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18/11/2015 | FRANCE | N°14-23411

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 novembre 2015, 14-23411


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 novembre 2011, pourvoi n° 10-30. 831), que Mmes Marie-France X..., épouse Y..., et Guylène X..., épouse Z... (Mmes X...), ont été inscrites à l'état civil comme étant nées respectivement le 7 avril 1966 et le 5 décembre 1964 de Mme A... et de Christophe X..., son époux, décédé le 29 décembre 1980 ; que, par actes des 12, 13 et 18 avril, 4, 30 mai et 20 juillet 2006, elles ont assigné Mme C...

veuve B..., MM. Richelieu et Paul C... et Mmes Renée et Léa C... (les c...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 7 avril 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 novembre 2011, pourvoi n° 10-30. 831), que Mmes Marie-France X..., épouse Y..., et Guylène X..., épouse Z... (Mmes X...), ont été inscrites à l'état civil comme étant nées respectivement le 7 avril 1966 et le 5 décembre 1964 de Mme A... et de Christophe X..., son époux, décédé le 29 décembre 1980 ; que, par actes des 12, 13 et 18 avril, 4, 30 mai et 20 juillet 2006, elles ont assigné Mme C... veuve B..., MM. Richelieu et Paul C... et Mmes Renée et Léa C... (les consorts C...) devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre afin de voir dire que Christophe X... n'était pas leur père et que Bienvenu C..., décédé le 13 février 2005, était leur père ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts C... font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action sur le fondement de l'article 311-7 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 alors, selon le moyen :
1°/ que le tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre des parties, par la remise au secrétariat greffe d'une copie de l'assignation ; que les consorts C... invoquaient l'irrecevabilité de l'action des consorts X... comme prescrite par application de l'article 333 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ; que la cour d'appel a écarté l'application de cette ordonnance, entrée en vigueur au 1er juillet 2006, au regard de la date de délivrance des assignations ; qu'en statuant de la sorte, lorsqu'elle devait se placer à la date de remise des assignations au secrétariat greffe du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 757 du code de procédure civile ;
2°/ que lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, soit le 1er juillet 2006, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que la cour d'appel a elle-même constaté que « les consorts Y...
Z... ont engagé leur action par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006 » ; qu'il s'en évinçait que certaines assignations avaient été délivrées le 20 juillet 2006, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ; qu'en décidant cependant que « la loi applicable ¿ est celle antérieure au 1er juillet 2006 », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 20 et 21 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;
Mais attendu que, lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance doit s'entendre de la date de cette assignation, à condition qu'elle soit remise au greffe ; qu'ayant exactement rappelé qu'aux termes de l'article 20 III de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance, le 1er juillet 2006, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne, et constaté que Mmes X... avaient engagé leur action par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006, ce dont il résultait que l'instance avait été introduite avant le 1er juillet 2006, la cour d'appel en a, à bon droit, déduit que la loi ancienne était applicable, la circonstance qu'une assignation ait été signifiée postérieurement au 1er juillet 2006 étant sans incidence eu égard à l'indivisibilité du lien d'instance en matière de filiation ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que les consorts C... font grief à l'arrêt de constater la possession d'état de Mmes X... à l'égard de Bienvenu C..., de dire que la filiation la plus vraisemblable dans le conflit de filiation est celle de Bienvenu C... et d'ordonner la transcription du jugement en marge des actes d'état civil ;
Attendu que l'arrêt constate, d'abord, que Mme A... a engagé, le 29 mars 1957, une action en séparation de corps et qu'elle s'est effectivement séparée de son époux pendant la durée du mariage ; qu'il relève, ensuite, que cette dernière, qui atteste avoir eu des relations intimes avec Bienvenu C... pendant la période de conception de ses filles, explique n'avoir pu héberger celui-ci en raison de l'exiguïté de son propre domicile et de ses nombreux enfants, que des témoignages attestent de la remise périodique de sommes d'argent en numéraire par Bienvenu C... à Marie-France et Guylène X..., alors élevées par leur grand-mère, du soutien financier qu'il a apporté à Mme A... et de l'affection qu'il portait à ses filles, qui l'appelaient " papa " ; qu'il énonce, enfin, que, s'agissant de la fin de vie de Bienvenu C..., les mauvaises relations avec les consorts C... pouvaient expliquer l'ignorance de Mmes X... quant à son état de santé réel ou son hospitalisation, mais qu'il est établi qu'elles ont réglé ses funérailles ; que de cet ensemble d'éléments souverainement appréciés, la cour d'appel a pu déduire, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, l'absence de possession d'état de Mmes X... à l'égard de Christophe X..., rendant recevable leur action, et la réalité de la possession d'état à l'égard de Bienvenu C... telle qu'elle est définie par les articles 311-1 et 311-2 anciens du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Annonciation Richelieu C..., Mme Léa C..., épouse D..., Mme Renée Léa C... et M. Paul C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne in solidum à payer à Mmes Marie-France X..., épouse Y... et Guylène X..., épouse Z... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par Me Carbonnier, avocat aux Conseils, pour les consorts C....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action sur le fondement de l'article 311-7 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 juillet 2005,
AUX MOTIFS QUE « Sur la loi applicable : Les consorts Y...
Z... agissent aux fins d'établissement de la paternité de M. Bienvenu Achille C... à leur égard, d'une part, en sollicitant l'organisation d'une expertise biologique à partir des échantillons prélevés sur le corps de ce dernier le 22 février 2005 par application de l'ordonnance de référé rendu par le président du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre les y autorisant et, d'autre part, en contestant la possession d'état les liant à leur père déclaré M. Christophe Armand X... et en se prévalant de la possession d'état requise à l'égard de M. Bienvenu Achille C.... Par application combinée des articles 20 I, 20 III et 21 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, lorsque l'instance a été introduite avant le 1er juillet 2006, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne qui s'applique également en appel. Par conséquent, en l'espèce, les consorts Y...
Z... ayant engagé leur action par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006, la loi applicable, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, est celle antérieure au 1er juillet 2006. La décision déférée sera confirmée de ce chef. Sur la prescription : Par application de l'article 311-7 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, toutes les fois qu'elles ne sont pas enfermées par la loi dans des termes plus courts, les actions relatives à la filiation se prescrivent par 30 ans à compter du jour où l'individu aurait été privé de l'état qu'il réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté, le cours de cette prescription étant suspendu pendant la minorité de l'intéressé. En l'espèce, l'action en constatation de la possession d'état d'enfant naturel contraire à la filiation légitime établie par le titre en raison de leur naissance pendant le mariage de leur mère avec M. Christophe Armand X... a été engagée le 18 février 2005, par assignation d'heure à heure du président du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre statuant en référé en organisation d'une expertise génétique afin de déterminer si M. Achille C... pouvait être leur père par Mme Marie-France Y..., majeure depuis le 7 avril 1984, et par Mme Guylène Z..., majeure depuis le 5 décembre 1982. Cette première action déclarée irrecevable a été suivie des assignations au fond rappelées ci-dessus et délivrée, pour la première d'entre elles, le 12 avril 2005. La prescription trentenaire ci-dessus n'était dès lors pas acquise lors de l'engagement de l'instance. La fin de non-recevoir sera par conséquent rejetée » (arrêt, p. 4 et 5),
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « En vertu de l'article 20 III de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ¿ soit le 1er juillet 2006 ¿ l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Dès lors, il convient de se référer, ici, aux dispositions des articles 311-7, 311-10, 311-12 et 334-9 du Code civil, comme proposé par les parties demanderesses » (jugement, p. 3),
1°) ALORS QUE le tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre des parties, par la remise au secrétariat greffe d'une copie de l'assignation ;
Que les consorts C... invoquaient l'irrecevabilité de l'action des consorts X... comme prescrite par application de l'article 333 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ; que la cour d'appel a écarté l'application de cette ordonnance, entrée en vigueur au 1er juillet 2006, au regard de la date de délivrance des assignations ;
Qu'en statuant de la sorte, lorsqu'elle devait se placer à la date de remise des assignations au secrétariat greffe du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 757 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE lorsque l'instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005, soit le 1er juillet 2006, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ;
Que la cour d'appel a elle-même constaté que « les consorts Y...
Z... ont engagé leur action par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006 » ; qu'il s'en évinçait que certaines assignations avaient été délivrées le 20 juillet 2006, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;
Qu'en décidant cependant que « la loi applicable ¿ est celle antérieure au 1er juillet 2006 », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 20 et 21 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté la possession d'état de Marie-France Nicole X... épouse Y... et de Mme Guylène Sabine X... épouse Z... d'enfants naturels issus de Madame Louis Andréa A... veuve X... et de Monsieur Bienvenu Achille C..., d'AVOIR dit que la filiation la plus vraisemblable dans le conflit de filiation est celle de Monsieur Bienvenu Achille C... à l'égard de ces dernières et d'AVOIR ordonné la transcription du jugement en marge des actes d'état civil,
AUX MOTIFS QUE « Conformément aux articles 311-12 et 334-9 du code civil, en présence d'un conflit entre une possession d'état d'enfant naturel et un titre d'enfant légitime, les juges doivent rechercher quelle est la paternité la plus vraisemblable sans exiger de l'enfant la preuve de la non-paternité du mari de la mère. ¿ sur la possession d'état : Par application des dispositions des articles 311-1 et 311-2 du code civil, la réunion de tous les éléments énumérés par l'article 311-2 n'est pas nécessaire pour que la possession d'état puisse être considérée comme établie ; il suffit, comme le prévoit l'article 311-1, qu'il y ait une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté. Les principaux de ces faits sont que l'individu a toujours porté le nom de ceux dont on ledit issu ; que ceux-ci ont traité comme leur enfant et qu'il les a traités comme ses père et mère ; qu'ils ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien et à son établissement ; qu'il est reconnu pour tel, dans la société et par la famille ; que l'autorité publique le considère comme tel. Il n'est pas nécessaire que chacun des faits énoncés, pris isolément, ait existé pendant toute la période considérée. Aux termes des pièces et attestations régulièrement établies, produites par les parties, Mme Louis Andréa A..., mère de ces dernières et demeurant alors à Gosier, a engagé le 29 mars 1957 une action en séparation de corps contre son mari M. Christophe X... avec lequel elle était mariée depuis le 25 octobre 1947 qui s'est traduite par un jugement avant-dire droit le 25 avril 1957 l'autorisant à rapporter en la forme des enquêtes ordinaires la preuve des faits qu'elle alléguait au soutien de son action. La preuve de la poursuite de cette action et de l'existence d'un jugement prononçant la séparation de corps n'est pas démontrée. Mais, l'existence d'une séparation effective du couple pendant la durée du mariage est affirmée notamment par les autres enfants Sébastien nés pendant cette union. Par ailleurs, M. Christophe Armand X... est décédé le 29 décembre 1980 aux Abymes, l'acte de décès portant mention de sa qualité d'époux de Louis Andréa A.... Mme Marie-France Nicole X... épouse Y... et Mme Ghislaine Sabine X... épouse Z..., nées respectivement le 7 avril 1966 et le 5 décembre 1964, antérieurement au décès de M. Christophe X..., ont été déclarées nées du chef de ces derniers et disposent par conséquent du titre d'enfant légitime. Par ailleurs, Mme A... veuve X..., leur mère, atteste avoir eu des relations intimes avec M. C..., pendant la période de conception préalable à la naissance de ces dernières, les dernières-nées du couple d'ailleurs, cette déclaration étant corroborée par celles de Mme Marcelline A..., sa soeur, mais aussi de Mme E..., sa nièce, témoignant avoir assisté à la relation amoureuse de Mme A... et de M. C.... L'absence d'une vie commune entre ces derniers n'est pas contestée par les consorts Y...
Z..., ce qui n'est pas contradictoire avec les attestations stéréotypées produites par les consorts C... évoquant l'absence de femme dans sa vie. Mme A... veuve X... explique d'ailleurs n'avoir pu, de son côté, héberger M. C... en raison de l'exiguïté de son propre domicile et de ses nombreux enfants. Il n'est pas contesté non plus qu'elle a quitté la Guadeloupe pour travailler en métropole avec sa fille aînée. A cet égard, d'autres témoignages, notamment ceux des frères et soeurs Sébastien des appelantes, attestent alors de la remise périodique de sommes d'argent en numéraire par M. C... à l'intention de ces dernières, alors élevées par leur grand-mère. Mme E... atteste également du soutien financier accordé par M. C... à Mme A... veuve X... et de l'affection qu'il portait à ses filles qui l'appelaient " papa ", M. Norbert F... précisant l'avoir entendu les considérer comme ses filles issues de Mme Andréa A.... Des visites chez M. C..., en tout cas de Mme Y..., sont corroborées par Mme Marina Louise Iréna C... veuve B..., soeur de M. C..., qui fait état de la présence de Mme Y..., reçue chez lui, alors qu'il fréquentait " la congrégation des témoins de Jéhovah ", mais aussi par Mmes G... et H... ou de M. I... qui attestent y avoir alors rencontré Mme Eléna C.... S'agissant de la fin de vie de ce dernier, il résulte des pièces produites que, en effet, les personnes de référence et visiteuses sur le lieu d'hospitalisation, appartiennent aux consorts C.... Cependant, les mauvaises relations entre les consorts Y...
Z... et les consorts C..., qui ressortent de la description de la veillée mortuaire à laquelle les parties ont participé, peuvent expliquer l'ignorance des appelantes de l'état réel ou de l'hospitalisation de M. C... et l'absence de visite de leur part. En tout état de cause, il est établi que les funérailles de M. C... ont été réglées par les consorts Y...
Z.... Ainsi, aux termes de ces éléments, d'une part, la possession d'état d'enfants naturelles de Mme Marie-France Nicole X... épouse Y... et Mme Guylène Sabine X... épouse Z... issues de Mme Louis Andréa A... veuve X... et de M. Achille Bienvenu C... est établie. D'autre part, la filiation la plus vraisemblable de celles-ci est celle à l'égard de ce dernier. Enfin, M. Christophe Armand X... n'est pas le père de Mme Marie-France Nicole X... épouse Y... et de Mme Guylène Sabine X... épouse Z.... Il sera ajouté de ce chef à décision déférée » (arrêt, p. 4 et 5),
1°) ALORS QUE nul ne peut réclamer un état contraire à celui que lui donnent son titre de naissance et la possession conforme à ce titre ; Que, dans leurs écritures d'appel, les consorts C... faisaient valoir que Mesdames Marie-France et Guylène X... ne pouvaient pas contester leur filiation en l'état de leur titre d'enfant légitime de Monsieur X... et de leur possession d'état conforme à leur titre d'enfant légitime ; Qu'en décidant cependant de retenir l'existence d'une possession d'état d'enfant naturel au profit de Mesdames Marie-France et Guylène X..., sans s'expliquer préalablement sur cette fin de non-recevoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 322 du code civil ;
2°) ALORS QUE la possession d'état, qui doit être continue, paisible, publique et non équivoque, s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir ;
Qu'en ne recherchant pas si la possession d'état dont se prévalaient Mesdames X... était continue, paisible, publique et non équivoque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions d'ordre public des articles 311-1 et 311-2 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 ;

3°) ALORS QUE la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir et les principaux de ces faits sont que l'individu a toujours porté le nom de ceux dont on le dit issu, que ceux-ci l'ont traité comme leur enfant, et qu'il les a traités comme ses père et mère, qu'ils ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien et à son établissement, qu'il est reconnu pour tel, dans la société et par la famille et que l'autorité publique le considère comme tel ;
Que Mesdames Marie-France X... épouse Y... et Guylène X... épouse Z... ont intenté une action en reconnaissance de leur possession d'état d'enfant naturel de Monsieur Bienvenu Achille C... postérieurement au décès de ce dernier, malgré un titre d'enfant légitime de Monsieur Christophe X... ; que la cour d'appel a elle-même constaté que Mesdames Marie-France et Guylène X... ont un titre d'enfants légitimes de Monsieur Christophe X... ; qu'elles ont été élevées par leur grand-mère, n'ont jamais vécu avec Monsieur C... en raison de l'exiguïté de son logement et ne lui ont pas rendu de visites alors qu'il était en fin de vie ;
Qu'en décidant cependant que Mesdames Marie-France et Guylène X... établiraient une possession d'état d'enfants naturels de Monsieur Bienvenu Achille C..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 311-1 et 311-2 du code civil ;
4°) ALORS QUE la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir et les principaux de ces faits sont que l'individu a toujours porté le nom de ceux dont on le dit issu, que ceux-ci l'ont traité comme leur enfant, et qu'il les a traités comme ses père et mère, qu'ils ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien et à son établissement, qu'il est reconnu pour tel, dans la société et par la famille et que l'autorité publique le considère comme tel ;
Que les exposants faisaient valoir dans leurs conclusions d'appel que Mesdames Marie-France et Guylène X... ont attendu respectivement 22 ans et 24 ans après leur majorité ainsi que le décès de Monsieur Bienvenu Achille C... pour invoquer pour la première fois une possession d'état d'enfant naturel de ce dernier ; qu'ils faisaient encore valoir que Mesdames Marie-France et Guylène X... avaient vécu à partir de l'âge de 5 et 7 ans à 6 500 km de Monsieur Bienvenu Achille C..., ce dernier étant resté en Guadeloupe tandis qu'elles avaient rejoint leur mère en Métropole ;
Qu'en décidant cependant que Mesdames Marie-France et Guylène X... établiraient une possession d'état d'enfants naturels de Monsieur Bienvenu Achille C..., sans s'expliquer préalablement, ni sur la tardiveté de leur intervention, ni sur la grande distance séparant ces dernières de leur prétendu père naturel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-1 et 311-2 du code civil ;
5°) ALORS QUE pour pouvoir constituer une présomption légale relative à la filiation, la possession d'état doit être continue et exempte de vices ;
Que les exposants soulignaient que la possession d'état d'enfant naturel de Mesdames Marie-France et Guylène X... n'était ni continue, ni paisible, et qu'elle était surtout entachée d'équivoque ; qu'il ressortait ainsi de plusieurs attestations que Monsieur C... vivait seul depuis des années et que Mesdames Marie-France et Guylène X... n'étaient pas venues lui rendre visite durant sa fin de vie ; qu'il était constant qu'elles n'avaient jamais revendiquée leur possession d'état d'enfants naturels du vivant de Monsieur C... tandis qu'elles avaient un titre d'enfant légitime de Monsieur X... ;
Qu'en décidant cependant que Mesdames Marie-France et Guylène X... justifieraient d'une possession d'état d'enfant naturel de Monsieur C..., sans s'expliquer sur les vices affectant cette possession d'état, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-1 et 311-2 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-23411
Date de la décision : 18/11/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURE CIVILE - Instance - Introduction - Introduction de l'instance par assignation - Date - Détermination - Portée

FILIATION - Dispositions générales - Actions relatives à la filiation - Procédure - Instance - Introduction - Introduction de l'instance par assignation - Date - Détermination - Portée

Lorsqu'une demande est présentée par assignation, la date d'introduction de l'instance doit s'entendre de la date de cette assignation, à condition qu'elle soit remise au greffe. Une cour d'appel en déduit exactement que la loi ancienne, antérieure à l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, est applicable à une action relative à la filiation, dès lors que l'instance a été introduite avant cette date, par assignations des 12, 13 et 18 avril, 4 et 30 mai et 20 juillet 2006, la circonstance qu'une assignation ait été signifiée postérieurement au 1er juillet 2006 étant sans incidence eu égard à l'indivisibilité du lien d'instance en matière de filiation


Références :

articles 20, III, et 21 de l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005

article 757 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre, 07 avril 2014

Sur la portée de la détermination de la date d'introduction de l'instance par assignation, à rapprocher : Avis de la Cour de cassation, 4 mai 2010, n° 10-00.002, Bull. 2010, Avis, n° 2 ;

1re Civ., 28 mai 2015, pourvoi n° 14-13544, Bull. 2015, I, n° ??? (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 nov. 2015, pourvoi n°14-23411, Bull. civ. 2016, n° 840, 1re Civ., n° 536
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2016, n° 840, 1re Civ., n° 536

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Bernard de La Gatinais (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Le Cotty
Avocat(s) : Me Carbonnier, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.23411
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