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d'autorisation n'ont pas de droits acquis au renouvellement de leur titre ; qu'en effet, les autorisations d'occuper le domaine public sont accordées à titre précaire et révocables en vertu des règles de la domanialité publique et ne sont pas créatrices de droit au profit de leurs bénéficiaires qui n'ont droit ni à leur maintien ni à leur renouvellement ; qu'il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, d'examiner chaque demande de renouvellement en appréciant les garanties qu'elle présente pour la meilleure utilisation possible du domaine public ; qu'en outre, les autorités chargées de la police et de la conservation du domaine public maritime sont tenues, par application des principes régissant la domanialité publique, de veiller à l'utilisation normale dudit domaine et d'exercer à cet effet les pouvoirs qu'elles tiennent de la législation en vigueur, y compris celui de saisir le juge des contraventions de grande voirie ;

Considérant qu'il est constant que la dernière autorisation d'occupation temporaire, délivrée par arrêté préfectoral du 26 décembre 2003 au bénéfice de Mme B, est arrivée normalement à échéance le 31 décembre 2005 sans qu'aucune demande de renouvellement et par suite aucun refus ne soit intervenu ; qu'ainsi il n'y avait donc pas lieu à motivation d'une prétendue décision de refus de renouvellement ; qu'il n'y avait pas davantage lieu à concertation, ni légalement ni conventionnellement exigée d'ailleurs, avant l'intervention d'une prétendue décision de résiliation ; que cette autorisation d'occupation du 26 décembre 2003 portait comme il vient d'être dit, sur le domaine public ; que dès lors, M. A X n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions du décret du 30 septembre 1953 réglant les rapports entre les propriétaires et les locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer des locaux à usage commercial pour soutenir qu'il avait droit, sur ce fondement, au renouvellement de son bail ; que M. X, n'a pas pu constituer un fonds de commerce sur le domaine public, ni acquérir un tel fonds de commerce ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les installations litigieuses sont implantées sur le rivage faisant obstacle au respect du libre accès du public à ce dernier et à la libre circulation ; que la procédure de contravention de grande voirie a ainsi été engagée pour des motifs tirés des principes de la domanialité publique ; qu'enfin, si l'obligation de poursuivre trouve sa limite dans les autres intérêts généraux dont l'administration a la charge et, notamment, les nécessités de l'ordre public et l'intérêt général dont fait partie l'intérêt économique local, au cas particulier, il ne s'agit pas, par la contravention de grande voirie, de porter atteinte au principe même de l'activité commerciale mais de mettre seulement fin à une occupation irrégulière du domaine public maritime ; qu'il s'ensuit, et alors que la circonstance selon laquelle la pratique administrative serait différente dans d'autres lieux est inopérante, que l'obligation de poursuivre s'imposait sans que soit remise en cause la liberté de commerce ;

Considérant que la circonstance invoquée par M. A relative à une autorisation de construire le bâtiment litigieux qui lui aurait été délivrée n'est pas de nature à conférer un titre d'occupation en raison de l'indépendance des législations régissant les autorisations d'occupation du domaine public et les permis de construire ;

Sur l'astreinte :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que c'est à bon droit que le Tribunal a condamné M. A à libérer le domaine public maritime ; que si M. A WAGNERMdemande que lui soit octroyé un délai de plusieurs mois afin qu'il puisse s'organiser, il n'appartient pas au juge administratif d'accorder un délai au contrevenant pour évacuer les lieux ;

Considérant qu'en repoussant à trois mois à compter de la notification du jugement la date d'effet de l'astreinte le Tribunal administratif de Marseille n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce; que le montant de 150 euros par jour de retard de l'astreinte n'est pas inapproprié aux faits de l'espèce ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du procès-verbal de contravention de grande voirie :

Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les conclusions susvisées ne peuvent être en tout état de cause, que rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation présentées par M. A :

Considérant que les conclusions indemnitaires présentées par M. A dirigées contre l'Etat pour la perte de son fonds de commerce et des constructions édifiées dans le respect du permis de construire, présentées à titre reconventionnel dans le cadre d'une procédure de contravention de grande voirie sont, en tout état de cause, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er: La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Lionel A et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA00029
Date de la décision : 03/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

24-01-03 Domaine. Domaine public. Protection du domaine.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Melle Muriel JOSSET
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ASCENCIO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-10-03;10ma00029 ?
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