LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l'article L. 212-15-3 devenu L. 3121-45 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la Directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la Directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Attendu, d'abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;
Attendu, ensuite, qu'il résulte des articles susvisés des Directives de l'Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;
Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 30 septembre 1996 en qualité de notaire assistant par la société Y..., dont l'activité relève de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001 ; que, par avenant au contrat de travail du 3 octobre 2001, les parties ont conclu une convention individuelle de forfait portant sur 215 jours de travail annuel ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que pour débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, repos compensateurs, congés payés et travail dissimulé, l'arrêt retient que les éléments produits et les débats ne caractérisent nullement un dépassement, par le salarié, de son forfait-jours contractuel comme l'absence de contrôle de ses horaires, que la circonstance d'une absence d'entretien annuel n'implique pas une absence de contrôle de ceux-ci au regard de la proximité des bureaux de l'étude, que les attestations produites par l'intéressé ne démontrent que ses heures d'arrivée et de départ mais non la réalité de son emploi du temps en journée, que le fait que les temps de repos ne soient pas mentionnés par M. X... dans les documents produits n'implique pas qu'il travaillait constamment pendant toute la durée de l'amplitude invoquée dans ces attestations, et qu'il s'ensuit que les conditions d'application du forfait ne caractérisent pas une méconnaissance des règles conventionnelles dont l'objet est d'assurer la sécurité et la santé du salarié soumis au régime du forfait ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 8. 4. 2 de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001, qui se bornent à prévoir, en premier lieu, que l'amplitude de la journée d'activité ne doit pas dépasser 10 heures sauf surcharge exceptionnelle de travail, en second lieu que chaque trimestre, chaque salarié concerné effectue un bilan de son temps de travail qu'il communique à l'employeur et sur lequel il précise, le cas échéant, ses heures habituelles d'entrée et de sortie afin de pouvoir apprécier l'amplitude habituelle de ses journées de travail et de remédier aux éventuels excès, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont elle aurait dû déduire que la convention de forfait en jours était nulle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation intervenue sur les chefs relatifs aux heures supplémentaires et repos compensateurs emporte, par voie de conséquence, celle des chefs fixant à 7566 euros le salaire mensuel moyen et limitant les montants des sommes allouées au titre tant des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés que de l'indemnité de licenciement ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires, repos compensateurs et congés payés afférents et au titre du travail dissimulé, fixe à 7 566 euros le salaire mensuel moyen, limite aux sommes de 22 698 euros et 2 269, 80 euros le montant des indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis, et condamne la société Y... au paiement d'un solde de l'indemnité de licenciement au seul titre de l'incidence dans l'assiette de calcul du rappel de salaire alloué par les premiers juges, l'arrêt rendu le 15 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Y... et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, congés payés y afférents, repos compensateurs et de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
Aux motifs que « si Monsieur X... réfute point par point l'analyse détaillée de ses fiches effectuées par la SCP Y... et le nombre de ses rendez-vous extérieurs, les éléments produits et les débats ne caractérisent nullement un dépassement de son forfait-jours contractuel comme l'absence de contrôle de ses horaires ;
La circonstance d'une absence d'entretien annuel n'implique pas une absence de contrôle de ceux-ci au regard de la proximité des bureaux de l'étude ;
Les attestations produites par Monsieur X... ne démontrent que ses heures d'arrivée et de départ mais non la réalité de son emploi du temps en journée ;
Le fait que les temps de repos ne soient pas mentionnés par Monsieur X... dans les documents produits n'impliquent pas qu'il travaillait constamment pendant toute la durée de l'amplitude invoquée dans ces attestations ;
Il s'ensuit que les conditions d'application du forfait avancées par Monsieur X... ne caractérisent pas une méconnaissance des règles conventionnelles dont l'objet est d'assurer la sécurité et la santé du salarié soumis au régime du forfait ;
Son forfait-jours annuel produit plein effet ;
Au regard du niveau de rémunération de Monsieur X..., le respect des minima conventionnels a été assuré ;
Monsieur X... a bénéficié de jours de RTT au titre de son forfait contractuel par ailleurs ;
Les demandes en paiement au titre d'heures supplémentaires de repos compensateurs et jours de travail dissimulé ne sont pas fondées et doivent être rejetées, l'appel à ce titre ne pouvant prospérer » ;
Alors qu'en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, l'employeur doit organiser un entretien individuel avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année, dans le but de garantir une amplitude et une charge de travail raisonnables et d'assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et de garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié ; qu'il doit également respecter de manière effective les prescriptions de l'accord collectif destinées à assurer la santé et la sécurité des salariés, à défaut de quoi, la convention individuelle de forfait est privée d'effet et le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires ; qu'en l'espèce, en s'abstenant de rechercher, ainsi que l'y invitait pourtant le salarié, si l'employeur, notamment en organisant un entretien individuel annuel, a respecté le dispositif mis en place par la convention collective pour assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis à une convention de forfait en jours, et prévoyant que celui-ci doit noter les jours de travail effectués et d'en faire le bilan trimestriel, indiquer les jours non travaillés, l'amplitude des journées de travail, les jours de RTT pris et le cumul des jours de travail effectués depuis le début de l'année, la Cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que ne sont pas établis le dépassement de son forfait en jours, ni l'absence de contrôle des horaires de l'intéressé, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 3121-39, L. 3121-43 et L. 3121-46 du code du travail.