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19/02/2009 | CANADA | N°2009_CSC_10

Canada | Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10 (19 février 2009)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295

Date : 20090219

Dossier : 32098

Entre :

Nancy Rick aussi connue sous le nom de Nanc Rick

Appelante

et

Berend Brandsema aussi connu sous le nom de Ben Brandsema et

Brandy Farms Ltd.

Intimés

‑ et ‑

Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes

Intervenant

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothst

ein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 70)

La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Fish, Charron et R...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295

Date : 20090219

Dossier : 32098

Entre :

Nancy Rick aussi connue sous le nom de Nanc Rick

Appelante

et

Berend Brandsema aussi connu sous le nom de Ben Brandsema et

Brandy Farms Ltd.

Intimés

‑ et ‑

Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes

Intervenant

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 70)

La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Fish, Charron et Rothstein)

______________________________

Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10, [2009] 1 R.C.S. 295

Nancy Rick aussi connue sous le nom de Nanc Rick Appelante

c.

Berend Brandsema aussi connu sous le nom de Ben Brandsema et

Brandy Farms Inc. Intimés

et

Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes Intervenant

Répertorié : Rick c. Brandsema

Référence neutre : 2009 CSC 10.

No du greffe : 32098.

2008 : 14 octobre; 2009 : 19 février.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique

(les juges Thackray, Lowry et Chiasson), 2007 BCCA 217, 37 R.F.L. (6th) 352, 281 D.L.R. (4th) 517, 240 B.C.A.C. 31, 69 B.C.L.R. (4th) 56, [2007] B.C.J. No. 767 (QL), 2007 CarswellBC 778, qui a accueilli l’appel et rejeté l’appel incident formés contre une décision du juge Slade, 2006 BCSC 595, 26 R.F.L. (6th) 293, [2006] B.C.J. No. 850 (QL), 2006 CarswellBC 934. Pourvoi accueilli.

Philip Epstein, c.r., Jack Hittrich et Janette Kovacs, pour l’appelante.

Georgialee A. Lang, Benjamin J. Ingram et Heather M. Dale, pour les intimés.

Nitya Iyer et Joanna Radbord, pour l’intervenant.

Version française du jugement de la Cour rendu par

[1] La juge Abella — Notre Cour a à maintes reprises reconnu que les négociations consécutives à la rupture du lien conjugal ont lieu dans des circonstances particulièrement difficiles. En raison de ce contexte particulièrement émotionnel, il importe de veiller à ce que, dans la mesure du possible, le partage des biens des conjoints résulte de négociations d’où sont absentes l’exploitation psychologique et l’exploitation liée au déficit d’information.

[2] Après un long et difficile mariage, les parties ont négocié et signé un accord de séparation. Appliquant le critère énoncé par notre Cour dans Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303, le juge du procès a estimé que l’accord était abusif : le processus de négociation était gravement vicié et l’entente qui en avait résulté dérogeait considérablement aux objectifs du texte de loi régissant la question. Le juge a conclu que l’épouse était mentalement instable lors de la négociation et de la signature de l’accord. Il a également conclu que le mari avait profité de cette [traduction] « très grande vulnérabilité » en donnant son accord à une entente qu’il savait fondée sur des renseignements financiers qui étaient trompeurs, en partie parce qu’il avait lui‑même délibérément dissimulé certains faits.

[3] La Cour d’appel a infirmé la plupart des conclusions du juge du procès. Elle a plutôt jugé que la vulnérabilité de l’épouse avait été contrebalancée par la possibilité qu’avait eue cette dernière d’obtenir de l’aide professionnelle, et que le mari n’avait pas l’obligation de s’abstenir de donner son accord au versement à sa femme d’un paiement d’égalisation qui était à son avantage à lui.

[4] Ce pourvoi appelle donc l’attention sur les obligations des époux pendant le processus de négociation et de signature d’un accord de séparation concernant le partage des biens matrimoniaux. Dans Miglin, notre Cour a statué que, en raison de la vulnérabilité inhérente des conjoints pendant de telles négociations, ceux‑ci doivent éviter de recourir à des tactiques relevant de l’exploitation s’ils veulent mettre l’accord de séparation à l’abri de l’intervention des tribunaux. Faute de quoi l’accord risque d’être invalidé, surtout s’il ne respecte pas pour l’essentiel les objectifs des dispositions législatives en la matière.

[5] Les faits de la présente affaire nous amènent à examiner les implications de l’arrêt Miglin lorsque, délibérément, un époux ne fournit pas tous les renseignements financiers pertinents pendant les négociations sur le partage des biens. À mon avis, les réalités abordées par notre Cour dans Miglin ont pour corollaire l’existence d’une obligation de communication franche et complète des renseignements de cette nature lors de la négociation des accords de séparation.

[6] Le juge du procès a conclu au caractère abusif de l’accord, parce que le mari avait exploité son épouse, d’une part en ne lui communiquant pas l’information de manière franche et complète, et, d’autre part, en profitant de l’instabilité mentale de cette dernière, état qu’il connaissait. Le juge a par conséquent ordonné que soit versée à l’épouse, à titre d’indemnisation, une somme correspondant à la différence entre le paiement d’égalisation négocié en sa faveur et ce qu’elle était en droit de recevoir en vertu de la Family Relations Act, R.S.B.C. 1996, ch. 128 (« Loi sur les relations familiales »). En fait et en droit, je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

Contexte

[7] Nancy Rick et Berend Brandsema se sont mariés en 1973. Elle avait alors 18 ans, lui 19. Ils se sont séparés en février 2000, mais ont vécu dans la même maison jusqu’à la fin de l’été ou au début de l’automne de la même année. Ils ont divorcé en janvier 2002. En décembre 2001, ils ont conclu un accord de séparation dont la validité fait l’objet du présent pourvoi.

[8] Pendant les 29 années qu’ils ont passées ensemble, ils ont acquis des terres et mis sur pied une ferme laitière, Brandy Farms Inc., dont ils étaient actionnaires à parts égales. Ils ont aussi acheté des véhicules et des biens immeubles et cotisé à des REÉR, tous ces biens faisant partie des biens familiaux. Le couple a eu cinq enfants, dont l’un est mort en bas âge et deux étaient âgés de moins de 19 ans à la date de la séparation. Pendant les années où ils ont vécu ensemble, l’épouse s’est principalement consacrée à son rôle de femme au foyer, mais elle a aussi participé à l’exploitation de la ferme.

[9] Après leur séparation, Brandy Farms Inc. a versé de l’argent à l’épouse pour l’acquisition d’une maison au prix de 188 000 $. Le mari a acquiescé à cette opération, en posant comme condition que son épouse démissionne de son poste d’administratrice et de dirigeante de la société. Les deux parties ont eu constamment accès aux fonds détenus par la société jusqu’à la conclusion de l’accord de séparation.

[10] Après la séparation, l’épouse a retenu les services d’un avocat, qui a engagé une action en divorce le 17 octobre 2000. Quatre mois plus tard, en février 2001, les parties ont fait appel à un médiateur. Pendant la médiation, qui s’est déroulée sans la présence d’avocats, le mari a fourni un état de l’actif et du passif de Brandy Farms Inc.

[11] Les parties ont toutes deux reconnu avoir eu l’intention de se diviser leurs biens en parts égales.

[12] Le médiateur a préparé un protocole d’entente stipulant que le mari demeurerait propriétaire de Brandy Farms Inc. et d’une autre ferme laitière, tandis que l’épouse conserverait la maison qu’elle avait achetée et recevrait la somme de 750 000 $ [traduction] « pour l’égalisation de la valeur nette des biens familiaux des parties ».

[13] Le protocole stipulait également qu’aucune pension alimentaire ne serait versée.

[14] En mai 2001, l’épouse a demandé à l’avocat dont elle avait retenu les services pour l’action en divorce d’examiner le protocole non signé issu des premières négociations. De mai à août 2001, l’avocat de l’épouse a demandé à plusieurs reprises à celui du mari de produire un état financier conforme au formulaire 89.

[15] Les parties ont amorcé des discussions avec un nouveau médiateur à l’automne 2001, cette fois encore sans la présence d’avocats. Le mari a remis le formulaire 89 à la fin du mois de septembre 2001. La valeur nette des actifs de Brandy Farms Inc. énumérés par le mari dans le formulaire 89 dépassait d’environ 300 000 $ la valeur qu’il avait mentionnée au cours de la médiation du mois de février, à l’issue de laquelle l’épouse avait demandé un paiement d’égalisation de 750 000 $.

[16] Les parties se sont entendues sur un deuxième protocole d’entente, qu’elles ont signé le 10 octobre 2001. À l’exception d’une clause concernant la pension alimentaire pour enfants, ce protocole correspondait en gros à celui négocié en février 2001, y compris en ce qui a trait au paiement d’égalisation de 750 000 $ à l’épouse.

[17] Après la signature de ce protocole d’entente, le deuxième médiateur a dirigé l’épouse vers un autre avocat, qui s’est procuré le dossier de son prédécesseur. L’épouse a indiqué au deuxième médiateur qu’elle avait eu l’intention de procéder en deux étapes : d’abord signer un accord de séparation qui lui permettrait de subvenir à ses besoins essentiels, puis obtenir « justice ».

[18] Le juge du procès a présumé que, aux yeux du deuxième avocat, son mandat se limitait à s’assurer que les conditions énoncées dans le protocole d’entente soient incorporées dans un accord liant les parties et que les clauses de celui‑ci soient mises en œuvre.

[19] Avant la signature de l’accord de séparation, le mari a confié à des comptables la tâche d’organiser le transfert des actions de Brandy Farms Inc. de manière à en diminuer le plus possible les conséquences fiscales. L’opération a entraîné le transfert de toutes les actions de l’épouse et du mari à une nouvelle société, qui serait contrôlée indirectement par le mari. Il était prévu que l’épouse recevrait le paiement d’égalisation de 750 000 $, moins la somme de 19 000 $ pour couvrir la moitié des honoraires des comptables.

[20] L’accord de séparation a été signé le 13 décembre 2001. D’un commun accord, la somme forfaitaire de 750 000 $ destinée à l’épouse n’y était pas mentionnée. Le juge du procès a conclu que ce silence tenait très probablement à ce que la mention de ce paiement aurait compromis la possibilité de soutenir que l’opération d’acquisition des actions était effectuée entre des parties sans lien de dépendance.

[21] Le 17 janvier 2002, les parties ont divorcé et une ordonnance sur consentement rejetant les demandes de l’épouse — ordonnance préparée par l’avocat de celle‑ci — a été prononcée. En février 2002, les documents donnant effet à l’opération fiscale et à l’accord de séparation ont été finalisés.

[22] Le 6 mars 2003, l’épouse a demandé l’annulation de l’accord de séparation et de la convention connexe sur le transfert d’actions, invoquant leur caractère abusif et la communication de faux renseignements. À défaut, elle demandait réparation en vertu de l’art. 65 de la Loi sur les relations familiales.

[23] Le mari a soutenu que les tactiques de négociation de son épouse revêtaient un caractère délibéré et manipulateur. En première instance, le juge Slade a rejeté cet argument (2006 BCSC 595, 26 R.F.L. (6th) 293). Après 17 jours de procès, il a conclu qu’à l’époque de la séparation l’épouse était [traduction] « une personne profondément perturbée », dont la « perception de la réalité [était] considérablement altérée par des problèmes psychologiques » (par. 27). Pour arriver à cette conclusion, le juge du procès s’est notamment fondé sur l’opinion d’un psychiatre selon qui l’épouse présentait [traduction] « depuis longtemps un trouble psychique » (par. 26). Il a estimé que son [traduction] « état mental la rendait vulnérable » pendant les négociations. Il a conclu que son comportement, notamment sa déclaration selon laquelle elle avait une stratégie judiciaire en deux étapes (obtenir d’abord les fonds nécessaires pour subvenir à ses besoins essentiels, puis obtenir « justice »), témoignait de sa [traduction] « compréhension erronée des recours juridiques à sa disposition » (par. 112).

[24] Le mari avait lui‑même informé son avocat de l’instabilité mentale de son épouse, qui selon lui était [traduction] « paranoïaque et avait des idées délirantes » (par. 87). Le frère de l’épouse a témoigné et dit lui aussi que, depuis quatre ou cinq ans, cette dernière [traduction] « se comportait différemment » et qu’on pouvait « parfois s’interroger sérieusement » (par. 86) sur son état mental.

[25] Il a été révélé, pendant le procès, qu’une semaine avant que l’épouse quitte le foyer conjugal, le mari avait tiré sur leur compte conjoint, à son propre nom, un chèque de 79 954,36 $. Ce n’est qu’en février 2002, un mois après le prononcé du divorce, qu’il avait déposé cette somme dans le compte de Brandy Farms Inc. Il avait également avancé la somme de 154 000 $ au frère de son épouse, dont il était un ami proche. L’argent avait été placé dans des dépôts à terme au nom du frère de l’épouse en juillet et en août 2001, puis retiré par le mari et déposé dans son propre compte bancaire personnel en novembre 2001.

[26] Ces fonds additionnels totalisaient environ un quart de million de dollars. Le mari n’en avait pas fait état dans le formulaire 89 produit sous serment, et leur existence n’avait jamais été portée à la connaissance de l’épouse pendant les négociations.

[27] Le juge du procès a conclu que le mari avait sciemment présenté des renseignements financiers trompeurs à son épouse au début des négociations en attribuant aux éléments d’actif de Brandy Farms Inc. des valeurs non basées sur des évaluations indépendantes; en gonflant le montant des dettes de la société; en alléguant sans justification une dette fiscale liée à la société; en sous‑estimant nettement la valeur de deux autres propriétés appartenant pour moitié aux parties; en omettant de mentionner tant la somme de 154 000 $ temporairement transférée au frère de l’épouse, que le chèque de près de 80 000 $ tiré sur le compte conjoint des parties, puis déposé dans le compte de Brandy Farms Inc. une fois complétées les opérations relatives à l’accord.

[28] Le juge de première instante a en outre conclu que le mari — qu’il a décrit comme un [traduction] « homme d’affaires habile et expérimenté » — était, tout au long des négociations, [traduction] « bien au fait des pensées désordonnées [de son épouse] » et de son « comportement impétueux » (par. 113). De l’avis du juge, le mari avait sciemment profité de la vulnérabilité de son épouse en acceptant un accord fondé sur ce que lui seul savait être des renseignements financiers erronés et qui s’était traduit par un [traduction] « paiement d’égalisation » de 649 680 $ inférieur à ce que l’épouse était en droit de recevoir en vertu de la législation de la Colombie‑Britannique sur les biens matrimoniaux, malgré l’intention commune incontestée des parties de se diviser les biens familiaux en parts égales. Le juge a déclaré ce qui suit :

[traduction] Dans le cadre juridique tout à fait particulier des négociations visant à concilier les intérêts des parties dans les biens familiaux, où le principe d’égalité est présumé s’appliquer, voir une partie se donner un avantage qui entraînera un partage inégal de la valeur des biens heurte la conscience. [par. 113]

[29] La Cour d’appel a infirmé la plupart des conclusions du juge première instance touchant les faits et la crédibilité (2007 BCCA 217, 37 R.F.L. (6th) 352). Tout en concédant que l’épouse était une femme perturbée, la cour a rejeté la conclusion du juge du procès selon laquelle son instabilité mentale la rendait moins apte à comprendre le processus de négociation ou les recours juridiques à sa disposition, jugeant plutôt qu’[traduction] « il [était] clair qu’elle savait ce qu’elle faisait » (par. 52). Elle a également conclu que, même en supposant l’existence d’une certaine vulnérabilité de l’épouse, cette vulnérabilité avait été adéquatement contrebalancée par l’aide professionnelle à laquelle elle avait accès. Comme le mari n’était pas responsable du fait que son épouse n’utilisait pas efficacement les services auxquels elle avait accès, il n’avait aucune [traduction] « obligation inchoative » de s’abstenir d’accepter une proposition qui lui était avantageuse (par. 61). Pour ces motifs, la cour a fait droit à l’appel interjeté par le mari.

Analyse

[30] Il est de la nature même des conflits en général, et des conflits conjugaux en particulier, que les parties n’aient pas la même version des faits à l’origine du différend. Il appartient au juge du procès, en tant qu’historien judiciaire, de passer au crible le dossier, d’observer et d’écouter les parties et de déterminer quelle version des faits est la plus digne de foi. Pour cette raison, les conclusions de fait et les inférences factuelles tirées pendant le procès ne sauraient être écartées que si une « erreur manifeste ou dominante » a été commise, ou si le juge du procès a commis des erreurs fondamentales dans la qualification ou l’appréciation de la preuve (Stein c. Le navire « Kathy K », [1976] 2 R.C.S. 802, p. 808; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 10‑18; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, par. 52‑76).

[31] En l’espèce, le juge du procès a conclu que l’épouse avait une [traduction] « perception de la réalité » qui était « considérablement » altérée par des « problèmes psychologiques » et que cette dernière était une « personne profondément perturbée ». Il a jugé que l’instabilité mentale de l’épouse était non seulement évidente au moment de la séparation, mais avait persisté tout au long des négociations, de la signature et de la mise en œuvre de l’accord de séparation. Ce qui l’a amené à conclure que le mari, en acceptant une offre de règlement qu’il savait fondée sur des renseignements financiers trompeurs, avait sciemment exploité l’instabilité mentale de son épouse lors de la négociation et de la signature de l’accord.

[32] La Cour d’appel a rejeté l’assise factuelle de l’analyse juridique du juge du procès ou n’en a tenu aucun compte. À son avis, [traduction] « la mesure dans laquelle il y avait un déséquilibre des forces [. . .] [était] discutable » (par. 47), et la vulnérabilité de l’épouse, soit n’atteignait pas le niveau de « l’incapacité mentale », soit avait été effectivement contrebalancée par l’aide professionnelle — juridique ou autre — à laquelle elle pouvait recourir. Comme je l’ai indiqué, la cour était d’avis que l’épouse [traduction] « était une femme perturbée, mais [qu’]il [était] clair qu’elle savait ce qu’elle faisait » (par. 52).

[33] Ces conclusions de la Cour d’appel se fondent sur une thèse que le juge du procès avait examinée mais rejetée sans ambages dans ses motifs :

[traduction] Selon l’avocat du défendeur, la preuve démontre que la demanderesse avait conçu le plan de se séparer du défendeur et d’obtenir ce qu’elle pourrait d’un règlement rapide, pour ensuite porter des accusations mensongères contre lui en vue de faire rouvrir le dossier. Je rejette la thèse de la défense. La demanderesse était, au moment de la séparation, une personne profondément perturbée. La preuve présentée devant moi porte à croire qu’elle l’est toujours. Son comportement pendant le procès ne permet pas d’affirmer le contraire. [par. 146]

[34] Les conclusions de fait du juge du procès sont entièrement étayées par la preuve au dossier. Je me propose donc de m’appuyer sur ces conclusions pour procéder à l’analyse des questions juridiques que soulève la présente affaire.

[35] Comme je l’ai signalé précédemment, l’épouse faisait valoir que l’accord était abusif et, de ce fait, inapplicable selon les règles de common law régissant les contrats. Personne n’a contesté la possibilité d’invoquer, devant les tribunaux de la Colombie‑Britannique, le moyen de défense fondé sur le caractère abusif d’un contrat. Dans le cas où l’accord serait jugé valide, l’épouse soutenait, à titre subsidiaire, qu’il était [traduction] « inéquitable » au regard du critère moins exigeant énoncé à l’art. 65 de la Loi sur les relations familiales et qu’il devait être modifié en conséquence.

[36] Le juge du procès a conclu que l’accord était abusif. Il n’avait donc pas à examiner l’argument fondé sur l’art. 65. Cette démarche est conforme à celle suivie par les tribunaux de la Colombie‑Britannique, qui considèrent de façon générale que l’application de l’art. 65 présuppose l’existence d’un contrat valide. Ce n’est que dans les cas où l’accord est jugé applicable que son « caractère équitable » est apprécié au regard de l’art. 65 (voir, par exemple, Davidson c. Davidson (1986), 2 R.F.L. (3d) 442 (C.A.C.‑B.), par. 29; T. (T.L.A.) c. T. (W.W.) (1996), 24 R.F.L. (4th) 51 (C.A.C.‑B.), par. 10‑12; Chen c. Liu, 2008 BCSC 928, [2008] B.C.J. No. 1354 (QL), par. 55‑56; W. (C.E.) c. W. (G.D.), 2007 BCSC 550, 31 E.T.R. (3d) 101, par. 109‑110; Zhu c. Li, 2007 BCSC 1117, 33 E.T.R. (3d) 281, par. 105; Elliott c. Elliott, 2007 BCSC 98, [2007] B.C.J. No. 108 (QL), par. 30; Chepil c. Chepil, 2006 BCSC 15, [2006] B.C.J. No. 15 (QL), par. 47; Hartshorne c. Hartshorne, 2004 CSC 22, [2004] 1 R.C.S. 550, par. 17).

[37] La question dont nous sommes saisis tourne donc autour de la conclusion du juge du procès selon laquelle, étant donné le comportement du mari en l’espèce, l’accord négocié était abusif et l’épouse devait par conséquent se voir accorder à titre d’indemnisation une somme correspondant à la différence entre le « paiement d’égalisation » qui avait été négocié et la somme à laquelle elle avait droit en vertu de la Loi sur les relations familiales de la Colombie‑Britannique.

[38] Le juge du procès s’est appuyé sur la décision rendue par notre Cour dans Miglin. Dans cette affaire, il s’agissait de déterminer si une épouse divorcée pouvait, en vertu de l’art. 15.2 de la Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, ch. 3 (2e suppl.), demander des aliments plusieurs années après avoir signé un accord de séparation par lequel elle avait renoncé à toute créance alimentaire.

[39] Bien que l’arrêt Miglin concerne les ententes sur les aliments entre époux dans le contexte d’un divorce, il donne des indications quant à la façon de mener les négociations relatives aux accords de séparation en général, y compris les négociations sur le partage des biens matrimoniaux.

[40] Il ne fait aucun doute que les accords de séparation sont négociés par les époux à l’une des étapes les plus chargées d’émotions de leur relation, soit au moment où elle se défait. Dans Miglin, les juges de la majorité ont conclu que, en raison du cadre tout à fait particulier de ce type de négociations, les ententes conclues par des époux lors de la rupture du mariage ne sont pas et ne devraient pas être considérées comme régies par les règles applicables aux contrats commerciaux négociés par deux parties de force égale :

Le critère devrait reconnaître en définitive la façon particulière dont les accords de séparation, en général, et les arrangements en matière d’aliments entre époux, en particulier, comportent un risque de partage inéquitable lors de la négociation et plus tard. . .

Les négociations dans le contexte juridique d’une séparation ou d’un divorce se déroulent dans un cadre particulier [. . .] une période d’intenses bouleversements personnels et émotifs au cours de laquelle les parties, ou l’une d’elles, peuvent se sentir particulièrement vulnérables. [par. 73‑74]

[41] Dans ses motifs de dissidence dans l’arrêt Miglin, le juge LeBel a en outre signalé que le droit doit être sensible aux « réalités sociales et socio‑économiques » qui façonnent les rôles des parties dans les relations conjugales et qui sont susceptibles d’avoir des incidences négatives sur la négociation d’un accord au moment de la rupture. La juge Wilson a elle aussi évoqué cette vulnérabilité inhérente dans Leopold c. Leopold (2000), 51 O.R. (3d) 275 (C.S.J.) :

[traduction] [P]our les parties qui négocient un accord de séparation, l’une peut avoir un pouvoir financier prédominant ou peut jouir d’un certain pouvoir grâce à son influence sur les enfants. [. . .] La réalité [. . .] est que souvent les deux parties contractantes sont vulnérables sur le plan émotif, leur jugement et leur capacité de planification diminués, sans que l’une cherche à nuire ou à influencer l’autre. La relation conjugale complexe recèle de nombreux déséquilibres potentiels des forces. [par. 128]

(Voir également M. Shaffer et C. Rogerson, « Contracting Spousal Support : Thinking Through Miglin » (2003‑2004), 21 C.F.L.Q. 49, p. 70.)

[42] En se fondant sur ces réalités, la Cour a déclaré dans Miglin que l’intervention du tribunal serait justifiée lorsqu’il conclut que l’accord comporte des défauts sur le plan de la procédure et du fond :

[E]n présence d’un accord préexistant, le tribunal doit examiner d’abord les circonstances de la négociation et de la conclusion de l’accord afin de décider si le demandeur a établi un motif pour l’écarter. Le tribunal examine si l’une des parties était vulnérable et si l’autre a profité de sa vulnérabilité. Le tribunal détermine également si les dispositions de l’accord, au moment où il a été conclu, étaient essentiellement conformes aux objectifs généraux de la Loi. [par. 4]

[43] Dans Miglin, la Cour a reformulé et adapté le critère de la common law en matière de situation abusive pour tenir compte du caractère particulier des ententes matrimoniales :

[N]ous ne voulons pas laisser entendre que les tribunaux doivent nécessairement rechercher une situation « abusive » au sens de la common law en matière contractuelle. Il est dangereux d’emprunter la terminologie d’autres branches du droit et de la transposer à ce que nous reconnaissons tous être un contexte juridique très particulier. Il peut être présenté au tribunal des preuves convaincantes qu’une partie a profité de la vulnérabilité de l’autre dans les négociations en matière de séparation ou de divorce qui seraient insuffisantes pour démontrer le déséquilibre des forces permettant de conclure à l’existence d’une situation abusive dans un contexte commercial mettant en présence, par exemple, un consommateur et une importante institution financière. [par. 82]

[44] Par conséquent, la Cour a conclu dans Miglin que, lorsqu’il y a eu « présence d’oppression, de pression ou autres sources de vulnérabilité » et que, du fait de l’exploitation de cette vulnérabilité par une partie durant le processus de négociation, l’accord de séparation dérogeait dans une mesure importante au texte législatif, le tribunal n’est pas tenu de le valider (par. 81‑83).

[45] Il convient de souligner que, dans Miglin, la Cour a également insisté sur l’importance de respecter le « droit des parties de décider elles‑mêmes ce qui constitue pour elles, dans les circonstances de leur mariage, un partage équitable » (par. 73). Les parties devraient en règle générale être libres de décider elles‑mêmes de l’accord qu’elles sont disposées à conclure. Et il est vrai que dans la majeure partie des cas les conjoints qui se séparent semblent arrêter leurs accords sans la participation des tribunaux (Craig Martin, « Unequal Shadows : Negotiation Theory and Spousal Support Under Canadian Divorce Law » (1998), 56 U. T. Fac. L. Rev. 135, p. 137).

[46] Cette autonomie contractuelle suppose toutefois l’intégrité du processus de négociation. Ce n’est que si les deux parties abordent les négociations avec les renseignements nécessaires pour envisager l’acceptation ou l’offre de concessions qu’elles sont alors en mesure de décider de façon concluante ce qui constitue un accord acceptable. L’asymétrie d’information compromet la capacité d’un des conjoints d’en juger (Leskun c. Leskun, 2006 CSC 25, [2006] 1 R.C.S. 920, par. 34; Marcia Neave, « Resolving the Dilemma of Difference : A Critique of “The Role of Private Ordering in Family Law” » (1994), 44 U.T.L.J. 97, p. 117; Penelope E. Bryan, « Women’s Freedom to Contract at Divorce : A Mask for Contextual Coercion » (1999), 47 Buff. L. Rev. 1153, p. 1177).

[47] À mon avis, il découle des observations et des principes énoncés dans l’arrêt Miglin que la protection de l’intégrité du résultat de négociations menées dans ces contextes de vulnérabilité particulière suppose une obligation de communication franche et complète de tous les renseignements financiers pertinents. Le non‑respect délibéré de cette obligation peut rendre l’accord vulnérable à une intervention judiciaire s’il en résulte une entente négociée dérogeant dans une mesure importante aux objectifs de la loi régissant la question.

[48] C’est sur cette obligation de communication que repose, dans le cadre des négociations matrimoniales, la possibilité pour les époux en instance de séparation de véritablement décider par eux‑mêmes de ce qui constitue un accord acceptable. Elle contribue par ailleurs au caractère définitif des accords intervenus. Comme un accord basé sur une communication franche et complète est à première vue fondé sur le consentement éclairé des deux parties, les tribunaux seront davantage enclins à le reconnaître. À l’inverse, dans les cas où l’accord est fondé sur la communication de renseignements qui induisent en erreur, il ne saurait être considéré comme une entente véritable, devant être respectée par les tribunaux.

[49] L’intervention d’un tribunal dépendra nettement des circonstances propres à chaque espèce — notamment l’ampleur de la communication défectueuse et la mesure dans laquelle cette communication est jugée avoir été commise de façon délibérée. Elle dépendra également de la mesure dans laquelle les clauses négociées s’écartent des objectifs de la loi applicable. L’arrêt Miglin l’a confirmé : plus un accord est conforme aux objectifs énoncés par le législateur, moins il risque d’être l’objet d’une intervention judiciaire. Imposer aux conjoints en instance de séparation l’obligation de révéler de manière franche et complète l’existence de tous les biens contribue donc à faire en sorte que l’un et l’autre puissent déterminer dans quelle mesure l’accord correspond aux objectifs d’équité de la législation moderne en matière matrimoniale, ainsi que la mesure dans laquelle ils sont le cas échéant vraiment disposés à s’en écarter.

[50] Autrement dit, en droit de la famille, la meilleure façon de protéger le caractère définitif d’une entente négociée est de veiller à son intégrité à la fois sur les plans procédural et substantiel, conformément au régime législatif applicable.

[51] En Colombie‑Britannique, une présomption de division en parts égales des biens familiaux a été instaurée par le législateur, comme l’indique l’art. 56 de la Loi sur les relations familiales :

[traduction]

56 (1) Sous réserve de la présente partie et de la partie 6, à compter du 31 mars 1979, chacun des conjoints a droit à un intérêt dans chaque bien familial lorsque intervient pour la première fois, selon le cas :

a) un accord de séparation;

b) un jugement déclaratoire fondé sur l’article 57;

c) une ordonnance de dissolution du mariage ou de séparation judiciaire;

d) une ordonnance déclarant le mariage nul et sans effet.

(2) L’intérêt visé au paragraphe (1) correspond à une moitié indivise d’un bien familial détenu à titre de tenant commun.

(3) L’intérêt visé au paragraphe (1) est attribué sous réserve des dispositions :

a) soit d’une ordonnance fondée sur la présente partie ou la partie 6;

b) soit d’un contrat de mariage ou d’un accord de séparation.

(4) Le présent article s’applique aux mariages célébrés avant ou après le 31 mars 1979.

[52] L’article 65 de la Loi confère au tribunal le pouvoir de rendre des ordonnances dérogeant à cette présomption dans les cas où il est possible de démontrer, eu égard à l’ensemble des circonstances, qu’une division en parts égales serait « inéquitable » :

[traduction]

65 (1) La Cour suprême peut, sur demande, ordonner le partage des biens visés [. . .] au contrat de mariage [. . .] dans les proportions qu’elle fixe, lorsque le partage des biens entre les conjoints conformément à l’article 56 [. . .] ou à leur contrat de mariage [. . .] serait inéquitable compte tenu des éléments suivants :

a) la durée du mariage;

b) la durée de la séparation de fait;

c) la date d’acquisition ou d’aliénation d’un bien;

d) la mesure dans laquelle un bien a été acquis par l’un des conjoints par voie de succession ou de donation;

e) les besoins de chaque conjoint pour devenir ou demeurer autonome financièrement;

f) toute autre circonstance ayant trait à l’acquisition, à la conservation, à l’entretien, à l’amélioration ou à l’utilisation d’un bien, ou aux moyens ou obligations d’un conjoint.

[53] Le juge du procès a conclu que l’accord était abusif pour un certain nombre de raisons. Il dérogeait de façon marquée aux objectifs inscrits dans les dispositions législatives pertinentes et à l’intention incontestée des parties de se diviser les biens en parts égales, avec pour résultat que la somme attribuée à l’épouse était inférieure de 649 680 $ à celle à laquelle elle était présumée avoir droit selon la Loi sur les relations familiales. Il a en outre conclu que, en acceptant à titre de règlement une somme que lui seul savait fondée sur les renseignements financiers trompeurs qu’il avait lui‑même fournis au tout début des négociations, le mari avait profité d’une instabilité mentale dont il était [traduction] « bien au fait ». Cette conduite a été [traduction] « aggravée » par l’absence totale de mention, par le mari, de la somme de 233 000 $ qu’il avait temporairement avancée au frère de l’épouse et prélevée sur le compte conjoint des parties. Enfin, le juge du procès a conclu que la [traduction] « présomption de partage égal des biens » attachée à l’accord était également sapée par « l’exécution d’un plan visant à éviter les incidences fiscales [que le mari] avait justement invoquées pour justifier la réduction, dans son estimation initiale, de la valeur de la société » (par. 117).

[54] Devant notre Cour, le mari a contesté la conclusion du juge ayant trait aux conséquences du plan fiscal. Les parties étaient en profond désaccord sur le point de savoir s’il aurait fallu réduire la valeur de Brandy Farms Inc. pour tenir compte d’une dette fiscale éventuelle et, dans l’affirmative, sur le montant de la déduction. Le mari a soutenu que la déduction d’une somme à payer au fisc dans son évaluation initiale de Brandy Farms Inc. était tout à fait appropriée et que le juge du procès n’aurait pas dû lui faire grief d’avoir déduit une somme à cet égard. En outre, il a plaidé que si l’on prend en compte, comme il se doit, les dettes fiscales éventuelles, l’épouse a dans les faits reçu une part égale de la valeur de l’entreprise.

[55] À mon avis, le juge du procès pouvait à bon droit exercer son pouvoir discrétionnaire et refuser la déduction. Lorsqu’il est impossible de savoir avec certitude à quel moment un bien sera vendu (ou même s’il le sera jamais) et des sommes seront dues au fisc, les tribunaux ont jugé qu’il n’est pas nécessaire de tenir compte de coûts d’aliénation tout à fait hypothétiques dans le calcul d’un paiement d’égalisation. Le juge Davies a expliqué pourquoi dans Russell c. Russell, 2002 BCSC 1233, [2002] B.C.J. No. 1983 (QL), par. 107 : [traduction] « [Un conjoint] ne devrait pas subir une diminution immédiate de son patrimoine dans des circonstances où [l’autre conjoint] pourrait ne jamais subir une perte correspondante et quantifiable » (voir aussi Dowling c. Dowling (1997), 43 B.C.L.R. (3d) 59 (C.A.); Starkman c. Starkman (1990), 75 O.R. (2d) 19 (C.A.); Sengmueller c. Sengmueller (1994), 17 O.R. (3d) 208 (C.A.)).

[56] La déduction effectuée par le mari dans son estimation initiale de la valeur de Brandy Farms Inc. et celle dont a fait état son témoin expert lors du procès prenaient toutes deux en compte les importantes incidences fiscales d’une vente immédiate, une vente qui n’était pas envisagée à l’époque. En fait, le mari n’avait présenté aucun élément de preuve concernant la probabilité ou la date d’une éventuelle vente. Certes, il devra sans doute payer un impôt sur le gain en capital à un certain moment; mais comme il n’avait produit aucune preuve relative à l’imminence ou à l’éventualité d’une vente pour justifier quelque déduction que ce soit, la décision du juge du procès de ne pas effectuer de déduction était tout à fait défendable.

[57] Cependant, il n’est pas évident que la déduction projetée par le mari aurait dû faire partie des faits retenus par le juge du procès pour conclure au caractère abusif de l’accord. Lors du procès, autant les experts du mari que ceux de l’épouse ont déduit certaines sommes pour le coût d’aliénation relié à Brandy Farms Inc. L’expert de l’épouse a estimé ce coût à 252 500 $. Celui du mari l’a estimé à 601 230 $, soit presque exactement le montant déduit par le mari dans son évaluation initiale. Mais même s’il est possible de dire que la déduction faite par le mari ne devrait pas, en toute équité, être qualifiée de renseignement trompeur, il reste la dissimulation de chèques d’un montant de 233 000 $ et la sous‑évaluation de 195 000 $ de deux autres propriétés par le mari — ce qui fait en tout près d’un demi‑million de dollars.

[58] Il faut aussi rappeler que, pour conclure au caractère abusif de l’accord, le juge du procès s’est appuyé non seulement sur le fait que le mari n’avait pas fourni à son épouse les renseignements dont elle avait besoin pour décider de l’accord le plus susceptible de refléter leur intention mutuelle de se diviser leurs biens à parts égales, mais aussi sur le fait qu’il avait délibérément exploité la fragilité mentale de son épouse, état qui était connu.

[59] La Cour d’appel a rejeté ces conclusions relatives à l’exploitation. Elle s’est appuyée sur l’arrêt Miglin pour conclure que, en l’espèce, le fait que l’épouse avait accès à de l’aide professionnelle avait remédié à sa vulnérabilité :

[traduction] L’arrêt Miglin nous enseigne que lorsque la vulnérabilité est effectivement compensée par la disponibilité de services professionnels dont une partie ne profite par ailleurs pas, « le tribunal doit considérer l’accord comme traduisant le désir mutuel sincère des parties d’arrêter de manière définitive les modalités de leur séparation et comme révélant concrètement leurs intentions ». (Par. 83). Bien que le juge ait à juste titre refusé d’imputer au mari le fait que l’épouse n’avait pas profité de l’aide professionnelle disponible, il n’a pas tenu compte des conséquences juridiques de la conduite de l’épouse sur sa vulnérabilité. Selon moi, il a commis une erreur en ne le faisant pas, erreur qui l’a directement amené à conclure que l’acceptation par le mari de l’offre présentée par son épouse heurtait la conscience.

. . .

Il ne s’agissait pas d’un cas d’incapacité mentale, d’abus d’influence ou de contrainte. L’épouse était une femme perturbée, mais il est clair qu’elle savait ce qu’elle faisait. [par. 50 et 52]

[60] Il se peut très bien que, dans un cas donné, la vulnérabilité soit effectivement compensée par l’assistance de professionnels. Mais la Cour d’appel semble avoir tenu pour acquis que, en l’espèce, la simple présence d’une aide professionnelle neutralisait automatiquement la vulnérabilité. Or, cette interprétation me semble incompatible avec le langage clair du par. 83 de Miglin :

En l’absence de vulnérabilité, ou lorsque la vulnérabilité est effectivement compensée par la présence d’un avocat, d’un autre professionnel ou des deux, ou lorsqu’il n’a pas été tiré parti de la vulnérabilité, le tribunal doit considérer l’accord comme traduisant le désir mutuel sincère des parties d’arrêter de manière définitive les modalités de leur séparation et comme révélant concrètement leurs intentions.

[61] Ce passage indique que, lorsque la vulnérabilité a effectivement été compensée par la présence de professionnels, l’accord devrait être respecté. Cette observation est importante. Puisque la vulnérabilité est presque toujours présente dans ces négociations, il convient, à moins qu’il y ait eu exploitation psychologique ou communication de faux renseignements, de respecter la volonté véritable des parties de mettre au point leurs arrangements. Le recours à l’aide de professionnels constitue certes une façon d’atténuer la possibilité de tels abus. Mais l’exploitation n’est pas rendue anodine par le simple fait qu’un conjoint peut bénéficier des conseils de professionnels. Il s’agit dans chaque cas d’une question de fait.

[62] Or, en l’espèce, le juge du procès a conclu que la vulnérabilité de l’épouse n’avait pas été contrebalancée. Au contraire, il a jugé que l’état psychique et affectif de cette dernière l’avait rendue incapable d’utiliser l’aide professionnelle à laquelle elle avait accès. Autre facteur, important de surcroît, le juge a estimé que le mari était bien au fait de l’instabilité mentale de son épouse.

[63] Par conséquent, la conjugaison dans le présent cas de déficits informationnels trompeurs et d’exploitation psychologique a amené le juge du procès à conclure que la dérogation importante causée par ces facteurs aux droits reconnus à l’épouse par le texte législatif avait pour effet de rendre l’accord abusif et, de ce fait, inapplicable. Cette conclusion est amplement appuyée par la preuve.

[64] Pour cette raison, il est inutile de statuer sur l’effet de l’ordonnance sur consentement, puisque, comme l’a observé le juge d’appel Osborne dans McCowan c. McCowan (1995), 14 R.F.L. (4th) 325 (C.A. Ont.), par. 19, [traduction] « il est bien établi qu’un jugement sur consentement peut être cassé pour les mêmes motifs que l’entente à l’origine du jugement ». Voici les explications données par James G. McLeod à ce sujet :

[traduction] Cette règle découle du fait qu’un jugement sur consentement ne constitue pas une décision judiciaire sur le fond même d’une affaire, mais seulement une entente érigée au rang d’ordonnance avec le consentement des parties. Le fondement de l’ordonnance réside dans l’entente intervenue entre les parties, non dans la décision d’un juge sur ce qui est juste et raisonnable dans les circonstances.

(Annotation relative à Thomsett c. Thomsett, 2001 BCSC 546, 16 R.F.L. (5th) 427, p. 428‑429)

(Voir aussi Shackleton c. Shackleton, 1999 BCCA 704, 1 R.F.L. (5th) 459, par. 12; Schlenker c. Schlenker (1999), 1 R.F.L. (5th) 436 (C.S.C.‑B.), par. 21; McGregor c. Van Tilborg, 2003 BCSC 918, [2003] B.C.J. No. 1427 (QL), par. 16; T. (T.L.A.) c. T. (W.W.), par. 18; Huddersfield Banking Co. c. Henry Lister & Son, Ltd., [1895] 2 Ch. 273 (C.A.), p. 280; Monarch Construction Ltd. c. Buildevco Ltd. (1988), 26 C.P.C. (2d) 164 (C.A. Ont.), p. 165‑166; Donald J. Lange, The Doctrine of Res Judicata in Canada (2e éd. 2004), p. 329; R.L.S. c. D.C.M., 2002 BCSC 1794, [2002] B.C.J. No. 2890 (QL), par. 43; et G. Peter Fraser, John W. Horn et Susan A. Griffin, The Conduct of Civil Litigation in British Columbia (feuilles mobiles), vol. 2, p. 32‑11.)

[65] La réparation accordée par le juge du procès en raison du caractère abusif de l’accord a consisté à ordonner au mari de verser à l’épouse une somme correspondant à la différence entre le [traduction] « paiement d’égalisation » négocié et la somme à laquelle l’épouse avait droit en vertu de la Loi sur les relations familiales.

[66] Traditionnellement, le tribunal qui arrivait à la conclusion qu’un contrat était inapplicable parce qu’abusif en prononçait l’annulation. Mais lorsque cette mesure de réparation est exclue, parce que, dans la pratique, la restitution n’est pas possible, la solution réside de plus en plus souvent dans l’attribution à la partie lésée de dommages‑intérêts sous la forme d’une « indemnisation en equity ». Il en est ainsi parce que, comme l’a expliqué la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique dans Dusik c. Newton (1985), 62 B.C.L.R. 1 : [traduction] « Quand l’annulation est impossible ou non souhaitable, il ne serait pas équitable que le défendeur conserve les avantages tirés d’une entente abusive » (p. 47).

[67] Dans The Law of Contracts (2005), p. 403, le professeur John D. McCamus a souligné que les tribunaux du Canada et d’autres pays du Commonwealth ont abordé le concept de l’[traduction] « indemnisation en equity » avec une « vitalité nouvelle » au cours des dernières années (voir également J. D. McCamus, « Equitable Compensation and Restitutionary Remedies : Recent Developments » dans L.S.U.C. Special Lectures 1995 : Law of Remedies (1995), 295; S‑244 Holdings Ltd. c. Seymour Building Systems Ltd. (1994), 93 B.C.L.R. (2d) 34 (C.A.); Treadwell c. Martin (1976), 13 N.B.R. (2d) 137 (C.S.); Paris c. Machnick (1972), 32 D.L.R. (3d) 723 (C.S.N.‑É.); Junkin c. Junkin (1978), 20 O.R. (2d) 118 (H.C.J.); Dusik).

[68] Le professeur S. M. Waddams a expliqué ainsi les raisons de ce nouvel intérêt :

[traduction] [U]n système juridique rationnel devrait accorder un redressement pécuniaire à la partie demanderesse en remplacement de la résolution du contrat . . .

. . . La recherche de recours légaux appropriés, comme la quête de justice dans d’autres domaines, requiert un système de droit souple et en constante évolution.

(The Law of Contracts (5e éd. 2005), p. 302; voir aussi p. 391‑392; Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834, p. 847‑848, le juge Dickson.)

[69] La somme de 649 680 $ accordée par le juge du procès consistait dans des dommages‑intérêts ou, subsidiairement, dans une ordonnance d’indemnisation rendue en vertu de l’al. 66(2)c) de la Loi sur les relations familiales. Vu la conclusion que l’attribution de dommages‑intérêts constitue une indemnisation en equity appropriée, je n’ai pas à me prononcer sur la possibilité d’octroyer en l’espèce la réparation prévue à l’al. 66(2)c).

[70] Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens devant toutes les cours et de rétablir l’ordonnance du juge de première instance.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Hittrich Lessing, Surrey.

Procureurs des intimés : Georgialee Lang & Associates, Vancouver.

Procureurs de l’intervenant : Heenan Blaikie, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2009 CSC 10 ?
Date de la décision : 19/02/2009
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit de la famille - Biens familiaux - Accords de séparation - Caractère abusif - Versement d’un paiement d’égalisation négocié ne reflétant ni les objectifs de la loi applicable ni l’intention des parties de se diviser les biens en parts égales en raison de l’exploitation délibérée par l’époux de la fragilité mentale de l’épouse et de la communication délibérée par le premier de renseignements financiers trompeurs - L’accord de séparation avait‑il un caractère abusif? - Rôle de l’aide professionnelle pour contrebalancer la vulnérabilité d’une partie.

Droit de la famille — Accords de séparation — Obligation de communication franche et complète de l’information lors de la négociation des accords de séparation.

Contrats - Caractère abusif - Réparation - Indemnisation en equity.

Les parties se sont mariées en 1973 et se sont séparées en 2000. Pendant leurs 29 années de vie commune, les parties ont eu cinq enfants et acquis une ferme laitière dont elles étaient actionnaires à parts égales. Elles ont aussi acquis des véhicules et des biens immeubles, en plus de cotiser à des REÉR. Les parties ont été représentées de façon intermittente par des avocats et ont également fait appel à des médiateurs durant la négociation d’un accord de séparation. Environ un an après le divorce, l’épouse a demandé l’annulation de l’accord, invoquant son caractère abusif. À défaut de l’annulation, elle demandait au tribunal d’ordonner une nouvelle répartition des biens en vertu de l’art. 65 de la Family Relations Act de la Colombie‑Britannique. Le juge du procès a conclu que l’accord était abusif, parce que le mari avait exploité l’instabilité mentale de son épouse lors des négociations et avait délibérément caché ou sous‑évalué certains biens. L’épouse a en conséquence reçu une somme nettement inférieure à celle à laquelle elle avait droit en vertu de la loi pertinente, malgré l’intention expresse des parties de se diviser leurs biens en parts égales. Le juge du procès a donc ordonné au mari de verser à l’épouse une somme correspondant à la différence entre le paiement d’égalisation négocié et la somme à laquelle l’épouse avait droit en vertu de la loi. La Cour d’appel n’a pas souscrit aux conclusions du juge du procès quant au degré de vulnérabilité de l’épouse et a conclu que, quoi qu’il en soit, cette vulnérabilité avait été contrebalancée par la possibilité qu’avait eue cette dernière de recourir aux services d’avocats.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

Vu le contexte particulièrement émotionnel qui caractérise la rupture du lien conjugal, la négociation des accords de séparation se déroule dans des circonstances de vulnérabilité particulièrement difficiles. Il importe donc de veiller à ce que, dans la mesure du possible, le partage des biens des conjoints résulte d’un processus d’où sont absentes l’exploitation psychologique et l’exploitation liée au déficit d’information. Lorsque de telles situations d’exploitation entraînent la conclusion d’un accord dérogeant dans une mesure importante aux objectifs du texte de loi régissant la question, cet accord peut être jugé abusif et, de ce fait, inapplicable. [1] [44] [47]

Bien que les parties soient en général libres de décider elles‑mêmes de l’accord qu’elles sont disposées à conclure, ce n’est que si les deux parties abordent les négociations avec les renseignements nécessaires pour envisager l’acceptation ou l’offre de concessions qu’elles sont alors en mesure de décider de façon concluante ce qui constitue un accord acceptable. Ainsi, la protection de l’intégrité du processus de négociation suppose une obligation pour les époux en instance de séparation de communiquer franchement et complètement tous les renseignements financiers pertinents. Cette obligation permet non seulement aux époux en instance de séparation de véritablement décider par eux‑mêmes de ce qui constitue un accord acceptable, mais contribue également au caractère définitif des accords. Un accord négocié dans un climat de communication franche et complète de l’information et sans qu’il y ait eu recours à des tactiques relevant de l’exploitation survivra vraisemblablement à l’examen des tribunaux. [45‑49]

Cependant, la question de savoir si une communication défectueuse de l’information justifiera l’intervention d’un tribunal dépendra des circonstances propres à chaque espèce — notamment l’ampleur de la communication de renseignements qui induisent en erreur et la mesure dans laquelle cette communication est jugée avoir été commise de façon délibérée. [49]

Rien ne justifie de modifier la conclusion du juge du procès selon laquelle l’accord de séparation était abusif. Ses constatations selon lesquelles le mari a procédé à une communication défectueuse et exploité la vulnérabilité mentale de son épouse, état qui était connu, appuient cette conclusion. Bien que, dans certains cas, l’aide de professionnels contrebalance effectivement la vulnérabilité, en l’espèce, le juge du procès a conclu que l’instabilité mentale de l’épouse avait rendu celle‑ci incapable d’utiliser cette aide professionnelle. [2] [6] [27‑28] [31] [36] [58‑60] [62]

Le fait que le mari n’ait pas communiqué l’information de manière franche et complète, qu’il ait su que les négociations étaient fondées sur des renseignements financiers erronés et qu’il ait profité de la profonde instabilité mentale de son épouse, état qu’il connaissait, a entraîné la négociation d’un paiement d’égalisation inférieur de 649 680 $ à ce que l’épouse était en droit de recevoir en vertu de la Family Relations Act. Dans ces circonstances, le juge du procès était fondé à accorder cette somme afin d’indemniser l’épouse pour la perte causée par l’entente abusive. [6] [27‑28] [31] [53] [63] [69]


Parties
Demandeurs : Rick
Défendeurs : Brandsema

Références :

Jurisprudence
Arrêts appliqués : Miglin c. Miglin, 2003 CSC 24, [2003] 1 R.C.S. 303
Stein c. Le navire « Kathy K », [1976] 2 R.C.S. 802
Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235
H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401
arrêts mentionnés : Davidson c. Davidson (1986), 2 R.F.L. (3d) 442
T. (T.L.A.) c. T. (W.W.) (1996), 24 R.F.L. (4th) 51
Chen c. Liu, 2008 BCSC 928, [2008] B.C.J. No. 1354 (QL)
W. (C.E.) c. W. (G.D.), 2007 BCSC 550, 31 E.T.R. (3d) 101
Zhu c. Li, 2007 BCSC 1117, 33 E.T.R. (3d) 281
Elliott c. Elliott, 2007 BCSC 98, [2007] B.C.J. No. 108 (QL)
Chepil c. Chepil, 2006 BCSC 15, [2006] B.C.J. No. 15 (QL)
Hartshorne c. Hartshorne, 2004 CSC 22, [2004] 1 R.C.S. 550
Leopold c. Leopold (2000), 51 O.R. (3d) 275
Leskun c. Leskun, 2006 CSC 25, [2006] 1 R.C.S. 920
Russell c. Russell, 2002 BCSC 1233, [2002] B.C.J. No. 1983 (QL)
Dowling c. Dowling (1997), 43 B.C.L.R. (3d) 59
Starkman c. Starkman (1990), 75 O.R. (2d) 19
Sengmueller c. Sengmueller (1994), 17 O.R. (3d) 208
McCowan c. McCowan (1995), 14 R.F.L. (4th) 325
Thomsett c. Thomsett, 2001 BCSC 546, 16 R.F.L. (5th) 427
Shackleton c. Shackleton, 1999 BCCA 704, 1 R.F.L. (5th) 459
Schlenker c. Schlenker (1999), 1 R.F.L. (5th) 436
McGregor c. Van Tilborg, 2003 BCSC 918, [2003] B.C.J. No. 1427 (QL)
Huddersfield Banking Co. c. Henry Lister & Son Ltd., [1895] 2 Ch. 273
Monarch Construction Ltd. c. Buildevco Ltd. (1988), 26 C.P.C. (2d) 164
R.L.S. c. D.C.M., 2002 BCSC 1794, [2002] B.C.J. No. 2890 (QL)
Dusik c. Newton (1985), 62 B.C.L.R. 1
S‑244 Holdings Ltd. c. Seymour Building Systems Ltd. (1994), 93 B.C.L.R. (2d) 34
Treadwell c. Martin (1976), 13 N.B.R. (2d) 137
Paris c. Machnick (1972), 32 D.L.R. (3d) 723
Junkin c. Junkin (1978), 20 O.R. (2d) 118
Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834.
Lois et règlements cités
Family Relations Act, R.S.B.C. 1996, ch. 128, art. 56, 65, 66(2)c).
Loi sur le divorce, L.R.C. 1985, ch. 3 (2e suppl.), art. 15.2.
Doctrine citée
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Proposition de citation de la décision: Rick c. Brandsema, 2009 CSC 10 (19 février 2009)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2009-02-19;2009.csc.10 ?
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