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17/12/2021 | CANADA | N°2021CSC54

Canada | Canada, Cour suprême, 17 décembre 2021, Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier, 2021 CSC 54


COUR SUPRÊME DU CANADA


 
Référence : Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier, 2021 CSC 54

 

 
Appel entendu : 18 mars 2021
Jugement rendu : 17 décembre 2021
Dossier : 39155


 
Entre :
 
Association de médiation familiale du Québec
Appelante
 
et
 
Michel Bouvier et Isabelle Bisaillon
Intimés
 
Traduction française officielle : Motifs de la juge Karakatsanis
 
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin et Kas

irer
 


Motifs de jugement :
(par. 1 à 131)

Le juge Kasirer (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Côté, Brown et Rowe)


 

 


Mot...

COUR SUPRÊME DU CANADA

 
Référence : Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier, 2021 CSC 54

 

 
Appel entendu : 18 mars 2021
Jugement rendu : 17 décembre 2021
Dossier : 39155

 
Entre :
 
Association de médiation familiale du Québec
Appelante
 
et
 
Michel Bouvier et Isabelle Bisaillon
Intimés
 
Traduction française officielle : Motifs de la juge Karakatsanis
 
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin et Kasirer
 

Motifs de jugement :
(par. 1 à 131)

Le juge Kasirer (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Côté, Brown et Rowe)

 

 

Motifs concordants :
(par. 132 à 181)

La juge Karakatsanis (avec l’accord des juges Abella et Martin)

 
 
 
 
 
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
 

 

 

 

 
Association de médiation familiale du Québec                                          Appelante
c.
Michel Bouvier et Isabelle Bisaillon                                                                 Intimés
Répertorié : Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier
2021 CSC 54
No du greffe : 39155.
2021 : 18 mars; 2021 : 17 décembre.
Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin et Kasirer.
en appel de la cour d’appel du québec
                    Droit de la famille — Médiation — Confidentialité — Résumé des ententes — Preuve d’un règlement — Exception au privilège relatif aux règlements — Processus de médiation familiale entamé par des ex‑conjoints — Préparation par le médiateur d’un résumé des ententes issues de la médiation — Résumé des ententes invoqué dans des procédures judiciaires subséquentes pour démontrer l’existence d’un règlement — Admissibilité du résumé des ententes et des autres communications de la médiation contestée au motif qu’ils sont protégés par la confidentialité du processus de médiation  — Statut juridique du résumé des ententes — L’exception au privilège relatif aux règlements qui permet d’établir l’existence ou la portée d’un règlement s’applique‑t‑elle dans le contexte de la médiation familiale?
                    I et M ont vécu en union de fait pendant plus de trois ans et ont eu deux enfants. Après avoir mis fin à leur union, ils ont entamé un processus de médiation afin de résoudre leurs différends concernant les modalités relatives à la garde et aux aliments des enfants, leurs droits respectifs dans l’immeuble qui leur servait de résidence et la détermination d’une compensation pour I afin de remédier à l’impact qu’a eu sur sa carrière la responsabilité de s’occuper des enfants. Au terme du processus, le médiateur a consigné ses conclusions sur les accords issus de la médiation dans un document appelé le « résumé des ententes ». Quelques temps plus tard, I a déposé une demande en justice en vue d’obtenir une compensation financière plus importante que celle que prévoyait le résumé des ententes. En défense, M a soutenu qu’un contrat, dont les modalités auraient été prévues dans le résumé, était intervenu entre les parties lors de la médiation. I a nié l’existence de ce contrat et s’est opposée à l’admission en preuve du résumé au motif qu’il était protégé par la confidentialité du processus de médiation.
                    Le juge de première instance a rejeté l’objection soulevée par I en se fondant, entre autres, sur l’exception au privilège relatif aux règlements reconnue dans l’arrêt Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, [2014] 1 R.C.S. 800, une affaire de médiation commerciale. Cette exception permet de divulguer des communications protégées afin de faire la preuve de l’existence et des modalités d’un règlement. Sur la base du résumé et de la conduite des parties après la médiation, le juge a conclu à l’existence d’un contrat entre les parties. I a porté la décision du premier juge en appel. La Cour d’appel a rejeté à l’unanimité le pourvoi, mais les juges n’étaient pas tous du même avis quant à l’application des principes énoncés dans Union Carbide au contexte de la médiation familiale. I a décidé de ne pas appeler de la décision de la Cour d’appel, mais un tiers au litige d’origine, l’Association de médiation familiale du Québec, a obtenu la permission d’être substituée à titre d’appelante et d’appeler du jugement devant la Cour.
                    Arrêt : Le pourvoi est rejeté.
                    Le juge en chef Wagner et les juges Moldaver, Côté, Brown, Rowe et Kasirer : L’exception relative aux règlements s’applique de manière générale. Compte tenu de la nature même de la médiation familiale, des garanties procédurales qui lui sont inhérentes, ainsi que de la teneur du contrat‑type en matière de médiation familiale au Québec, il n’est pas nécessaire ni souhaitable, pour la protection des parties vulnérables, d’établir une règle de confidentialité absolue ni de s’écarter de la règle établie dans l’arrêt Union Carbide ayant trait à l’exception relative aux règlements. En l’espèce, les parties n’ont pas écarté cette exception dans leur contrat de médiation. La préservation de la confidentialité absolue des échanges, en l’absence de règlement, est un aspect essentiel de la médiation, et elle est nécessaire pour encourager la franchise des pourparlers. Mais la confidentialité est avant tout un moyen permettant d’arriver à une fin : lorsque les conjoints règlent leur différend, cette préoccupation doit céder le pas, dans la mesure du nécessaire, à celle de les outiller adéquatement pour mettre leur entente à exécution. Une règle de confidentialité absolue risquerait de détourner la médiation familiale de ses fondements participatifs et consensuels, et de miner l’adhésion des parties à ce mode de règlement de leur différend, voire au règlement lui‑même. Dans l’ensemble, le rejet de l’exception reconnue dans Union Carbide en matière familiale porterait atteinte à l’objectif primordial de la médiation familiale, qui est d’arriver à une entente réglant un différend né ou appréhendé.
                    La mise en vigueur du nouveau Code de procédure civile en 2016 a permis d’élever les modes de prévention et de règlement des différends — dont la médiation familiale — à titre de procédés de justice de même importance que le processus judiciaire traditionnel. Ce virage important dans la culture judiciaire québécoise est explicitement entrepris par le législateur comme mesure d’accès à la justice, visant à rendre le système plus accessible, plus rapide, moins lourd et moins coûteux. La médiation au sens large est un processus de décision à la suite d’un dialogue et d’une négociation assistée ou facilitée par un tiers neutre et impartial, sans pouvoir décisionnel, librement choisi par les parties en vue de régler un différend né ou appréhendé, de façon amiable et mutuellement acceptable et, idéalement, rétablir ou bonifier la relation. Tout comme les autres types de médiation, la médiation familiale se caractérise aussi par l’autodétermination du processus, c’est‑à‑dire que les parties choisissent ensemble le mode de justice qui leur permet de résoudre leur différend dans un esprit de coopération malgré le conflit qui subsiste entre elles.
                    Le droit spécial de la médiation familiale se distingue du droit général de la médiation, notamment en ce qu’il ne permet pas aux parties d’être accompagnées de conseillers juridiques durant les séances, mais cela n’est pas incompatible avec l’idée de justice participative et de culture de l’entente. En écartant la présence de conseillers juridiques pendant les séances de médiation familiale, le législateur vise à assurer que la parole soit vraiment donnée aux parties. La médiation est particulièrement bien adaptée aux conflits familiaux à cet égard, car elle permet de rétablir une meilleure communication entre les conjoints et de préserver leur relation dans l’avenir dans le cas où il y a des enfants.
                    Certes, la médiation familiale survient dans un contexte unique, souvent chargé et émotif, qui la distingue de la médiation civile ou commerciale. Le problème de vulnérabilité en matière de médiation familiale est réel, mais des garanties procédurales inhérentes au processus permettent de contrecarrer cette vulnérabilité. Même si les parties à une médiation familiale n’ont pas la faculté de se faire assister par un avocat ou un notaire à l’occasion des séances, la possibilité de consulter un conseiller juridique à différents moments durant le processus existe et est même encouragée. Le processus est aussi guidé par des tiers impartiaux, qui sont accrédités et formés spécialement pour répondre aux besoins psychologiques et juridiques des conjoints et des parents. Les médiateurs sont assujettis à des obligations professionnelles strictes et ont notamment le pouvoir de mettre fin à la médiation pour éviter un préjudice irréparable. Par ailleurs, rien n’oblige les parties à conclure un contrat au terme de la médiation et, de fait, le contrat‑type en matière de médiation familiale au Québec prévoit spécifiquement que les séances de médiation familiale aboutissent à un projet d’entente sans force obligatoire.
                    Ainsi, le résumé des ententes non signé, tel que remis par le médiateur à la fin des séances, ne constitue pas un contrat. Après la médiation, les parties seront libres de conclure un contrat dont les modalités diffèrent, complètement ou partiellement, de celles consignées au résumé par le médiateur. En principe, le résumé des ententes, en tant que simple écrit préparé par un tiers, n’est pas admissible dans une instance judiciaire pour faire la preuve d’un acte juridique, mais le tribunal ne peut pas soulever cette règle d’office. En outre, même si une entente obligatoire est conclue après la médiation, elle n’aura pas force exécutoire sans avoir préalablement été l’objet d’un contrôle d’opportunité par un tribunal, dans la mesure où elle traite de questions d’ordre public comme la garde d’enfants et la pension alimentaire pour enfants. Cela implique qu’une entente issue de la médiation familiale ayant force obligatoire entre les conjoints ne peut, dans la mesure où elle porte sur des questions d’ordre public, constituer une transaction au sens de l’art. 2631 C.c.Q., étant donné qu’on ne peut transiger sur ces questions. Ainsi, très souvent, les éléments de l’entente entre conjoints qui ne portent pas sur des questions d’ordre public ne peuvent être considérés séparément, puisqu’une transaction est indivisible par son objet. L’ensemble de ces garanties procédurales permettent d’assurer que les parties vulnérables ne se retrouvent pas liées par une entente inconsidérée à leur insu.
                    Le privilège relatif aux règlements est une règle de preuve qui protège la confidentialité des communications et renseignements échangés en vue de régler un différend. Il est reconnu comme étant fondamental en vue de la conclusion de l’entente entre les parties car il favorise les discussions franches et ouvertes, ce qui facilite le règlement du différend dans tous les types de médiation. Le privilège s’applique sans que les parties n’aient besoin de l’invoquer. Contrairement à une clause contractuelle de confidentialité, le privilège s’applique à toute communication qui mène au règlement, même à celles faites après la fin de la séance de médiation. Cette règle établie par la common law est codifiée à l’art. 4 du Code de procédure civile.
                    Le privilège relatif aux règlements n’est toutefois pas absolu. Il existe certaines exceptions développées par la jurisprudence ou consacrées par la loi, qui permettent de lever la confidentialité. L’exception relative aux règlements permet la divulgation des communications protégées afin de faire la preuve de l’existence ou de la portée d’un règlement découlant de la médiation. Elle s’applique même si l’entente intervient seulement après la médiation. Conformément à son objectif, le champ d’application de l’exception est limité à ce qui est nécessaire pour prouver l’existence ou la portée du règlement. L’exception vise le même intérêt public que le privilège lui‑même, c’est‑à‑dire favoriser les règlements à l’amiable. Dès que les parties arrivent à un règlement, il importe, pour favoriser les règlements en général, que les parties soient en mesure de faire la preuve des modalités convenues.
                    Les parties peuvent écarter ou modifier l’étendue de l’exception contractuellement, si elles le font clairement et tant qu’elles ne privent pas le tribunal de son pouvoir de surveillance sur les questions d’ordre public. Pour déterminer si un contrat écarte l’exception, il faut déterminer l’intention commune des parties, ce qui requiert d’analyser la nature du contrat, les circonstances dans lesquelles il a été conclu, ainsi que les usages.
                    Le juge de première instance a eu raison de ne pas accueillir l’objection soulevée par I, et il n’y avait aucune raison d’intervenir en appel. Avant de participer à la médiation familiale, I et M ont signé un contrat de médiation calqué sur le contrat‑type en matière de médiation familiale au Québec qui contenait une clause générale de confidentialité et un énoncé non ambigu selon lequel l’objectif du processus était de parvenir à une entente. Aucune de ses clauses n’écarte clairement le privilège relatif aux règlements ou ses exceptions, et l’interprétation du contrat ne peut mener à la conclusion contraire. Bien que les parties n’aient jamais signé le résumé des ententes, leur comportement ultérieur indique qu’elles sont parvenues à un accord de volontés suffisamment clair pour la formation d’une véritable entente reflétant les modalités consignées au résumé des ententes.
                    Exceptionnellement, les circonstances de la présente affaire justifient l’octroi de dépens sur la base avocat‑client; cela dit, le contexte particulier et le statut de l’Association, à titre d’organisme à but non‑lucratif, appellent à la prudence. La Cour a le pouvoir discrétionnaire de déroger à la pratique habituelle et d’ordonner l’octroi de dépens sur la base avocat‑client dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsqu’un pourvoi soulève des questions d’intérêt général qui dépassent le cas particulier de la partie gagnante. Contrairement à son intervention devant la Cour d’appel, qui était à titre amical, l’Association demande à la Cour de maintenir l’objection soulevée par I et prend position sur le bien‑fondé des décisions des tribunaux inférieurs qui reposaient sur des conclusions factuelles importantes. M a dû se défendre contre un tiers au litige d’origine qui, malgré l’absence de I à l’instance, demande que l’appel soit accueilli. M n’avait pas à faire les frais d’une telle cause‑type, qui dépassait largement le cadre factuel de son litige initial. Puisqu’ordonner des dépens sur la base avocat-client contre l’Association pourrait avoir un effet dissuasif sur d’autres organismes du même type et compte tenu du contexte particulier de cette affaire, il faut faire preuve de prudence; donc, à titre de compromis, il y a lieu de plafonner le montant des dépens à 15 000$, plus les débours.
                    Les juges Abella, Karakatsanis et Martin : Il y a accord avec les juges majoritaires pour dire que le pourvoi devrait être rejeté. Toutefois, il y a divergence d’opinion concernant la conclusion selon laquelle l’exception au privilège relatif aux règlements de l’arrêt Union Carbide s’applique aux communications qui ont lieu pendant les séances de médiation familiale au Québec. Les discussions qui ont lieu lors des séances de médiation familiale demeurent confidentielles et ne peuvent être communiquées ou mises en preuve, sauf si les parties en conviennent expressément autrement. Les règles relatives à la confidentialité des négociations en vue d’un règlement s’appliquant aux affaires civiles et commerciales ne peuvent simplement être transposées dans le contexte du droit de la famille : cela minerait l’approche juridique unique relative aux règlements en droit de la famille élaborée par nos tribunaux et porterait atteinte aux objectifs multiples du régime de médiation familiale. En conséquence, le résumé des ententes, à titre de reflet de la compréhension du médiateur quant aux points d’accord potentiels entre les parties, était inadmissible parce qu’il était protégé par le privilège relatif aux règlements et par les clauses du contrat en matière de confidentialité.
                    Les règlements en droit de la famille revêtent un caractère unique. La jurisprudence de la Cour témoigne de l’évolution de la compréhension des défis particuliers liés au règlement des différends en matière familiale. L’éclatement de la cellule familiale n’est pas une question juridique ordinaire. Les relations familiales ne sont pas de simples relations d’affaire ni des rencontres fortuites. Leur dissolution peut s’avérer être un événement catastrophique dans la vie de ses membres. La rupture d’une relation conjugale s’accompagne souvent de bouleversements émotionnels, de vulnérabilité et d’inégalités découlant du rapport de force entre les parties. À ces égards, les affaires relevant du droit de la famille, et surtout celles qui mettent en cause des règlements, sont tout à fait différentes des affaires commerciales. La Cour a souligné, dans des décisions s’échelonnant sur au moins quatre décennies, la vulnérabilité qui est au cœur des négociations en matière familiale et a constamment reconnu la nécessité d’adopter une approche particulière face aux difficultés liées à la résolution des différends familiaux. Elle a refusé de transposer les principes applicables aux règlements commerciaux dans le contexte familial et a ajusté le droit privé général à ce contexte unique. Les deux domaines ont évolué séparément pour une bonne raison.
                    Les objectifs de la médiation familiale ne se limitent pas uniquement à favoriser le règlement d’un différend juridique spécifique. Plus particulièrement, deux objectifs d’intérêt public primordiaux jouent un rôle essentiel, et dépendent tous les deux de la confidentialité absolue des séances de médiation. Premièrement, la médiation familiale prépare le terrain en vue de restructurer des relations qui permettront de passer, à long terme, à travers les conséquences traumatisantes de l’éclatement d’une cellule familiale, particulièrement lorsque des enfants sont en cause. L’objectif de restructurer les relations revêt une importance accrue dans le contexte familial en raison du caractère intime des liens familiaux. Habituellement, les différends familiaux couvrent un vaste éventail d’enjeux. Ils peuvent soulever des questions juridiques fondamentales concernant des pensions alimentaires, la garde, les droits de visite ou le partage des biens, qui s’ajoutent à la nécessité de démêler des affaires familiales interdépendantes — des enjeux qui requièrent bien souvent une collaboration durable. Lorsque des enfants sont impliqués, leur intérêt supérieur requiert que leurs parents aient la capacité de continuer à communiquer et à résoudre leurs différends. Le processus unique de la médiation familiale, qui favorise les discussions franches, le dialogue et l’écoute active, permet de réaliser l’objectif de restructuration des relations. Au Québec, cette priorité se reflète dans la nature interdisciplinaire du régime : la médiation concerne chaque dimension de la séparation, que les difficultés soient de nature émotionnelle, relationnelle, financière ou juridique.
                    Deuxièmement, la médiation familiale cherche à protéger les parties vulnérables et à atténuer les inégalités découlant du rapport de force entre les parties en vue d’obtenir un résultat équitable. Le processus est conçu pour les parties qui, dans le tumulte de la séparation, apportent inévitablement à la table des négociations une multitude d’émotions et de préoccupations qui ne cadrent manifestement pas avec la prise de décisions économiques rationnelles. Cet objectif joue un rôle plus important dans la médiation et la négociation en matière familiale que dans un contexte commercial, parce que le caractère intime de la relation entre les parties accroît la difficulté de surmonter le déséquilibre potentiel des forces et les modes d’influence. Après tout, la médiation familiale au Québec ne vise pas simplement la conclusion d’un règlement, mais bien d’un règlement équitable.
                    La confidentialité renforce les fondements participatifs et consensuels de la médiation, ainsi que l’objectif de conclure des règlements dans le contexte familial. L’efficacité de la médiation familiale pour favoriser les règlements repose sur la création d’un espace confidentiel où les parties peuvent explorer des terrains d’entente en profondeur, sur toute une gamme d’enjeux interreliés et discuter sans crainte de répercussions sur le plan juridique. La confidentialité est essentielle aux discussions franches et complètes, qui sont nécessaires à l’établissement d’une dynamique familiale fonctionnelle pour l’avenir. Elle est aussi essentielle afin de protéger les parties vulnérables et d’atténuer les inégalités découlant du rapport de force entre les parties, puisque la confidentialité empêche la partie la plus forte d’utiliser les paroles de la partie la plus vulnérable afin de soutenir une entente inéquitable. Ce risque est accru au Québec puisque le régime interdit la présence d’avocats pendant les séances. Les médiateurs en droit de la famille ne pourront pas toujours intervenir pour protéger les parties vulnérables parce que les dynamiques abusives ne sont pas toujours apparentes.
                    L’application de l’exception au privilège relatif aux règlements de l’arrêt Union Carbide aux communications confidentielles faites lors de séances de médiation familiale comporte deux problèmes fondamentaux. Premièrement, la justification de cette exception — soit d’encourager le règlement de différends d’ordre juridique — ne tient pas compte du contexte unique des règlements en matière familiale, ni des objectifs multiples de la médiation familiale. Les exceptions sont appliquées eu égard à leur objectif et non mécaniquement. Encourager le règlement des différends d’ordre juridique n’est pas le seul intérêt public en jeu dans le contexte du droit de la famille.
                    Deuxièmement, le raisonnement qui sous‑tend l’exception est fondamentalement incompatible avec la nature de la médiation familiale au Québec. Dans l’arrêt Union Carbide, la réalisation de l’objectif d’encourager les règlements était favorisée par la possibilité de divulguer des communications constituant l’offre et l’acceptation d’un contrat. Toutefois, dans le présent contexte, aucune offre ou acceptation ne peut avoir lieu pendant les séances de médiation. Le régime québécois de médiation, qui interdit la présence d’avocats aux séances de médiation, empêche les parties de conclure un règlement lors des séances de médiation, où ont plutôt lieu des négociations exploratoires qui pourront, mais pas nécessairement, mener à la conclusion d’un règlement à l’extérieur de la médiation. Il s’ensuit que les modalités d’un règlement ne peuvent être conclues qu’à l’extérieur du processus de médiation.
                    Même si l’arrêt Union Carbide devait s’appliquer en droit de la famille, les parties pourraient toujours conclure un contrat qui leur assure une protection supérieure à celle qu’offre la common law en matière de confidentialité. Il s’agit de savoir si une clause de confidentialité absolue d’une entente de médiation a pour effet d’écarter l’exception de la common law. En l’espèce, un examen du texte et de la nature du contrat, ainsi que des circonstances dans lesquelles il a été conclu, mène à la conclusion que les parties voulaient qu’il y ait confidentialité absolue lors des séances de médiation, ce qui écarte donc l’exception au privilège relatif aux règlements.
                    Par conséquent, le résumé des ententes n’était pas admissible car il contient des renseignements confidentiels protégés. Le juge de première instance a commis une erreur en fondant son raisonnement sur le principe qu’un contrat aurait pu être formé lors des séances de médiation. Il a aussi commis une erreur en admettant en preuve des renseignements confidentiels provenant des séances de médiation et le résumé des ententes. L’objection de I concernant l’admissibilité du résumé des ententes devrait être maintenue. Toutefois, compte tenu du dossier limité soumis à la Cour, il est difficile d’évaluer si la preuve aurait par ailleurs été suffisante pour justifier la conclusion du juge de première instance concernant l’existence d’un contrat; par conséquent, la décision portée en appel ne devrait pas être infirmée.
                    L’octroi par les juges majoritaires de dépens avocat‑client contre l’Association dans le cas présent est sans précédent et injustifié. La Cour n’a jamais adjugé de dépens avocat‑client contre un organisme sans but lucratif qui soulevait une question d’intérêt public. Un octroi d’une telle ampleur est une mesure extraordinaire qui pénalise dans les faits un organisme sans but lucratif pour avoir présenté une question d’une importance évidente dans un domaine du droit qui touche la vie de tant de Canadiens et Canadiennes. Cela ne peut que dissuader de telles parties de le faire à l’avenir.
Jurisprudence
Citée par le juge Kasirer
                    Arrêt appliqué : Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, [2014] 1 R.C.S. 800; arrêts examinés : Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303; Roberge c. Bolduc, 1991 CanLII 83 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 374; arrêts mentionnés : Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 R.C.S. 87; Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295; Howick Apparel Ltd. c. Champoux, 2007 QCCA 674; Droit de la famille — 211056, 2021 QCCS 2431; Droit de la famille — 133025, 2013 QCCA 1869; Droit de la famille — 171578, 2017 QCCS 3018; Droit de la famille — 111393, 2011 QCCS 2411; V.F. c. T.D., 2005 QCCA 907; Droit de la famille — 083185, 2008 QCCA 2405, [2009] R.D.F. 8; Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, [2010] 2 R.C.S. 592; Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 CSC 37, [2013] 2 R.C.S. 623; Caron c. Alberta, 2015 CSC 56, [2015] 3 R.C.S. 511; Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57; Mackin c. Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances), 2002 CSC 13, [2002] 1 R.C.S. 405; Young c. Young, 1993 CanLII 34 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 3; Finney c. Barreau du Québec, 2004 CSC 36, [2004] 2 R.C.S. 17; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), 1992 CanLII 110 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 3.
Citée par la juge Karakatsanis
                    Distinction d’avec l’arrêt : Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, [2014] 1 R.C.S. 800; arrêts mentionnés : Rathwell c. Rathwell, 1978 CanLII 3 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 436; Pettkus c. Becker, 1980 CanLII 22 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 834; Richardson c. Richardson, 1987 CanLII 58 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 857; Pelech c. Pelech, 1987 CanLII 57 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 801; Lacroix c. Valois, 1990 CanLII 46 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1259; Moge c. Moge, 1992 CanLII 25 (CSC), [1992] 3 R.C.S. 813; Peter c. Beblow, 1993 CanLII 126 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 980; Bracklow c. Bracklow, 1999 CanLII 715 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 420; Boston c. Boston, 2001 CSC 43, [2001] 2 R.C.S. 413; Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303; Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295; L.M.P. c. L.S., 2011 CSC 64, [2011] 3 R.C.S. 775; Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5, [2013] 1 R.C.S. 61; Colucci c. Colucci, 2021 CSC 24; Logan c. Williams (1989), 1989 CanLII 8855 (BC CA), 41 B.C.L.R. (2d) 34; Hartshorne c. Hartshorne, 2004 CSC 22, [2004] 1 R.C.S. 550; Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 CSC 37, [2013] 2 R.C.S. 623; Meyers c. Dunphy, 2007 NLCA 1, 262 Nfld. & P.E.I.R. 173; Unilever plc c. The Procter & Gamble Co., [2001] 1 All E.R. 783; Groupe Blouin inc. c. Société Radio‑Canada, 2016 QCCA 1715; Ouellet (Syndic de), 2004 CSC 64, [2004] 3 R.C.S. 348; Lefebvre (Syndic de), 2004 CSC 63, [2004] 3 R.C.S. 326; CIBC Mortgage Corp. c. Vasquez, 2002 CSC 60, [2002] 3 R.C.S. 168; Roberge c. Bolduc, 1991 CanLII 83 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 374.
Lois et règlements cités
Code civil du Québec, art. 6, 522, 586, 587.1, 587.3, 594, 604, 606, 612, 1385, 1386, 1388, 1399, 1425, 1426, 1427, 2631, 2632, 2633, 2843, 2859, 2862, 2865.
Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B‑1, r. 3.1, art. 42.
Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N‑3, r. 2, art. 3.
Code de procédure civile, RLRQ, c. C‑25, art. 151.16, 814.7, 815.3, 827.2 à 827.4.
Code de procédure civile, RLRQ, c. C‑25.01, art. 2, 4, 5, 605, 606, 607, 609, 610, 613, 614, 617, 618, 619.
Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S‑26, art. 47.
Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, c. 3 (2e suppl.).
Règlement concernant un projet pilote de médiation familiale pour les couples sans enfant commun à charge, RLRQ, c. C‑25.01, r. 6.1.
Règlement sur la médiation familiale, RLRQ, c. C‑25.01, r. 0.7, art. 1, 2, 10, 10.1.
Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002‑156, règle 39.
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                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Doyon, Hogue et Roy), 2020 QCCA 115 (sub nom. Bisaillon c. Bouvier), [2020] J.Q. no 282 (QL), 2020 CarswellQue 293 (WL Can.), qui a confirmé une décision du juge Moore, 2017 QCCS 3788, [2017] J.Q. no 11071 (QL), 2017 CarswellQue 7306 (WL Can.). Pourvoi rejeté.
                    Sylvie Schirm et Marie‑Elaine Tremblay, pour l’appelante.
                    Joanne Biron et Emily Kissel, pour l’intimé Michel Bouvier.
                    Personne n’a comparu pour l’intimée Isabelle Bisaillon.
 
Le jugement du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Côté, Brown, Rowe et Kasirer a été rendu par
 
                    Le juge Kasirer —
I.               Aperçu
[1]                              Depuis l’instauration à la Cour supérieure du Québec, en 1981, du premier service de médiation destiné aux familles, le droit québécois s’ouvre à ce mode privé de prévention et de règlement des différends qui se démarque, à de multiples égards, de la justice civile assurée par les tribunaux judiciaires. Selon les données du ministère de la Justice pour la période 2013‑2014 — à l’époque du différend entre les conjoints en l’espèce — environ 15 000 couples ont bénéficié de séances de médiation familiale gratuites, et 80 p. 100 d’entre eux sont parvenus à une entente réglant leurs divers conflits (Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale (« COAMF »), Guide de normes de pratique en médiation familiale (2016) (« Guide 2016 »), p. 3). Au Québec, la médiation familiale assurée par des médiateurs accrédités est mise à la disposition des conjoints avec ou sans enfants, qu’ils soient mariés, unis civilement, ou encore en union de fait. Largement subventionnée, la médiation a incontestablement la faveur de l’État : la loi prévoit même que les conjoints doivent assister à une séance d’information sur la médiation familiale avant qu’un tribunal ne puisse procéder à l’instruction de leur demande en justice.
[2]                              Bien que ce parcours soit impressionnant et que le progrès qu’il représente en matière d’accès à la justice soit considérable, des controverses subsistent quant à certains aspects tenant à la nature même de cette procédure et, comme le démontre le présent pourvoi, quant au rôle de la confidentialité dans la médiation familiale par opposition à la médiation civile ou commerciale. Alors que le législateur québécois place les modes privés de prévention et de règlement des différends au cœur de sa réforme de la justice civile dans le nouveau Code de procédure civile, RLRQ, c. C‑25.01 (« n.C.p.c. »), ce pourvoi offre à la Cour l’occasion de clarifier la portée de la médiation familiale en tant que mécanisme de justice dite participative et consensuelle. L’enjeu s’inscrit dans une mouvance présente ailleurs au Canada où, dans divers contextes, on reconnaît que d’« autres modèles de règlement des litiges sont aussi légitimes que le procès conventionnel » en vue d’assurer l’accès expéditif et abordable à la justice civile (Hryniak c. Mauldin, 2014 CSC 7, [2014] 1 R.C.S. 87, par. 27; voir aussi par. 2).
[3]                              Après avoir mis fin à leur union de fait, Isabelle Bisaillon et Michel Bouvier ont entamé un processus de médiation afin de résoudre leurs différends concernant les modalités relatives à la garde et aux aliments des enfants, leurs droits respectifs dans l’immeuble qui leur servait de résidence et la détermination d’une compensation pour Mme Bisaillon afin de remédier à l’impact qu’a eu sur sa carrière la responsabilité de s’occuper des enfants. Au terme de leurs rencontres, le médiateur accrédité a consigné ses conclusions sur les accords issus de la médiation dans un document appelé, selon le vocable employé dans le contrat‑type de médiation familiale au Québec, un « résumé des ententes ». Quelques temps plus tard, Mme Bisaillon a déposé une demande en justice en vue d’obtenir une compensation financière plus importante que celle que prévoyait le résumé des ententes, notamment à l’égard du partage de l’immeuble. En défense, M. Bouvier a soutenu qu’un contrat, dont les modalités auraient été prévues dans le résumé, était intervenu entre les parties lors de la médiation. Madame Bisaillon a nié l’existence de ce contrat et s’est opposée à l’admission en preuve du résumé, au motif qu’il était protégé par la confidentialité du processus de médiation.
[4]                              Le juge de première instance a rejeté l’objection de Mme Bisaillon en se fondant, entre autres, sur l’arrêt Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, [2014] 1 R.C.S. 800, une affaire de médiation commerciale, et il a conclu à l’existence entre les parties d’un contrat portant notamment sur les droits dans la résidence. La Cour d’appel a rejeté à l’unanimité le pourvoi de Mme Bisaillon, mais les juges n’étaient pas tous du même avis quant à l’application des principes énoncés dans Union Carbide au contexte de la médiation familiale. Madame Bisaillon a décidé de ne pas appeler de la décision de la Cour d’appel.
[5]                              L’Association de médiation familiale du Québec a obtenu de notre Cour la permission d’être substituée en tant que partie appelante en vue de faire valoir l’objection de Mme Bisaillon et de faire infirmer l’arrêt de la Cour d’appel. L’Association soutient que les discussions tenues lors d’une médiation familiale, ainsi que le résumé des ententes préparé par le médiateur, sont protégés par une règle de confidentialité absolue qui serait nécessaire au fonctionnement juste et efficace d’une telle procédure. Sans cette confidentialité, la médiation comporterait des risques pour les conjoints vulnérables.
[6]                              Je ne partage pas l’avis de l’Association sur ce point. Certes, la confidentialité est nécessaire dans toute médiation pour permettre des échanges francs entre les parties en vue d’encourager les règlements. Il est également vrai que, contrairement à ce qui est le cas lors d’une médiation civile ou commerciale, les négociations qui suivent une rupture ont souvent lieu dans une période de bouleversements personnels qui peuvent accentuer la vulnérabilité de l’un ou l’autre des conjoints. Toutefois, la protection des personnes vulnérables est assurée non pas par une confidentialité absolue, mais par un ensemble de normes spéciales — certaines d’origine législative, d’autres consacrées par les usages de la pratique et dans le contrat‑type de médiation — qui offre des « garanties procédurales » aux conjoints, parents et enfants, tout en assurant la protection de l’ordre public (j’emprunte l’expression « garantie procédurale » à J.‑F. Roberge, La justice participative : Fondements et cadre juridique (2017), p. 106).
[7]                              La mise en œuvre de ces garanties relève principalement des deux acteurs qui sont par ailleurs absents de la médiation civile et commerciale : le médiateur familial accrédité par l’État et choisi par les parties aux termes du contrat‑type de médiation, et le juge appelé à entériner l’entente éventuelle issue de la médiation familiale. Ces deux acteurs jouent un rôle clé dans la protection des parties plus vulnérables, rôle qui est propre à cette forme de médiation en ce qu’il permet d’atténuer les risques liés à l’absence de conseillers juridiques pendant les séances de médiation familiale.
[8]                              Compte tenu de l’importance des garanties procédurales inhérentes à la médiation familiale, je suis respectueusement d’avis qu’il est erroné d’insister sur le caractère absolu de la confidentialité. Une règle de confidentialité absolue risquerait non seulement de détourner la médiation familiale de ses fondements participatifs et consensuels, mais également de miner l’adhésion des parties à ce mode de règlement de leur différend, voire au règlement lui-même. Le rejet de l’exception relative aux règlements reconnue par notre Cour dans l’arrêt Union Carbide, au profit d’une confidentialité absolue, porterait atteinte à l’objectif primordial de la médiation familiale, c’est‑à‑dire arriver à une entente réglant un différend né ou appréhendé. De surcroît, l’interprétation du contrat‑type de médiation largement utilisé au Québec, tout comme celle du contrat qu’ont signé les conjoints en l’espèce, mène à la conclusion que les parties à un tel processus n’excluent pas d’emblée l’exception relative aux règlements d’Union Carbide. Ainsi, lorsque des conjoints parviennent à un règlement au terme d’un processus de médiation régi par le contrat‑type, l’exception relative aux règlements peut s’appliquer et leur permettre de déposer en preuve les échanges qui sont nécessaires pour établir l’existence ou les modalités de leur entente.
[9]                              Bien que l’exception relative aux règlements soit applicable à la médiation familiale telle qu’encadrée par le régime du contrat‑type, la preuve qu’une entente est effectivement intervenue entre les parties doit néanmoins être faite selon les règles du droit de la preuve. Il y a lieu de mettre fin à une controverse qui perturbe la médiation familiale au Québec depuis de longues années : le résumé des ententes remis aux parties par le médiateur au terme du processus de médiation familiale n’est pas un contrat permettant de faire la preuve d’une telle entente, mais un simple outil de travail pour les conjoints. Préparé par le médiateur sur la base des échanges qui ont eu lieu entre les conjoints durant la médiation, le résumé des ententes ne permet pas de satisfaire à l’exigence relative à l’accord de volontés qui est nécessaire à la formation d’un contrat valide, puisque, au moment de sa remise aux parties, il ne reflète pas l’expression d’offres et d’acceptations fermes des conjoints de s’engager par contrat. Cela dit, rien n’empêche les parties de conclure un contrat dont les modalités reflètent en tous points celles consignées par le médiateur au résumé des ententes. Elles pourront le faire en signant le résumé des ententes, ou en exprimant leur consentement de manière explicite ou tacite après la remise du résumé. Étant encouragées à obtenir un avis juridique indépendant après la remise de ce document, les parties peuvent également décider de s’engager contractuellement selon des modalités différentes, ou de ne pas s’engager du tout. Quoi qu’il en soit, le résumé des ententes non signé, ainsi remis aux conjoints, ne constitue pas un contrat, étant donné qu’il n’est pas un acte juridique résultant d’un accord de volontés entre les conjoints qui est destiné à produire des effets de droit. À ce titre et sous réserve de la règle de preuve prévue à l’art. 2859 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »), qui limite les pouvoirs du tribunal de soulever d’office des moyens d’irrecevabilité, le résumé non signé est un simple écrit et n’est généralement pas admissible pour prouver l’existence d’une entente issue de la médiation.
[10]                          Dans le présent cas, le juge de première instance a eu raison de conclure que les parties, par leurs échanges postérieurs aux séances de médiation, ont manifesté leur volonté d’être liées contractuellement. Même en faisant abstraction du résumé des ententes, leur témoignage portant sur leurs échanges pendant la médiation et la preuve quant à leurs échanges postérieurs à celle-ci étaient admissibles et permettaient de prouver l’existence et les modalités d’un règlement, en vertu des principes exposés dans Union Carbide et en l’absence d’objection fondée sur les règles de preuve applicables. Les parties ont procédé à un échange de consentement après la remise du résumé et conclu une entente ayant force obligatoire entre elles qui, dans les circonstances de l’espèce, reflétait les modalités consignées au résumé. Je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi.
II.            Contexte
[11]                          Madame Bisaillon et Monsieur Bouvier ont vécu en union de fait d’avril 2009 à juillet 2012. Ils ont eu deux enfants, nés en 2009 et 2011. En 2010, ils achètent une résidence pour la famille. L’acte notarié prévoit que les conjoints sont copropriétaires indivis à parts égales de cet immeuble. Monsieur Bouvier s’engage à payer les frais, tant et aussi longtemps que Mme Bisaillon ne travaillera pas et s’occupera des enfants. Par la suite, ils diviseront ces frais à parts égales. Les conjoints ne s’entendent pas quant à leur contribution respective au prix d’acquisition de la résidence et au coût des rénovations apportées à celle-ci.
[12]                          En juillet 2012, ils mettent fin à leur relation. Entre août et décembre 2012, Mme Bisaillon et M. Bouvier participent à un processus de médiation familiale concernant la garde et les aliments des enfants, le sort de la résidence de la famille ainsi qu’une éventuelle compensation pour Mme Bisaillon en raison du temps qu’elle a consacré à s’occuper des enfants au lieu de poursuivre sa carrière. Les parties signent le contrat de médiation proposé par le médiateur, lequel est largement calqué sur le contrat‑type établi par le COAMF.
[13]                          La clause 1 de leur contrat de médiation prévoit que l’objectif poursuivi dans le cadre de leur démarche est d’arriver à une entente :
1.  Nous soussignés, comprenons que la médiation a pour but de permettre à des conjoints qui sont séparés, divorcés ou qui ont pris la décision de ne plus vivre ensemble, d’en arriver à une entente quant à l’exercice de l’autorité parentale, l’accès et la résidence des enfants, les responsabilités financières, le partage des biens familiaux et le règlement du régime matrimonial, le cas échéant.
 
(d.a., p. 94)
[14]                          La clause 2 consacre cet objectif, en précisant les sujets sur lesquels porte le différend. Les conjoints stipulent, à la cl. 3, que le rôle du médiateur est de les aider à « négocier une entente ». La clause 4 prévoit que la discussion entre les conjoints se fait dans un « climat de coopération » et que chacun « travaillera à trouver des solutions qui seront d’intérêt mutuel et plus particulièrement dans le meilleur intérêt des enfants ». La clause 8 porte sur la confidentialité de la médiation :
8.  Nous reconnaissons que le contenu de nos rencontres, des entrevues et de notre dossier est confidentiel. Nous nous engageons à ne pas utiliser en preuve devant un tribunal tout document contenu au dossier incluant le résumé des ententes, sans le consentement des deux parties. Le médiateur ne peut communiquer ces informations à qui que ce soit, sauf lorsque la loi l’ordonne expressément.
 
(d.a., p. 95)
[15]                        Au terme des cinq séances de médiation entre M. Bouvier et Mme Bisaillon, le médiateur rédige un résumé des ententes, comme le prévoient le contrat de médiation ainsi que les directives du Guide. Ce résumé vise à faire état des consensus issus de la médiation. Reprenant la formule du contrat‑type, la cl. 10 de leur contrat de médiation en traite ainsi :
10.  Nous sommes informés que le résumé des ententes préparé à la fin de la médiation, le cas échéant, ne constituera ni un document légal ni une entente exécutoire. Il servira aux conseillers juridiques qui seront retenus pour préparer les documents légaux appropriés. Nous sommes également informés que la signature du résumé des ententes produit des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est préférable d’obtenir un avis juridique indépendant av[ant] de procéder à la signature.
 
(d.a., p. 95)
[16]                          Le résumé des ententes comporte un rappel de la confidentialité des documents se rapportant à la médiation, « incluant le présent résumé des ententes de médiation », et de l’engagement de ne pas utiliser ce résumé en preuve devant un tribunal sans le consentement des deux parties.
[17]                          Les parties n’ont pas signé le résumé des ententes et n’ont jamais fait homologuer d’entente se rapportant à leur union par un tribunal.
[18]                          Au cours de l’année 2013, M. Bouvier émet trois chèques à l’intention de Mme Bisaillon, dont deux mentionnent explicitement la « médiation ». Madame Bisaillon les encaisse. Dans un échange de courriels concernant les enfants, les parties font allusion aux modalités d’un arrangement établi entre elles lors de la médiation. Dans les deux derniers courriels envoyés par Mme Bisaillon à M. Bouvier, elle nie l’existence de toute entente entre eux.
[19]                          En octobre 2014, Mme Bisaillon dépose une demande en justice afin d’obtenir le partage en parts égales de leur ancienne résidence par vente sous contrôle de justice. Monsieur Bouvier produit une défense ainsi qu’une demande reconventionnelle dans laquelle il soutient que le résumé des ententes — lequel statuait sur le sort de la résidence — constitue un contrat de transaction, au sens du Code civil du Québec, dont il demande l’homologation. À son avis, la demande sollicitant un partage égal ne reflète pas l’entente conclue au terme de la médiation, telle que consignée dans le résumé des ententes.
[20]                          En guise de réponse, Mme Bisaillon soulève un moyen d’irrecevabilité, soutenant que le résumé des ententes ne peut être admis en preuve puisqu’il est confidentiel selon le contrat de médiation intervenu entre les parties. Elle allègue qu’il n’y a jamais eu d’entente ayant force obligatoire entre les parties.
III.         Historique judiciaire
A.           Cour supérieure du Québec, 2017 QCCS 3788 (le juge Moore)
[21]                        Dans un jugement rendu en cours d’instance, la Cour supérieure rejette le moyen d’irrecevabilité de Mme Bisaillon (2015 QCCS 5019). Pour la juge Nantel, la règle de confidentialité applicable à la médiation ne rend pas le résumé des ententes inadmissible en preuve. Elle est d’avis que Mme Bisaillon a agi comme s’il y avait une entente obligatoire entre les parties, et qu’elle ne s’est pas opposée à son exécution partielle. Il en résulte qu’elle a renoncé à la confidentialité et, par conséquent, que le résumé des ententes est admissible en preuve.
[22]                        Statuant sur le fond du litige, le juge Moore, maintenant juge de la Cour d’appel, rejette la demande de partage de la résidence présentée par Mme Bisaillon. Il rejette aussi la demande reconventionnelle en homologation de transaction de M. Bouvier. Toutefois, il constate l’existence d’une entente concernant le partage de la résidence, datée du jour où le médiateur a remis le résumé aux parties.
[23]                        Saisi aux mérites de la question de l’admissibilité en preuve du résumé des ententes, le juge de première instance reconnaît qu’un tel document est, en principe, soumis à la règle de la confidentialité. Or, à l’instar de la juge Nantel, le juge Moore explique que les parties peuvent y renoncer implicitement. Prenant note de l’encaissement des trois chèques par Mme Bisaillon et de l’échange de courriels entre les parties, le juge de première instance conclut que les parties ont renoncé à la confidentialité « en exécutant et invoquant l’entente intervenue » (par. 39 (CanLII)).
[24]                        D’autant plus, en vertu de l’exception au privilège relatif aux règlements, l’arrêt Union Carbide permet l’admission de la preuve nécessaire pour démontrer l’existence et les modalités d’un règlement. Le juge rejette donc l’objection de Mme Bisaillon et admet en preuve le résumé des ententes, ainsi que tout autre élément permettant d’établir l’existence de cette entente.
[25]                          Toutefois, il se garde d’homologuer l’entente en tant que transaction, notant qu’en matière d’aliments et de garde d’enfants, une entente portant sur des questions d’ordre public ne peut constituer une transaction au sens du Code civil du Québec. En conséquence, même si la demande reconventionnelle de M. Bouvier ne vise que le partage d’un immeuble, le juge préfère constater l’existence d’une entente globale et en ordonner l’exécution quant au partage de l’immeuble.
B.            Cour d’appel du Québec, 2020 QCCA 115 (les juges Doyon, Hogue et Roy)
[26]                        Madame Bisaillon porte le jugement de la Cour supérieure en appel. Elle s’attaque principalement à la conclusion du premier juge voulant qu’elle ait renoncé à la confidentialité du processus de médiation ainsi qu’à sa décision d’admettre le résumé des ententes en preuve.
[27]                        Siégeant seul, le juge Vauclair accorde à l’Association la permission d’intervenir au pourvoi à titre amical, étant d’avis que le litige soulève notamment « une question importante d’intérêt public » ayant trait à la confidentialité du processus de médiation familiale (2017 QCCA 1793, par. 2 (CanLII)). Il lui permet de « déposer un exposé visant à éclairer la Cour sur la nature et la portée juridique des discussions et du résumé des ententes de médiation » (par. 4).
[28]                        La Cour d’appel, à l’unanimité, rejette le pourvoi quant au fond. La juge Hogue rédige des motifs auxquels souscrit la juge Roy; le juge Doyon signe des motifs concordants.
[29]                        Après avoir fait un survol du cadre juridique de la médiation familiale, la juge Hogue rappelle que le processus est confidentiel en raison du privilège relatif aux règlements, lequel protège les échanges entre les parties qui cherchent à régler un différend. Citant l’arrêt Union Carbide, elle explique que l’exception relative aux règlements permet la divulgation des échanges malgré la confidentialité, lorsque cela est nécessaire pour faire la preuve de l’existence d’une entente ou de son étendue.
[30]                        De l’avis de la juge Hogue, les parties ont confirmé l’application du privilège par leur contrat de médiation mais n’ont pas écarté l’exception relative aux règlements, bien qu’elles aient été libres de le faire. Elle rejette aussi l’argument voulant que le caractère familial de la médiation empêche l’application de l’exception. Puisque la finalité de la médiation familiale est la même que celle de la médiation civile — c’est‑à‑dire de prévenir ou régler un différend par la conclusion d’une entente librement négociée — les principes établis dans Union Carbide sont tout aussi valables en cette matière. Ainsi, le premier juge a eu raison de rejeter les objections de Mme Bisaillon fondées sur la confidentialité.
[31]                        La juge Hogue estime toutefois qu’un autre moyen d’irrecevabilité aurait permis à Mme Bisaillon de s’opposer à la production du résumé des ententes. Étant un simple écrit et non un contrat, un résumé non signé ne peut être admis en preuve pour prouver un acte juridique. Ce moyen n’a pas été soulevé par Mme Bisaillon et il n’appartenait pas au juge de première instance d’y suppléer d’office (art. 2859 C.c.Q.). Quoi qu’il en soit, eu égard aux faits de l’espèce, cette objection n’aurait rien changé puisque la preuve testimoniale et le comportement des parties après la médiation auraient néanmoins permis d’établir l’existence d’une entente ayant force obligatoire, et ce, même en l’absence du résumé des ententes.
[32]                        Dans ses motifs concordants, le juge Doyon écrit que l’exception relative aux règlements reconnue dans Union Carbide n’est pas applicable en matière familiale, sauf s’il est démontré que c’était le vœu des parties. Contrairement à la médiation civile ou commerciale, la médiation familiale ne permet pas au citoyen d’être représenté par un conseiller juridique pendant les séances de médiation. Il serait donc illusoire qu’un profane, qui est par ailleurs en processus de séparation ou de divorce, comprenne la subtilité de l’exception relative aux règlements.
[33]                        Dans les faits de l’espèce, toutefois, le juge Doyon conclut que les échanges de courriels et de chèques survenus après la médiation constituent soit la reconnaissance de l’existence d’une entente, soit une renonciation implicite à cette confidentialité. Tout comme la juge Hogue et le premier juge, il est d’avis que la preuve testimoniale et écrite démontre l’existence d’une entente entre les parties.
IV.         Question en litige et moyens d’appel
[34]                          Le pourvoi soulève la question de savoir si l’exception au privilège relatif aux règlements permettant d’établir l’existence ou la portée d’un règlement, exception reconnue par notre Cour dans l’arrêt Union Carbide, s’applique dans le contexte de la médiation familiale. Plus précisément, notre Cour est appelée à décider si le processus de médiation familiale mis en place par le législateur et encadré, comme en l’espèce, par le régime du contrat‑type du COAMF, exclut l’exception reconnue dans cet arrêt.
[35]                          Selon l’Association, la confidentialité est absolue en médiation familiale, de sorte que l’exception doit être exclue dès la signature du contrat de médiation, sauf si les parties prévoient qu’elle s’applique. Elle demande à la Cour de tirer cette conclusion en raison de la nature particulière de la médiation familiale et de la protection qu’elle doit conférer aux personnes vulnérables. L’Association soutient aussi que le résumé des ententes préparé par le médiateur ainsi que le témoignage des parties ne peuvent être admis en preuve pour démontrer l’existence ou les modalités d’un règlement découlant de la médiation familiale. Elle plaide par ailleurs que le résumé des ententes ne constitue pas un contrat mais un simple outil de travail.
[36]                          Je note que les parties se réfèrent généralement au nouveau Code de procédure civile dans leurs mémoires mais aussi, à l’occasion, à l’ancien Code de procédure civile, RLRQ, c. C‑25 (« a.C.p.c. »). Lorsqu’on tient compte des usages et pratiques propres au régime du contrat‑type en jeu, on constate que les normes pertinentes sous le nouveau Code sont à bien des égards semblables aux sources du droit maintenant réformé (le Guide 2016 mentionne que « [l]e nouveau Code de procédure civile intègre en grande partie [. . .] le contenu du guide de normes élaboré par le COAMF il y a plus de 15 ans » (page d’avertissement)). C’est le cas pour le principe de la confidentialité des modes privés de prévention et de règlement des différends, autrefois prévu à l’art. 815.3 a.C.p.c., qui est désormais consacré comme principe général à l’art. 4 n.C.p.c. et complété par les art. 606 et 607 n.C.p.c., ainsi que par l’art. 617 n.C.p.c. en ce qui concerne la médiation familiale spécifiquement. Bien qu’intimement liée au droit de la procédure civile, l’issue du litige dépend toutefois de l’application à la médiation familiale d’une règle jurisprudentielle de preuve élaborée dans l’arrêt Union Carbide, question qui se pose tant sous le nouveau Code de procédure que sous l’ancien.
V.           Analyse
[37]                          Pour comprendre si les conjoints ont effectivement exclu l’exception au privilège leur permettant de faire la preuve d’une entente ou de ses modalités, il importe d’abord de se pencher sur la place qu’occupe la médiation dans le système de justice civile et de s’attarder à la spécificité de la médiation familiale (A). Il convient ensuite de rappeler que les parties à la médiation familiale bénéficient de garanties procédurales additionnelles permettant de protéger les conjoints (B). Compte tenu de la nature même de la médiation familiale, de ces garanties procédurales, ainsi que de la teneur du contrat‑type, il n’est pas nécessaire ni souhaitable, pour la protection des parties vulnérables, d’établir une règle de confidentialité absolue ni de s’écarter de la règle établie dans l’arrêt Union Carbide ayant trait à l’exception relative aux règlements. Écarter systématiquement l’exception en matière de médiation familiale porterait atteinte à l’objectif principal du processus, soit la conclusion d’un règlement. Par ailleurs, on ne peut interpréter le contrat‑type du COAMF, tel qu’il a été repris par les parties en l’espèce, comme excluant l’exception (C). Au regard des faits de la présente affaire, les parties pouvaient faire la preuve de l’existence d’une entente ou de ses modalités en invoquant, dans la mesure nécessaire et sous réserve des règles du droit commun de la preuve, ce qui a été dit, écrit ou fait dans le cadre de la médiation (D).
A.           La médiation familiale est un mode privé de prévention et de règlement des différends qui fait partie intégrante de la justice civile
(1)         Les sources du droit de la médiation familiale
[38]                          Les deux parties affirment que la nature même de la médiation familiale soutient leurs positions respectives. Cette contradiction apparente s’explique en partie du fait que les sources du droit de la médiation familiale sont parfois difficiles à cerner et, à première vue, quelque peu disparates. On compte parmi ces sources la loi et les règlements, la volonté des parties telle qu’exprimée dans leur contrat de médiation, ainsi que les pratiques et les usages dans le domaine, dont les normes exposées dans le contrat‑type et dans le Guide destiné aux médiateurs accrédités.
[39]                          Premièrement, il convient de distinguer le droit général de la médiation civile — un ensemble de normes d’application générale pour toute médiation — et le droit spécial de la médiation familiale, applicable à la catégorie de médiation qui vise le règlement d’un différend entre conjoints ou parents. Largement encadré par des règles d’ordre public énoncées dans le Code civil du Québec, le Code de procédure civile et le Règlement sur la médiation familiale, RLRQ, c. C‑25.01, r. 07 (« Règlement »), le droit spécial de la médiation familiale vise à bien des égards à reconnaître que pour les conjoints, la négociation d’une entente éventuelle a lieu « à l’une des étapes les plus chargées d’émotions de leur relation » (Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295, par. 40).
[40]                          Deuxièmement, la médiation familiale est fortement influencée par la pratique contractuelle et les usages établis dans le domaine depuis environ trente ans au Québec. Les usages en médiation familiale sont en partie consignés dans le Guide préparé par le COAMF[1]. Le Guide précise que les normes de pratique ont été élaborées « [e]n vue d’assurer de hauts standards de pratique ainsi qu’une harmonisation dans la qualité de la pratique de la médiation familiale » (Guide 2016, p. 5; Guide 2012, p. 5), et que, sans avoir force de loi, elles orientent néanmoins l’exercice professionnel en médiation familiale à titre de « forme d’autoréglementation spécifique à ce secteur de pratique » (Guide 2016, p. 6; Guide 2012, p. 5). Le médiateur familial accrédité « doit informer ses clients de l’existence de [ces] normes » (Guide 2016, p. 7; Guide 2012, p. 5).
[41]                          S’ajoutent à cela les normes consacrées dans le contrat‑type de médiation familiale annexé au Guide et proposé comme modèle aux médiateurs accrédités. Souvent adopté par les conjoints, comme cela a été fait en l’espèce, ce contrat‑type encadre plusieurs aspects de la médiation familiale qui ne sont pas autrement prévus dans la loi, par exemple le devoir du médiateur de préparer un « résumé des ententes » en tant qu’outil « pour susciter la réflexion et pour orienter toutes démarches juridiques futures » (Guide 2016, p. 36; Guide 2012, p. 32). Le contrat‑type comporte aussi des protections additionnelles destinées à tenir compte de certaines vulnérabilités des parties qui sont propres à la médiation familiale.
(2)         La médiation familiale : une forme de justice civile participative et consensuelle ayant pour objectif primordial la conclusion d’une entente réglant un différend
[42]                          L’Association affirme que le contexte particulier de la médiation familiale, notamment la vulnérabilité des parties, la distingue de la médiation commerciale et civile. Elle en déduit que le régime de confidentialité exposé dans Union Carbide est mal adapté au contexte familial, qui exige une confidentialité qu’elle qualifie d’étanche ou d’absolue.
[43]                          La médiation au sens large est un « processus de décision à la suite d’un dialogue et d’une négociation assistée ou facilité[e] par un tiers neutre et impartial, sans pouvoir décisionnel, librement choisi par les parties en vue de régler une situation problématique de façon amiable et mutuellement acceptable et, idéalement, rétablir ou bonifier la relation » (J.‑F. Roberge, La justice participative : Changer le milieu juridique par une culture intégrative de règlement des différends (2011), p. 66; voir aussi P.‑C. Lafond et M. Thériault, « La médiation », dans P.‑C. Lafond, dir., Régler autrement les différends (2e éd. 2018), 103, no 3‑1). Il s’agit d’un processus confidentiel qui favorise les échanges libres et transparents entre les parties. Certes, la médiation familiale survient dans un contexte unique, souvent chargé et émotif, dont le droit de la médiation doit tenir compte. Ceci dit, je ne suis pas d’avis que la médiation familiale soit intrinsèquement différente de la médiation civile ou commerciale quant à son objectif primordial, soit la prévention d’un différend appréhendé ou le règlement d’un différend né.
[44]                          Tout comme en médiation civile ou commerciale, la conclusion d’une entente réglant le différend entre les parties est l’objectif qui définit la médiation familiale en tant que mode de justice civile (voir art. 605 et 613 n.C.p.c.; voir aussi art. 151.16 a.C.p.c.). Selon le Guide 2012, « [l]e but de la médiation familiale est de permettre aux conjoints/parents d’en arriver à une entente équitable faisant l’objet d’un consentement libre et éclairé de part et d’autre » (p. 6). Le contrat‑type de médiation familiale, qui fait l’objet du présent pourvoi, confirme cette vocation : il prévoit que le but de la médiation est de permettre aux conjoints « d’en arriver à une entente » quant aux différents aspects du conflit, tel qu’ils l’ont eux-mêmes défini (cl. 1 et 2; Guide 2016, p. 30; Guide 2012, p. 26). L’accent est mis sur le « consensus des conjoints/parents quant aux objets soumis à la médiation » (Guide 2016, p. 24; Guide 2012, p. 20). Le médiateur familial ne dicte donc pas l’issue de la médiation. Il facilite les négociations des parties en vue de favoriser « l’élaboration d’une entente adaptée à leurs besoins et ceux des enfants » (Guide 2016, p. 8; Guide 2012, p. 6; voir aussi contrat‑type, cl. 3; Guide 2016, p. 30; Guide 2012, p. 26). En raison de son caractère participatif et consensuel, la médiation est donc reconnue comme particulièrement bien adaptée à la résolution des différends en matière familiale (voir, p. ex., Comité consultatif sur le droit de la famille, Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales (2015), p. 81; Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, L’accès à la justice en matière civile et familiale : une feuille de route pour le changement (2013), p. 12 et 22). Qu’elle soit familiale, civile ou commerciale, la médiation peut également viser la prévention d’un différend (P. Noreau, Droit préventif : le droit au-delà de la loi (éd. aug. 2016), p. 111‑112; L. Marquis, Droit de la prévention et du règlement des différends (PRD) : Principes et fondements — Une analyse dans la perspective du nouveau Code de procédure civile du Québec (2015), p. 42). Il s’agit d’une composante relevant de la définition même des modes de prévention et de règlement des différends. Quoi qu’il en soit, la médiation aura toujours pour objectif de s’attaquer au différend, qu’il soit né ou à naître. En l’absence de différend, la médiation perd sa raison d’être.
[45]                          Dans certaines circonstances, notamment lorsque les parties qui sont aux prises avec un différend sont amenées à maintenir une relation à plus long terme, elles pourront utiliser la médiation pour assainir le dialogue entre elles et prévenir les conflits au-delà de leur différend ponctuel. À titre d’exemple, la médiation familiale peut viser « l[e] maintien d’une relation continue et prolongée dans des cas où les parties sont précisément appelées à maintenir leurs rapports, soit en tant qu’anciens conjoints, soit en tant que parents » (Noreau, p. 112‑113). Ce mode de prévention et de règlement des différends s’harmonise particulièrement bien avec le droit de la famille, puisque certains aspects négociés, par exemple, la prise en charge des enfants, s’inscrivent dans une logique de continuité plutôt que de rupture complète (M.‑C. Belleau et G. Talbot‑Lachance, « La valeur juridique des ententes issues de la médiation familiale : présentation des mésententes doctrinales et jurisprudentielles » (2008), 49 C. de D. 607, p. 612 et 614‑615).
[46]                          Mais la dimension relationnelle de la médiation familiale et cette vocation dite transformative ne sont pas des phénomènes qui lui sont propres (voir M. Shea et S. Clairmont, « Le droit collaboratif : la diversification de la pratique », dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, vol. 259, Développements récents en justice participative : la diversification de la pratique de l’avocat (2006), 105, p. 130). La médiation civile procède de cette même logique, par exemple en matière de troubles de voisinage ou de conflits entre copropriétaires. Elle permet aux parties, en même temps qu’elles règlent leur différend, de « refaçonner leur relation » afin de « préserver une relation future », puisque « les voisins demeureront des voisins et devront continuer de vivre côte à côte » (P.‑C. Lafond, « Les troubles de voisinage, la médiation et le notaire », [2018] 1 C.P. du N. 81, p. 95‑96). De la même manière, étant donné que les copropriétaires seront appelés à se côtoyer régulièrement suivant le règlement d’un différend, « il est également essentiel que soit préservée et maintenue, dans le temps, la relation “personnelle” » entre les individus que le différend oppose (S. Chianetta, « Médiation et arbitrage en copropriété », dans Service de la qualité de la profession du Barreau du Québec, vol. 447, Développements récents en droit de la copropriété divise (2018), 275, p. 325). De même, en droit de l’emploi, la médiation civile permet de désamorcer les conflits interpersonnels entre collègues, dans une perspective d’« assainissement de la relation » et afin de leur offrir un « espace de discussion sécurisant » permettant de « rétablir leur relation » (M. Flynn, « Les facettes méconnues de la médiation en 2016 », dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, vol. 422, Développements récents en matière de cessation d’emploi et d’indemnités de départ (2016), 75, p. 85).
[47]                          Cette logique relationnelle peut aussi caractériser la médiation commerciale. Notamment, elle peut constituer une facette du règlement des différends entre franchiseurs et franchisés, alors que des personnes morales tentent, au-delà d’un différend ponctuel, de « maintenir, et même de renforcer, la qualité de la relation et des communications » entre elles (J. H. Gagnon, « Les meilleurs outils et pratiques de règlement des différends en franchisage depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile », dans Service de la formation continue du Barreau du Québec, vol. 420, Développements récents en droit de la franchise (2016), 1, p. 31). L’article 605 n.C.p.c. prévoit justement que, en plus d’aider les parties à conclure une entente, le médiateur doit favoriser le dialogue et la communication des besoins mutuels, et ce, dans tout type de médiation.
[48]                          Il ne faut certes pas faire d’amalgames entre les enjeux d’ordre public soulevés en matière familiale et les conflits civils et commerciaux, mais force est de constater que la dimension relationnelle du règlement des différends n’est pas l’apanage de la médiation familiale. Dans toute forme de médiation, le dialogue établi en vue de conclure un règlement constitue un mécanisme d’apaisement du conflit relationnel. Par conséquent, il est essentiel d’outiller les parties pour qu’elles puissent mettre en œuvre leur compromis et, qu’elles parviennent ou non à un règlement, pour qu’elles puissent entretenir leur relation dans l’avenir.
[49]                          Également, tout comme les autres types de médiation, la médiation familiale se caractérise par « l’autodétermination » du processus, c’est‑à‑dire que les parties choisissent ensemble le mode de justice qui leur permet de résoudre leur différend dans un esprit de coopération, malgré le conflit qui subsiste entre elles (M.‑C. Belleau, « La médiation familiale au Québec : une approche volontaire, globale, interdisciplinaire et accessible », dans Lafond, Régler autrement les différends, 299, no 8‑12; voir aussi l’art. 2 n.C.p.c.; J.‑G. Belley, « Une justice de la seconde modernité : proposition de principes généraux pour le prochain Code de procédure civile » (2001), 46 R.D. McGill 317, p. 360‑363). En effet, la médiation repose sur une « culture de l’entente » (Roberge (2017), p. 8; voir aussi Marquis, p. 90). Cette culture de l’entente s’exprime en deux temps, d’abord par l’élaboration consensuelle d’un processus de règlement du différend via le contrat de médiation lui‑même, puis, le cas échéant, par l’élaboration d’une entente ayant pour objectif de mettre fin au différend, via le contrat de règlement. Le premier contrat vise à créer le cadre dans lequel les parties pourront conclure le second. Son interprétation permet de déterminer comment les parties pourront prouver l’existence et la portée du second contrat qui consacre, le cas échéant, le règlement de leur conflit.
[50]                          Il est vrai, comme le souligne l’Association, que le droit spécial de la médiation familiale se distingue du droit général de la médiation en ce qu’il ne permet pas aux parties d’être accompagnées de conseillers juridiques durant les séances de médiation (art. 617 al. 1 n.C.p.c.; voir aussi art. 814.7 a.C.p.c.). Or, l’absence d’avocats pendant les séances n’est pas incompatible avec cette idée de justice participative et cette culture de l’entente.
[51]                          En écartant la présence de conseillers juridiques pendant les séances de médiation familiale, le législateur vise justement à assurer « que la parole soit vraiment donnée aux parties » (Ministère de la Justice, Commentaires de la ministre de la Justice : Code de procédure civile, chapitre C‑25.01 (2015), art. 617). L’autrice Belleau écrit que la médiation familiale est fondée sur un modèle d’« empowerment », permettant aux conjoints de prendre en charge le mode de règlement qui les concerne; ce sont d’abord et avant tout eux qui ont la parole, plutôt qu’un tiers décideur ou des avocats interposés (no 8‑8). On cherche ainsi à faciliter la coopération future entre eux et à les responsabiliser face à leur engagement éventuel (voir Noreau, p. 112‑113). Les auteurs soulignent que la médiation est particulièrement bien adaptée aux conflits familiaux, « car elle permet de rétablir une meilleure communication entre les conjoints et de préserver leur relation dans l’avenir dans le cas où il y a des enfants » (Lafond et Thériault, no 3‑39). Par ailleurs, des études démontrent que les conjoints sont plus susceptibles d’adhérer à un règlement qu’ils ont activement confectionné (G. A. Legault, « La médiation et l’éthique appliquée en réponse aux limites du droit » (2002‑2003), 33 R.D.U.S. 153).
[52]                          Finalement, la mise en vigueur du nouveau Code de procédure civile en 2016 a permis d’élever les modes de prévention et de règlement des différends — dont la médiation familiale — « à titre de procédés de justice de même importance » que le processus judiciaire traditionnel (L. Chamberland, dir., Le grand collectif : Code de procédure civile — Commentaires et annotations (5e éd. 2020), p. 8; Commentaires de la ministre de la Justice, art. 1). Ce virage important dans la culture judiciaire québécoise est explicitement entrepris par le législateur comme mesure « d’accès à la justice », visant à rendre le système « beaucoup plus accessible, plus rapide, moins lourd, moins coûteux » (Le grand collectif, p. 8‑9, citant les propos de l’ancien ministre Bertrand St‑Arnaud; voir aussi Roberge (2017), p. 36; Comité de révision de la procédure civile, Une nouvelle culture judiciaire (2001), p. 34). Bien entendu, la question de la qualité relative de la justice assurée par les modes privés de règlement et de prévention des différends par rapport à celle rendue par les tribunaux traditionnels dépasse le cadre de cet appel. Il demeure néanmoins clair que la médiation facilite l’accès aux règlements en matière familiale et qu’il s’agit d’un mode de règlement des différends non seulement permis, mais encouragé. D’ailleurs, l’État favorise l’accès abordable au règlement des différends, par le biais du service de médiation familiale offert par le gouvernement du Québec, en rendant gratuites la séance d’information et cinq séances de médiation familiale lorsque l’intérêt des enfants est en jeu. Outre ces séances pleinement subventionnées, les honoraires des médiateurs accrédités demeurent fixés par règlement (voir Règlement, art. 10 et 10.1; voir aussi, quand les conjoints n’ont pas d’enfants communs à charge, Règlement concernant un projet pilote de médiation familiale pour les couples sans enfant commun à charge, RLRQ, c. C‑25.01, r. 6.1).
B.            La protection des intérêts des conjoints, parents et enfants dans le cadre de la médiation familiale
[53]                        L’Association affirme qu’il existe un risque de dérive sérieux pour une partie vulnérable lors du règlement des différends en matière familiale, risque qui est d’un autre ordre qu’en médiation civile ou commerciale. Dans l’arrêt Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303, une affaire portant sur la validité de contrats négociés entre conjoints à la suite d’un divorce, les juges Bastarache et Arbour soulignent que les négociations entamées lors d’une rupture peuvent rendre les parties particulièrement vulnérables. « Contrairement aux acteurs économiques émotivement neutres des négociations commerciales, » écrivent‑ils, « les couples qui divorcent apportent inévitablement à la table des négociations une multitude d’émotions et de préoccupations qui ne cadrent manifestement pas avec la prise de décisions économiques rationnelles » (par. 74). Les juges mettent aussi en garde contre « le déséquilibre des forces » qui peut vicier le processus de négociation et signalent que l’absence de conseiller juridique dans ce contexte peut exacerber la vulnérabilité des parties (par. 83).
[54]                        Ces préoccupations sont légitimes. Bien que l’arrêt Miglin porte sur un divorce et que les parties dans cette affaire n’aient pas eu recours à la médiation, le problème de vulnérabilité qu’il soulève est réel et la médiation familiale n’est pas à l’abri de ce problème.
[55]                        Cependant, des garanties procédurales inhérentes à la médiation familiale, en tant que mécanisme de justice participative, permettent de contrecarrer cette vulnérabilité. Ces garanties proviennent à la fois de normes législatives — dont certaines sont d’ordre public — de la pratique de la médiation familiale, comme le démontre le Guide, et d’autres, de la volonté contractuelle des parties, telle qu’exprimée dans le contrat‑type. En adhérant volontairement à des contrats de médiation conférant des protections autrement ignorées par la loi, les parties sont donc elles‑mêmes responsables de la consécration de plusieurs garanties procédurales. Comme nous le verrons, la mise en œuvre de ces garanties est assurée par deux acteurs principaux : les médiateurs accrédités, et, dans certaines circonstances, les juges.
(1)         L’avis juridique indépendant
[56]                          S’appuyant sur les motifs concordants du juge Doyon de la Cour d’appel, l’Association soutient que la vulnérabilité des parties en médiation familiale est aggravée en raison de l’absence de conseillers juridiques indépendants lors des séances. Selon elle, il s’agit d’une préoccupation propre à la médiation familiale en raison des conséquences néfastes du déséquilibre des forces observé dans le cadre des accords entre conjoints intervenus au courant de leur rupture.
[57]                          Dans l’arrêt Miglin, la Cour a souligné que pour déterminer la validité d’un accord de séparation négocié par les conjoints, il est essentiel de prendre en compte la vulnérabilité de l’une ou l’autre des parties. Cette vulnérabilité peut être « effectivement compensée par la présence d’un avocat » lors de la négociation (par. 83).
[58]                          Il est vrai que, contrairement à un processus de négociation comme celui de l’arrêt Miglin, les parties à une médiation familiale n’ont pas la faculté de se faire assister par un avocat ou un notaire à l’occasion des séances. Cela n’empêche pas, toutefois, que la vulnérabilité des parties à une médiation familiale puisse être effectivement « compensée », car elles auront de multiples occasions d’obtenir des conseils juridiques. Notamment, rien n’empêche les parties de consulter un conseiller juridique avant d’entamer la médiation ou en cours de route (Belleau et Talbot‑Lachance, p. 618). Aussi, puisque la prohibition de recourir aux services de conseillers juridiques prévue à l’art. 617 n.C.p.c. ne s’applique qu’aux séances de médiation, les conjoints peuvent obtenir des conseils juridiques avant de signer leur contrat de médiation, entre autres pour les aider à comprendre les règles relatives à la confidentialité. De surcroît, le contrat‑type de médiation prévoit, dans ses addenda, que chaque conjoint se réserve le droit de recourir à un conseiller juridique « durant le processus de médiation » (Guide 2016, p. 34‑35; Guide 2012, p. 30‑31), et le contrat de médiation signé par les parties en l’espèce précise qu’avant de signer le résumé des ententes ou de le faire entériner, une consultation juridique indépendante est recommandée. En outre, comme l’a souligné la juge Hogue, « les médiateurs recommandent généralement aux parties de consulter un conseiller juridique avant de s’engager définitivement. Ce fut le cas en l’espèce » (motifs de la C.A., par. 72 (CanLII)). Ajoutons que les conjoints peuvent suspendre une séance pour consulter un avocat ou une autre personne, et que le médiateur a le devoir de « suggérer de prendre conseil auprès d’un juriste » s’il perçoit un « déséquilibre » entre les conjoints ou si un conjoint « s’apprête à négocier une entente inéquitable » (Guide 2012, p. 11; voir aussi Guide 2016, p. 13; art. 618 n.C.p.c.; art. 814.7 a.C.p.c.). L’absence de conseillers juridiques durant les séances est donc loin d’être fatale aux considérations d’équité en médiation familiale.
[59]                          Outre la possibilité de consulter un conseiller juridique à différents moments durant le processus, des garanties procédurales inhérentes à la médiation familiale permettent aussi de « compenser » l’exclusion des avocats ou notaires pendant les séances. De plus, comme nous le verrons, le contrat‑type de médiation familiale met en place un régime qui rend impossible la conclusion d’une entente obligatoire durant les séances de médiation, alors qu’aucun conseiller juridique n’est présent. Regardons ces garanties de plus près.
(2)         Le médiateur familial accrédité et impartial
[60]                        Au premier plan parmi ces garanties procédurales, les parties peuvent compter sur la présence d’un médiateur qui doit être impartial et agir équitablement (Guide 2016, p. 9; Guide 2012, p. 8; voir art. 605 et 610 n.C.p.c.). En contexte familial, le médiateur doit également être accrédité selon les normes établies par l’État. Les conditions d’accréditation, déterminées par règlement (art. 619 n.C.p.c.; voir aussi art. 827.2 à 827.4 a.C.p.c.; Règlement), exigent notamment que le médiateur soit membre d’un des ordres professionnels désignés et qu’il suive une formation sur les aspects juridiques et psychologiques liés à la rupture (Règlement, art. 1 et 2). Selon l’art. 2 du Règlement, cette formation porte notamment sur « les obstacles à la négociation et l’équilibre des forces en présence » et sur la « problématique de la violence intra‑familiale ». Le Guide précise que cette formation impose au médiateur familial le devoir de « veiller à maintenir l’équilibre et l’égalité dans les négociations et [il] ne doit tolérer aucune intimidation ou manipulation de la part des conjoints/parents [. . .] lors [de la] médiation » (Guide 2016, p. 16; Guide 2012, p. 13). Le médiateur devra suivre cette formation et s’imprégner des responsabilités assortissant son rôle de médiateur familial durant les séances, peu importe sa profession d’origine. En conséquence, tous les médiateurs familiaux accrédités, nonobstant leurs parcours professionnels respectifs, seront tenus d’aider les conjoints à atteindre leur objectif primordial, soit régler leur différend (art. 609 n.C.p.c.; Guide 2016, p. 9). D’ailleurs, le caractère multidisciplinaire de la médiation familiale contribue à l’atteinte de cet objectif, en facilitant la « négociation d’accords qui couvrent l’ensemble des arrangements lors d’une rupture conjugale » (Belleau, no 8‑4).
[61]                        Faisant écho au Règlement, le Guide impose notamment au médiateur familial accrédité le devoir de tenir compte de tout indice de violence conjugale (Guide 2016, p. 22; Guide 2012, p. 18‑19). Le médiateur a l’obligation de s’assurer « à tout moment du processus de médiation familiale de la capacité de négociation sur une base égalitaire et du consentement libre et éclairé de chacun des conjoints/parents » (Guide 2016, p. 23; Guide 2012, p. 19). Le Guide précise également le devoir qu’a le médiateur familial de suspendre ou de mettre fin au processus quand la médiation est mal utilisée par une des parties. On donne l’exemple du conjoint qui se sert des enfants pour perpétuer le conflit, qui méprise son vis‑à‑vis, qui cache des biens ou encore qui utilise le processus pour épuiser l’autre conjoint (Guide 2016, p. 18; Guide 2012, p. 15).
[62]                        Le législateur dote également le médiateur des pouvoirs nécessaires à la protection de l’intégrité du processus et des droits des participants. À titre d’exemple, le médiateur peut suspendre le processus « dans l’intérêt des parties ou de l’une d’elles » (art. 610 al. 2 n.C.p.c.), et agir « en cas de déséquilibre important, d’intimidation ou de manipulation » (Le grand collectif, p. 3081). Ces pouvoirs s’ajoutent au pouvoir général du médiateur de mettre fin à la médiation si les circonstances le justifient, notamment lorsqu’un préjudice sérieux est susceptible d’être causé à une partie (art. 614 al. 2 n.C.p.c.). En outre, l’art. 613 n.C.p.c., qui s’applique à la médiation en général, prévoit que le médiateur doit s’assurer, à la fin de la médiation, que les parties comprennent l’entente (voir art. 613 al. 2 n.C.p.c.; Guide 2016, p. 16). Ces règles, qui s’appliquent en médiation familiale, obligent le médiateur à s’assurer que les conjoints ou parents comprennent la nature et la portée du consensus auquel ils sont parvenus au terme des séances, tel qu’inscrit au résumé des ententes. L’auteur Roberge y voit « une garantie procédurale importante » propre à faciliter le consentement libre et éclairé des parties si, après la médiation et avec l’assistance éventuelle d’un juriste, elles décident de s’engager contractuellement en des termes reflétant le résumé des ententes (Le grand collectif, p. 3086).
[63]                        Finalement, le médiateur est tenu de préserver la confidentialité des séances, et il doit expliquer aux conjoints que ni lui ni les participants ne peuvent être contraints de dévoiler dans une procédure judiciaire ce qui leur a été dit lors de la médiation. Toutefois, il est également tenu d’expliquer aux conjoints que ce principe de confidentialité n’est pas absolu : le Guide précise que le médiateur doit, par exemple, révéler certains renseignements obtenus au cours de la médiation lorsque la loi l’oblige à le faire (Guide 2016, p. 12; Guide 2012, p. 10). Par conséquent, le contexte de la médiation familiale commande une supervision active du médiateur qui, malgré son impartialité, doit intervenir pour protéger les conjoints.
[64]                        L’étendue des devoirs et pouvoirs des médiateurs étant bien établie, il importe de répondre directement à la préoccupation de l’Association relativement à la vulnérabilité des conjoints et aux risques découlant de l’absence ponctuelle de conseiller juridique pour les appuyer.
[65]                        Avec égards, la position de l’Association semble banaliser le travail de ses propres membres : en raison de leurs devoirs d’intervention et de leur formation, les médiateurs familiaux accrédités permettent de « compens[er] » la vulnérabilité des conjoints, pour reprendre l’idée invoquée, dans un contexte différent, par les juges Bastarache et Arbour dans Miglin (par. 83). Dans Miglin, cet effet de compensation est assuré par la présence d’un conseiller juridique indépendant. Adaptée à ce contexte différent qu’est la médiation familiale, ce contrebalancement provient, en partie, du médiateur accrédité. Ajoutons que selon la nouvelle culture de justice participative, les juristes exerçant en médiation « doivent s’affranchir de la logique du système contradictoire qui opère sur un fond adversatif et conflictuel » et privilégier la logique participative et consensuelle de la médiation familiale (Belleau, no 8‑16). Le rôle et la participation des juristes sont donc différents dans le contexte de la médiation, notamment à la lumière de leur obligation déontologique de favoriser les règlements à l’amiable (voir Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N‑3, r. 2, art. 3; Code de déontologie des avocats, RLRQ, c. B‑1, r. 3.1, art. 42; M.‑C. Rigaud, « La déontologie et l’éthique dans le contexte des MARC », dans Lafond, Régler autrement les différends, 465, nos 12‑4 et 12‑5; J. Macfarlane, The New Lawyer : How Clients Are Transforming the Practice of Law (2e éd. 2017), p. 123‑124).
(3)         La formation d’une entente ayant force obligatoire sous le régime du contrat‑type
[66]                        Les principes juridiques entourant la formation d’une entente obligatoire en médiation familiale confèrent une protection supplémentaire aux parties. Les conclusions qui suivent s’appliquent lorsque des parties entreprennent un processus de médiation sous le régime du contrat‑type de médiation du COAMF, ou d’un contrat calqué substantiellement sur celui‑ci et retenant le modèle du « résumé des ententes », comme c’est le cas en l’espèce.
a)      La fin du processus de médiation encadré par le régime du contrat‑type
[67]                        Dans un premier temps, il est important de clarifier la situation des parties à la fin d’un processus de médiation familiale régi par le contrat‑type. D’une part, il est possible que les parties parviennent à des points d’accords, en tout ou en partie, quant au règlement de leurs différends. Selon le droit général de la médiation, les parties peuvent conclure une entente lors de la médiation (voir art. 613 n.C.p.c.). En droit spécial de la médiation familiale, sous le régime du contrat‑type, la notion d’« entente » à laquelle fait référence l’art. 613 n.C.p.c. doit être interprétée d’une manière précise : bien que les parties puissent « s’entendre » au sens commun du terme, elles ne concluent pas d’entente ayant force obligatoire — un contrat — durant le processus de médiation familiale. Au mieux, lorsqu’elles sont d’accord sur un ou plusieurs points, elles termineront le processus avec un « projet d’accord » ou projet d’entente, constaté dans le résumé des ententes remis par le médiateur à la fin de la médiation (Le grand collectif, p. 3085). Comme nous le verrons, ce résumé des ententes non signé n’a aucune force obligatoire, et « doit être distingué de la convention » qui sera éventuellement conclue entre les parties « et qui pourra être entérinée par le tribunal » (D. Lambert et L. Bérubé, La médiation familiale : Étape par étape (3e éd. 2016), p. 303). Bien entendu, il est possible que la médiation prenne fin sans entente ni projet d’entente (art. 614 n.C.p.c.).
[68]                          La fin du processus de médiation ne coïncide donc pas, en principe, avec la fin du différend. Il est possible que les parties étant parvenues à un projet d’accord décident de modifier les modalités discutées et consignées dans le résumé, après avoir consulté un conseiller juridique. Il est aussi possible que des parties, dont le processus de médiation avait pris fin sans projet d’entente, parviennent éventuellement à conclure un règlement. Dans tous les cas, les parties auront l’occasion de réfléchir aux modalités de règlement de leur différend, après la fin des séances de médiation, une fois que le résumé des ententes leur a été remis par le médiateur.
b)            L’impossibilité de conclure un contrat durant les séances de médiation
[69]                          Dans un deuxième temps, les règles relatives à la conclusion d’un contrat en droit civil, lorsqu’appliquées au contexte de la médiation familiale, démontrent que les parties ne peuvent pas conclure d’entente ayant force obligatoire entre elles durant les séances de médiation.
[70]                        Pour avoir force obligatoire entre les conjoints, l’entente issue de la médiation doit respecter les conditions de formation des contrats (M. Tétrault, Droit de la famille : La procédure, la preuve et la déontologie (4e éd. 2010), vol. 4, p. 338‑339). Selon la règle générale, en droit civil québécois, un contrat est un accord de volontés formé « par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter » (art. 1385 C.c.Q.); cet échange se réalise par la manifestation expresse ou tacite de la volonté d’un conjoint d’accepter l’offre de l’autre (art. 1386 C.c.Q.), et, sauf autre exception, sans formalité (voir J.‑L. Baudouin et P.‑G. Jobin, Les obligations (7e éd. 2013), par P.‑G. Jobin et N. Vézina, no 168; D. Lluelles et B. Moore, Droit des obligations (3e éd. 2018), no 247).
[71]                        Ainsi, il est important de distinguer les offres qui peuvent, une fois acceptées, donner lieu à cet accord de volontés, et les communications faites pendant la médiation dans l’objectif d’explorer la possibilité de parvenir à une entente, qui ne constituent pas des offres fermes. Une communication ne constitue une offre de contracter que si elle indique la volonté de l’auteur de s’engager (art. 1388 C.c.Q.). Les parties peuvent entamer des discussions au sujet d’un contrat potentiel lors des séances de médiation, sans que l’une ou l’autre des parties fasse une offre suffisamment « ferme » pour constituer une offre de contracter aux fins du Code civil du Québec (Jobin et Vézina, no 176; Lluelles et Moore, no 281; Howick Apparel Ltd. c. Champoux, 2007 QCCA 674, par. 13 et 17 (CanLII)).
[72]                        En effet, dans le contexte d’un processus de médiation familiale régi par le contrat‑type, ou par un contrat reproduisant son contenu comme en l’espèce, les parties ne se font pas d’offres fermes de contracter durant les séances. Durant ces séances, les conjoints savent qu’ils travaillent à un simple projet d’entente, ou, pour reprendre les mots du Guide, à l’élaboration d’un « consensus » qui peut être bonifié par la suite (Guide 2016, p. 24; Guide 2012, p. 20). Les parties savent que, au terme des séances de médiation, ce consensus sera consigné au résumé des ententes, lequel « ne constituera ni un document légal, ni une entente exécutoire » et qu’elles auront, par la suite, l’occasion d’obtenir « un avis juridique indépendant » quant à son opportunité (cl. 10). Ainsi, elles négocient en sachant que les propositions qu’elles formulent ne les engagent pas définitivement, et qu’elles auront l’opportunité d’y réfléchir et de consulter un conseiller juridique avant de conclure une entente ayant force obligatoire.
[73]                        En conséquence, dans la mesure où leur contrat de médiation prévoit que le consensus consigné dans le résumé des ententes peut être revu par un conseiller juridique avant d’avoir force obligatoire, les conjoints peuvent tenir pour acquis que les communications faites à l’autre conjoint durant les séances ne constituent pas des offres contraignantes au sens de l’art. 1388 C.c.Q. Évidemment, les parties demeurent maîtresses de leur processus et donc rien ne les empêche de mettre fin à la médiation prématurément et de régler leur différend autrement (voir art. 614 n.C.p.c.).
[74]                          Tout comme dans le droit commun des obligations, la validité d’un contrat émanant d’un processus de médiation exige que le consentement des parties soit « libre et éclairé », ce qui implique qu’il ne « peut être vicié par l’erreur, la crainte ou la lésion » (art. 1399 C.c.Q.; voir aussi Jobin et Vézina, no 203; Tétrault, p. 347; Le grand collectif, p. 3086). Évidemment, lorsqu’il est notamment question de divorce, les principes juridiques découlant de la Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, c. 3 (2e suppl.), et de l’arrêt Miglin trouvent également application (Tétrault, p. 343‑344; voir Droit de la famille — 211056, 2021 QCCS 2431, par. 103 (CanLII); Droit de la famille — 133025, 2013 QCCA 1869, par. 44‑46 (CanLII)).
[75]                          En somme, si elles souhaitent se lier contractuellement, les parties pourront le faire conformément aux règles relatives à la formation des contrats, après la remise du résumé des ententes. Avant la remise du résumé, les solutions dégagées par les conjoints lors des séances — l’éventuel « consensus » dont parle le Guide — représentent, au mieux, un projet d’entente qu’ils doivent confirmer pour lui donner l’effet d’un contrat. Ainsi, les parties ne se verront pas liées par des offres formulées durant les séances, avant d’avoir eu l’occasion d’y réfléchir et, le cas échéant, de consulter leur conseiller juridique. Ces règles mises en place par le contrat‑type constituent pour les parties une garantie procédurale importante contre un engagement intempestif.
c)            Le résumé des ententes n’est pas un contrat
[76]                          Dans un troisième temps, il importe de clarifier le statut juridique du résumé des ententes, qui a fait l’objet de controverses en droit de la médiation familiale.
[77]                          Contrairement au rapport administratif du médiateur (art. 617 al. 3 n.C.p.c.), le résumé des ententes n’est pas un document exigé par la loi mais plutôt par les parties qui adhèrent, comme en l’espèce, au contrat‑type de médiation familiale du COAMF. Son titre est trompeur : il n’est pas, juridiquement parlant, un résumé des « ententes ». Le Guide précise que le résumé remis aux parties est un outil de travail et de réflexion pour elles (Guide 2016, p. 24; Guide 2012, p. 20). Par exemple, si les parties le souhaitent, le résumé pourra servir de document de « référence » pour la rédaction subséquente d’un contrat entre elles (Lambert et Bérubé, p. 316; voir aussi Belleau, no 8‑50). Comme le texte du contrat‑type le démontre, les consensus consignés au résumé par le médiateur ne sont pas, à ce moment, le reflet de véritables accords de volontés. La clause 12 du contrat‑type, reprise textuellement dans le contrat de médiation signé par les parties en l’espèce, suggère qu’aucune entente obligatoire ne sera conclue avant que les parties n’aient eu l’occasion de consulter un conseiller juridique quant à l’opportunité de leur entente, soit une fois la médiation terminée. Ainsi, le contrat‑type oriente le processus de médiation vers la conclusion d’un simple projet d’entente, matérialisé par le résumé des ententes.
[78]                        Il est vrai que le texte du résumé des ententes en l’espèce précise que, « [à] la suite des séances de médiation, madame Bisaillon et monsieur Bouvier en sont arrivés à une entente qui représente le résultat global d’un exercice de réflexion sur leurs besoins communs et respectifs ainsi que ceux de leurs enfants » (d.a., p. 99). Mais on sait que cette déclaration émane non pas des conjoints, mais d’un tiers, le médiateur familial, et que, dans le même document, ce dernier affirme que « Madame et Monsieur sont informés que le présent projet d’entente ne constitue ni un contrat ni un jugement et, par conséquent, il ne peut avoir d’effet juridique » (d.a., p. 101). Ces formules reprennent pour l’essentiel le texte proposé par le COAMF et son contrat‑type. Il encourage les parties à faire entériner toute entente éventuelle par un tribunal, notant lui aussi qu’une « consultation juridique indépendante est recommandée » avant d’aller de l’avant (Guide 2016, p. 36; Guide 2012, p. 32).
[79]                          Ainsi, le résumé des ententes non signé, tel que remis par le médiateur à la fin des séances, ne constitue pas un contrat. Après la médiation, les parties seront libres de conclure un contrat dont les modalités diffèrent, complètement ou partiellement, de celles consignées au résumé par le médiateur. La Cour d’appel a donc eu raison de conclure que ce document est un outil de travail qui ne lie pas les parties (motifs de la C.A., par. 97‑101; voir aussi motifs de la C.S., par. 56; R. Tremblay, « Réflexions sur le dialogue entre la médiation familiale et le droit de la famille », dans J. Torres‑Ceyte, G.‑A. Berthold et C.‑A. M. Péladeau, dir., Le dialogue en droit civil (2018), 201, p. 218‑219 et 227‑228).
[80]                          Il demeure néanmoins possible pour les parties de se lier contractuellement conformément aux modalités consignées au résumé des ententes, et ce, dans deux situations précises.
[81]                        Premièrement, il est possible que le résumé des ententes soit signé par les parties, auquel cas, il est acquis que les parties se lieront contractuellement suivant les modalités prévues puisqu’elles auront exprimé une volonté ferme de s’engager (Tétrault, p. 409). Cela dit, le contrat de médiation des parties en l’espèce et le Guide les exhortent à ne pas le faire sans consulter un conseiller juridique indépendant. Par ailleurs, le résumé lui-même comporte une mise en garde quant aux conséquences possibles de sa signature :
Nous vous informons également que la signature du résumé des ententes de médiation produirait des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est alors préférable de ne pas procéder à sa signature avant d’obtenir un avis juridique indépendant.
 
(d.a., p. 97)
[82]                          Deuxièmement, il est possible que les parties décident, après la médiation, de conclure un contrat verbal ou écrit en exprimant, subséquemment à la remise du résumé, la volonté de se lier conformément aux modalités énoncées dans celui‑ci. En effet, tout comme il est possible que les parties concluent, après la fin des séances, un contrat qui rejette en tout ou en partie les accords énoncés dans le résumé, comme le souligne à juste titre la juge Hogue (motifs de la C.A., par. 101; voir aussi Droit de la famille — 171578, 2017 QCCS 3018; Droit de la famille — 111393, 2011 QCCS 2411, par. 16 (CanLII)), il est également possible que les parties décident subséquemment que le résumé des ententes sera une représentation fidèle et exacte de leur volontés respectives, après avoir eu la possibilité d’y réfléchir (Lambert et Bérubé, p. 315). Effectivement, les parties peuvent exprimer, de manière explicite ou implicite, y compris par leur comportement, leur volonté d’être liées par des modalités reflétant celles du résumé. D’ailleurs, celui‑ci comporte une mise en garde à cet effet :
De la même façon, nous désirons vous informer que la mise en application de tout ou partie des ententes peut également produire des effets juridiques, en ce sens qu’une telle mise en application peut constituer une reconnaissance de l’entente préalablement à la judiciarisation.
 
(d.a., p. 97)
[83]                          Dans de telles circonstances, il est important de préciser que le résumé des ententes ne sera pas « transformé » en contrat, même si les parties expriment une volonté ferme de se lier conformément à ses modalités après la fin des séances. En effet, l’acte juridique ne sera formé qu’au moment de l’échange des volontés, subséquemment aux séances de médiation, lorsque les parties s’entendent sur des modalités. Même si le comportement des parties lors de cet échange démontre qu’elles ont voulu que les modalités de leur contrat soient calquées exactement sur celles du résumé, le résumé non signé ne constituera pas pour autant l’acte juridique lui‑même et demeurera un simple écrit. Cette distinction est importante, car elle influe sur l’admissibilité en preuve du résumé des ententes, dont nous traiterons plus loin.
[84]                        En somme, le droit des contrats et le contrat‑type employé en l’espèce confèrent des protections additionnelles aux parties à une médiation familiale, qui ne se verront pas liées automatiquement par des projets d’entente sans y avoir consenti formellement après la remise du résumé des ententes. Lorsque les parties décident de s’adresser aux tribunaux ou que l’une d’elles conteste la validité d’une entente, il revient alors au juge de déterminer s’il y a bel et bien eu un accord de volontés entre les parties, et si cet accord est valide.
(4)         L’exécution de l’entente
[85]                        En médiation familiale, même si les parties concluent une entente ayant force obligatoire après les séances et qu’il existe un accord de volontés, leur entente n’aura pas force exécutoire sans que les tribunaux aient l’occasion de réviser son opportunité, comme l’a souligné le juge de première instance (motifs de la C.S., par. 51‑52; voir aussi G. Latulippe, La médiation judiciaire : un nouvel exercice de justice (2012), p. 79 et 81). Cette « garantie procédurale » additionnelle s’explique par le fait que toute question intéressant l’ordre public est sujette au regard du juge lorsque les parties demandent au tribunal d’entériner leur règlement. Ainsi, le contenu de tout règlement qui porte, comme ici, sur la garde d’enfants (art. 522, 604, 606 et 612 C.c.Q.), ou sur la pension alimentaire pour enfants (art. 586, 587.1 et 587.3 C.c.Q.; voir aussi Belleau et Talbot‑Lachance, p. 632), est sujet à un contrôle d’opportunité par le tribunal. Ce principe s’applique aux parties en union de fait (V.F. c. T.D., 2005 QCCA 907, par. 13 (CanLII)), mais aussi en contexte de mariage et d’union civile. Je note, par ailleurs, que même après avoir été entérinés, ces règlements peuvent être révisés par un tribunal si « les circonstances le justifient » (voir, p. ex., art. 594 et 612 C.c.Q.). Il est vrai que dans les faits, ce ne sont pas tous les couples qui décident de faire entériner leur entente par les cours, mais il demeure important de souligner que si elles le font, les tribunaux peuvent alors intervenir au nom de l’ordre public et, à ce titre, protéger les conjoints les plus vulnérables (Belleau, no 8‑6).
[86]                        Cela implique également qu’une entente issue de la médiation familiale ayant force obligatoire entre les conjoints ne peut, dans la mesure où elle porte sur des questions d’ordre public, constituer une transaction au sens de l’art. 2631 C.c.Q., étant donné qu’on ne peut transiger sur ces questions (art. 2632 C.c.Q.; art. 613 n.C.p.c.; Le grand collectif, p. 3085‑3086; Droit de la famille — 083185, 2008 QCCA 2405, [2009] R.D.F. 8, par. 25‑29). Il s’agit là d’une différence de taille entre la médiation familiale et la médiation commerciale. Très souvent, les éléments de l’entente entre conjoints qui ne portent pas sur des questions d’ordre public ne peuvent être considérées séparément, puisqu’une transaction est « indivisible quant à son objet » (art. 2631 C.c.Q.; voir aussi M. Lachance, Le contrat de transaction (3e éd. 2018), par. 32‑34). Par conséquent, les ententes seront généralement sujettes à un contrôle d’opportunité par le tribunal et non seulement à un contrôle de légalité — une garantie procédurale supplémentaire pour des parties vulnérables — comme ce serait le cas, par exemple, pour l’homologation d’une transaction intervenue à la suite d’une médiation commerciale. Dans le cadre d’une médiation civile ou commerciale, une entente qui satisfait aux conditions relatives au contrat de transaction énoncées à l’art. 2631 C.c.Q. aura — contrairement à celle issue de la médiation familiale — l’autorité de la chose jugée entre les parties (voir art. 2633 C.c.Q.; Le grand collectif, p. 24).
[87]                          Ainsi, c’est à bon droit que le juge de première instance a refusé d’homologuer la « transaction » que M. Bouvier invoquait en défense à l’action de Mme Bisaillon (motifs de la C.S., par. 74). Puisque leur contrat intéressait l’ordre public — certaines questions étant liées aux enfants —, le juge n’était pas lié par ses modalités.
[88]                          En guise de conclusion sur ce point, la médiation familiale est un mécanisme de justice civile qui comporte des protections inhérentes, permettant de se prémunir contre la possibilité que des parties vulnérables se retrouvent liées par une entente inconsidérée à leur insu. Le processus est guidé par des tiers impartiaux, qui sont accrédités et formés spécialement pour répondre aux besoins psychologiques et juridiques des conjoints et des parents. Les médiateurs sont assujettis à des obligations professionnelles strictes et ont notamment le pouvoir de mettre fin à la médiation pour éviter un préjudice irréparable. Par ailleurs, rien n’oblige les parties à conclure un contrat au terme de la médiation et, de fait, le contrat‑type prévoit spécifiquement que les séances de médiation familiale aboutissent à un projet d’entente sans force obligatoire. En outre, même si une entente obligatoire est conclue après la médiation, elle n’aura pas force exécutoire sans avoir préalablement été l’objet d’un contrôle d’opportunité par un tribunal, dans la mesure où elle traite de questions d’ordre public.
C.            La preuve d’une entente
(1)         Les limites imposées par le droit de la preuve
[89]                          En principe, le résumé des ententes n’est pas admissible dans une instance judiciaire pour faire la preuve d’un acte juridique. Comme l’a souligné la juge Hogue, les règles du droit de la preuve imposent des limites importantes à la preuve d’actes juridiques, tel le contrat issu de la médiation allégué par l’intimé M. Bouvier.
[90]                          Le résumé des ententes non signé est un simple écrit. Il est préparé par un tiers pour refléter le projet d’entente auquel les parties sont parvenues et, comme nous l’avons vu, il ne s’agit pas d’un contrat. Même lorsqu’il peut être considéré comme une représentation matérielle fidèle au consensus des parties, il ne constitue pas davantage un acte juridique (L. Ducharme, Précis de la preuve (6e éd. 2005), nos 430‑432; C. Piché, La preuve civile (6e éd. 2020), no 403).
[91]                          Par conséquent, le résumé des ententes non signé, en tant que simple écrit émanant d’un tiers, n’entre pas dans la catégorie de documents qui permettent de faire la preuve d’un acte juridique (Tétrault, p. 357 et 364). En effet, la règle prohibant la preuve par témoignage d’un acte juridique, prévue à l’art. 2862 C.c.Q., s’applique aux simples écrits produits à titre de témoignage. Cependant, le résumé sera admissible, exceptionnellement, s’il existe un commencement de preuve (art. 2862 al. 2 et 2865 C.c.Q.). Quoi qu’il en soit, je partage l’avis de la juge Hogue que règle générale, une partie peut s’opposer à l’admission en preuve du résumé des ententes non signé pour faire la preuve d’un acte juridique.
[92]                          Les parties peuvent également s’opposer à la preuve, par témoignage, de l’existence d’une entente obligatoire. Encore une fois, je suis d’accord avec la juge Hogue pour dire que les règles prohibant la preuve testimoniale pour établir un acte juridique s’appliquent elles aussi, tout comme l’exception lorsqu’il existe un commencement de preuve (art. 2862 C.c.Q.). À cet effet, il importe de préciser que le résumé des ententes non signé ne pourra constituer un tel commencement de preuve. Il ne suggère pas l’existence d’un acte juridique et ne le rend certainement pas vraisemblable, sans compter qu’il émane d’un tiers et non de la partie adverse.
[93]                          Je partage également l’avis de la juge Hogue que le tribunal ne peut pas soulever cette règle d’office (art. 2859 C.c.Q.), ainsi que son explication relative à l’impact de cette règle dans la présente affaire. Étant donné que Mme Bisaillon n’a pas soulevé ce moyen d’irrecevabilité, le juge de première instance ne pouvait le faire à sa place. Dans d’autres circonstances, l’inadmissibilité de principe du résumé des ententes pour prouver un acte juridique constitue un outil important entre les mains d’une partie qui nie l’existence d’un contrat conclu oralement après la médiation. Évidemment, cette objection ne sera pertinente que dans la mesure où une exception permettrait de lever le privilège relatif aux règlements. Autrement, le résumé des ententes, au même titre que toute communication émanant de la médiation, sera déjà inadmissible, puisque confidentiel.
(2)         La confidentialité de la médiation familiale
a)            Le privilège relatif aux règlements et ses exceptions
[94]                          Examinons maintenant la règle de preuve qui a divisé la Cour d’appel : celle du privilège relatif aux règlements.
[95]                          Le privilège relatif aux règlements est une règle de preuve qui protège la confidentialité des communications et renseignements échangés en vue de régler un différend (Union Carbide, par. 1 et 31; Globe and Mail c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 41, [2010] 2 R.C.S. 592, par. 80; Lafond et Thériault, no 3‑9). Il est reconnu comme étant fondamental en vue de la conclusion de l’entente entre les parties (Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 CSC 37, [2013] 2 R.C.S. 623; Union Carbide, par. 1), car il favorise les discussions franches et ouvertes, ce qui facilite le règlement du différend, dans tous les types de médiation (Union Carbide, par. 31). Le privilège s’applique en droit général de la médiation sans que les parties n’aient besoin de l’invoquer, parce qu’il « présuppose que toutes les discussions à l’occasion de la médiation entre les parties sont protégées en tout temps » (Piché, nos 1284‑1286; voir aussi Union Carbide, par. 34). Contrairement à une clause contractuelle de confidentialité, « le privilège relatif aux règlements s’applique à toute communication qui mène au règlement, même à celles faites après la fin de la séance de médiation » (Union Carbide, par. 51). Cette règle établie par la common law, désignée souvent sous le vocable d’« obligation de confidentialité » en droit québécois, est codifiée à l’art. 4 n.C.p.c. depuis la réforme du Code de procédure civile (D. Ferland et B. Emery, Précis de procédure civile du Québec (6e éd. 2020), vol. 1, no 1‑41). Le nouveau Code de procédure civile précise également le principe de non‑contraignabilité du médiateur et des participants à la médiation (art. 606).
[96]                          Le privilège relatif aux règlements n’est toutefois pas absolu. D’abord, les parties peuvent modifier son étendue contractuellement (Union Carbide, par. 39, 54 et 58), tant qu’elles ne privent pas le tribunal de son pouvoir de surveillance sur les questions d’ordre public. Ensuite, il existe certaines exceptions développées par la jurisprudence ou consacrées par la loi, qui permettent de lever la confidentialité, exceptionnellement, en cas de fraude ou de faute professionnelle du médiateur, par exemple (Sable Offshore, par. 19; Union Carbide, par. 34 et 49; art. 606 n.C.p.c.; Guide 2016, p. 12).
[97]                          Dans l’arrêt Union Carbide, la Cour a réitéré l’importance d’une autre exception jurisprudentielle, l’exception relative aux règlements, laquelle est au cœur du présent pourvoi. Cette exception permet la divulgation des communications protégées afin de faire la preuve de l’existence ou de la portée d’un règlement découlant de la médiation (Union Carbide, par. 35‑36; Roberge (2017), p. 104). Elle s’applique même si l’entente intervient seulement après la médiation (Union Carbide, par. 34). Conformément à son objectif, le champ d’application de l’exception est limité à ce qui est nécessaire pour prouver l’existence ou la portée du règlement (ibid., par. 35).
[98]                          Dans Union Carbide, le juge Wagner, maintenant juge en chef, explique que l’exception relative aux règlements vise le même intérêt public que le privilège lui‑même, c’est‑à‑dire favoriser les règlements à l’amiable : « Dès que les parties arrivent à un règlement, il importe, pour favoriser les règlements en général, que les parties soient en mesure de faire la preuve des modalités convenues » (par. 35). C’est en ce sens, comme le souligne le juge Wagner, que la divulgation faite en vue de prouver les modalités d’une entente favorise les règlements à l’amiable en général. Ainsi, l’exception n’affaiblit en rien le principe du privilège en médiation. Comme le note l’auteur Paul M. Perell (maintenant juge à la Cour supérieure de l’Ontario), [traduction] « lorsque l’offre faite sous toutes réserves a été acceptée, il n’y a plus aucune raison d’ordre public d’exclure la preuve, l’objectif de l’ordre public ayant été atteint » (« The Problems of Without Prejudice » (1992), 71 R. du B. can. 223, p. 234). Sous réserve des limites de l’ordre public, cette logique s’applique, à mon avis, tant en médiation familiale qu’en matière civile et commerciale, quand les parties décident de mettre la confidentialité au service de leur objectif primordial, c’est‑à‑dire arriver à une entente. Comme l’a écrit le juge de première instance : « Interdire de soumettre une telle preuve sur le fondement du principe de confidentialité rendrait impossible l’homologation d’une telle entente dès que l’existence de celle-ci est contestée, ce qui n’aurait guère de sens » (par. 41).
[99]                          Néanmoins, les parties sont libres d’écarter, par contrat, l’application de l’exception relative aux règlements. Puisque le défaut d’appliquer l’exception « peut entraver la réalisation de l’objectif plus général qui est de favoriser le règlement à l’amiable », il est nécessaire que les parties expriment cette intention clairement dans leur contrat de médiation (Union Carbide, par. 50; voir aussi par. 54).
b)            L’application des principes dans le contexte de la médiation familiale
[100]                     L’application de l’exception relative aux règlements à la médiation familiale est au cœur du désaccord entre les parties en l’espèce. L’intimé M. Bouvier concède que la confidentialité de la médiation familiale est nécessaire, voire essentielle, quand la médiation échoue et que les conjoints ne parviennent pas à s’entendre. Même quand les conjoints arrivent à une entente qu’ils exécutent sans difficultés, les discussions ayant eu lieu pendant la médiation doivent demeurer confidentielles, puisque leur divulgation n’est pas nécessaire. Cependant, il est d’avis que l’exception devrait lui permettre de faire la preuve d’un contrat intervenu entre lui et Mme Bisaillon dans la mesure où elle nie son existence.
[101]                     L’Association estime qu’en raison du contexte unique de la médiation familiale, il faut présumer que les parties, qui sont potentiellement des personnes vulnérables, des profanes en droit et qui participent aux séances sans conseillers juridiques, ont voulu jouir d’une confidentialité absolue en médiation familiale. Elle soutient que cette présomption pourrait être renversée lorsque des éléments de preuve démontrent que les parties renoncent à la confidentialité.
[102]                     Je suis d’avis que, en règle générale, l’exception relative aux règlements s’applique en médiation familiale et que, en adoptant un contrat calqué sur le contrat‑type du COAMF, les parties à la présente affaire n’ont pas écarté cette exception.
[103]                     Dans un premier temps, la proposition générale de l’Association voulant que l’exception relative aux règlements ne s’applique pas en médiation familiale doit être rejetée. Bien que je partage l’avis selon lequel les parties à une médiation familiale présentent des vulnérabilités uniques, qui méritent la protection du droit, je suis respectueusement d’avis que la proposition de l’Association ne contribue pas à l’atteinte de cet objectif.
[104]                     Comme nous l’avons vu, de nombreuses garanties procédurales propres à la médiation familiale protègent déjà les conjoints et parents contre la conclusion d’une entente inconsidérée à leur insu. Dans ce contexte, on peut présumer que les diverses protections mises en place par la loi, le Guide et le contrat‑type de médiation adopté par les parties permettent aux conjoints de parvenir à une entente mutuellement satisfaisante. Certes, la préservation de la confidentialité absolue des échanges, en l’absence de règlement, est un aspect essentiel de la médiation, et elle est nécessaire pour encourager la franchise des pourparlers. Mais la confidentialité est avant tout un moyen permettant d’arriver à une fin : lorsque les conjoints règlent leur différend, cette préoccupation doit céder le pas, dans la mesure du nécessaire, à celle de les outiller adéquatement pour mettre leur entente à exécution.
[105]                     Exclure l’exception relative aux règlements au profit d’une confidentialité absolue, une fois le différend réglé, pourrait empêcher un conjoint de faire valoir ses droits contre un conjoint de mauvaise foi. Faut-il le rappeler, les parties ont une obligation de bonne foi relativement à leur participation à la médiation (art. 6 C.c.Q.; art. 2 n.C.p.c.), et une confidentialité absolue pourrait nuire à leur capacité de soulever la mauvaise foi de l’autre conjoint qui, profitant de cette étanchéité, est malhonnête quant à la position qu’il a adoptée lors de la médiation (voir E. B. Zweibel et J. C. Kleefeld, « Mediation », dans J. C. Kleefeld et autres, dir., Dispute Resolution : Readings and Case Studies (4e éd. 2016), 291, p. 463). Surtout, il ne faut pas perdre de vue que l’exception relative aux règlements peut être essentielle pour un conjoint vulnérable qui a réussi à négocier une entente équitable et qui veut en faire la preuve, et qu’une confidentialité absolue pourrait miner la protection de ce conjoint si l’autre profitait du déséquilibre des forces et niait l’entente. Finalement, rien ne tend à indiquer que le législateur cherchait à imposer une « confidentialité absolue » en édictant les règles de la confidentialité applicables au droit spécial de la médiation familiale.
[106]                     Dans un deuxième temps, l’application de l’exception à la confidentialité permettant de faire la preuve des ententes est tout aussi pertinente dans le contexte de la médiation familiale. Comme l’écrit la juge Hogue, l’exception doit s’appliquer en matière familiale, puisque « [l]a finalité d’une telle médiation est en effet la même que celle de toutes les autres médiations, quelle qu’en soit la forme : prévenir un différend à naître ou régler un litige existant par la conclusion d’une entente librement négociée » (motifs de la C.A., par. 84). Le fait que le contexte de la médiation familiale soit distinct de celui de la médiation civile ou commerciale ne change pas le fait que ces types de médiation ne sont pas intrinsèquement différents à cet égard : ils poursuivent le même objectif principal et reposent sur les mêmes fondements consensuels et participatifs. Il ne s’agit pas de nier la spécificité de la médiation familiale, mais de reconnaître que dans la mesure où de multiples garanties procédurales encadrent le processus, la confidentialité absolue n’est pas nécessaire et, au contraire, nuirait aux parties. Ainsi, lorsque les parties concluent une entente ayant force obligatoire entre elles, il serait contraire à l’objectif poursuivi de leur interdire l’utilisation des communications nécessaires pour en faire la preuve.
[107]                     Dans un troisième temps, il importe de préciser que le contrat‑type de médiation familiale utilisé au Québec n’écarte pas l’application de l’exception relative aux règlements. En effet, même si l’exception s’applique généralement en matière familiale, la liberté contractuelle permet aux parties d’écarter cette exception, si elles le font clairement. Il faut donc déterminer, par le biais d’une interprétation contractuelle conforme au droit commun des obligations au Québec, si le contrat‑type écarte clairement l’exception. Ainsi, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes de la clause litigieuse, il incombe de s’attarder à l’intention commune des parties, laquelle est centrale dans l’interprétation du contrat de médiation (Union Carbide, par. 59; art. 1425 C.c.Q.). Cela requiert d’analyser la nature du contrat, les circonstances dans lesquelles il a été conclu, ainsi que les usages (art. 1426 C.c.Q.).
[108]                     La clause 8 du contrat conclu entre les parties (reproduite ci‑haut) — calquée sur la cl. 9 du contrat‑type du COAMF (Guide 2016, p. 31; Guide 2012, p. 27) — porte sur la confidentialité du processus de médiation. À la lecture de la clause, un premier constat s’impose : les parties n’ont pas voulu que leurs échanges soient couverts par une confidentialité absolue, sans exception. Effectivement, la clause prévoit explicitement la possibilité de divulguer certains documents, à condition que les deux parties y consentent. La proposition de l’Association relativement à l’existence d’une confidentialité absolue échoue déjà à ce stade. Il faut aussi porter une attention particulière au fait que la cl. 9 du contrat‑type (l’équivalent de la clause de confidentialité en l’espèce), renvoie aux art. 4, 5 et 606 n.C.p.c. (Guide 2016, p. 31, note 6). Dans ses commentaires sur l’art. 4 n.C.p.c., la ministre de la Justice de l’époque a clarifié les circonstances dans lesquelles la confidentialité de la médiation doit être levée : « Il peut en être ainsi de l’entente si sa mise en œuvre et son application exigent qu’elle soit divulguée » (voir aussi Le grand collectif, p. 24‑25, citant Union Carbide et son application au contexte familial). Ainsi, en faisant référence à ces articles du nouveau Code de procédure civile dans son contrat‑type reproduit dans le Guide, le COAMF suggère que l’exception relative aux règlements s’applique en médiation familiale.
[109]                     De plus, pour interpréter correctement la clause de confidentialité, il faut l’analyser au regard de l’ensemble du contrat, notamment la clause première et les cl. 2, 3 et 4 (art. 1427 C.c.Q.). La clause première du contrat prévoit que leur médiation a pour but « d’en arriver à une entente » (d.a., p. 94). La clause 2, taillée sur mesure par Mme Bisaillon et M. Bouvier, désigne l’objet du différend à régler. Ces clauses mettent en lumière que l’intention première des conjoints est de régler leur différend, ce qui est crucial à l’interprétation de la clause de confidentialité, laquelle ne peut être considérée comme ayant pour effet d’empêcher les parties d’atteindre cet objectif. Les clauses 3 et 4 vont également en ce sens, en définissant le rôle du médiateur et celui des conjoints en fonction de l’objectif de parvenir à une entente mutuellement satisfaisante.
[110]                     La nature du contrat et les circonstances dans lesquelles il est conclu mènent à cette même conclusion. De par sa nature, le contrat de médiation vise à encadrer le processus de médiation familiale. L’intention dominante des parties qui s’engagent dans un tel processus est de résoudre leurs différends, nés ou à naître, par le biais d’une entente (Belleau, no 8‑45; cl. 1). En l’espèce, Mme Bisaillon et M. Bouvier ont choisi de recourir à la médiation parce qu’il existait un véritable différend entre eux et qu’ils souhaitaient régler tous les aspects de leur séparation, notamment la garde de leurs enfants, le partage de leur immeuble et la compensation de Mme Bisaillon. Certes, la médiation aurait pu avoir des bienfaits accessoires sur leur relation à long terme, mais force est de constater qu’ici leur objectif premier était de régler leurs différends. Ainsi, les parties avaient une attente légitime qu’elles seraient outillées pour mettre en œuvre cette entente et donc qu’elles pourraient, si nécessaire, lever la confidentialité pour prouver son existence et ses modalités.
[111]                     Finalement, le comportement des parties après la formation du contrat doit également être pris en compte pour éclairer l’interprétation en cas d’ambiguïté : « C’est ainsi qu’un acte d’exécution partielle du contrat, à condition d’être libre et non le fruit d’une erreur, peut empêcher son auteur de soutenir par la suite, devant le tribunal, une interprétation contraire à l’acte posé » (Jobin et Vézina, no 418; art. 1426 C.c.Q.). Par conséquent, l’interprétation du contrat de médiation dépend aussi de la conduite des parties, notamment lorsqu’elle démontre que celles‑ci avaient effectivement l’objectif de conclure et de mettre en œuvre une entente, et qu’elles n’ont pas gardé confidentiel le contenu ou le fruit de leurs échanges. Ce fut d’ailleurs le cas en l’espèce, alors que la preuve révèle que Mme Bisaillon et M. Bouvier ont référé explicitement à la médiation après la fin du processus, manifestant ainsi leur intention de mettre en œuvre l’entente issue de la médiation.
[112]                     Dans ce contexte, il serait incompatible avec l’intention des parties, telle qu’exprimée dans le contrat qu’elles ont signé et telle qu’inférée des circonstances, de considérer que la cl. 8 impose une confidentialité absolue. Cette clause ne fait que confirmer la règle générale de confidentialité, sans toutefois exclure l’exception au privilège relatif aux règlements. Je suis d’avis que les explications suivantes du juge Wagner dans Union Carbide sont tout aussi applicables à la médiation familiale : « En l’absence d’une disposition expresse à cet égard, j’estime déraisonnable de supposer que des parties qui ont consenti à une médiation dans le but de parvenir à un règlement renonceraient à leur droit de faire la preuve des modalités du règlement. Une telle conclusion serait illogique » (par. 65). En effet, interpréter une clause de confidentialité comme écartant l’exception relative aux règlements peut faire obstacle à la réalisation de l’objectif de conclure un règlement (Union Carbide, par. 50).
[113]                     Ainsi, interpréter le contrat‑type ou le contrat signé par les parties comme ayant pour effet de conférer une confidentialité étanche et absolue équivaudrait à ignorer l’intention première des parties qui s’engagent dans un processus de médiation, tout en rendant impossible l’exécution d’une entente valide qui ne pourrait être comprise correctement que dans le contexte des communications faites durant la médiation. En terminant sur ce point, je partage les commentaires de la juge Hogue, qui écrivait qu’il y aurait avantage à ce que, par mesure de prudence, le contrat‑type de médiation fasse clairement référence aux limites du privilège relatif aux règlements et à l’application de ses exceptions, mais cette mention n’était pas, comme elle l’explique, nécessaire pour trancher le présent litige.
[114]                     En somme, l’exception relative aux règlements retenue par notre Cour dans l’arrêt Union Carbide doit s’appliquer tout autant à la médiation familiale régie par le contrat‑type. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les paramètres de son application seront différents dans le contexte de la médiation familiale régie par le contrat‑type du COAMF, par rapport à d’autres régimes contractuels encadrant la médiation civile ou commerciale. L’application de l’arrêt Union Carbide est influencée notamment par le fait que le régime du contrat‑type rend impossible la formation d’une entente obligatoire durant les séances de médiation familiale, puisque les propositions faites par les conjoints ne sont pas des offres fermes. Le régime prévoit que le processus se termine par la remise du résumé des ententes et non par une entente obligatoire, et que les parties auront l’occasion de consulter un conseiller juridique indépendant avant d’être liées contractuellement par une entente issue de la médiation. Ces aspects propres au régime du contrat‑type sont cruciaux parce qu’ils ont pour effet de différer le moment où une entente obligatoire peut être conclue entre les parties, et donc le moment où l’exception serait susceptible de s’appliquer et de faire lever la confidentialité.
[115]                     Il s’ensuit que, sous le régime du contrat‑type de médiation familiale, toutes les communications effectuées par les conjoints dans le but de régler leur différend demeureront complètement confidentielles, sauf si une des exceptions reconnues s’applique. L’exception relative aux règlements ne s’appliquera que si (1) un règlement intervient entre eux après la fin du processus et la remise du résumé des ententes, et après qu’ils aient eu l’occasion de consulter un conseiller juridique indépendant, et (2) un d’entre eux nie l’entente ou ses modalités, ou s’oppose à son exécution. De surcroît, même si ces deux conditions sont réunies, l’exception relative aux règlements permettra seulement la divulgation des échanges qui sont nécessaires pour établir l’entente ou ses modalités, et non pas l’entièreté des communications (Union Carbide, par. 35). Ainsi, il ne faut pas craindre que des communications intimes portant sur la relation entre les parties ne soient révélées : dans la mesure où elles ne sont pas nécessaires pour prouver le règlement, elles sont à l’abri de l’exception et elles demeureront à jamais confidentielles.
D.           Application du droit aux faits
[116]                     La mise en application de ces principes aux faits de la présente affaire confirme que le juge de première instance a eu raison de ne pas accueillir l’objection de Mme Bisaillon et, comme l’a décidé la Cour d’appel, qu’il n’y avait aucune raison d’intervenir en appel.
[117]                     Avant de participer à la médiation familiale, Mme Bisaillon et M. Bouvier ont signé un contrat de médiation calqué sur le contrat‑type du COAMF, qui contenait une clause générale de confidentialité et un énoncé non ambigu selon lequel l’objectif de leur processus de médiation était de parvenir à une entente. Aucune de ses clauses n’écarte clairement le privilège relatif aux règlements ou ses exceptions, et l’interprétation du contrat en l’espèce ne peut mener à la conclusion contraire. Suivant Union Carbide, cela signifie que la clause de confidentialité du contrat que les parties ont signé laisse place à l’exception permettant de faire la preuve de l’existence et des modalités d’un règlement.
[118]            Conformément aux modalités du contrat‑type, les parties ont entrepris une tentative de négociation d’un projet d’entente et elles se sont donné le temps de réfléchir à son opportunité après la remise du résumé par le médiateur familial. Les parties n’ont jamais signé le résumé des ententes et ne l’ont pas fait homologuer. Cependant, leur comportement ultérieur indique qu’elles sont parvenues à un accord de volontés suffisamment clair pour la formation d’une véritable entente, reflétant par ailleurs les modalités consignées au résumé des ententes. À cet égard, il faut préciser que le fait qu’une partie encaisse des chèques émis par l’autre ne suffit pas toujours pour établir une volonté de s’engager : il est bien entendu possible qu’une partie accepte l’argent par besoin plutôt qu’en reconnaissance d’une entente réglant leur litige. En l’espèce, toutefois, le juge de première instance n’a pas accepté l’explication de Mme Bisaillon selon laquelle elle avait encaissé les chèques par besoin et a rejeté sa prétention qu’il n’y avait pas d’entente conclue entre eux (motifs de la C.S., par. 59 et 61; motifs de la C.A., par. 113).
[119]                     En raison de l’application de l’exception au privilège relatif aux règlements retenue dans l’affaire Union Carbide, les parties pouvaient faire la preuve de l’existence et des modalités de cette entente, le tout sous réserve des règles du droit de la preuve prévues au Code civil du Québec. Ensemble, les courriels, les chèques émis et encaissés, ainsi que le témoignage des parties ont permis au juge de première instance de conclure que cette entente subséquente, contrairement au projet d’entente consigné au résumé, respectait les conditions de formation des contrats et avait donc force obligatoire entre les parties. Comme le souligne à bon droit la juge Hogue, le résumé des ententes n’était pas nécessaire pour en venir à cette conclusion.
[120]                     Il existait d’autres fondements en vertu desquels Mme Bisaillon aurait pu s’opposer à l’admission du résumé des ententes non signé pour prouver l’entente de règlement ou ses modalités. Madame Bisaillon ayant fait défaut de les invoquer, le juge de première instance ne pouvait les soulever d’office en raison de l’art. 2859 C.c.Q. Il pouvait donc, dans ces circonstances exceptionnelles, admettre en preuve le résumé des ententes, étant donné que l’exception de l’arrêt Union Carbide s’appliquait et que les objections n’avaient pas été soulevées. Le juge s’est bien dirigé en droit en se demandant si les « circonstances démontr[aient] une volonté de s’engager par contrat », tout en refusant de reconnaître la force exécutoire du contrat en l’absence d’un contrôle d’opportunité (motifs de la C.S., par. 56).
VI.         Conclusion
[121]                     Par conséquent, le juge de première instance n’a pas eu tort de donner effet au contrat dans les circonstances, et la conclusion de la Cour d’appel était bien fondée. À mon tour, je rejetterais l’appel.
[122]                     Les dépens entre parties sont généralement attribués à la partie gagnante, mais notre Cour a le pouvoir discrétionnaire d’en décider autrement (Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, c. S‑26, art. 47; Caron c. Alberta, 2015 CSC 56, [2015] 3 R.C.S. 511, par. 110 et 114; Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57, par. 95). L’Association soutient que chaque partie devrait assumer ses propres frais étant donné la nature du pourvoi, s’inspirant sans doute de la règle habituelle qui est appliquée en matière familiale au Québec. Monsieur Bouvier plaide que nous devrions lui accorder des dépens sur la base avocat‑client, puisque l’Association a demandé l’autorisation de soulever des questions d’importance générale et l’infirmation de l’arrêt dont appel, dans l’objectif de faire de ce pourvoi une cause‑type. Monsieur Bouvier rappelle que l’Association nous demande d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel qui, malgré la divergence d’opinions entre les juges Doyon et Hogue, a conclu à l’unanimité que le jugement de première instance devrait être confirmé. Il affirme par ailleurs que l’Association lui a imposé « un débat qui n’aurait autrement eu lieu devant cette honorable Cour, considérant que l’Intimée Bisaillon n’a pas demandé la permission d’en appeler de la décision de la Cour d’appel » (m.i., par. 146).
[123]                     Notre Cour a le pouvoir discrétionnaire de déroger à la pratique habituelle et d’ordonner l’octroi de dépens sur la base avocat‑client, dans des circonstances exceptionnelles (Octane Stratégie inc., par. 95; Mackin c. Nouveau-Brunswick (Ministre des Finances), 2002 CSC 13, [2002] 1 R.C.S. 405, par. 86; Roberge c. Bolduc, 1991 CanLII 83 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 374). De tels dépens sont principalement octroyés dans deux types de circonstances : lorsqu’une partie fait preuve d’une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante (voir, p. ex., Young c. Young, 1993 CanLII 34 (CSC), [1993] 4 R.C.S. 3, p. 134), ou lorsqu’un pourvoi soulève des questions d’intérêt général qui dépassent le cas particulier de la partie gagnante (voir, p. ex., Finney c. Barreau du Québec, 2004 CSC 36, [2004] 2 R.C.S. 17, par. 48). Rien ne tend à indiquer que l’Association a fait preuve d’une conduite qui pourrait justifier cette ordonnance en application de la première catégorie de cas exceptionnels. La question est plutôt de savoir si la demande de l’intimé M. Bouvier est justifiée en vertu de la seconde catégorie.
[124]                     Je suis d’avis que plusieurs facteurs militent en faveur de la conclusion que nous sommes en présence d’un cas exceptionnel justifiant l’octroi de dépens sur la base avocat‑client. Cela dit, le contexte particulier et le statut de l’Association, à titre d’organisme à but non lucratif, appellent à la prudence à cet égard.
[125]                     Non seulement M. Bouvier a‑t‑il eu gain de cause devant la Cour, tout comme devant la Cour supérieure et la Cour d’appel, mais il a aussi dû se défendre contre un tiers au litige d’origine, tiers qui, malgré l’absence de Mme Bisaillon à l’instance, demande que l’appel soit accueilli. L’intervention de l’Association devant la Cour d’appel était à titre amical; conformément aux directives du juge ayant autorisé l’intervention, l’Association s’est limitée à faire des observations sur des questions de droit se rapportant à la médiation familiale afin d’éclairer la Cour d’appel (2017 QCCA 1793, par. 5‑6). Quand Mme Bisaillon a choisi de ne pas faire appel de la décision de la Cour d’appel, l’Association a décidé de délaisser son rôle d’intervenante et de demander l’autorisation d’être substituée à titre d’appelante et d’appeler du jugement. Ces deux demandes ont été accueillies par la Cour, avec dépens suivant l’issue de l’appel. Contrairement à son rôle en Cour d’appel, l’Association demande à notre Cour d’accueillir l’appel et de maintenir l’objection à la preuve que Mme Bisaillon avait formulée en première instance. Même si l’Association dit vouloir limiter ses moyens à des questions de droit, elle prend formellement position sur le bien‑fondé des décisions de la Cour supérieure et de la Cour d’appel, décisions qui, nous le savons, reposaient sur des conclusions factuelles importantes. L’intimé M. Bouvier devait donc défendre les décisions du premier juge et de la Cour d’appel devant notre Cour, sans quoi il risquait de perdre sa cause en Cour suprême. Je note également que l’Association a omis de verser au dossier de notre Cour plusieurs éléments de preuve sur lesquels étaient fondées les décisions des instances inférieures, notamment les courriels et chèques échangés par les parties et les extraits des transcriptions des témoignages de M. Bouvier et de Mme Bisaillon. Cela a obligé M. Bouvier à verser dans son dossier d’intimé la preuve nécessaire pour défendre les jugements attaqués, en application de la règle 39 des Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002‑156.
[126]                     À l’audience devant notre Cour, l’avocate de l’Association a plaidé que « [l]’intimé Bouvier, avec respect, [. . .] n’avait pas à être devant vous. Il aurait pu s’en remettre à la décision de la Cour. Il aurait pu également faire comme l’intimée Bisaillon, qui n’est pas présente, ne pas intervenir » (transcription, p. 50). Cet argument doit être rejeté. Le sort de cet appel était lourd de conséquences pour M. Bouvier, alors que ses droits dans l’immeuble ayant servi de résidence pour la famille étaient en jeu et qu’il risquait une perte financière directe et importante. Il devait donc défendre les conclusions des tribunaux inférieurs, en plus de devoir produire les éléments de preuve que l’appelante a omis de déposer et de devoir prendre position sur les questions de droit générales. Monsieur Bouvier n’avait pas à faire les frais d’une telle « cause‑type », qui dépassait largement le cadre factuel de son litige initial (voir Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), 1992 CanLII 110 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 3).
[127]                     En outre, l’Association était avertie, conformément aux règles applicables devant cette Cour, qu’elle risquait de se voir imposer des dépens exceptionnels en demandant d’être substituée à titre d’appelante. Il est vrai que la Cour a accepté de lui permettre de se substituer à Mme Bisaillon comme partie, mais si l’Association craignait ne pas être en mesure de payer des dépens, elle aurait pu exprimer cette préoccupation dans sa demande d’autorisation d’appel, ou encore requérir un engagement particulier par rapport aux dépens comme l’ont fait les intimés dans l’arrêt Roberge c. Bolduc.
[128]                     Toutefois, je suis d’avis que nous devrions imposer une limite au montant total des dépens qui devraient être octroyés à M. Bouvier sur la base avocat‑client.
[129]                     L’Association est un organisme à but non-lucratif qui n’a pas, à première vue, d’intérêt financier direct dans l’issue du présent pourvoi. Par ailleurs, M. Bouvier n’a pas plaidé qu’il ne pouvait pas assumer la charge financière du présent pourvoi. S’il affirme que ses moyens sont plus modestes que ceux de l’Association, force est de constater, selon la preuve au dossier en première instance, que sa situation n’est pas comparable à celle des intimés dans d’autres cas où des dépens avocat‑client ont été octroyés. Dans l’arrêt Roberge c. Bolduc, par exemple, les intimés étaient si peu fortunés que, sans ordonnance favorable sur les dépens, leur avocat allait cesser de les représenter.
[130]                     Surtout, je suis sensible au fait qu’ordonner des dépens sur la base avocat‑client contre l’Association pourrait avoir un effet dissuasif sur d’autres organismes ou plaideurs moins bien nantis, qui pourraient hésiter à défendre leurs droits ou d’autres intérêts non représentés, de crainte de se voir imposer des dépens très élevés dès lors qu’ils soulèvent des questions d’intérêt plus général. Il faut donc faire preuve de prudence. Dans le contexte très particulier de la présente affaire, j’estime qu’un compromis est de mise.
[131]                     En tenant compte de l’ensemble de ces considérations, je rejetterais l’appel et j’accorderais à M. Bouvier les dépens sur la base avocat‑client, jusqu’à concurrence de 15 000 $, en sus des débours.
 
Version française des motifs des juges Abella, Karakatsanis et Martin rendus par
 
                    La juge Karakatsanis —
I.               Aperçu
[132]                     La question précise à trancher en l’espèce est de savoir si l’exception au privilège relatif aux règlements de l’arrêt Union Carbide Canada Inc. c. Bombardier Inc., 2014 CSC 35, [2014] 1 R.C.S. 800, s’applique au régime québécois de médiation familiale. Plus important encore, le présent pourvoi porte sur l’importance de la confidentialité dans le contexte de la médiation familiale, et soulève la question de savoir s’il est approprié de transposer une règle de droit privé, applicable au contexte civil et commercial, dans le contexte particulier du droit de la famille, sans l’adapter.
[133]                     Mon collègue le juge Kasirer conclut que l’exception au privilège relatif aux règlements de l’arrêt Union Carbide s’applique aux communications qui ont lieu pendant les séances de médiation familiale au Québec. Bien que je souscrive à de nombreux aspects des motifs mûrement réfléchis du juge Kasirer, je ne peux souscrire à cette conclusion. À mon avis, les discussions qui ont lieu lors des séances de médiation demeurent confidentielles et ne peuvent être communiquées ou mises en preuve, sauf si les parties en conviennent expressément autrement. Les règles relatives à la confidentialité des négociations en vue d’un règlement s’appliquant aux affaires civiles et commerciales ne peuvent simplement être transposées dans le contexte du droit de la famille : cela minerait l’approche juridique unique relative aux règlements en droit de la famille élaborée par nos tribunaux et porterait atteinte aux objectifs multiples du régime de médiation familiale.
[134]                     La Cour reconnaît depuis longtemps le caractère unique des règlements en droit de la famille. Elle a souligné, dans des décisions s’échelonnant sur au moins quatre décennies, la vulnérabilité qui est au cœur des négociations en matière familiale; l’importance (et les limites) de la représentation par avocat pour pallier cette vulnérabilité; le besoin de modes de calcul distincts pour établir la contribution économique des conjoints; le rôle essentiel de la symétrie en matière de communication des renseignements; l’influence des négociations sur les enfants; et les difficultés liées à la conciliation entre les droits conférés par les régimes législatifs en matière familiale et la liberté personnelle des conjoints d’organiser leurs affaires[2]. La Cour a refusé de transposer les principes applicables aux règlements commerciaux dans le contexte familial, reconnaissant que les principes qui conviennent à d’autres contextes se prêtent souvent mal à l’examen des questions soulevées à la suite de l’éclatement de la cellule familiale. En outre, les décisions principales de la Cour portant sur la confidentialité dans le contexte commercial ne se réfèrent à la jurisprudence en droit de la famille que par contraste : voir Union Carbide, par. 41. Les deux domaines ont évolué séparément pour une bonne raison. Je ne m’écarterais pas de cette approche en l’espèce.
[135]                     Les différends en droit de la famille exigent une approche unique, pour des raisons bien simples. Le droit de la famille cherche à gérer des relations humaines dans un contexte particulièrement unique et difficile. La rupture d’une relation conjugale s’accompagne souvent de bouleversements émotionnels, de vulnérabilité et d’inégalités découlant du rapport de force entre les parties. Habituellement, les différends familiaux couvrent un vaste éventail d’enjeux. Ils peuvent soulever des questions juridiques fondamentales concernant les pensions alimentaires, la garde, les droits de visite ou le partage des biens, qui s’ajoutent à la nécessité de démêler des affaires familiales interdépendantes — des enjeux qui requièrent bien souvent une collaboration durable. Lorsque des enfants sont impliqués, leur intérêt supérieur requiert que leurs parents aient la capacité de continuer à communiquer et à résoudre leurs différends. Dans ce contexte, les règlements doivent parfois être adaptés en fonction de circonstances changeantes et peuvent ne pas représenter la résolution définitive des enjeux entre les parties.
[136]                     L’unité familiale fait partie intégrante de l’organisation de la vie quotidienne. Les efforts visant à réduire les dommages collatéraux découlant des séparations familiales ont ainsi de vastes répercussions sociétales, particulièrement pour les enfants, répercussions qui vont bien au‑delà des effets sur le couple qui se sépare. Considérant le caractère très répandu des ruptures familiales, la manière dont les différends familiaux sont réglés a une incidence sur la société en général.
[137]                     Des régimes spéciaux de règlement alternatif des différends (RAD) en matière familiale existent aujourd’hui dans chaque province. Cela témoigne du fait que les législateurs et les juges sont de plus en plus conscients de la nécessité de favoriser un environnement de collaboration, surtout pour le bien des enfants : B. Landau, « Overview of Dispute Resolution Options », dans B. Landau et autres, The Family Dispute Resolution Handbook (6e éd. 2018), 1, p. 3. Les règles spéciales fournissent de meilleurs renseignements et un meilleur soutien aux parties qui cherchent à s’orienter dans le processus, accroissent leur capacité d’y participer, veillent à la protection des parties vulnérables et instaurent une surveillance et un pouvoir d’intervention accru des tribunaux.
[138]                     Par conséquent, le processus de médiation familiale ne vise pas que la conclusion de règlements. Il vise également à restructurer les relations, en cultivant le dialogue et en dotant les parties des outils nécessaires pour passer collectivement à travers les bouleversements traumatisants de l’éclatement de la cellule familiale. Le processus de médiation invite les parties à collaborer, afin qu’elles puissent jeter des bases plus solides en vue de la continuation de leur relation et afin qu’elles améliorent leur capacité à réagir aux circonstances futures. Par la même occasion, la médiation vise à compenser les inégalités entre les parties qui découlent des rapports de force préexistants, inégalités souvent exacerbées par les conséquences financières d’une séparation. La création d’un espace confidentiel où les parties peuvent parler librement et sans préjudice est essentielle à la réalisation de ces objectifs.
[139]                     Au Québec, la confidentialité est particulièrement cruciale puisque le régime de médiation familiale interdit la présence d’avocats aux séances de médiation, lesquelles se tiennent devant un médiateur formé et accrédité, qui n’est pas nécessairement un juriste. L’interdiction de la présence d’avocats signifie que les parties ne savent pas ou n’envisagent pas forcément les répercussions légales de ce qu’elles disent dans un milieu conçu pour être confidentiel. L’absence d’avocats lors des séances de médiation peut aussi accentuer les inégalités découlant du rapport de force entre les parties au lieu de l’atténuer.
[140]                     La médiation commerciale est intrinsèquement différente : les parties sont souvent bien informées, elles recourent habituellement aux services d’un avocat, et dans la plupart des cas, le seul objectif est d’arriver à un règlement. Par conséquent, dans le domaine commercial, la raison d’être du privilège relatif aux règlements et de son exception est de favoriser le règlement des différends juridiques. Or, la communication des discussions tenues lors de la médiation ne favorise pas — et peut effectivement contrecarrer — la réalisation des autres objectifs plus larges de la médiation familiale. Une règle qui s’applique dans le contexte des négociations commerciales ne devrait pas être utilisée pour porter atteinte à un régime de médiation à caractère unique, qui repose sur la confidentialité en vue de la réalisation des objectifs généraux des règlements en droit de la famille.
[141]                     Le raisonnement de la Cour dans l’arrêt Union Carbide est également incompatible avec la structure de la médiation familiale au Québec. Comme le conclut de façon convaincante mon collègue, la structure unique du régime ne permet pas aux parties de conclure un règlement au cours des séances de médiation, puisqu’il ne peut y avoir d’offre ferme de contracter et d’acceptation. Il s’ensuit que les modalités d’un règlement ne peuvent être conclues qu’à l’extérieur du processus de médiation.
[142]                     Même si l’arrêt Union Carbide devait s’appliquer en droit de la famille, les parties pourraient toujours conclure un contrat qui leur assure une protection supérieure à celle qu’offre la common law en matière de confidentialité : par. 49, 50 et 56. À mon avis, le contrat type de médiation utilisé au Québec, interprété correctement, témoigne de l’intention des parties de maintenir une confidentialité absolue à l’égard de toutes discussions tenues lors de la médiation, sauf si les parties en conviennent autrement.
[143]                     Ainsi, je suis d’accord avec l’Association de médiation familiale du Québec pour dire que toutes les communications ayant eu lieu lors des séances de médiation étaient inadmissibles en preuve, car elles étaient protégées par le privilège relatif aux règlements et par les clauses du contrat en matière de confidentialité. Je suis également d’accord avec la conclusion du juge Kasirer selon laquelle le résumé des ententes n’est pas un contrat, s’agissant plutôt du reflet de la compréhension du médiateur quant aux points d’accord potentiels entre les parties. Cela dit, j’estime que le résumé était inadmissible. Dans les circonstances inhabituelles de la présente affaire, toutefois, je ne puis conclure que la décision particulière en l’espèce doit être annulée. Je rejetterais ainsi le pourvoi.
[144]                     Mes motifs se divisent comme suit. En premier lieu, j’examine le contexte unique des différends et des processus de règlement en matière familiale. En deuxième lieu, je démontre que la confidentialité est nécessaire pour la réalisation des objectifs multiples de la médiation familiale. En troisième lieu, j’explique pourquoi le fondement de l’exception au privilège relatif aux règlements de l’arrêt Union Carbide est incompatible avec le contexte du droit de la famille. En quatrième lieu, je démontre que le contrat type de médiation utilisé au Québec prévoit la confidentialité absolue. Enfin, je me penche sur le fond de l’affaire et j’explique pourquoi le résumé des ententes était inadmissible en l’espèce, avant d’examiner la question des dépens.
II.            Le contexte unique de la médiation familiale
[145]                     Le développement de notre jurisprudence en droit de la famille témoigne de l’évolution de notre compréhension des défis particuliers liés au règlement des différends en matière familiale : Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295, par. 1. En effet, l’éclatement de la cellule familiale n’est pas une question juridique ordinaire. Les relations familiales ne sont pas « une association économique, ni [. . .] une simple relation d’affaire ni [. . .] une rencontre fortuite » : Pettkus c. Becker, 1980 CanLII 22 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 834, p. 850. Celles‑ci peuvent « être un havre de sécurité et de confort [. . .] où ses membres ont leur contact humain le plus intime »; peuvent représenter « un système de soutien émotif et économique »; et peuvent servir de « moyen de transmettre les valeurs que nous jugeons essentielles à notre sens de la collectivité » : Moge c. Moge, 1992 CanLII 25 (CSC), [1992] 3 R.C.S. 813, p. 848. La dissolution de relations familiales peut s’avérer être un événement catastrophique dans la vie de ses membres. À cet égard, [traduction] « les affaires relevant du droit de la famille, et surtout celles qui mettent en cause des règlements matrimoniaux, sont tout à fait différentes des affaires commerciales » : Logan c. Williams (1989), 1989 CanLII 8855 (BC CA), 41 B.C.L.R. (2d) 34 (C.A.), p. 42.
[146]                     Notre Cour a constamment reconnu la nécessité d’adopter une approche particulière face aux difficultés liées à la résolution des différends familiaux, ajustant le droit privé général à cette fin : voir Rathwell c. Rathwell, 1978 CanLII 3 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 436; Pettkus; Lacroix c. Valois, 1990 CanLII 46 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1259, p. 1278; Peter c. Beblow, 1993 CanLII 126 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 980; Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303, par. 82; Rick, par. 43; L.M.P. c. L.S., 2011 CSC 64, [2011] 3 R.C.S. 775, par. 15. Elle a souligné les effets parfois dévastateurs de la séparation (Lacroix, p. 1275; Moge, p. 871; Bracklow c. Bracklow, 1999 CanLII 715 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 420; Boston c. Boston, 2001 CSC 43, [2001] 2 R.C.S. 413, par. 55; Hartshorne c. Hartshorne, 2004 CSC 22, [2004] 1 R.C.S. 550, par. 91, la juge Deschamps, dissidente en partie), qui peuvent faire en sorte que les parties soient en proie à une « vulnérabilité particulière » (Rick, par. 47), et qu’elles ne soient [traduction] « pas en mesure de prendre des décisions à caractère permanent et exécutoire » : Miglin, par. 74, citant J. D. Payne et M. A. Payne, Dealing with Family Law : A Canadian Guide (1993), p. 78; voir aussi Richardson c. Richardson, 1987 CanLII 58 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 857, p. 883, le juge La Forest, dissident. Elle a reconnu que ces vulnérabilités peuvent engendrer ou faciliter des modes d’influence imperceptibles (Miglin, par. 75); et a souligné l’importance — et les limites — des conseils juridiques indépendants pour atténuer ce risque : Pelech c. Pelech, 1987 CanLII 57 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 801, p. 850; Miglin, par. 212, le juge LeBel, dissident; Hartshorne, par. 60; Rick, par. 60‑61. La Cour a insisté sur le besoin de communication franche et complète en tant que « condition préalable à la négociation de bonne foi » (Colucci c. Colucci, 2021 CSC 24, par. 51), et en tant que moyen de « prot[éger] l’intégrité du résultat de négociations menées dans ces contextes de vulnérabilité particulière » : Rick, par. 47. Elle est également demeurée consciente de la portée et de la nature prospective des ententes familiales, qui peuvent avoir des répercussions sur des tiers, notamment sur les enfants : Miglin, par. 76; L.M.P., par. 15. À la lumière de ce qui précède, la Cour a expliqué que « les principes du droit des contrats ne sont pas appliqués avec rigidité dans le contexte du droit de la famille » : L.M.P., par. 15.
[147]                     La conclusion des juges majoritaires selon laquelle la règle de l’arrêt Union Carbide s’applique aux discussions tenues lors de la médiation en l’espèce repose sur l’idée que la médiation familiale n’est pas intrinsèquement différente de la médiation commerciale (par. 43 et 106), et que l’objectif primordial de la médiation familiale est de régler un différend juridique. Toutefois, la jurisprudence insiste sur l’importance de reconnaître les aspects uniques des différends familiaux, qui s’insèrent difficilement dans un paradigme civil et commercial. Les objectifs de la médiation familiale ne se limitent pas uniquement à favoriser le règlement d’un différend juridique spécifique. Plus particulièrement, deux objectifs d’intérêt public primordiaux jouent un rôle essentiel.
[148]                     Premièrement, la médiation familiale prépare le terrain en vue de restructurer des relations qui permettront de passer, à long terme, à travers les conséquences traumatisantes de l’éclatement d’une cellule familiale, particulièrement lorsque des enfants sont en cause : M.‑C. Belleau, « La médiation familiale au Québec : une approche volontaire, globale, interdisciplinaire et accessible », dans P.‑C. Lafond, dir., Régler autrement les différends (2e éd. 2018), 299, no 8‑38. L’objectif de restructurer les relations revêt une importance accrue dans le contexte familial en raison du caractère intime des liens familiaux. En effet, [traduction] « la restructuration des relations familiales, plutôt que leur rupture [. . .] est l’objectif central du processus de justice familiale » : N. Bala, « Reforming Family Dispute Resolution in Ontario : Systemic Changes and Cultural Shifts », dans M. Trebilcock, A. Duggan et L. Sossin, dir., Middle Income Access to Justice (2012), 271, p. 275; voir aussi Belleau, no 8‑8. Le processus unique de la médiation familiale qui favorise les discussions franches, le dialogue et l’écoute active permet de réaliser cet objectif : voir Belleau, no 8‑16. Au Québec, la priorité accordée à la restructuration des relations se reflète dans la nature interdisciplinaire du régime : la médiation concerne chaque dimension de la séparation, que les difficultés soient de nature émotionnelle, relationnelle, financière ou juridique : M.‑C. Belleau et G. Talbot‑Lachance, « La valeur juridique des ententes issues de la médiation familiale : présentation des mésententes doctrinales et jurisprudentielles » (2008), 49 C. de D. 607, p. 615. Voilà pourquoi les médiateurs ne sont pas nécessairement des juristes; ils peuvent être, par exemple, des conseillers d’orientation, des psychoéducateurs, des psychologues ou des travailleurs sociaux : Belleau, no 8‑13.
[149]                     Deuxièmement, la médiation familiale cherche à protéger les parties vulnérables et à atténuer les inégalités découlant du rapport de force entre les parties en vue d’obtenir un résultat équitable. Le processus est conçu pour les parties qui, dans le tumulte de la séparation, n’y participent pas en tant qu’« acteurs économiques émotivement neutres des négociations commerciales », mais bien comme acteurs qui « apportent inévitablement à la table des négociations une multitude d’émotions et de préoccupations qui ne cadrent manifestement pas avec la prise de décisions économiques rationnelles » : Miglin, par. 74. Cet objectif joue un rôle plus important dans la médiation et la négociation en matière familiale que dans un contexte commercial, parce que le caractère intime de la relation entre les parties « accroît la difficulté de surmonter le déséquilibre potentiel des forces et les modes d’influence » : ibid., par. 74‑75. La médiation familiale au Québec ne vise pas simplement la conclusion d’un règlement, mais bien d’un règlement équitable : Comité des organismes accréditeurs en médiation familiale, Guide de normes de pratique en médiation familiale (2016), p. 7 et 9.
[150]                     Le contexte du droit de la famille est donc bien différent de celui du droit commercial. Comme le fait valoir l’Association, le processus de médiation familiale, la situation des parties et les objectifs des règlements diffèrent grandement d’une médiation de nature commerciale. C’est pourquoi notre Cour a « maintes fois insisté sur le contexte particulièrement émotif de la négociation des ententes entre époux, lesquelles ententes, par le fait même, ne peuvent être considérées comme des contrats commerciaux » : P. J. Dalphond et A. Nag, « Le contexte social dans l’exercice du droit de la famille », dans Collection de droit de l’École du Barreau du Québec 2020‑2021, vol. 4, Droit de la famille (2020), 25, p. 35.
III.         L’importance de la confidentialité pour les objectifs de la médiation familiale
[151]                     À mon avis, la confidentialité renforce les fondements participatifs et consensuels de la médiation, ainsi que l’objectif de conclure des règlements dans le contexte familial. Qui plus est, les objectifs additionnels de la médiation familiale — la restructuration des relations familiales, la protection des parties vulnérables — dépendent de la confidentialité absolue des séances de médiation. L’efficacité de la médiation familiale pour favoriser les règlements repose sur la création d’un espace confidentiel où les parties peuvent explorer des terrains d’entente en profondeur, sur toute une gamme d’enjeux interreliés et discuter sans crainte de répercussions sur le plan juridique.
[152]                     D’abord, la confidentialité est essentielle aux discussions franches et complètes, qui sont nécessaires à l’établissement d’une dynamique familiale fonctionnelle pour l’avenir. La confidentialité est souvent une condition préalable aux négociations et au dialogue honnêtes, ouverts et constructifs : L. D. Elrod, « The Need for Confidentiality in Evaluative Processes : Arbitration and Med/Arb in Family Law Cases » (2020), 58 F.C.R. 26. La résolution de problèmes, qui est au cœur de la médiation, repose sur la communication, par les parties, de leurs besoins et intérêts sous‑jacents, plutôt que seulement de leurs positions de négociation ou de leurs demandes : J. Watson Hamilton, « Protecting Confidentiality in Mandatory Mediation : Lessons from Ontario and Saskatchewan » (1999), 24 Queen’s L.J. 561. Si les séances ne sont pas confidentielles, les parties peuvent hésiter à parler ouvertement ou à envisager des compromis parce qu’elles craignent que leurs paroles puissent plus tard être utilisées contre elles lors d’instances judiciaires. D’ailleurs, la confidentialité de la médiation familiale [traduction] « offre la garantie nécessaire que les renseignements partagés ne seront pas utilisés comme une arme pour blesser les membres de la famille ou aggraver le différend familial » : F. Tetunic et G. Firestone, « Confidentiality and Privilege for Family and Child Protection Mediation : A Roadmap for Navigating the Innovation, Inconsistency and Confusion » (2020), 58 F.C.R. 46, p. 46. De cette façon, la confidentialité absolue au cours des séances de médiation favorise l’objectif de restructurer les relations familiales.
[153]                     Ensuite, la confidentialité est essentielle afin de protéger les parties vulnérables et d’atténuer les inégalités découlant du rapport de force entre les parties. Je souscris à l’exposé exhaustif que fait le juge Kasirer des garanties procédurales offertes aux parties vulnérables dans le cadre du régime québécois de médiation familiale : par. 55‑88. Je suis également d’accord avec le fait que la structure unique du régime ne permet pas aux parties d’arriver à un règlement lors des séances de médiation et que le résumé des ententes ne peut refléter une entente obligatoire entre les parties : par. 79 et 84. Toutefois, à mon avis, les protections offertes par le régime ne garantissent pas que les parties vulnérables ne se retrouveront pas liées à leur insu par des ententes malavisées. Je ne puis donc accepter que la confidentialité absolue ne soit pas nécessaire pour la protection des parties vulnérables.
[154]                     La confidentialité absolue empêche la partie la plus forte d’utiliser les paroles de la partie la plus vulnérable afin de soutenir une entente inéquitable. Ce risque est accru au Québec puisque le régime interdit la présence d’avocats pendant les séances : Code de procédure civile, RLRQ, c. C‑25.01, art. 617. Comme le fait remarquer le juge Kasirer, cette interdiction a pour objectif de favoriser la collaboration entre les parties, en les encourageant à régler leurs problèmes ensemble et en évitant, du même coup, que les séances de médiation ne se transforment en dialogue entre avocats : par. 50‑51. Il est cependant bien établi que la présence d’avocats contribue à atténuer les inégalités découlant du rapport de force entre les parties : Miglin, par. 82 et 93; Rick, par. 60‑61. Par conséquent, en l’absence d’avocats, la confidentialité offre une mesure de protection nécessaire contre le risque que le conjoint le plus fort n’abuse du processus de médiation et ne tire profit des vulnérabilités et du rapport de force préexistants afin d’obtenir des compromis inéquitables de l’autre conjoint.
[155]                     De plus, même si les médiateurs en droit de la famille doivent être accrédités et impartiaux, et ont le devoir de protéger l’intégrité du processus ainsi que les droits des participants, en pratique, ils ne pourront pas toujours intervenir pour protéger les parties vulnérables : voir W. Wiegers et M. Keet, « Collaborative Family Law and Gender Inequalities : Balancing Risks and Opportunities » (2008), 46 Osgoode Hall L.J. 733, p. 739, 750‑751 et 754. Les dynamiques abusives ne sont pas toujours apparentes. En outre, bien que la possibilité pour les tribunaux de réviser certaines ententes offre un degré de protection à la partie vulnérable, ce pouvoir est restreint, puisque seules les ententes mettant en cause des questions d’ordre public sont assujetties à un contrôle d’opportunité du tribunal. Il convient de souligner que ce pouvoir ne s’applique pas aux questions de pension alimentaire et de transfert de biens entre les conjoints de fait.
[156]                     Ainsi, je conviens avec l’Association que même si le régime de médiation familiale prévoit des protections spéciales pour les parties vulnérables, ces protections ne peuvent éliminer les inégalités découlant du rapport de force entre les conjoints, qui participent aux séances de médiation sans conseiller juridique.
[157]                     En somme, les caractéristiques uniques de la médiation familiale sont mieux servies lorsque les séances de médiation jouissent d’une confidentialité absolue. La confidentialité fournit une garantie supplémentaire permettant une participation pleine, véritable et équitable, sans que les parties aient à craindre de conséquences juridiques. La confidentialité est essentielle à la réalisation des objectifs multiples du régime, qu’il s’agisse de restructurer les relations familiales, de protéger les parties vulnérables ou de trouver un terrain d’entente entre les parties.
IV.         L’arrêt Union Carbide et la médiation familiale
[158]                     L’application de l’exception au privilège relatif aux règlements de l’arrêt Union Carbide aux communications confidentielles faites lors de séances de médiation familiale comporte deux problèmes fondamentaux. Premièrement, la justification de cette exception — soit d’encourager le règlement de différends d’ordre juridique — ne tient pas compte du contexte unique des règlements en matière familiale, ni des objectifs multiples de la médiation familiale. Deuxièmement, le raisonnement qui sous‑tend l’exception est fondamentalement incompatible avec la nature de la médiation familiale au Québec. J’aborderai chacun de ces problèmes ci‑dessous.
[159]                     Le privilège relatif aux règlements est une règle de preuve issue de la common law qui s’applique à toutes les communications entreprises aux fins de régler une action : Union Carbide, par. 34, citant Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 CSC 37, [2013] 2 R.C.S. 623, par. 14. Cette règle fait l’objet d’exceptions lorsque « le défendeur [. . .] établi[t] que, tout compte fait, [traduction] “un intérêt public opposé l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable” » : Union Carbide, par. 34, citant Sable Offshore, par. 19. Les exceptions doivent être appliquées eu égard à leur objectif et non mécaniquement : Meyers c. Dunphy, 2007 NLCA 1, 262 Nfld. & P.E.I.R. 173, par. 19, citant Unilever plc c. The Procter & Gamble Co., [2001] 1 All E.R. 783 (C.A.), p. 789.
[160]                     Il était question d’une telle exception dans l’arrêt Union Carbide. Comme l’a expliqué le juge Wagner (maintenant juge en chef), il est possible de divulguer des communications protégées afin de faire la preuve de l’existence ou de la portée d’un règlement : par. 35. Il a également affirmé que l’exception « est logique car elle vise le même objectif que le privilège lui‑même, soit favoriser les règlements » : par. 35.
[161]                     Cependant, comme je l’ai fait remarquer, encourager le règlement des différends d’ordre juridique n’est pas le seul intérêt public en jeu dans le contexte du droit de la famille. Trouver un terrain d’entente et créer des espaces de confiance pour que les familles puissent aborder leurs différends à la suite de conflits ont des répercussions sociétales importantes. La restructuration des relations familiales et la protection des parties vulnérables sont des objectifs d’intérêt public additionnels. La confidentialité est essentielle à la réalisation de ces objectifs. Les raisons données pour justifier la renonciation au privilège relatif aux règlements dans l’arrêt Union Carbide ne peuvent donc être simplement transposées dans le contexte de la médiation familiale.
[162]                     Outre la dissymétrie qui existe entre les objectifs de la médiation familiale et la raison d’être de l’exception au privilège relatif aux règlements, il convient également de noter que le raisonnement formulé dans l’arrêt Union Carbide ne peut être transposé dans le contexte de la médiation familiale. Dans cet arrêt, la réalisation de l’objectif d’encourager les règlements était favorisée par la possibilité de divulguer des communications constituant l’offre et l’acceptation d’un contrat. Comme l’expliquent les auteurs A. W. Bryant, S. N. Lederman et M. K. Fuerst (cités dans l’arrêt Union Carbide, par. 35) :
     [traduction] Si les négociations sont fructueuses et mènent à une entente, les communications peuvent alors être présentées comme preuve du règlement lorsque l’existence ou l’interprétation de l’entente est mise en question. Ces communications constituent l’offre et l’acceptation d’un contrat exécutoire, et peuvent en conséquence être présentées en preuve pour établir l’existence d’un règlement. [Je souligne.]
      (The Law of Evidence in Canada (3e éd. 2009), §14.340)
Toutefois, dans le présent contexte, aucune offre ou acceptation ne peut avoir lieu pendant les séances de médiation. Il s’ensuit que les modalités d’un règlement ne peuvent être conclues qu’à l’extérieur du processus de médiation.
[163]                     L’arrêt Union Carbide laisse entendre qu’il serait déraisonnable, « [e]n l’absence d’une disposition expresse à cet égard, [. . .] de supposer que des parties qui ont consenti à une médiation dans le but de parvenir à un règlement renonceraient à leur droit de faire la preuve des modalités du règlement » : par. 65. Toutefois, le régime québécois de médiation empêche les parties de conclure un règlement lors des séances de médiation, où ont plutôt lieu des négociations exploratoires qui pourront, mais pas nécessairement, mener à la conclusion d’un règlement à l’extérieur de la médiation.
[164]                     En somme, le raisonnement formulé dans l’arrêt Union Carbide est incompatible avec la médiation familiale au Québec. Le contexte unique et les objectifs multiples de celle‑ci commandent une approche différente. Le régime québécois de médiation familiale requiert la confidentialité absolue des séances de médiation, sauf lorsque les parties en conviennent expressément autrement.
V.           Confidentialité dans le contrat de médiation
[165]                     Quoi qu’il en soit, l’interprétation du contrat de médiation révèle une intention de garantir des protections supérieures en matière de confidentialité dans ce contexte à celles qu’offre par ailleurs le privilège relatif aux règlements. L’arrêt Union Carbide précise que « les parties [peuvent] conclu[re] un contrat qui leur assure une protection supérieure à celle qu’offre la common law » : par. 49; voir aussi par. 50 et 56. Comme il est expliqué dans cet arrêt, au par. 47 : « Il s’agit de savoir si une clause de confidentialité absolue d’une entente de médiation a pour effet d’écarter l’exception de la common law . . . » De plus, « [i]l faut se demander si la clause de confidentialité entre effectivement en conflit avec le privilège relatif aux règlements ou avec ses exceptions reconnues » : par. 49.
[166]                     Dans chaque cas, l’analyse débute par l’interprétation du contrat : Union Carbide, par. 49. L’interprétation est axée sur l’intention des parties et leur volonté réelle au moment de conclure le contrat : Code civil du Québec (C.c.Q.), art. 1425. Lorsqu’un tribunal est appelé à interpréter un contrat, il doit tenir compte de « sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages » : art. 1426 C.c.Q.; voir aussi Union Carbide, par. 60. Par conséquent, l’art. 1426 C.c.Q. permet au tribunal de tenir compte d’éléments contextuels extrinsèques au contrat qui peuvent aider à révéler l’intention commune des parties : Groupe Blouin inc. c. Société Radio‑Canada, 2016 QCCA 1715, par. 9 (CanLII).
[167]                     En l’espèce, le juge de première instance (2017 QCCS 3788) n’a pas interprété les clauses du contrat pour établir si, dans ce contexte, elles écartaient l’exception au privilège relatif aux règlements dont il était question dans l’arrêt Union Carbide. Un examen du texte et de la nature du contrat, ainsi que des circonstances dans lesquelles il a été conclu, mène à la conclusion que les parties voulaient qu’il y ait confidentialité absolue lors des séances de médiation, ce qui écarte donc l’exception au privilège relatif aux règlements.
[168]                     Les clauses 8 et 10 du contrat de médiation stipulent :
8.   Nous reconnaissons que le contenu de nos rencontres, des entrevues et de notre dossier est confidentiel. Nous nous engageons à ne pas utiliser en preuve devant un tribunal tout document contenu au dossier incluant le résumé des ententes, sans le consentement des deux parties. Le médiateur ne peut communiquer ces informations à qui que ce soit, sauf lorsque la loi l’ordonne expressément.
10. Nous sommes informés que le résumé des ententes préparé à la fin de la médiation, le cas échéant, ne constituera ni un document légal, ni une entente exécutoire. Il servira aux conseillers juridiques qui seront retenus pour préparer les documents légaux appropriés. Nous sommes également informés que la signature du résumé des ententes produit des effets juridiques, même s’il n’a pas de force exécutoire, et qu’il est préférable d’obtenir un avis juridique indépendant av[ant] de procéder à la signature.
      (d.a., p. 95)
[169]                     Ces clauses confirment l’importance capitale de la confidentialité. Le sens ordinaire de la cl. 8 laisse entendre que la confidentialité absolue règne, à moins que les deux parties n’en conviennent expressément autrement. La clause complémentaire 10 indique clairement que les séances de médiation ne contiennent que des discussions exploratoires qui ne formeront pas d’ententes obligatoires. L’effet de ces clauses spécifiques ne peut pas être limité, à mon avis, par les références à l’objectif de régler un différend.
[170]                     Le texte de la clause de confidentialité dans l’arrêt Union Carbide était semblable à celui de la cl. 8 en l’espèce. Toutefois, on ne peut établir si les modalités du contrat « devai[ent] écarter l’exception [. . .] qui s’applique lorsqu’une partie cherche à faire la preuve de l’existence ou de la portée d’un règlement » (Union Carbide, par. 62), sur le seul fondement d’un libellé semblable.
[171]                     La clause de confidentialité dans l’arrêt Union Carbide — en cause dans une longue poursuite commerciale de trente millions de dollars — a été adoptée dans des circonstances bien différentes. L’interprétation du contrat par la Cour tenait compte du contexte commercial du litige. Par exemple, la Cour s’est référée à la Loi type sur la conciliation commerciale internationale de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international : par. 52‑53. De plus, les parties — de grandes sociétés — ont été conseillées et assistées par des avocats à chaque étape du processus. Cela se distingue aisément du contexte entourant la médiation familiale.
[172]                     De fait, dans le présent contexte, les circonstances confirment ce qu’indique le texte : les séances de médiation familiale sont censées se dérouler dans la confidentialité absolue, sauf lorsque les parties en conviennent autrement. Le texte non ambigu du contrat de médiation revêt une importance particulière parce que les parties ont signé le contrat devant un médiateur, sans qu’aucun conseiller juridique ne soit présent : Code de procédure civile, art. 617. Le contrat lui‑même informe les parties au sujet du processus de médiation familiale, notamment à l’égard de toute protection en matière de confidentialité à laquelle elles ont droit : Belleau, no 8‑41. On ne peut affirmer que les parties avaient l’intention d’accepter une confidentialité moindre fondée sur l’exception au privilège relatif aux règlements, une exception dont les parties ne connaissaient fort probablement pas l’existence.
[173]                     En outre, comme l’explique le juge Doyon de la Cour d’appel dans son opinion concordante dans le jugement porté en appel, il est nécessaire, lors de l’interprétation du contrat de médiation, de considérer les renseignements que le gouvernement du Québec a mis à la disposition du public (2020 QCCA 115). En effet, le gouvernement met l’accent sur la confidentialité absolue des communications lors de la médiation familiale en vue d’inciter les gens à avoir recours au processus. Le site Web du ministère de la Justice du Québec informe le public à cet égard :
     La médiation est dite fermée, c’est‑à‑dire confidentielle. Rien de son contenu ne peut être utilisé en preuve devant un tribunal.
      (Définition et but de la médiation (en ligne))
Comme le note le juge Doyon, le gouvernement a toujours insisté sur le caractère confidentiel de la médiation familiale : par. 15 (CanLII). La façon dont l’information est présentée façonne les attentes des parties en ce qui a trait à la médiation : R. Field et N. Wood, « Marketing Mediation Ethically : The Case of Confidentiality » (2005), 5 Q.U.T.L.J.J. 143, p. 145.
[174]                     De plus, de nombreuses caractéristiques uniques au droit de la famille et à la médiation familiale sont utiles pour comprendre les intentions véritables des parties lorsqu’elles signent le contrat de médiation. Premièrement, la conception et les règles spéciales du régime créent l’attente que rien de ce que les parties disent en l’absence d’un avocat ne sera utilisé contre elles pour leur imposer des obligations juridiques. Deuxièmement, la médiation familiale a lieu lorsque les conjoints se séparent et touche aux aspects les plus intimes de leur vie; des aspects que les parties s’attendent normalement à garder confidentiels. Troisièmement, comme je l’ai expliqué, la conclusion d’une entente n’est pas le seul objectif de la médiation familiale — elle vise aussi à restructurer les relations familiales et à protéger les parties vulnérables. La réalisation de ces objectifs repose sur des discussions sérieuses, un dialogue honnête ainsi que de l’écoute active, ce qui se fait idéalement dans un environnement confidentiel.
[175]                     Compte tenu de toutes les circonstances, le contrat de médiation traduit clairement l’intention qu’avaient les parties de conserver une confidentialité absolue. Le contrat, interprété dans son contexte, exclut implicitement l’exception au privilège relatif aux règlements lors des séances de médiation (et est en fait incompatible avec celle‑ci). Les discussions qui ont eu lieu lors des séances de médiation étaient confidentielles et ne pouvaient être invoquées comme preuve des modalités d’un contrat subséquent.
VI.         Fond du litige et dépens
[176]                     Comme je l’ai déjà dit, je suis d’accord avec le juge Kasirer et l’Association pour dire qu’aucune entente obligatoire ne peut être conclue lors des séances de médiation. Je suis aussi d’avis que le résumé des ententes ne peut refléter une entente obligatoire, puisqu’il ne s’agit que du reflet de la compréhension du médiateur quant aux points d’accord potentiels entre les parties.
[177]                     Toutefois, je conclus que le résumé des ententes n’était pas admissible. Il contient des renseignements confidentiels protégés. De surcroît, il s’agit d’une déclaration écrite extrajudiciaire faite par le médiateur qui, si produite pour établir la véracité de son contenu, serait irrecevable suivant la règle interdisant le ouï‑dire (art. 2843 C.c.Q.).
[178]                     Par conséquent, le juge de première instance a commis une erreur en fondant son raisonnement sur le principe qu’un contrat aurait pu être formé lors des séances de médiation. Il a aussi commis une erreur en admettant en preuve des renseignements confidentiels provenant des séances de médiation et le résumé des ententes. Je maintiendrais l’objection de Mme Bisaillon concernant l’admissibilité du résumé des ententes pour prouver les modalités d’un contrat formé après les séances de médiation.
[179]                     Le juge du procès a conclu qu’un contrat avait été formé le 10 décembre 2012, concernant à la fois l’immeuble et la compensation financière. Il s’est appuyé, du moins en partie, sur le résumé des ententes, daté du 10 décembre 2012, qu’il a jugé central au litige : par. 11 (CanLII). De plus, l’intégralité de la preuve contenue dans le dossier devant la Cour (à part le résumé des ententes) ne porte que sur la pension alimentaire pour enfants et non sur le transfert de l’immeuble. Toutefois, compte tenu du dossier limité soumis à la Cour, il est difficile d’évaluer si la preuve aurait par ailleurs été suffisante pour justifier la conclusion du juge de première instance concernant l’existence d’un contrat. Dans de telles circonstances inhabituelles — en effet, Mme Bisaillon n’est pas partie au présent pourvoi — je ne suis pas convaincue que la décision portée en appel devrait être infirmée. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi. Étant donné que l’Association a obtenu gain de cause à l’égard des questions juridiques, je ne rendrais aucune ordonnance concernant les dépens.
[180]                     L’octroi par les juges majoritaires de dépens avocat‑client contre l’Association dans le cas qui nous occupe est sans précédent et injustifié. De toutes les décisions publiées de notre Cour, je n’ai pu trouver que quatre cas où la Cour a adjugé les dépens avocat‑client contre un particulier qui soulevait une question d’intérêt public : voir Ouellet (Syndic de), 2004 CSC 64, [2004] 3 R.C.S. 348; Lefebvre (Syndic de), 2004 CSC 63, [2004] 3 R.C.S. 326; CIBC Mortgage Corp. c. Vasquez, 2002 CSC 60, [2002] 3 R.C.S. 168; et Roberge c. Bolduc, 1991 CanLII 83 (CSC), [1991] 1 R.C.S. 374. La Cour n’a jamais adjugé de dépens avocat‑client contre un organisme sans but lucratif qui soulevait une question d’intérêt public.
[181]                     Dans le cas qui nous occupe, l’Association a été substituée comme partie et a obtenu l’autorisation d’appel parce que notre Cour estimait que l’Association soulevait une question d’intérêt public pour la médiation familiale au Québec. L’étendue des motifs majoritaires et des motifs concordants en l’espèce démontre l’importance de ces questions juridiques. L’octroi d’une indemnisation complète ou de dépens avocat‑client est une mesure extraordinaire qui pénalise dans les faits cet organisme sans but lucratif pour avoir présenté une question d’une importance évidente dans un domaine du droit qui touche la vie de tant de Canadiens et Canadiennes. Cela ne peut que dissuader de telles parties de le faire à l’avenir.
 
                    Pourvoi rejeté.
                    Procureurs de l’appelante : Schirm & Tremblay, Laval.
                    Procureurs de l’intimé Michel Bouvier : Miller Thomson, Montréal.

[1] Deux versions de ce Guide seront citées à travers les motifs, soit le Guide 2012 et le Guide 2016. Le Guide 2016 constitue une révision du Guide 2012.
[2]  Rathwell c. Rathwell, 1978 CanLII 3 (CSC), [1978] 2 R.C.S. 436; Pettkus c. Becker, 1980 CanLII 22 (CSC), [1980] 2 R.C.S. 834, p. 850; Richardson c. Richardson, 1987 CanLII 58 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 857, p. 883, le juge La Forest, dissident; Pelech c. Pelech, 1987 CanLII 57 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 801, p. 850; Lacroix c. Valois, 1990 CanLII 46 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 1259, p. 1278; Moge c. Moge, 1992 CanLII 25 (CSC), [1992] 3 R.C.S. 813, p. 848; Peter c. Beblow, 1993 CanLII 126 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 980; Bracklow c. Bracklow, 1999 CanLII 715 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 420; Boston c. Boston, 2001 CSC 43, [2001] 2 R.C.S. 413, par. 55; Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303, par. 74 et 82; Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295, par. 1 et 43; L.M.P. c. L.S., 2011 CSC 64, [2011] 3 R.C.S. 775, par. 15; Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5, [2013] 1 R.C.S. 61, par. 114 et 254; Colucci c. Colucci, 2021 CSC 24, par. 51.



Analyses

ententes ; parties ; différends ; communications ; médiation familiale ; existence ; confidentialité ; Association ; enfants ; modalités ; règlements ; première instance ; application ; médiations ; médiateurs ; privilège relatif


Parties
Demandeurs : Association de médiation familiale du Québec
Défendeurs : Bouvier

Références :
Proposition de citation de la décision: Canada, Cour suprême, 17 décembre 2021, Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier, 2021 CSC 54


Origine de la décision
Date de la décision : 17/12/2021
Date de l'import : 19/12/2022

Fonds documentaire ?: CAIJ


Numérotation
Référence neutre : 2021CSC54 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2021-12-17;2021csc54 ?

Source

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